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La stéatose hépatique non alcoolique :
une pathologie bénigne?
Alexandre Lafleur, résident
en médecine interne et
Isabelle-Pascale Beaudet,
M.D., FRCPC
Présenté à l’HôtelDieu de Québec
(CHUQ), au
département de
gastro-entérologie,
février 2009.
Le cas de Claude
Vous rencontrez un nouveau patient, Claude, âgé de 55 ans, qui était sans suivi médical
depuis cinq ans. Ce patient n’a aucun antécédent de maladie hépatique. Non-fumeur, il
prend deux consommations d’alcool par jour depuis 10 ans et ne prend aucun
médicament. Son dossier fait état d’une échographie abdominale récente où l’on note
une stéatose hépatique modérée.
S’agit-il d’une trouvaille fortuite sans importance?
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ou NASH?
Tableau 1
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Plus de 30 % des patients atteints de
stéatose non alcoolique sont atteints du
syndrome métabolique.
Critères diagnostiques
du syndrome
métabolique
(trois nécessaires)
• Tour de taille :
hommes > 102 cm;
femmes > 88 cm
• TA > 130/85 mm Hg
• Triglycérides > 1,7 mmol/L
• C-HDL : hommes < 1,0;
femmes < 1,3 mmol/L
• Glycémie à jeûn > 5,6 mmol/L
Réf. : Circulation 2009; 120:1640-45.
46 le clinicien mars 2010
Convaincu du contraire, vous effectuez un bilan hépatique et demandez à monsieur de
cesser la prise d’alcool. Quelques bilans de laboratoire, la mesure du tour de taille et
de la tension artérielle vous permettent également de porter un diagnostic det
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syndrome métabolique, pour lequel vous initiez un plan de perte de poids.
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vec la prévalence croissante du diabète de type 2, de l’obésité et du syndrome
métabolique, de plus en plus de patients présentent une stéatose hépatique
non alcoolique (ou NAFLD [Non-Alcoholic Fatty Liver Disease]), qui est un spectre étendu de maladies (Figure 1, page 48). Alors que certains patients sont atteints
de stéatose simple non évolutive, d’autres évolueront vers la stéatohépatite non
alcoolique (ou NASH [Non-alcoholic Steatohepatitis]), la cirrhose ou le carcinome hépatocellulaire. Parmi vos 100 derniers patients, 30 étaient possiblement
atteints de NAFLD et cinq de NASH, ce dernier diagnostic impliquant parfois une
perturbation du bilan hépatique. Dans ce domaine en mouvance, il est encore ardu
d’identifier quel patient présentera une évolution défavorable.
La physiopathologie du NASH s’explique par une résistance à l’insuline qui
provoque une transformation accrue des acides gras libres en triglycérides au niveau
hépatique. Cette stéatose est couplée à un phénomène inflammatoire expliqué par les
cytokines provenant du tissu adipeux, surtout de la graisse abdominale, du stress
oxydatif et de certaines toxines bactériennes. La peroxydation des lipides constitue
peut-être le phénomène le plus important dans le NASH. Notons que ces processus sont
modulés par des facteurs génétiques, polygéniques et environnementaux.
A
La stéatose hépatique non alcoolique
Tableau 2
Conditions de
recherche de la
stéatose
non alcoolique
• Obésité
• Intolérance au glucose /
diabète de type 2
• Dyslipidémie
• Syndrome métabolique
• Apnée du sommeil, syndrome
des ovaires polykystiques,
hypothyroïdie (en investigation)
Un diagnostic d’exclusion
Les patients, souvent asymptomatiques, seront investigués sur la base d’une stéatose
découverte à l’imagerie ou d’un bilan hépatique légèrement perturbé avec un ratio
AST/ALT < 1 (contraire aux perturbations secondaires à l’alcool).
Une douleur au quadrant supérieur droit, une fatigue, une hépatomégalie ou les
stigmates du syndrome métabolique, dont le tour de taille augmenté, peuvent compléter le tableau clinique (Tableau 1).
Le clinicien doit d’abord éliminer les causes toximédicamenteuses, virales,
autoimmunes et génétiques pouvant être à l’origine de la perturbation du bilan hépatique. Le diagnostic doit être suspecté chez un patient à risque, après une période de
six mois d’abstinence d’alcool (Tableau 2).
L’investigation
L’investigation comprend l’échographie qui possède une sensibilité de 50 à 90 % pour
la NAFLD, laquelle ne peut être différenciée radiologiquement du NASH. La résonance magnétique a une sensibilité de près de 100 % pour la détection de stéatose
radiologique. L’élastographie (FibroScanMD) est une modalité radiologique en évaluation qui permettra la détection non invasive des degrés avancés de fibrose.
Quand procéder à la biopsie?
Tableau 3
Biopsie à considérer
en présence de
plusieurs des critères
suivants
• Âge > 50 ans
• Antécédents familiaux de
maladie hépatique
• Obésité (IMC ‡ 30)
• Diabète ou syndrome
métabolique
• Hypertriglycéridémie
• Ratio AST/ALT > 1 (inversion
par rapport au profil initial)
ou
• ALT > 2 fois la limite
supérieure de la normale
• Diagnostic incertain
Il existe une faible corrélation entre le tableau clinique, les bilans de laboratoire et les
trouvailles histologiques du NAFLD. La biopsie hépatique demeure le seul test diagnostique permettant d’évaluer le degré d’inflammation et de fibrose. Les facteurs de
risque associés à la présence de fibrose hépatique lors d’un NASH sont présentés au
Tableau 3. Il s’agit de la clientèle qui bénéficie le plus d’une biopsie hépatique afin de
prédire l’évolution vers la cirrhose et d’éliminer un diagnostic alternatif. Cette décision
devrait faire l’objet d’une évaluation en spécialité car elle conduira à une prise en
charge plus agressive des patients évoluant vers la cirrhose.
Est-ce traitable?
La perte de poids
Une perte de poids soutenue, de l’ordre de 7 % en six mois, est associée à une amélioration du bilan hépatique et de la stéatose radiologique. En présence d’obésité
morbide, 75 à 100 % des patients ayant bénéficié d’une chirurgie bariatrique par
dérivation bilio-pancréatique ont une résolution complète du NASH.
La médication
Un traitement à long terme avec les thiazolidinediones offrirait un bénéfice quant à la
diminution du degré de fibrose qui doit être confronté au risque d’infarctus du
myocarde (résultats controversés avec la rosiglitazone), d’ostéoporose et de gain de
poids pouvant être associés avec de telles molécules.
le clinicien mars 2010
47
La stéatose hépatique non alcoolique
Stéatose hépatique
simple
Stéatohépatite
non alcoolique
Cirrhose
(15 % des NASH)
À retenir
Fibrose
• Échographie
• Suivi du bilan
hépatique
• Limiter l’alcool
• Exclure les autres
causes de stéatose
• Recherche du
syndrome métabolique
• Traitement des
facteurs de risque
cardiovasculaires
• Perte de poids
• Éliminer les
autres causes de
perturbation du
bilan hépatique
• Orientation vers
un spécialiste, au
besoin
• INR, albumine et
bilirubine
devraient être
normaux
• Identifier les
patients à risque
(Tableau 3)
• Orientation vers un
spécialiste qui
procédera, au
besoin, à une
biopsie hépatique
• Élastographie
(à venir)
• Traitement agressif
des facteurs de
risque
• Vaccination,
abstinence d’alcool
• Suivi et prévention
des varices
œsophagiennes
• Échographie /
alpha-fœtoprotéine
sériées
• Traitement
pharmacologique
à considérer
• Chirurgie
bariatrique (si
cela s’applique)
Carcinome
hépatocellulaire
• La stéatose hépatique non
alcoolique peut évoluer vers la
stéatohépatite, la cirrhose et le
carcinome hépatocellulaire.
• L’investigation initiale
comprend l’échographie et le
bilan hépatique que l’on peut
compléter, dans certains cas
précis, par la biopsie chez les
patients à haut risque afin
d’intensifier leur traitement et
de modifier leur suivi.
• Il faut rechercher et traiter le
syndrome métabolique chez
les patients porteurs de
stéatose hépatique simple ou
de NASH.
• La perte de poids est la pierre
angulaire du traitement.
Figure 1. Le spectre de la stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD)
L’utilisation des statines dans le but d’atteindre les cibles de C-LDL doit
faire l’objet d’un suivi étroit en présence d’une pathologie hépatique active et
est contre-indiquée en présence d’insuffisance hépatique.
L’utilisation de la metformine, des fibrates et du telmisartan devra faire
l’objet d’études de plus grande envergure avec évaluation histologique.
Les analogues des incrétines montrent des résultats prometteurs sur des
modèles animaux, tandis que les anti-TNF sont présentement étudiés pour les
formes graves. On doit considérer la transplantation dans les cas d’insuffisance hépatique, bien que la récidive post-greffe soit fréquente.
Une bibliographie pour cet article
est disponible, contactez-nous :
[email protected]
La prise en charge cardiovasculaire
Les complications cardiovasculaires demeurent une cause importante de
morbidité et de mortalité chez cette population. En plus de prévenir et de
traiter la pathologie hépatique, le clinicien doit s’assurer d’une prise en
charge optimale des facteurs de risque cardiovasculaire.
Retour sur le cas de Claude
Le bilan d’hépatopathies chroniques déjà réalisé, vous orientez monsieur vers
un gastroentérologue qui effectue une biopsie hépatique révélant une
stéatohépatite avec fibrose importante. Ce patient, considéré à risque, bénéficie
dès lors d’un traitement pharmacologique combiné à une modification des
habitudes de vie afin de diminuer ses risques d’évoluer vers une cirrhose.
C
48
le clinicien mars 2010
Dr Lafleur est résident en médecine
interne à l’Université Laval.
Dre Beaudet est gastro-entérologue,
Centre hospitalier universitaire de
Québec (CHUQ).
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