Onco-urologie : actualités, évaluation, mise en situation Les 25èmes Rencontres Médicales SCOR Global Life ont eu lieu le jeudi 8 décembre 2011 à Paris. Les Rencontres Médicales sont, pour SCOR Global Life, l’occasion de partager, avec ses clients, ses réflexions sur les avancées médicales et leur impact sur le métier d’assureur vie. Au programme : les cancers du rein et de la vessie aujourd’hui, le cancer de la prostate et ses avancées diagnostiques et thérapeutiques. Pour nous en parler : deux experts, le Professeur Stéphane Oudard, chef du service de cancérologie médicale et spécialiste des tumeurs urologiques à l’Hôpital Européen Georges Pompidou à Paris et le Professeur Hervé Lang, urologue dans le service de chirurgie urologique du Centre Hospitalier Universitaire de Strasbourg. L’incidence des cancers de prostate est en constante augmentation. Quels sont les facteurs en cause ? Professeur Stéphane Oudard, Chef de Service de cancérologie médicale et spécialiste des tumeurs urologiques à l’Hôpital Européen Georges Pompidou à Paris Professeur Hervé Lang, Urologue dans le service de chirurgie urologique du Centre Hospitalier Universitaire de Strasbourg (1) Prostate Specific Antigen. (2) 40 000 cas par an en 2000, 76 500 en 2006. (3) Addition des grades histologiques des deux composantes tumorales les plus représentées (le score est représenté par un chiffre de 2 à 10). (4) La résection transurétrale de vessie permet le diagnostic et le traitement des tumeurs superficielles. Un certain nombre de facteurs contribuent à l’augmentation de l’incidence du cancer de prostate : le vieillissement de la population, l’obésité croissante, la nutrition (alimentation riche en graisses), le développement du dosage du PSA(1). Mais le problème n’est pas tant l’incidence de ces cancers, en augmentation(2), que les patients à risque d’évolution métastatique. Si l’on prend cent patients qui développent un cancer de la prostate, entre quinze et vingt décèderont de leur maladie prostatique. L’objectif est d’essayer de découvrir les patients qui présentent des formes agressives de tumeur afin d’initier au plus tôt un traitement adapté. Est-il possible de chiffrer le pronostic individuel pour un patient atteint de cancer de prostate métastatique ? Quel pourrait-être ce pronostic en 2020 ? Les éléments pronostiques individuels sont représentés par des facteurs d’agressivité tumorale. Ce sont ceux-ci qu’il faut rechercher. Pour les patients qui présentent un cancer de la prostate métastatique, ces facteurs sont basés sur le score de Gleason(3), la valeur du PSA, l’existence d’une composante neuro-endocrine, le type de métastases, le nombre de métastases osseuses, l’état général du patient. Ces éléments constituent des facteurs pronostiques d’évolution péjorative. En 2020, le pronostic des patients atteints de cancer de prostate métastatique sera bien meilleur du fait de l’arrivée de traitements nouveaux qui vont apporter des bénéfices en terme de survie (environ six molécules sont apparues en deux ans et une vingtaine sont en développement). La question est de savoir comment nous allons agencer l’ensemble de ces molécules les unes par rapport aux autres, si on va les proposer plus tôt, et surtout à quels patients. Le but étant de personnaliser le traitement de façon à choisir la bonne molécule pour le bon patient. Peut-on guérir d’un cancer du rein métastatique ? De plus en plus si on réalise un traitement combiné associant les antiangiogiéniques, la chirurgie (toujours à discuter), les traitements locaux, la radiothérapie, la radiofréquence. Actuellement, je suis une vingtaine de patients qui sont en rémission, ce qui représente une proportion de 3 à 5 % en guérison. Un pourcentage qui devrait très certainement augmenter avec l’arrivée des nouvelles molécules. Professeur Stéphane Oudard Etes-vous favorable au dépistage du cancer de prostate par le dosage du PSA ? Oui, je suis favorable au dépistage bien qu’il faille rester vigilant si l’on se réfère à deux études importantes qui ont été réalisées, l’une aux Etats-Unis, l’autre en Europe : l’étude américaine a montré qu’il n’y avait pas d’avantage à faire du dépistage (il existe cependant de nombreux biais à cette étude), l’essai européen qu’il y avait un bénéfice mais relativement modéré. Selon moi, il y a tout de même intérêt à continuer le dépistage, en laissant de côté la question du sur-diagnostic, qui est à distinguer de celle du sur-traitement. En effet, s’il existe un problème de sur-traitement actuellement, il n’y a probablement pas de sur-diagnostic. Il faut bien voir que c’est en faisant le diagnostic qu’on arrivera à influer sur l’amélioration du pronostic chez certains patients. Rien n’empêche ensuite de faire de la surveillance active. A partir de quand et pour qui peut-on parler de guérison dans le cas du cancer du rein ? Pour qui ? Probablement des patients qui ont bénéficié d’un traitement chirurgical pour une tumeur de bon pronostic déterminé sur les critères anatomopathologiques (type histologique, grade de différenciation nucléaire ou grade de Fuhrman, microangioinvasion). Ce sont en effet ces éléments d’ordre anatomo-pathologique qui permettent de déterminer l’agressivité ou non de la tumeur. Sont également à prendre en compte la taille tumorale, le stade TNM, les marges d’exérèse saine lors de la chirurgie. Tous ces éléments vont définir au final les patients qui sont de bon pronostic et qui sont a priori susceptibles d’être dans ce que l’on peut considérer comme de la guérison. A partir de quand ? Cela reste extrêmement difficile à dire et il faut tenir compte de l’existence de caps à passer (trois et cinq ans sont les caps importants). Si l’on considère une tumeur de très bon pronostic, il est clair que le risque de récidive est extrêmement limité après cinq ans. Sans pouvoir affirmer à 100 % la guérison, on peut dire que l’on s’en rapproche. Quelles sont les techniques innovantes à suivre dans le cadre du diagnostic et/ou du traitement des cancers de vessie ? Dans le cadre du diagnostic, la fluorescence a déjà pris une place très importante. Il s’agit d’une technique actuellement utilisée lors de certaines résections transurétrales de vessie(4). Le principe est le suivant. Un produit est instillé dans la vessie avant passage au bloc opératoire. Illuminé en lumière bleu, ce produit émet une fluorescence rouge qui permet de détecter des lésions qui ne sont pas visibles en lumière blanche standard. Cette vision en fluorescence constitue un élément diagnostique extrêmement important car elle permet d’améliorer la détection des petites lésions lors de la résection. C’est une technique qui a une bonne diffusion à l’heure actuelle et qui est pratiquée par un certain nombre de centres lors des résections. Dans un avenir proche, nous devrions très certainement l’avoir à notre disposition en consultation, lors des fibroscopies, pour s’assurer dans le cadre de la surveillance qu’il n’y a pas de récidive. Professeur Hervé Lang