A. M. CASSANDRE du 21 mai au 24 juillet 2005 Espace d'exposition des Silos - Musée de la Crèche 16° FESTIVAL INTERNATIONAL DE L’AFFICHE ET DES ARTS GRAPHIQUES DE CHAUMONT visites actives et commentées sur rendez-vous renseignements et réservations : pôle graphisme, service des publics les Silos, maison du livre et de l'affiche 7-9, avenue Foch 52000 Chaumont tel : 03.25.03.86.82 C'est à l'un des plus grands graphistes de l'entre-deux guerres que le Festival rend hommage cette année : Adolphe Mouron, dit Cassandre. Coproduite avec la Bibliothèque Nationale de France où elle sera visible cet automne, cette rétrospective, la première en France depuis 1950, réunit des œuvres emblématiques de son travail et conservées dans les plus grandes institutions d'Europe. Outre le fameux triptyque Dubo, Dubon, Dubonnet, emprunté au Stedelijk Museum d'Amsterdam et mis en scène au musée de la crèche, la plupart de ses affiches, pour certaines accompagnées de leur maquette, sont présentées dans l'espace d'exposition des Silos. Elles nous permettent de découvrir une période absente des collections chaumontaises et d'interroger les relations qui existent entre l'art et la publicité. Influencé par diverses tendances de l'art moderne, la photographie et même le cinéma, Cassandre réussit, comme l'avaient fait en leur temps, Jules Chéret, Toulouse-Lautrec et les tenants de l'Art Nouveau, à mettre « l'art dans la rue ». Bien qu'ayant affirmé que l'affiche « exige du peintre un complet renoncement », et cherché à « établir - comme le rappellent les programmes d'arts plastiques du collège - une communication claire, puissante, précise », ses messages visuels vont toujours au-delà d’information objective ou réaliste. Affichiste et créateur de caractères, mais aussi peintre, puis décorateur de théâtre, Cassandre a non seulement été, selon les propos de son ami, Blaise Cendrars, l' « un des plus fervents animateurs de la vie moderne », mais surtout l'un des fondateurs les plus marquants du graphisme actuel. • ADOLPHE MOURON, DIT CASSANDRE (1901-1968) Cassandre, de son vrai nom Adolphe Mouron, naît le 24 janvier 1901 à Kharkov, en Ukraine. Partageant son enfance entre la Russie et la France jusqu’au début de la première guerre mondiale, il s’installe à Paris où sa famille, chassée par la révolution bolchévique le rejoint. Décidé, après de solides études classiques, à consacrer sa vie à la peinture, il entre dans l’atelier de Lucien Simon à l’Académie Julian et réalise des tableaux dans le style de Cézanne. Il fréquente l’Académie de la Grande Chaumière et les Ateliers libres de Montparnasse dont il apprécie l’esprit novateur. Preuve en est, l’intérêt qu’il porte, dès 1919, aux recherches du Bauhaus. © Mouron.Cassandre « L'affiche n'est pas un tableau. C'est avant toute chose un mot. C'est le mot qui commande, qui conditionne et anime toute la scène publicitaire. Ce mot autour duquel tous les éléments graphiques s'ordonnent, ce mot a seul le pouvoir de donner à l'affiche son unité et sa signification. » © Mouron.Cassandre C'est en 1922 qu'il signe ses premières affiches publicitaires de son pseudonyme (Margarine Sadac, Pâtes Garres). Inspirées de l'Expressionnisme allemand et du Sach Plakat (affiche-objet), elles utilisent un langage simplifié et caricatural. En 1923, il réalise une grande composition synthétique, Au Bûcheron, qui lui apporte la célébrité à l'Exposition internationale des arts décoratifs de 1925. Reprenant à son compte la technique cubiste, il y développe une méthode qu’il qualifie de « géométrique et monumentale ». En 1924, il signe un contrat avec Hochard & Cie qui éditera ses affiches jusqu'en 1927. Connaissant une période très féconde, il fait appel à Le Corbusier, puis à Auguste Perret pour se faire bâtir une maison à la hauteur de ses aspirations esthétiques. Si l'affiche offre alors au peintre un moyen « de retrouver le contact perdu avec le public », elle exige également de lui « un complet renoncement ». Conçue à l’échelle de la rue, elle est construite à partir d'une structure géométrique et de tracés régulateurs. L’utilisation de l’aplat renforce son impact visuel (Pivolo, L'Intran). La rencontre avec Maurice Moyrand, agent de l'imprimerie lilloise Danel, donne une nouvelle orientation à son travail. Dès 1927, Cassandre commence à créer des caractères : le Bifur, en 1929 et l'Acier, en 1930 ainsi que le Peignot, en 1937. Dans ses affiches pour les trains (Nord Express, l'Etoile du Nord) et les paquebots (le Normandie ou l'Atlantique), il exalte le monde moderne. Comme en écho au futurisme, vitesse et mouvement le captivent. L'espace, distendu par une perspective linéaire très accusée, révèle des points de vue audacieux hérités de la photographie ou du cinéma. En dépit d'une schématisation très abstraite qui réduit ses personnages à des silhouettes (Dubo, Dubon, Dubonnet ou Triplex), ses images ne sont pas dépourvues d'une certaine poésie. En effet, sous l'emprise d'un monde de plus en plus mécaniste, Cassandre explore les possibilités expressives de la lumière. Si sa rencontre avec Balthus y est sans doute pour quelque chose, son penchant pour le surréalisme est perceptible dans ses compositions épurées qui magnifient les objets (Chaussures Unic) et rendent les paysages idylliques (Ecosse, Angleterre). Bien qu'ayant posé, avec Charles Loupot les fondements de l’affiche moderne, notamment au sein de l'Union des Artistes Modernes et de l'Alliance Graphique, Cassandre atteint par un désenchantement perceptible depuis la fin des années 30, abandonne le monde de la publicité. De 1938 à 1950, après une rétrospective de ses travaux au musée d’Art moderne de New-York et un contrat avec Harper’s Bazaar, il se consacre au décor de théâtre. En 1968, malgré un retour au graphisme (créations de caractères pour Olivetti et du logo d’Yves Saint-Laurent), Cassandre, inquiété par ses projets qui n’aboutissent pas, met fin à ses jours. Professeur de publicité graphique à l'Ecole des arts décoratifs puis à l'Ecole d'art graphique, ses principaux élèves ont été Raymond Savignac, Bernard Villemot et André François. • LES RELATIONS ENTRE L’AFFICHE ET LA PEINTURE Généralement minimisée car située parmi les arts « mineurs » ou rejetée car accusée d’avoir été conçue sous le signe du mercantilisme, l’affiche entretient cependant d’étroites relations avec les oeuvres artistiques. Dès l’origine, elle a été crée par des illustrateurs et des peintres reconnus pour leur habileté à produire des images et leur familiarité avec les techniques d’impression (Daumier, Gavarni, Cham, Doré, Manet, Grandville...). Elevée au rang d’un nouvel art populaire dans la seconde moitié du XIXè siècle, elle doit à Jules Chéret, considéré comme le père de l’affiche moderne et surnommé par Manet, le “Watteau des rues”, ses lettres de noblesse. Saisissant instinctivement le rapport entre l’objet à faire désirer et la femme, objet de désir, il élabore un type féminin et fait de l’affiche un objet de séduction en lui appliquant les principes de la « grande peinture ». Il s’inspire des peintres dont il a admiré les oeuvres au musée du Louvre et dont les reproductions ornent les les murs de son atelier: Watteau et Fragonard pour la légèreté du trait, Turner pour les fondus de couleurs, Tiepolo pour l’art de la composition. Ensuite, elle a inspiré des peintres tels que Bonnard et Lautrec qui partagent leur activité entre création graphique de caractère publicitaire et création picturale « pure ». Elle trouve, au tournant du siècle, son aboutissement dans l’Art Nouveau avec Eugène Grasset et Alphonse Mucha qui, en suivant les préceptes de William Morris, y décèlent un nouveau moyen « d’élever le goût du public ». Elle commence à pénétrer dans les ateliers des peintres et y exerce une influence sur leurs oeuvres. Collectionneur d’affiches et grand admirateur de Chéret, Georges Seurat transpose dans ses peintures les thèmes et les motifs iconographiques véhiculés par l’imagerie du spectacle. Bien que les unes soient nées d’un besoin désintéressé et les autres de la nécessité « d’établir » avec le consommateur « une communication claire, puissante, précise » comme l’envisage Cassandre, de nombreuses relations peuvent être tissées entre l’affiche, art du multiple, et l’oeuvre unique. « Il est malaisé de situer l'affiche parmi les arts plastiques, et d'en définir le rôle. Les uns l'assimilent à la peinture et se trompent, les autres la classent parmi les arts décoratifs et se trompent également. Elle ne peut être ni un tableau de chevalet ni un décor de théâtre, mais autre chose, quoique se servant parfois des moyens de l'un et de l'autre. L'affiche exige du peintre un complet renoncement. Il ne peut s'exprimer en elle ; le pourrait-il, il n'en a pas le droit. La peinture est un but en soi. L'affiche n'est qu'un moyen, un moyen de communication entre le commerçant et le public, quelque chose comme le télégraphe. L'affichiste joue le rôle du télégraphiste : il n'émet pas de messages, il les transmet. On ne lui demande pas son avis, on lui demande d'établir une communication claire, puissante, précise. Sans doute s'agit-il d'un message plastique. Mais si l'affichiste emploie les moyens du peintre, ils cessent d'être pour lui moyens d'expression individuelle, pour devenir langage anonyme, une sorte de code international, l'alphabet Morse du télégraphiste. Un jour peut-être ce télégraphiste aura-t-il à transmettre S.O.S. Ce jour-là, sans doute, malgré lui, son message emportera dans son angoisse un peu de lui-même. Mais à l'autre bout du monde, dans le tumulte de la ville, à travers la voix tonitruante, informe, inhumaine du haut-parleur, qui donc pourra percevoir les battements de son cœur ? » • LES RÉFÉRENCES À L’AFFICHE DANS LA PEINTURE Tout au long du XXè siècle et même encore aujourd’hui, les artistes n’ont cessé de faire référence à l’affiche, voire de l’utiliser comme matériau dans leurs productions. Albert Marquet, Les Affiches à Trouville, 1906 Robert Delaunay, L’Equipe de Cardiff, 1912-13 Charles Demuth, Buildings, Lancaster, 1930 René Magritte, Alfa-Romeo, 1924 Sonia Delaunay, Dubonnet, 1920 Tom Wesselmann, Still Life N°24, 1962 Francis Picabia, Y’a bon, 1920 (peinture et collage) Joan Rabascall, Dialogue, 1967 (peinture et collage) Jacques Mahé de la Villeglé, Boulevard de la Villette, 1971 (affiches décollées) • LES RÉFÉRENCES À L’ART DANS L’AFFICHE En même temps qu’elle exerce son influence sur les arts, l’affiche ne cesse d’en suivre les mouvements les plus significatifs. De l’Art Nouveau à l’art contemporain, en passant par les avant-gardes du début du siècle, les exemples ne manquent pas. A l’instar de Cassandre, qui comme Magritte ne se consacre à la peinture qu’après s’ëtre intéressé à l’affiche, beaucoup d’affichistes transposent, citent et détournent des oeuvres célèbres dans leurs publicités. Alfons Mucha et Gustave Klimt Leonetto Cappiello et le vampire de Murnau El Lissitzky et Vladimir Tatline Klaus Staeck et Manet Cassandre et Giacomo Balla Les biscuits Lu et Vincent Van Gogh Makoto Saito et Yves Klein Canon et Andy Warhol La Laitière et Jan Vermeer de Delft • L’AFFICHE: « La Publicité (…) on ne la juge pas - on la subit. L'affiche n'est pas un tableau (…) mais une machine à annoncer. » UN SIGNE Utilisée à son origine et durant très longtemps pour informer, puis pour séduire avant de convaincre, l’affiche entretient d’étroites relations avec les formes d’expression liées à l’écriture. Proche de la page de texte, elle s’éloigne au fur et à mesure du livre illustré pour aboutir au signe-symbole. Tandis que le texte est raccourci et intégré à la composition pour y être traité comme un élément plastique, l’image est agrandie et de plus en plus stylisée. Alliant image et texte, l’affiche a, au contraire de l’oeuvre picturale, avant tout pour charge de transmettre un message. Essentielle et percutante, elle devient avec Cassandre un outil de communication entre le commerçant et le public. Proche de l’idéogramme ou du pictogramme, elle exige d’être tout à la fois, visible et lisible. « Une affiche doit porter en elle la solution de trois problèmes : 1. Optique - Une affiche est faite pour être vue. Simple et d’autant plus efficace, elle interpelle l’homme pressé, en voiture ou dans le métro, et marque la mémoire collective. Qu’il s’agisse du célèbre slogan « Dubo, Dubon, Dubonnet » de Cassandre ou de la sympathique petite vache de Savignac, qui, en 1949, la tête inclinée et la queue en l’air, semble tout naturellement donner naissance à une savonnette « Monsavon au lait », l’affiche s’affirme comme une véritable « machine à annoncer ». 2. Graphique - On n'a pas jalon né les voies de chemin de fer de pancartes portant les mots « veuillez vous arrêter S.V.P. On a judicieusement préféré des signaux colorés, sortes d'idéo grammes infiniment plus expressifs et d'une lecture plus rapide. L'affiche qui doit par ler vite a choisi le même lan gage : l'image, véhicule même de la pensée. Ce n’est que beaucoup plus tard, dans les années 60, avec l’affiche psychédélique apparue aux Etats-Unis, que la clarté du message est remise en cause. 3. Poétique - Image liée à un mot (ou un nom), le but d'une affiche est de créer autour de cette image-mot, une série d'associations d'idées très sim ples et des associations d'idées qui ne sauraient être oubliées.» « Née de l'invention d'un procédé de reproduction, la lithographie, l'af fiche telle que nous l'entendons aujourd'hui n'aura sans doute qu'une vie éphémère, condamnée par l'invention d'un autre procédé, d'un autre moyen de diffuser l'image. Mais si sa forme actuelle est provisoire, son esprit qui est vieux comme les rues n'est pas prêt de mourir. (…) Les actes de l'homme d'aujourd'hui (…) participent de plus en plus de son esthétique ou de sa mécanique. La robe que porte sa femme n'est plus une subtile combinaison de chiffons imaginée par elle, mais une affiche portant la marque d'un grand couturier; le salon qu'il fait installer par un décorateur à la mode n'est plus une pièce où il aimera vivre, mais une affiche destinée d'abord à épater ses amis (…). Le style 'télé graphique' cher aux affichistes d'aujourd'hui prévaut partout : on a remplacé la correspondance par le coup de fil, le discours par le slogan, la barcarolle par le swing et le cinématographe par le ciné… L'homme d'aujourd'hui est pressé, pressé d'arriver où ? on se le demande, mais c'est un fait (…) pressé et impatient. Il n'a pas le temps de couper les cheveux en quatre. Il admire la brièveté, l'esquisse, la ligne droite, préfère la violence à la force, le cri à la conversation, le coup d'édredon à l'amour et le Coca-Cola au Château-Margaux. C'est pourquoi il aime l'affiche et pourquoi elle sera peut-être sa plus fidèle expression. Si le Quattrocento fut par excellence le siècle du peintre, le nôtre sera sans doute celui de l'homme sandwich. » Volontairement brouillée par une explosion de couleurs et de volutes, elle révèle l’état de crise dans lequel se trouve la société postindustrielle. Comme en écho au désenchantement exprimé par Cassandre dès les annèes 30, elle retrouve dans les réminiscences décoratives de l’Art Nouveau, une nouvelle picturalité. • PISTES Le terme « Art Déco » apparaît à l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes qui se tient à Paris en 1925. Il désigne un courant artistique apparu après la Première Guerre mondiale en Europe et aux Etats-Unis en réaction contre le « style nouille ». DE VISITE Après avoir été accueilis dans l’exposition par un animateur et participé à une lecture active de l’affiche “Au Bucheron” , les élèves de cycle 3 et de collège sont invités à parcourir l’exposition à l’aide d’une fiche de visite. Destinée à aiguiser leur regard et à favoriser l’appréhension de la démarche de Cassandre, elle sollicite une approche ludique et raisonnée des affiches. Par les confrontations qu’elle induit, elle pose d’emblée la question des relations entre l’image de communication et l’oeuvre picturale. A la recherche d’une esthétique adaptée aux exigences fonctionnelles de la création industrielle, les artistes se tournent vers des formes épurées et essentiellement géométriques. Influencés par le Cubisme, le Constructivisme russe et le Futurisme italien, ils cherchent à donner une image monumentale et fascinante de l’objet. Des formes strictes mais des matières riches, des couleurs vives et dégradées. C’est le retour de la rigueur après les ondulations florales de l’Art Nouveau. De grandes réalisations sont entreprises dans des domaines très divers: dans la décoration intérieure notamment (le Normandie, le Bon Marché et le cinéma Rex à Paris), mais également dans le mobilier, l’orfèvrerie, la verrerie, la reliure, la peinture et l’illustration. Dans l’affiche, dont la fonction et le langage sont redéfinis, l’objet, réduit à son signe, aboutit, au terme de simplifications successives, à l’abstraction. Avec l’arrivée de la Deuxième Guerre mondiale, les « années folles » cèdent progresivement la place à l’influence grandissante du Bauhaus et, plus généralement, du Style international. Si les lycéens bénéficient d’une visite commentée, les tous jeunes partiront à la découvertedes affiches à partir de reproductions de photographies de trains et de paquebots. Dans tous les cas, le dialogue avec l’animateur participe de l’analyse des images et de la formation culturelle de l’élève. • RESSOURCES DOCUMENTAIRES Bibliographie : • • • • • • • • Henri Mouron, A.M. Cassandre, éditions Schirmer/Mosel Robert R. Brown, Susan Reinhold, Cassandre, éditions Hubschmid & Bouret Catalogue du 16° Festival International de l'Affiche et des Arts Graphiques Dada, L’affiche, éditions Mango Georges Delobbe, L’affiche, histoire d’un art, éditions pemf perso.wanadoo.fr/art-deco.france/publicite.htm www.museedelapub.org/affdanslapub/index2.html expositions.bnf.fr/graphis/pistes/index.htm