Parésie congénitale du muscle oblique supérieur

publicité
Cas clinique
Neuro-ophtalmologie et strabisme
Parésie congénitale
du muscle oblique supérieur
Oblique superior palsy
Paralysie de l’oblique supérieur
• Hypertropie • Torticolis.
Oblique superior palsy • Hypertropia • Head tilt.
M.A. Espinasse-Berrod
(Service d’ophtalmologie, hôpital Necker, Paris)
G
uillaume, âgé de 6 ans, présente depuis la naissance un torticolis tête
penchée sur l’épaule gauche (figure 1). Il ne présente aucun signe fonctionnel, mais le pédiatre pense que l’importance du torticolis commence à avoir
un retentissement postural sur son dos.
Examen
L’examen révèle une isoacuité à 10/10. La cycloplégie retrouve une emmetropie. On
ne note à l’interrogatoire aucune diplopie ni aucun signe de fatigue visuelle. La vision
stéréoscopique est de bonne qualité dans la position de torticolis.
Un torticolis tête penchée sur l’épaule gauche fait d’emblée suspecter une atteinte du
muscle oblique supérieur droit. Pour rappel, ce muscle est abaisseur et son atteinte
entraîne une hypertropie droite. Cette hypertropie est mise en évidence par le regard
à gauche et l’inclinaison de la tête.
▶ Le regard à gauche
L’œil droit est alors dans le champ d’action des muscles obliques droits. L’action du
muscle oblique inférieur n’est plus contrebalancée par celle de l’oblique supérieur,
d’ou l’élévation de l’œil droit (figure 2). Cette hypertropie disparaît dans le regard
opposé (champ d’action des muscles droits verticaux) [figure 3].
▶ L’inclinaison de la tête sur l’épaule du côté opposé au torticolis
Légendes
Le fait de remettre la tête droite permet déjà de démasquer l’hypertropie droite
(figures 4 et 5) ; le strabisme se décompense au maximum quand on penche la tête
sur l’épaule droite (figures 6 et 7) [manœuvre de Bielschowsky].
Figure 1. Torticolis tête penchée sur l’épaule
gauche, constant dans la vie courante.
Diagnostic
Figure 2. Élévation de l’œil droit dans le
regard à gauche.
Une étude rapide de la motilité permet le plus souvent le diagnostic.
Figure 3. Normalité dans le regard à droite.
L’atteinte est congénitale (ancienneté du torticolis retrouvée à l’interrogatoire et sur
des photos anciennes). Le bilan neuroradiologique n’est pas indiqué dans une forme
congénitale typique (il pourrait mettre en évidence une atrophie variable du muscle
oblique supérieur), mais une atteinte possiblement acquise nécessiterait, bien sûr,
un bilan neurologique complet.
Figure 4. Phorie tête penchée à gauche.
Une forme congénitale est souvent bien tolérée fonctionnellement, car l’enfant développe une grande capacité de fusion verticale des images. Mais la position de torticolis, qui facilite la compensation en excluant la sollicitation des muscles concernés,
peut entraîner une souffrance cervicale, en plus du retentissement social. Par
ailleurs, avec les années, la fusion devient moindre et des signes fonctionnels apparaissent très fréquemment (diplopie, asthénopie…).
Le diagnostic étant parfois méconnu, le torticolis est alors imputé à une autre cause
que l’atteinte musculaire, d’où l’importance du diagnostic ophtalmologique.
24
Figure 5. Apparition de l’hypertropie quand
la tête est mise droite.
Figure 6. Manœuvre de Bielschowsky :
majoration de l’hypertropie quand la tête
est penchée sur l’épaule droite.
Figure 7. Manœuvre de Bielschowsky : l’incli­
naison de la tête sur l’épaule droite entraîne
une incyclotorsion compensatrice de l’œil
droit. Les muscles intorteurs étant le droit
supérieur et l’oblique supérieur et ce dernier
étant parésié, le droit supérieur entraîne
l’hypertropie.
Images en Ophtalmologie • Vol. II • n° 2 • avril-mai-juin 2008
IO-NN2-0408.indd 24
17/07/08 10:34:45
Cas clinique
Neuro-ophtalmologie et strabisme
1
2
4
3
5
6
2
1
7
Images en Ophtalmologie • Vol. II • n° 2 • avril-mai-juin 2008
IO-NN2-0408.indd 25
25
17/07/08 10:34:53
Cas clinique
Neuro-ophtalmologie et strabisme
Prise en charge
La rééducation orthoptique n’est pas indiquée.
Des prismes peuvent être tentés dans les petites déviations mais ne représentent
qu’une solution à type de “béquille” imposant le port de lunettes. Ils ne sont donc
généralement pas indiqués chez l’enfant. Ils peuvent en revanche être utiles ajoutés
à la correction optique (même de verres progressifs) d’adulte avec un tableau modéré
et des signes fonctionnels à type de diplopie intermittente, par exemple.
Le traitement est chirurgical, plus ou moins précoce selon l’importance du torticolis.
La chirurgie consiste en un recul du muscle oblique inférieur ou un renforcement du
muscle oblique supérieur. Les résultats sont généralement très satisfaisants. Néanmoins, les deux risques postopératoires sont la sous-correction et la bilatéralisation
secondaire de la parésie (atteinte du second œil masquée par celle du premier). II
Pour en savoir plus…
• Péchereau A. La verticalité : cahier de sensoriomotricité : XXIXe Colloque de Nantes. Nantes : FNRO
éditions, 2004.
• Espinasse-Berrod MA. Paralysie du IVe nerf crânien (nerf trochléaire). In : Strabisme : approches
diagnostique et thérapeutique. Paris : Elsevier 2008 (2e édition);187.
• Dufay-Dupar B, Espinasse-Berrod MA, Dufier JL. Évaluation de l’efficacité du recul isolé de 12 mm
du muscle oblique inférieur dans la paralysie congénitale du muscle oblique supérieur : étude rétro­
spective de six patients. J Fr Ophtalmol 2008;31,1:24-9.
www.edimark.fr
www.edimark.fr
Retrouvez Images en Ophtalmologie
en accès libre sur notre site Internet
Pour consulter gratuitement
les archives de la revue :
1. entrer le code IMG-OPH-1
dans “n° d’abonné”
sur la page d’accueil du site ;
2
1
2. cliquer sur Publications
> Images > En ophtalmologie.
En ligne : articles et vidéos en version intégrale.
26
Images en Ophtalmologie • Vol. II • n° 2 • avril-mai-juin 2008
IO-NN2-0408.indd 26
17/07/08 10:34:54
Téléchargement