Médecine & enfance Une diarrhée fébrile FAUSSE ROUTE Cas clinique de M. Bellaïche, hôpital RobertDebré, Paris O. Charara, hôpital André-Mignot, Versailles Rédaction : C. Faber Nicolas, âgé de quatre mois, présente une diarrhée fébrile depuis quatre jours. C’est une diarrhée non invasive. Il n’y a pas de déshydratation clinique. Devant la persistance des signes, un bilan est prescrit. rubrique dirigée par M. Bellaïche BILAN L’examen cytobactériologique des urines met en évidence une petite leucocyturie que l’on attribue à la contamination des urines par les selles. Aucun germe n’est retrouvé. L’ionogramme sanguin est normal. La protidémie est à 61 g/l. La numération formule sanguine donne 20 000 globules blancs, un taux d’hémoglobine à 10 g/dl et des plaquettes à 200 000/mm3. Il existe un syndrome inflammatoire, avec une CRP à 70 mg/l, et une élévation des transaminases à 110 UI pour les SGOT et 80 UI pour les SGPT. Figure 1 Echographie abdominale ROTAVIRUS ? Le premier diagnostic évoqué dans ces circonstances est celui de diarrhée à rotavirus. Dans ce type de diarrhée, il peut en effet exister une atteinte hépatique modérée, comme le fait remarquer une équipe de Cleveland [1]. Celleci rapporte le cas d’un nourrisson de cinq mois vu aux urgences après quatre jours de diarrhée, nausées et vomissements dus à une infection à rotavirus et chez lequel l’échographie abdominale a objectivé de l’air périportal : hyperclarté évidente (figure 1 en haut). Une fois l’infection terminée, cette image disparaît (figure 1 en bas). Rappelons qu’il n’y a habituellement aucune indication d’un examen échographique chez les enfants ayant une diarrhée à rotavirus, sauf lorsque l’association diarrhée et douleurs abdominales fait craindre une invagination, ce qui était le cas pour ce bébé. Certaines invaginations démarrent, en effet, par une avril 2006 page 227 débâcle en aval du côlon et, donc, par une diarrhée. En ce qui concerne les transaminases, leur dosage chez des nourrissons hospitalisés pour diarrhée et déshydratation a montré que, lors de l’admission, elles étaient élevées chez 72 % de ceux présentant une infection à rotavirus contre 19 % dans les autres cas [2]. LA SUITE… Nicolas a eu une coproculture qui s’est révélée négative. Sa fièvre s’élève à 39 °C malgré le traitement symptomatique institué la veille. Il est alors mis Médecine & enfance Figure 2 Tuméfaction rétroauriculaire Figure 3 Eruption morbilliforme Figure 5 Hydrocholécyste sous Rocéphine® IM, là encore sans succès. En raison de l’apparition d’une tuméfaction rétroauriculaire rouge, chaude et bien limitée ressemblant à une adénite (figure 2), un ORL est appelé, qui élargit l’antibiothérapie. Le nourrisson est de plus en plus « grognon », et le lendemain on constate l’apparition d’une éruption morbilliforme avec hyperhémie conjonctivale (figure 3). Nicolas avait en fait un syndrome de Kawasaki avec des anévrismes coronariens et un hydrocholécyste (figures 4 et 5). Figure 4 Anévrismes coronariens atypiques du syndrome, que l’on retrouve dans cette observation : une urétrite aseptique (leucocyturie sans germes) et une diarrhée. En ce qui concerne les manifestations digestives au cours de cette maladie, la littérature rapporte une hépatomégalie et/ou une cytolyse hépatique dans 14 à 30 % des cas [3] et une diarrhée fébrile dans 30 % des cas, ainsi que la possibilité de développement de complications sévères de type obstruction intestinale [4] ou colite ischémique [5]. UNE DIARRHÉE FÉBRILE DANS 30 % DES CAS Si l’on reprend tous les éléments du syndrome de Kawasaki, il existait bien une hyperthermie supérieure à cinq jours, une éruption, une adénite et une hyperhémie conjonctivale. Il manquait donc l’énanthème et les modifications des extrémités pour compléter le tableau typique. Il existe d’autres manifestations plus Références [1] MORRISON S.C., CZINN S.J. : « Portal vein gas associated with rotavirus infection », J. Pediatr. Gastroenterol. Nutr., 2001 ; 33 : 626-8. [2] KOVACS A., CHAN L., HOTRAKITYA C., OVERTURF G., PORTNOY B. : « Serum transaminase elevations in infants with rotavirus gastroenteritis », J. Pediatr. Gastroenterol. Nutr., 1986 ; 5 : 873-7. [3] BADER-MEUNIER B., HADCHOUEL M., FABRE M., ARNOUD M.D., DOMMERGUES J.P. : « Intrahepatic bile duct damage in children with Kawasaki disease », J. Pediatr., 1992 ; 120 : 750-2. [4] MELE T., EVANS M. : « Intestinal obstruction as a complication of Kawasaki disease », J. Pediatr. Surg., 1996 ; 31 : 985-6. [5] THABET F., BELLARA I., TABARKI B., KCHAOU H., SELMI H., YACOUB M., ESSOUSSI A.S. : « Colite ischémique et syndrome d’hémophagocytose compliquant une maladie de Kawasaki », Arch. Pédiatr., 2004 ; 11 : 226-8. medecine-et-enfance.net Le site de Médecine et enfance est libre d’accès. Tous les articles parus depuis 1999 sont consultables en ligne à l’exception de ceux des quatre derniers numéros. avril 2006 page 228