Le théorème fondamental de l’arithmétique L’objectif de cette note est de démontrer quelques propriétés des entiers naturels en utilisant des raisonnements par récurrence et par l’absurde. Commençons par prouver l’existence de la décomposition en produit de facteurs premiers. Théorème 1. Tout nombre entier n > 1 est soit premier soit un produit de nombres premiers. Par récurrence complète. Comme 2 est premier la récurrence démarre bien. Supposons le théorème vrai pour tout entier naturel ≤ m et considérons le nombre m + 1 (hypothèse de récurrence). Si m + 1 est premier alors le théorème est de nouveau vraie. Sinon m + 1 est composé et donc m + 1 = a · b, où a et b sont compris entre 2 et m. Pour conclure, appliquons l’hypothèse de récurrence sur a et b. Théorème 2. Il existe une infinité de nombres premiers. Par l’absurde. Supposons le contraire. Posons E = {2, 3, 5, 7, . . . , pn } l’ensemble de tous les nombres premiers. L’astuce d’Euclide consiste à considérer le nombre m := 2 · 3 · 5 · . . . · pn + 1. Ce nombre ne peut être divisible par aucun des nombres premiers de E (car il y a toujours un reste de 1). Par le théorème précédent m est soit premier, soit divisible par un nombre premier qui n’est pas dans E. Ce qui est impossible dans les deux cas puisque E était censé contenir tous les nombres premiers de N. La clé de la preuve ci-dessous est la division euclidienne de deux entiers : étant donnés deux entiers, par exemple a = 7 et b = 95, il existe deux entiers q (le quotient) et r (le reste) qui permet d’écrire 95 sous la forme d’un multiple de 7 + un certain reste compris entre 0 et 6. En l’occurrence 95 = 13 · 7 + 4 et donc q = 13 et r = 4. Plus généralement, si a et b ∈ N avec a 6= 0 alors il existe q et r tels que b = qa + r avec 0 ≤ r < a. Théorème 3 (fondamental de l’arithmétique). Tout entier naturel n > 1 de décompose de manière unique en un produit de facteurs premiers, à l’ordre près. Par descente infinie = absurde + récurrence. Supposons le théorème faux. Il existe donc un plus petit entier naturel n qui admet au moins deux décompositions. Parmi toutes les décompositions de n, considérons celle contenant le plus petit facteur premier de n dénoté par p1 . On a alors n = p1 p2 . . . pk = m1 m2 . . . ml deux décompositions distinctes (en facteurs premiers). Par minimalité de n aucun des pi égale un mj . La division euclidienne de m1 par p1 donne (1) m1 = q · p1 + r avec 0 ≤ r < p1 . Comme m1 est premier alors r 6= 0. Si l’on multiplie les deux membres de l’égalité (1) par m2 · m3 . . . ml l’on obtient p1 . . . pk = qp1 (m2 . . . ml ) + (m2 . . . ml )r. Vu que le membre de gauche est divisible par p1 et qu’il en est de même du 1e terme de droite alors il s’ensuit de même concernant le 2e terme. Or, ce dernier est strictement plus petit que n et donc admet une décomposition unique en produit de facteurs premiers. Absurde, puisque p1 diviserait alors r qui est < p1 . 1 2 Le petit théorème de Fermat Dans cette partie nous énoncerons et démontrerons un théorème célèbre du XVIIe siècle dénommé le petit théorème de Fermat. Il fut formulé par ce dernier dans une lettre du 18 octobre 1640, adressée à Frenicle de Bessy et sera démontré qu’en 1736 par L. Euler dans Theorematum Quorundam ad Numeros Primos Spectantium Demonstratio 1, en utilisant les propriétés des coefficients binomiaux. Ex. 1. a) Montrer que pour tout n ∈ N, n3 − n est divisible par 6. b) Montrer que pour tout n ∈ N, n5 − n est divisible par 10. c) Montrer que pour tout n ∈ N, n7 − n est divisible par 14. d) L’affirmation n9 − n est un multiple de 18 est-elle vraie ou fausse ? e) Sur la base des exemples ci-dessus, voire d’autres, élaborer une conjecture. La clef qui permet de comprendre les observations précédentes est le résultat suivant : Théorème (petit théorème de Fermat). Si p est premier alors p | np − n Démonstration. Nous allons suivre une démonstration de L. Euler (E54), démonstration par récurrence sur n. Si n = 1 alors c’est évident, car tout entier non nul divise 0. Si n = 2 écrivons p p p p p p p p 2 −2 = (1+1) −2 = 1+ + +. . .+ +1−2 = + +. . .+ 1 2 p−1 1 2 p−1 est un multiple de p, puisque le Chaque coefficient binomial kp = p(p−1)...(p−k+1) 1·2·3...(k−1)k dénominateur de l’expression précédente n’admet que des facteurs premiers< p. Si n = 3 écrivons p p−1 p p−2 p p p p 3 − 3 = (2 + 1) − 3 = 2 + 2 + 2 + ... + 2+1−3 1 2 p−1 p p−1 p p−2 p p = (2 − 2) + 2 + 2 + ... + 2 1 2 p−1 Par le calcul précédent le terme (2p − 2) est divisible par p, de même que les coefficients binomiaux. Alors le théorème est vrai pour n = 3. Supposons que nous ayons démontré le théorème pour n = k et montrons que cela implique le cas n = k + 1. En effet, si l’hypothèse de récurrence est que p | k p − k alors p p−2 p p p−1 p p k ++ k ... + (k + 1) − (k + 1) = k + k + 1 − (k + 1) 1 2 p−1 p p−1 p p−2 p p = (k − k) + k + k + ... + k 1 2 p−1 Comme précédemment, par hypothèse de récurrence, p divise le premier facteur ainsi que chaque coefficient binomial donc la somme aussi. Ex. 2. Montrer que le petit Fermat est équivalent à : si p est premier et (n, p) = 1 alors p | np−1 − 1. 1. La première preuve, non publiée, est en fait de G. Leibniz et date de 1668.