Neurogénèse et migration Images tirées de « Fundamental Neuroscience », ©Academic Press, 1999 Traduction et présentation, © Claude Messier, 1999 Introduction • Un des aspects les plus remarquables du système nerveux en développement est la migration des cellules nerveuses primitives (ou neuroblastes). Ces mouvements sont orchestrés de façon à promouvoir la différentiation d’un nombre étonnant de phénotypes et placer les jeunes neurones dans la structure biologique la plus complexe connue, le cerveau des vertébrés. • Chez l’humain, plus de cent milliards de cellules utilisent ces mécanismes de migration pour trouver leur place dans un réseau nerveux qui comprend plus de 1014 synapses. • (100,000,000,000,000 de synapses) Suivre à la trace les neurones en migration • Plusieurs techniques ont été utilisées pour découvrir où les neurones primitifs issus des différentes régions du tube neural terminaient leur migration. • Les animaux chimériques. • L’incorporation de marqueurs radio-actifs dans l ’ADN des neurones primitifs. • L’incorporation de colorants fluorescents dans les neurones primitifs. • L’incorporation de gènes rapporteur insérés à l ’aide de rétrovirus dans les neurones primitifs. Les animaux chimériques • La première de ces techniques a été inventée par Nicole LeDouarin qui a créé des animaux chimériques (caille-poulet) en greffant une partie du tube neural d’une caille à un embryon de poulet. • Cette technique a été utilisée pour démontrer comment les neurones primitifs issus de différents niveaux axiaux suivaient des routes migratoires différentes et engendraient des progénitures différentes. Expériences de Nicole Le Douarin Marquage radio-actif des neurones primitifs • Dans une autre technique, des cellules primitives sont retirées d’un embryon puis incubées dans une solution de [3H]thymidine qui s’incorpore dans le noyau cellulaire pendant la synthèse de l’ADN. • Les cellules transplantées dans un nouvel embryon peuvent être retracées par la radio-activité qu’elles émettent. Marquage radio-actif des neurones primitifs/2 • Comme la [3H]thymidine est incorporée à l’ADN des cellules-filles, ces dernières deviennent aussi radio-actives (et détectables). • Bien que la [3H]thymidine reste prisonnière à l’intérieur de la cellule, les divisions répétées des cellules marquées viennent à diluer le marqueur suffisamment pour que l’on ne puisse plus le distinguer Coloration des neurones primitifs • Une autre technique consiste en l’injection d’un colorant fluorescent lypophilique (DiI) qui reste prisonnier à l’intérieur des cellules primitives et dont une partie est transmise aux cellules-filles lors de la division cellulaire. • Cependant à mesure des divisions cellulaires, le colorant est progressivement dilué et n ’est plus visible. Une autre expérience de N. LeDouarin Dans un premier temps, on enlève chez un embryon de poulet la moitié du tube neural dans la région du mésencéphale. région enlevée région intacte Dans un deuxième temps, on injecte un colorant DiO (vert) dans la région mésencéphalique résiduelle et un colorant DiI (rouge-orange) dans la région du tronc cérébral. mésencéphale tronc cérébral Finalement, 36 heures plus tard, on peut voir que les cellules primitives du tube neural mésencéphalique ont migrées pour former la crête neurale du mésencéphale. mésencéphale Finalement, 36 heures plus tard, on peut aussi voir que les cellules primitives du tube neural de la région du tronc cérébral ont migrées dans le second arc bronchial. second arc branchial Migration des cellules du télencéphale • La migration des neurones primitifs de la crête neurale débute dès que les replis neuraux se sont fusionnés pour fermer le tube neural. • Les neurones primitifs de la crête neurale antérieure (du télencéphale) migrent ventralement en passant entre le diencéphale et l’oeil embryonnaire. • Ceux du mésencéphale prennent une route ventrolatérale • Ceux du tronc cérébral se divisent en trois voies qui se dirigent ventromédialement vers les arcs bronchiaux. Dans la région du tronc, les cellules de la crête neurale vont former les structures du système nerveux périphérique incluant les chaînons des ganglions sympathiques les ganglions de la racine dorsale Dans la région du tronc, les cellules de la crête neurale vont migrer ventralement (flèche jaune) dans la région rostrale du dermatome du somite mais évitent la région caudale. Ils formeront les neurones de la racine dorsale et des ganglions sympathiques ainsi que les cellules de Schwann et les cellules chromaffines des surrénales ectoderme dermatome sclérotome tube neural aorte R C R C R=rostral C=caudal Dans la région du tronc, les cellules de la crête neurale vont aussi migrer dorsalement (flèches roses) entre l ’épiderme (ectoderme) et le sclérotome pour éventuellement former les mélanocytes. ectoderme dermatome sclérotome tube neural aorte R C R C R=rostral C=caudal Une combinaison d’indices permissifs et d’indices répulsifs guide la migration des cellules de la crête neurale • Les cellules de la crête neurale utilisent mode de locomotion de type « fibroblaste » ressemblant à celui des cellules métazoaires. • La motilité des cellules de la crête neurale est facilitée par les intégrines, une classe de récepteurs adhésifs situés sur la surface des cellules et se fixant à des composantes de la matrice extracellulaire. Motilité cellulaire Les cellules de la crête neurale se déplace dans des régions ne contenant pas d’autres cellules • La fibronectine et la laminine sont les deux substrats de la matrice extracellulaire auxquels s ’attachent les cellules en migration. • Comme les cellules transplantées d’une région du tube neural à l’autre se déplacent également bien, la matrice extracellulaire est un substrat permissif plutôt qu ’instructif pour la migration. • Il semble que les cellules en migration de la crête neurale se déplacent de façon aléatoire. Les cellules en migration sont gardées dans « le droit chemin » par des signaux inhibiteurs en provenance des tissus avoisinants. • Ces signaux inhibiteurs forment des corridors qu ’empruntent les cellules migratrices. • Une fois que les cellules postmigratrices sont rendues à destination, ils se mettent à exprimer des molécules des superfamilles des immunoglobulines G et des cadhérines. Ces signaux facilitent l ’agrégation des cellules en ganglions où ils se différencient en cellules gliales et en neurones. Sommaire • Les cellules de la crête neurale migrent sur de longues distances dans le corps pour former différent types de cellules incluant les neurones, les cellules gliales, les mélanocytes et les cellules des surrénales. • Les voies migratrices des cellules de la crête neurale varient le long de l ’axe antérieur-postérieur et l ’environnement local dans lequel les cellules migrent joue un rôle important dans la détermination des types de neurones. • La migration est guidée à la fois par des indices positifs (attractifs ou permissifs) et des indices inhibiteurs (répulsifs) qui se retrouvent dans la matrice extracellulaire. Développement du système nerveux central • Comme pour le système nerveux périphérique, les neurones du système nerveux central sont générés à des endroits très éloignés de leur position finale. • Contrairement à la population de la crête neurale, le développement du système nerveux central s’édifie à partir d’une organisation en colonnes. • Cette organisation en colonnes favorise la migration radiale des cellules. Les mouvements des cellules nerveuses primitives à partir des zones germinales du SNC amènent la formation de 3 classes générales de structures: • 1- Les structures en couches qui ont des patrons de migration radiaux comme le cortex, l’hippocampe et le cervelet. • 2- Les structures en couches qui ont des patrons de migration mixtes, radial et tangentiel comme la rétine et la moëlle épinière. • 3- Les structures qui ne se développent pas en couches tels le tronc cérébral, le mésencéphale et le diencéphale. Ramón y Cajal La zone ventriculaire forme un neuroépithélium organisé en colonne et pseudostratifié Sidman et Rakic Certaines cellules à la surface des ventricules apparaissent sphériques et se préparent à se diviser D ’autres cellules arrondies à la surface externe sont de jeunes neurones en train de se différencier À l’intérieur de la zone ventriculaire, les premières cellules qui se différencient sont les cellules gliales radiales • Ces cellules projettent de longs appendices perpendiculairement à la surface ventriculaire en direction de la surface cérébrale. • Ces appendices continuent de se prolonger à mesure que le tissu cortical s’épaissit. • Ces appendices sont la base de l’arrangement en colonne du tissu nerveux car ils déterminent des voies migratoires pour les jeunes neurones. Les zones embryonnaires initiales sont les futurs neurones et cellules gliales du cortex cérébral. La zone ventriculaire contient ces cellules primitives. zone ventriculaire 8.5 semaines Les premiers neurones à être générer colonisent la pré-plaque; leurs axones, ainsi que les axones issus du thalamus colonisent la zone intermédiaire pré-plaque zone intermédiaire zone ventriculaire 10 semaines Les neurones des zone marginale futures couches II-VI qui sont générés ensuite colonisent la plaque corticale qui plaque corticale divise la pré-plaque en deux parties: la sous-plaque zone marginale (la future couche I) et la zone intermédiaire sous-plaque un groupe de neurones en transition zone ventriculaire 12 semaines À la fin de la migration neuronale et la différenciation, six couches corticales sont établies audessus de la matière blanche et la sous-plaque a pratiquement disparue. I II III IV V VI matière blanche Quand des cellules de la couche granulaire du cervelet d’une souris sont transplantées dans le cervelet d’un autre embryon de souris, elles se différencient uniquement en cellules granulaires. Couche granulaire externe Couche moléculaire Couche des cellules de Purkinje Couche granulaire interne Les cellules transplantées sont marquées d ’un colorant fluorescent. Deux jours après la transplantation, les cellules marquées déploient des fibres parallèles Couche granulaire externe Couche moléculaire Couche des cellules de Purkinje Couche granulaire interne Trois ou quatre jours après la transplantation, les cellules débutent leur migration à travers la couche moléculaire Couche granulaire externe Couche moléculaire Couche des cellules de Purkinje Couche granulaire interne Six jours après la transplantation, les cellules atteignent la couche granulaire interne où ils prennent la forme typique des neurones granulaire à maturité Couche granulaire externe Couche moléculaire Couche des cellules de Purkinje Couche granulaire interne Neurones marquées ayant terminé leur migration vers la couche granulaire interne et leur différentiation C. gran. ext. Couche mol. C. gran. int. Étapes migratoires prolifération migration transition Différentiation terminale couche externe du cerveau Neurones en migration neurone en migration zone migratoire fibre gliale couche interne du cerveau Résumé des étapes de la migration des cellules de la couche granulaire externe vers la couche interne où ils terminent leur différenciation. 1 2 3 fibre de la cellule de Bergman 4 5 6 Cellule de Purkinje Cellule gliale de Bergmann 7 dessin de C.A. Mason 1:Les cellules primitives se divisent, générant des neurones post-mitotique. 1 2 3 fibre de la cellule de Bergman 4 5 6 Cellule de Purkinje Cellule gliale de Bergmann 7 2: Les neurones déploient deux longs axones appelées fibres parallèles qui sont ... parallèles à la surface du cervelet. 1 2 3 fibre de la cellule de Bergman 4 5 6 Cellule de Purkinje Cellule gliale de Bergmann 7 3: Le neurone granulaire en forme de T s ’attache à une fibre de la cellule gliale de Bergman et se déplace le long de celle-ci. 1 2 3 fibre de la cellule de Bergman 4 5 6 Cellule de Purkinje Cellule gliale de Bergmann 7 4-5: La migration continue et les fibres parallèles prennent de l ’expansion. 1 2 3 fibre de la cellule de Bergman 4 5 6 Cellule de Purkinje Cellule gliale de Bergmann 7 6: Quand le neurone atteint la couche granulaire interne, celui-ci se détache de la « route » gliale 7: Le neurone complète sa différentiation en déployant de courts dendrites et formant des contacts synaptiques 1 2 3 fibre de la cellule de Bergman 4 5 6 Cellule de Purkinje Cellule gliale de Bergmann 7 Chez les vertébrés, des matrices germinales secondaires se forment dans la zone sous-ventriculaire. • Durant la neurogénèse primaire et la migration, les principaux neurones de projection du télencéphale, du mésencéphale et du cortex cérébelleux sont sont générés et assemblés en couches. • Durant les phase subséquentes de la neurogénèse, des zones germinales secondaires se forment dans la zone sousventriculaire qui est située immédiatement audessus des ventricules Ces matrices germinales secondaires semblent avoir apparues chez les mammifères les plus évolués afin de générer des abondantes populations neuronales tard dans le développement du SNC. • Chez la souris, la neurogénèse secondaire se continue durant la deuxième semaine après la naissance. • Chez l’humain, la neurogénèse secondaire se poursuit jusqu’à deux ans. Les neurones produit durant cette période sont surtout des petits interneurones comme les cellules granulaires du cervelet et de l’hippocampe Des nouvelles cellules peuvent être détectées dans le cerveau humain adulte a: La région hioppocampique d ’un cerveau humain adulte colorée à l’aide d’une réaction immunohistochimique mettant en évidence le marqueur neuronal NeuN. b: La couche de cellule granulaire (GCL) du gyrus dentelé de l’hippocampe colorée à l’aide d’une réaction immunohistochimique mettant en évidence le marqueur neuronal NeuN. Neurogenesis in the adult human hippocampus, Peter S. Eriksson1, 4, Ekaterina Perfilieva1, Thomas Björk-Eriksson2, Ann-Marie Alborn1, Claes Nordborg3, Daniel A. Peterson4 & Fred H. Gage4 Nature Medecine, November 1998 Volume 4 Number 11 pp 1313 - 1317 Des nouvelles cellules peuvent être détectées dans le cerveau humain adulte qui ont été traité avec le BrDu c et d, Noyaux cellulaires marqués avec le BrdU dans le gyrus dentelé. Ces noyaux qui se retrouvent dans la couche cellulaire granulaire ont les caractéristiques des cellules granulaires matures. Des nouvelles cellules peuvent être détectées dans le cerveau humain adulte qui ont été traité avec le BrDu e et f, Noyaux cellulaires marqués avec le BrdU dans la zone sousventriculaire du noyau caudé humain. Ces noyaux ont une forme allongée caractéristique des cellules en migration dans la même structure chez le rat. Neurogenesis in the adult human hippocampus, Peter S. Eriksson, Ekaterina Perfilieva, Thomas Björk-Eriksson, Ann-Marie Alborn, Claes Nordborg, Daniel A. Peterson & Fred H. Gage Nature Medecine, November 1998 Volume 4 Number 11 pp 1313 - 1317 Neurones hippocampiques migrant in vitro le long de prolongements de cellules astrogliales provenant du cervelet photo Dr. M.E. Hatten Les neurones sont capables de migrer le long d’une variété de fibres gliales radiales même ceux provenant de d’autres régions du cerveau. photo Dr. M.E. Hatten Les neurones exprimant l ’hormone de libération de la Gonadotropine (GnRH) migrent de la cavité olfactive vers le cerveau • Ces neurones qui se retrouvent dans l ’hypothalamus produisent la GnRH, une hormone clé pour la maturation des organes reproducteurs. • Les neurones primitifs pour les neurone GnRH se retrouve dans la placode qui donnera la muqueuse olfactive dans les cavités nasales. • Chez la souris, environ 800 de ces neurones migrent de 1 à 3 mm à travers le septum nasal et entrent dans le cerveau en suivant les axones des neurones olfactifs déjà en place. Migration des neurones GnRH bulbe olfactif télencéphale mésencéphale GnRH 4 3 neurones olfactifs langue nez moelle épinière neurones récepteurs des phéromone Dans le syndrome de Kallman, une rare anomalie génétique, les axones des neurones olfactifs et des phéromones migrent jusqu ’à la plaque criblée mais s ’arrêtent sans entrer le cerveau. • Le syndrome de Kallman s ’exprime par l ’anosmie et l ’infertilité (hypogonadisme et stérilité). L ’infertilité est due à l ’absence de sécrétion de GnRH puisque les neurones primitifs GnRH ne migrent pas dans l ’hypothalamus. Vecteurs viraux et thérapie génique • Les virus causent un grand nombre de maladies animales et il est ironique que ces agents infectieux contenant uniquement des acides nucléiques (ADN ou ARN) sont maintenant employés comme des systèmes thérapeutiques de livraison de gènes. Vecteurs viraux et thérapie génique • La thérapie génique peut s ’effectuer de deux façons: • La première est appelée thérapie génique ex vivo dans laquelle des cellules sont retirées de l ’individu à traiter, puis sont amenées à se multiplier en culture. Les cellules sont ensuite modifiées à l ’aide d ’un vecteur viral et finalement réinjectées dans l ’individu Vecteurs viraux et thérapie génique • La deuxième est appelée thérapie génique in vivo dans laquelle les vecteurs viraux sont injectés dans des régions spécifiques du cerveau, entrent dans les neurones et ensuite les détruisent ou les modifient sélectivement. • Un grand nombre de virus ont été utilisés en neuroscience, chacun ayant ses avantages et désavantages. Vecteurs viraux et thérapie génique • Un type de virus, les rétrovirus, contiennent un génome d ’ARN qui, après l ’entrée du virus dans la cellule, doit être converti en ADN complémentaire. • Ce processus ne peut prendre place que s ’il y a suffisamment de précurseurs d ’ADN; ceux-ci ne sont présent en quantité appréciable que dans les cellules se divisant activement. Vecteurs viraux et thérapie génique • Les rétrovirus ont été utilisés dans des recherches portant sur le développement du cerveau. Dans ces recherches, un gène codant l ’enzyme ßgalatosidase (tiré de E. Coli) est transféré dans les cellules en développement à l ’aide de rétrovirus. Vecteurs viraux et thérapie génique • Dans cette image, on peut voir grâce à cette technique que les neurones embryonnaires dans la moelle épinière de poulet migrent radialement de la zone ventriculaire. Puis certains neurones prennent une direction orthogonale (à 90 degrés). Voies migratrices des neurones de la région postérieure du thalamus humain C=noyau caudé 3V=troisième ventricule GE=ganglion de l ’éminence C=noyau caudé IC= capsule interne GP=globus pallidus CM=noyau centromédian LV=ventricule latéral H=hippocampe GE=ganglion de l ’éminence