La musique adoucit-elle les relations internationales

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Interview
La musique adoucit-elle les relations internationales ?
3 questions à Frédéric Ramel
Publié le 10/06/2016
MUSIQUE - POLITIQUE
La musique est-elle un langage universel ou bien un instrument d’influence
voire de réalpolitique ? Frédéric Ramel, professeur des universités en Science
politique à l’IEP de Paris, rattaché au Centre de Recherches Internationales,
révèle les accords, parfois majeurs, entre musique et diplomatie.
1. Pourquoi s’intéresser à la place de la
musique dans les relations internationales ?
Les relations internationales ont souvent été associées à l’image du soldat et
du diplomate. Prendre en considération la musique dans les relations
internationales permet de varier les approches. D’une part, cela permet de
mieux prendre en compte des phénomènes culturels transnationaux plus ou
moins autonomes par rapport à la diplomatie menée par les États. D’autre
part, la dimension musicale permet d’introduire une analyse sensible et
artistique qui dépasse la rationalité des acteurs.
2. Quels travaux ont été menés sur le sujet ?
Quatre disciplines se sont intéressées à cette dimension. La musicologie
explore le rôle de la musique dans les processus de transformation des
conflits armés récents. L’histoire renouvelle les approches classiques en
soulignant l’épaisseur des relations culturelles transnationales. La sociologie
étudie la circulation et la réception des œuvres à l’échelle globale tout en
mettant en relief les transformations de l’écoute et celles qui affectent les
industries musicales dans la mondialisation. Enfin, la science politique s’est
engagée dans un tournant esthétique afin de décrire les relations
internationales à partir d’autres angles parmi lesquels la musique.
3. On évoque souvent le soft power pour
désigner la place de la culture dans la politique
étrangère des États. Quelle est la part de la
musique dans l’histoire et le développement du
soft power ?
Lors de la Guerre froide, la musique fut une des ressources utilisées par les
deux Grands en vue d’exercer une attraction culturelle. D’un côté, les ÉtatsUnis mirent en place leur programme des Ambassadeurs du Jazz. Dizzy
Gillespie, Duke Ellington ou encore Louis Armstrong réalisèrent plusieurs
tournées à l’étranger à partir de 1956. Ces concerts entendaient montrer non
seulement la contribution de la musique d’origine afro-américaine à la culture
américaine mais aussi l’image d’une société libérale qui reconnaît une égalité
de droits. De l’autre, l’Union soviétique diffusa sa propre musique ainsi que
ses ballets dans un esprit fidèle au réalisme. Aujourd’hui, le département d’
État américain soutient la diffusion de certains genres musicaux comme le hiphop au Moyen-Orient et au Maghreb (festivals, tournées). La Chine promeut
son patrimoine musical et lyrique à l’instar de plusieurs opéras dont Rain of
Flowers along the Silk Road (1979). Des figures du showbiz cherchent
également à exercer sur la scène internationale une forme de soft power que l’
on peut qualifier de diplomatie des célébrités : Bono, Beyoncé, Yo-Yo Ma… En
vue de transformer les représentations de l’ennemi au Proche-Orient, Daniel
Barenboim a créé avec son ami aujourd’hui décédé, Edward Saïd, un
orchestre qui regroupe des jeunes Palestiniens, Israéliens ou Arabes.
Propos recueillis par Jérémie Desjardins, Bpi
Article paru initialement dans de ligne en ligne n°20
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relations internationales
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Rencontre
La musique adoucit-elle les relations internationales ?
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À 19:00
Petite Salle
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