Prise en charge multidisciplinaire du cancer de l`œsophage me

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M ini-revue
Prise en charge
multidisciplinaire du cancer
de l’œsophage métastatique
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Multidisciplinary
management of
metastatic esophageal
cancer
Yann Touchefeu(1), Emmanuel Rio(2),
Adam Jirka(3), Isabelle MabileArchambeaud(1)
1
CHU de Nantes,
Institut des maladies de l’appareil digestif,
1 place Alexis Ricordeau,
44093 Nantes Cedex 1,
France
2
Institut de canc
erologie de l’Ouest,
departement de radiotherapie,
Saint Herblain,
France
3
CHU de Nantes,
Institut des maladies de l’appareil digestif,
unit
e d’assistance nutritionnelle,
Nantes,
France
e-mail : <yann.touchefeu@chu-nantes.
fr>
sume
Re
La prise en charge des patients ayant un cancer de l’œsophage non accessible a
une chirurgie ou une radiochimioth
erapie, a cause de l’extension de la maladie
ou de la d
egradation de l’
etat g
en
eral, reste un probl
eme fr
equent en oncologie
digestive. Plusieurs options th
erapeutiques sont disponibles, faisant intervenir de
multiples acteurs, notamment gastro-ent
erologues et oncologues digestifs,
nutritionnistes et radioth
erapeutes. Une discussion multidisciplinaire est
indispensable pour d
efinir la strat
egie th
erapeutique en fonction des moyens
a disposition et de la situation clinique du patient. Peu d’essais randomis
es sont
disponibles concernant la prise en charge de ces patients, notamment pour
evaluer l’int
er^
et de la chimioth
erapie. Une intensification de la recherche clinique
est indispensable pour guider le clinicien vers une prise en charge optimale.
s : cancer de l’œsophage, chimiotherapie, radiotherapie, endoscopie, assistance
n Mots cle
nutritionnelle
Abstract
The management of patients with oesophageal cancer, not eligible to curative
surgery or concomitant radiochemotherapy, because of the extension of the
disease or the deterioration of physical condition, is a common issue in digestive
oncology. Several therapeutic modalities are available, involving gastrointestinal
oncologists, endoscopists, nutritionists and radiation oncologists. A multidisciplinary approach is essential to discuss the therapeutic strategy, depending
both on local resources and on the patient’s clinical situation. Few randomized
trials are available concerning the management of patients with oesophageal
cancer, in particular to investigate the benefits of chemotherapy. Intensification
of clinical research is urgently needed to guide the clinician towards optimal care.
n Key words: esophageal neoplasms, chemotherapy, radiation therapy, endoscopy, nutrition
therapy
y
HEPATO GASTRO
et Oncologie digestive
cents progre
s
occidentaux [1]. De re
ont et
e rapport
es dans la prise en
charge des cancers de l’œsophage,
avec les avanc
ees de la chirurgie, de la
radiochimioth
erapie et des strat
egies
n
eoadjuvantes ou p
erioperatoires.
En revanche, moins d’
etudes ont
concern
e les cancers non r
es
ecables
et m
etastatiques. Le pronostic est
Tir
es a part : Y. Touchefeu
840
Pour citer cet article : Touchefeu Y, Rio E, Jirka A, Mabile-Archambeaud I. Prise en charge
multidisciplinaire du cancer de l’œsophage metastatique. Hepato Gastro 2013 ; 20 : 840-846.
doi : 10.1684/hpg.2013.0950
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 10, d
ecembre 2013
doi: 10.1684/hpg.2013.0950
res de 5 000 cancers de l’œsophage sont diagnostiqu
es
chaque ann
ee en France. Ce sont
tr
es majoritairement des carcinomes
epidermoı̈des et des ad
enocarcinomes. Le carcinome epidermoı̈de reste
le type histologique le plus fr
equent,
mais l’incidence de l’ad
enocarcinome
augmente comme dans d’autres pays
P
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Traitement du cancer de l’œsophage metastatique
sombre, en rapport avec un diagnostic tardif, une
d
enutrition et de fr
equentes comorbidit
es. L’objectif de
cette revue est de pr
eciser les objectifs actuels et les moyens
de la prise en charge d’un cancer de l’œsophage
m
etastatique, ou non r
es
ecable et non eligible a une
radiochimiotherapie a visee curative. Ne seront discut
es que
les aspects specifiques a la prise en charge du cancer de
l’œsophage, m^eme si les soins de confort, l’encadrement
psychologique sont d’une grande importance dans cette
situation. Nous discutons aussi des ad
enocarcinomes de la
jonction gastro-œsophagienne, dont la chimioth
erapie est
souvent assimilee a celle des ad
enocarcinomes gastriques,
mais dont la prise en charge symptomatique peut ^
etre
proche de celle des cancers strictement œsophagiens.
‘‘
Le carcinome épidermoı̈de reste le type
histologique le plus fréquent, mais
l’incidence de l’adénocarcinome augmente comme
dans d’autres pays occidentaux
’’
Objectifs du traitement
3 ans des cancers de
Le pronostic est sombre, la survie a
stade IV est de 1 % [2]. Le traitement a pour but de soulager
^mes, de prolonger la vie en am
les sympto
eliorant sa qualit
e.
La dysphagie est frequente et la reprise d’une alimentation
^mes
est un objectif majeur. La d
enutrition et ses sympto
doivent ^etre pris en charge pour am
eliorer la qualit
e de vie et
permettre d’envisager les autres traitements.
‘‘
La survie à 3 ans des cancers de stade
IV est de 1 %
’’
Une priorité : la prise en charge nutritionnelle
La prevalence de la d
enutrition chez des malades avec un
cancer d’œsophage peut atteindre 60 % au diagnostic. Les
causes principales sont : l’obstruction m
ecanique par la
tumeur, « la piraterie » m
etabolique (d
etournement du
glucose pour les besoins energ
etiques de la tumeur) et les
effets des traitements antitumoraux. La d
enutrition chez
des malades avec un cancer digestif est associ
ee a un
pronostic faible et un taux elev
e des complications postth
erapeutiques.
‘‘
La prévalence de la dénutrition chez
des malades avec un cancer d’œsophage
peut atteindre 60 % au diagnostic
’’
tat nutritionnel peut s’appuyer sur
L’
evaluation de l’e
plusieurs outils. La perte de poids est l’indicateur le plus
sensible pour le d
epistage de la d
enutrition. Une perte
pond
erale sup
erieure a 10 % en 6 mois ou > 5 % en 1
mois t
emoigne d’une d
enutrition. L’index de masse
corporelle (IMC) est un outil moins sp
ecifique, mais si la
valeur est inf
erieure a 18,5, la d
enutrition ou le risque de
d
enutrition devient tr
es probable. L’
evaluation des apports
oraux fond
ee sur une enqu^
ete alimentaire de 3 jours peut
^
etre r
ealis
ee au cours d’une consultation di
et
etique. Une
evaluation relative par rapport a la p
eriode ant
erieure (sans
dysphagie) a l’aide d’une echelle visuelle analogique sur de
0
a 10 est un outil plus facile et plus rapide [3]. Si le r
esultat
est inf
erieur a 7, le risque de d
enutrition est elev
e. Le
dosage de l’albumine plasmatique est utile, car l’hypoalbumin
emie est un crit
ere ind
ependant du risque de
morbi-mortalit
e. Le seuil inf
erieur en oncologie medicale
est de 35 g/L. Ce param
etre biologique de la d
enutrition
est parfois d’interpr
etation difficile (syndrome inflammatoire d
emontr
e par le dosage de prot
eine C reactive
« aggravant la denutrition », insuffisance h
epatocellulaire,
pertes r
enales ou intestinales).
‘‘
^ tre recherchée
Une dénutrition doit e
à chaque consultation
’’
^tre de
bute
e avec des
L’assistance nutritionnelle peut e
compl
ements nutritionnels oraux a condition que
les apports oraux soient egaux ou sup
erieurs a 7/10 sur
echelle visuelle des ingesta et que le malade ne pr
esente
pas de d
enutrition s
ev
ere (IMC < 16 et/ou albumin
emie
< 20 g/L et/ou perte pond
erale > 15 % en 6 mois). Si
ces conditions ne sont pas remplies, une nutrition
artificielle devrait ^
etre mise en place. La nutrition ent
erale
doit ^
etre toujours pr
ef
er
ee en cas d’accessibilit
e de
l’estomac et d’un tube digestif fonctionnel. Cette strat
egie
ne change pas si les ingestats restent faibles m^
eme en
pr
esence d’une proth
ese, car les effets m
etaboliques de la
tumeur persistent. La pr
esence d’une chambre implantable
utilis
ee pour la chimioth
erapie ne justifie pas la mise en
place d’une nutrition intraveineuse car la nutrition ent
erale
^teuse.
pr
esente moins de risques infectieux et est moins cou
Les besoins energ
etiques chez le patient ayant un cancer
ont fait l’objet de recommandations en 2012. Les besoins
prot
eino-
energ
etiques totaux quotidiens sont d’environ
es, et de 30 a
25 a 30 kcal.kg-1 pour des patients alit
35 kcal.kg-1 pour des patients ambulatoires. Les besoins en
prot
eines sont de 1,2 a 1,5 g de prot
eines par kg et par jour
[4]. La prise en charge nutritionnelle doit bien evidemment
s’int
egrer dans la prise en charge globale qui inclut la
volont
e du patient, les autres traitements envisag
es, et
l’esp
erance de vie. Ainsi, une nutrition artificielle n’est pas
justifi
ee en phase terminale de cancer.
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 10, d
ecembre 2013
841
‘‘
Une assistance nutritionnelle, une nutrition
artificielle doivent se discuter en fonction
de l’importance de la dénutrition, du projet thérapeutique et de l’espérance de vie du patient
Prise en charge de la dysphagie
plus efficaces que la destruction au plasma d’argon seule
[7].
’’
Irradiation
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^me fr
La dysphagie est un sympto
equent, souvent a
l’origine du diagnostic. Sa prise en charge est une priorit
e
^me et l’
pour traiter le sympto
etat nutritionnel. Plusieurs
methodes ont et
e
evalu
ees en cas de cancer in
eligible a
une resection chirurgicale ou une radiochimioth
erapie a
visee curative : traitement endoscopique, radioth
erapie,
chimiotherapie.
Traitement endoscopique
Plusieurs techniques de traitement endoscopique sont
utilisees : dilatations, destruction tumorale par plasma
d’argon, laser ou phototh
erapie dynamique, pose de
prothese. La dilatation endoscopique, aux bougies ou aux
ballonnets, est une technique ancienne ayant les avantages
d’^etre simple et facilement disponible. Cependant,
le risque de perforation est proche de 5 % et l’efficacit
e
est transitoire, n
ecessitant des proc
edures rep
et
ees.
Les techniques de destruction restent peu evalu
ees.
La destruction au plasma d’argon a l’avantage d’^
etre
disponible dans de nombreux centres, facile a r
ealiser. La
phototherapie laser et la phototh
erapie dynamique ont
permis des resultats int
eressants, mais ces techniques sont
^teuses, peu disponibles [5]. La technique endoscopique
cou
la plus couramment utilis
ee est maintenant la pose de
prothese par voie endoscopique. Ces proth
eses etaient
initialement en plastique et sont d
esormais remplac
ees par
des protheses metalliques auto-expansives. Celles-ci ont
l’avantage de la simplicit
e de pose et de moindres
complications, notamment gr^
ace a un diam
etre faible lors
de la pose permettant le plus souvent de ne pas realiser de
dilatation prealable. Dans une etude randomis
ee incluant
42 patients, publi
ee en 1993, les proth
eses metalliques
auto-expansives ont et
e compar
ees aux proth
eses plastiques dans le traitement de la dysphagie li
ee aux cancers de
l’œsophage non res
ecables. L’efficacit
ea
et
e comparable,
mais la pose de proth
ese m
etallique a et
e associ
ee a moins
de complications (0 % versus 43 %) et une moindre dur
ee
d’hospitalisation [6]. Le risque de prolif
eration tumorale
intraprothetique a et
e r
eduit par l’utilisation de proth
eses
couvertes actuellement largement utilis
ees. Certaines
techniques peuvent ^
etre associ
ees. Une etude randomis
ee
a compare plusieurs techniques endoscopiques : destruction au plasma d’argon seule, plasma d’argon et
curietherapie, plasma d’argon et phototh
erapie dynamique. Les combinaisons th
erapeutiques ont et
e
842
Une radioth
erapie externe est fr
equemment propos
ee, car
facile d’acc
es et peu morbide. Elle permet d’am
eliorer
significativement la dysphagie avec un effet antalgique
associ
e en cas de douleurs m
ediastinales. Le protocole est
hypofractionn
e (exemple : 30 Gy/10 fractions/2 semaines)
afin de limiter la dur
ee de prise en charge (chez des patients
dont le pronostic vital est a court terme).
‘‘
Une radiothérapie externe permet
d’améliorer significativement la dysphagie
avec un effet antalgique associé
en cas de douleurs médiastinales
’’
tudes ont Plusieurs e
evalu
e l’int
er^
et de la curieth
erapie a
haut d
ebit de dose, mais cette technique n’est pas
disponible dans tous les centres et peu r
epandue en
France. De plus, la tumeur doit ^
etre franchissable par la
gaine vectrice, ce qui pose souvent probl
eme en cas de
l
esion class
ee T3. Cette technique peut ^
etre propos
ee en
cas de r
eirradiation ou de seconde l
esion chez un patient
d
ej
a irradi
e. On utilise un protocole monofractionn
e ou
hypofractionn
e hebdomadaire. La gaine vectrice est
positionn
ee dans l’œsophage au contact de la tumeur
(figure 1). Dans une etude randomis
ee incluant 209
patients, une curieth
erapie (fraction unique de 12 Gy) a et
e
compar
ee a la pose d’une proth
ese m
etallique expansive
^le fluoroscopique. Il y a eu significativement
sous contro
plus de complications apr
es pose de proth
ese, notamment
3 d
ec
es suite a une perforation. La pose de proth
ese a
permis une am
elioration plus rapide du score de dysphagie,
et
e moins durable qu’avec la curieth
erapie.
mais l’effet a L’analyse des scores de qualit
e de vie a et
e en faveur de la
curieth
erapie [8]. Si la survie attendue est courte, la pose
d’une proth
ese peut donc ^
etre privil
egi
ee. Un meilleur
pronostic pourrait faire preferer une irradiation.
‘‘
Si la survie attendue est courte, la pose
^ tre privilégiée.
d’une prothèse peut donc e
Un meilleur pronostic pourrait faire préférer
une irradiation
’’
L’irradiation peut aussi ^
etre combin
ee a d’autres m
ethodes.
La curieth
erapie peut ^
etre associ
ee a des techniques
endoscopiques. Dans une petite etude randomis
ee incluant
22 patients, un traitement par laser (NdYAG) seul a et
e
compar
e
a un traitement par laser suivi d’une curieth
erapie
(10 Gy en une fraction). La combinaison a eu une efficacit
e
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 10, d
ecembre 2013
Traitement du cancer de l’œsophage metastatique
a une chimioth
erapie (5FU et mitomycine). Quinze patients
ont eu une r
egression compl
ete de la dysphagie, atteinte
en un temps m
edian de 5 semaines [12].
50 %
80 %
100 %
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Chimiothérapie
L’effet de la chimioth
erapie sur la tumeur primitive peut
aussi permettre d’am
eliorer la dysphagie. Dans une s
erie
r
etrospective, 42 patients ayant un cancer de l’œsophage
et une dysphagie s
ev
ere (alimentation solide impossible)
ont et
e trait
es par chimioth
erapie (LV-FU2-cisplatine le plus
souvent). Le score de dysphagie a et
e am
elior
e chez 69 %
des patients apr
es un mois de traitement. Chez ces
patients, la dysphagie a r
ecidiv
e dans 62 % des cas, avec
un d
elai m
edian de 3,4 mois (0,5-24,4) et 42 % des
patients ont eu une pose de proth
ese dans leur suivi. Une
chimioth
erapie en premi
ere ligne pour traiter la dysphagie
doit donc ^
etre discut
ee, permettant de ne pas retarder le
traitement anticanc
ereux et pouvant eviter une pose de
proth
ese [13]. Ces strat
egies devraient ^
etre evalu
ees dans
un essai randomis
e.
A
B
50 %
80 %
100 %
‘‘
Une chimiothérapie en première ligne
^ tre
pour traiter la dysphagie doit donc e
discutée, permettant de ne pas retarder
le traitement anticancéreux et pouvant éviter
une pose de prothèse
Figure 1. Scanner dosimetrique d’un patient traite par curietherapie
pour un cancer epidermoı̈de du bas œsophage. Patient non operable,
et contre-indication a une nouvelle irradiation externe en raison d’un
ant
ec
edent de radiochimiotherapie pour un autre carcinome
epidermoı̈de du tiers superieur de l’œsophage (A : coupe transversale,
B : coupe sagittale). La gaine vectrice en place dans l’œsophage est
color
ee en vert.
ne
fice sur la
superieure, plus durable, mais sans be
survie [9]. L’association curieth
erapie + proth
ese versus
curietherapie seule (3 s
eances de 8 Gy) a et
e evalu
ee
prospectivement. La combinaison a permis de lever
rapidement la dysphagie, alors qu’il n’
etait pas not
e de
difference entre les 2 bras apr
es 7 semaines [10]. Une etude
a compare l’efficacit
e de 3 traitements dans une s
erie
prospective de 91 patients. Les patients ont et
e trait
es avec
une radiotherapie externe seule (20 a 40 Gy), une proth
ese
m
etallique seule, ou l’association des deux (radioth
erapie
d’abord, puis prothese a progression de la dysphagie). Il y a
eu une meilleure survie dans le groupe trait
e par radiotherapie et prothese [11]. Une radioth
erapie externe courte
(30 Gy en 10 fractions) peut egalement ^
etre associ
ee a
une chimiotherapie. Dans une s
erie de 22 patients, une
et
e associ
ee
radiotherapie externe (30 Gy en 10 fractions) a ’’
Impact de la chimiothérapie sur la survie
et la qualité de vie
La chimioth
erapie est utile pour de la prise en charge de ces
patients, mais son int
er^
et sur la survie reste discute. Dans
une etude r
etrospective française analysant 284 patients
cons
ecutifs pris en charge, entre 1995 et 2008, pour un
cancer de l’œsophage m
etastatique l’administration d’une
chimioth
erapie n’
etait pas associ
ee a une am
elioration de
survie [14]. Il existe peu de donn
ees prospectives concernant le gain en survie et en qualit
e de vie par rapport a de
meilleurs soins de confort. Des etudes randomis
ees
evaluant une chimioth
erapie par rapport a des soins de
confort sont actuellement peu envisageables.
‘‘
Le bénéfice de la chimiothérapie sur la
survie n’a pas été démontré
’’
Quelle chimiothérapie proposer ?
Les etudes anciennes ont inclus essentiellement des carcinomes epidermoı̈des. Plus r
ecemment, les ad
enocarcinomes
du bas œsophage ont et
e etudi
es, mais fr
equemment
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 10, d
ecembre 2013
843
nocarcinomes
dans des etudes incluant aussi des ade
gastriques. Il n’existe pas de r
eel argument pour affirmer
des differences de chimiosensibilit
e entre carcinome
epidermoı̈de et ad
enocarcinome.
‘‘
Il n’y a pas de réel argument pour affirmer
des différences de chimiosensibilité entre
carcinome épidermoı̈de et adénocarcinome
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Monochimiothérapies
’’
value
s en monochimioDe nombreux agents ont et
e e
therapie dans des etudes de phase II. Nous pouvons
retenir que le cisplatine (mais pas le carboplatine), le 5fluorouracile, la mitomycine, la vinorelbine, l’
etoposide, le
paclitaxel, le docetaxel ont permis d’obtenir des taux de
r
eponse allant de 10 a 30 % [15].
Perspectives pour personnaliser le choix
d’une chimiothérapie
Combinaisons thérapeutiques
base de sels de platine ont Les combinaisons a
et
e
particulierement etudi
ees. Dans une etude randomis
ee de
phase II incluant 88 patients trait
es pour un carcinome
epidermoı̈de de l’œsophage localement avanc
e ou
metastatique, le 5FU seul et la combinaison de 5FU avec
du cisplatine ont et
e respectivement associ
es a des taux de
reponse de 19 % et 35 % et a une survie m
ediane de 28 et
33 semaines [16]. Cette association est largement utilis
ee,
mais il n’y a cependant pas d’
etude de phase III ayant
demontre un avantage de l’association sur la survie. D’autres
etudes de phase II ont evalu
e le cisplatine en association avec
la vinorelbine, le paclitaxel, l’irinot
ecan, l’
etoposide, et ont
rapporte des taux de r
eponse allant de 20 a 60 % et des
survies globales m
edianes voisines de 9-10 mois, mais avec
majoration d’une toxicit
e et parfois des d
ec
es toxiques. Ces
etudes sont anciennes, non randomis
ees, des conclusions
sur leur efficacite sont donc difficiles [15].
Une triple chimioth
erapie peut aussi se discuter. L’
etude
epirubicine avec
REAL-2 a evalue plusieurs combinaisons d’
une fluoropyrimidine (5FU ou cap
ecitabine) et un sel de
platine (cisplatine ou oxaliplatine), dans le traitement du
cancer de l’œsophage, de la jonction gastro-œsophagienne ou de l’estomac. Pr
es de 90 % des cancers etaient
des adenocarcinomes, pr
es d’un tiers des patients avaient
un cancer de l’œsophage, et un quart un cancer de la
jonction gastro-œsophagienne. Il est important de noter
que ni la localisation tumorale (œsophage, jonction gastroœsophagienne, estomac), ni le type histologique n’a
influence des diff
erences de survie [17]. Une triple
chimiotherapie a base de doc
etaxel peut se discuter dans
les adenocarcinomes de la jonction gastro-œsophagienne.
Dans l’etude V325 evaluant une triple th
erapie docetaxelcisplatine-5-FU (DCF) par rapport a une bith
erapie cisplatine-
844
5-FU, 22 % des patients avaient un ad
enocarcinome de la
jonction gastro-œsophagienne, 78 % un cancer gastrique.
Le temps jusqu’
a progression (HR = 1,47, IC 95 % 1,19 a
1,82), la survie globale (HR = 1,29, IC 95 % 1,0 a 1,6), et le
taux de r
eponse (p = 0,01) ont et
e significativement
meilleurs avec le DCF, au prix cependant d’une toxicit
e
accrue, notamment digestive et h
ematologique. Il faut noter
que presque tous les patients avaient un indice de Karnofsky
sup
erieur a 70 % a l’inclusion et que les trois quarts avaient
^r, tous les patients avec un
moins de 65 ans [18]. Bien su
cancer de l’œsophage ne sont pas eligibles a cette
combinaison. Plusieurs alternatives au DCF ont et
e propos
ees dans des essais de phase II et ont montr
e une
e. Des evaluations dans des
amelioration du profil de toxicit
essais randomis
es sont n
ecessaires.
rapie pourrait
Dans le futur, le choix de la chimiothe
d
ependre des caract
eristiques mol
eculaires de la tumeur. Il
est par exemple possible, a partir d’un pr
el
evement tumoral
d’identifier sa chimiosensibilit
e
a diff
erentes combinaisons
[19]. Des biomarqueurs pr
edictifs d’efficacit
e th
erapeutique, tels que le g
ene BRCA1 (breast cancer susceptibility
gene 1) qui est impliqu
e dans les m
ecanismes de r
eparation
de l’ADN, pourraient egalement ^
etre utilis
es. Dans une
etude r
etrospective r
ecente a partir de 144 patients ayant
un carcinome epidermoı̈de de l’œsophage (68 patients
avec cancer stade IV), une faible expression du g
ene BRCA1
a
et
e associ
ee a une meilleure survie et un meilleur taux de
r
eponse chez les patients trait
es par chimioth
erapie a base
de cisplatine en premiere ligne. A l’inverse, une faible
expression du g
ene a et
e associ
ee a une moindre survie et
es par
un plus faible taux de reponse chez les patients trait
une chimioth
erapie a base de doc
etaxel [20]. Ces donn
ees
^r ^
r
etrospectives int
eressantes devront bien su
etre
valid
ees avant d’
eventuellement devenir une approche
de routine.
Place des anticorps monoclonaux
Il n’y a pas d’int
er^
et d
emontr
e des anticorps anti-EGFR
(epidermal growth factor receptor) dans le traitement
des cancers de l’œsophage. L’
etude REAL-3 a evalu
e le
panitumumab en association avec une chimioth
erapie
(
epirubicine, oxaliplatine, cap
ecitabine). Quarante pour
cents des patients avaient un ad
enocarcinome de l’œsophage, 30 % un ad
enocarcinome de la jonction gastroœsophagienne, 30 % un ad
enocarcinome de l’estomac. La
survie a et
e inf
erieure dans le groupe trait
e par panitumumab [21]. L’
etude EXPAND, incluant des ad
enocarcinomes
gastriques et de la jonction gastro-œsophagienne, n’a pas
non plus montr
e de b
en
efice du c
etuximab en association a
une chimioth
erapie [22].
HEPATO-GASTRO et Oncologie digestive
vol. 20 n8 10, d
ecembre 2013
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Traitement du cancer de l’œsophage metastatique
valuant
Dans l’essai randomis
e de phase III ToGA e
l’efficacite du trastuzumab en association avec une
combinaison de cisplatine et d’une fluoropyrimidine en
cas de tumeur HER+, 82 % des patients avaient un
adenocarcinome gastrique et 18 % un ad
enocarcinome de
la jonction gastro-œsophagienne. Le traitement par
trastuzumab a ete associ
e
a une meilleure survie globale.
Dans le sous-groupe de patients avec ad
enocarcinome de
la jonction gastro-œsophagienne, l’effet sur la survie
globale n’etait pas significatif (HR = 0,67, IC 95 % 0,42 a
1,08), possiblement par manque de puissance [23].
Le rilotumumab, un anticorps monoclonal ciblant l’hepatocyte growth factor, a et
e r
ecemment evalu
e en
association a une chimioth
erapie associant epirubicine,
cisplatine et capecitabine dans un essai de phase II incluant
121 patients avec ad
enocarcinome de l’estomac ou de la
jonction gastro-œsophagienne, avanc
e ou m
etastatique.
Dans la sous-population de patients avec forte expression
tumorale de MET (recepteur de l’HGF), la survie globale des
patients traites par rilotumumab et chimioth
erapie a et
e
meilleure que celle des patients trait
es par chimioth
erapie
seule (11,1 versus 5,7 mois, HR = 0,29, IC 95 % 0,11 a
0,76) [24]. L’etude de phase III REGARD a evalu
e en
e du ramucirumab,
deuxieme ligne therapeutique l’efficacit
un anticorps dirig
e contre le r
ecepteur du vascular
endothelial growth factor type 2. Des patients avec
adenocarcinome gastrique ou de la jonction gastroœsophagienne ont et
e inclus. Par rapport au placebo,
le ramucirumab a significativement augment
e la survie
globale, mais modestement (HR = 0,776 ; IC 95 % 0,603 a
0,998, survie mediane 5,2 versus 3,8 mois) [25].
Les patients avec un cancer de l’œsophage de stade IV ne
sont pas eligibles a un traitement a vis
ee curative. La
&
La prise en charge nutritionnelle est une priorit
e.
rapie
& Les traitements endoscopiques, la radiothe
ou une chimioth
erapie permettent d’am
eliorer la
dysphagie.
Le benefice d’une chimioth
erapie sur la survie n’a
pas ete demontre. Les combinaisons a base de sels de
platine restent les plus utilis
ees.
&
& Il n’y a pas d’int
er^
et d
emontr
e des anticorps
monoclonaux, en dehors des ad
enocarcinomes de la
jonction gastro-œsophagienne HER2+.
re
^ts : les auteurs d
Liens d’inte
eclarent n’avoir aucun lien
d’int
er^
et en rapport avec l’article.
&
Références
Les r
ef
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Conclusion
T ake home messages
nutrition, les comorbidit
de
es, la d
egradation de l’
etat
g
en
eral au diagnostic sont des facteurs de mauvais
pronostic. Les modalit
es de la prise en charge nutritionnelle, symptomatique et d’une eventuelle chimioth
erapie
doivent prendre en compte les possibilit
es th
erapeutiques
locales ainsi que l’esp
erance de vie et la volont
e du patient.
Peu d’essais randomis
es sont disponibles, une intensification de la recherche clinique est indispensable pour pr
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la place de la chimioth
erapie.
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