U Complications de la chirurgie du syndrome de Brown Cas clinique

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Cas clinique
Neuro-ophtalmologie et strabisme
Complications de la chirurgie
du syndrome de Brown
Syndrome de Brown
• Chirurgie • Paralysie de
l’oblique supérieur.
M. Sadaoui, O. Tazi, M.A. Espinasse-Berrod
Brown syndrome • Surgery
• Superior oblique paresis.
Surgical complications of Brown syndrome
(Service d’ophtalmologie, CHU Necker, Paris)
U
ne enfant, âgée de 5 ans, est adressée en 1999 pour la prise en charge d’un
syndrome de Brown évoluant depuis l’âge de 2 ans avec hypotropie de l’œil
droit et position anormale de la tête.
Examen
L’examen révèle une isoacuité à 10/10 Parinaud 2. La cycloplégie sous atropine
retrouve une emmétropie. On note une attitude vicieuse de la tête rejetée en arrière et
tournée vers la gauche (figure 1), ainsi qu’une absence d’élévation en adduction avec
abaissement en adduction de l’œil droit (figure 2). La vision binoculaire est de bonne
qualité dans la position du torticolis, et l’examen sous écran (œil gauche fixateur et
tête droite) retrouve : ET16 HGT18, E’T20 HG’T18.
Traitement
L’affaiblissement de l’oblique supérieur droit est indiqué du fait de l’attitude vicieuse
de la tête et de l’hypotropie de l’œil droit. Un test préalable peropératoire de duction
forcée est réalisé afin de confirmer le syndrome de Brown. Puis, une ténotomie est
effectuée à l’insertion l’oblique supérieur droit.
Évolution
En postopératoire immédiat, le torticolis a disparu, et l’examen sous écran (œil gauche
fixateur) retrouve une minime inversion de la hauteur en position primaire : ET6 HDT3,
E’T2 H’DT3.
La patiente est perdue de vue mais, en 2009, après 10 ans d’évolution, elle consulte
à nouveau pour une diplopie intermittente dans la vie courante avec des céphalées
importantes en fin de journée (figure 3). L’acuité visuelle est de 10/10 Parinaud 2, sa
tête est penchée sur l’épaule gauche et l’examen sous écran (œil gauche fixateur)
montre, tête penchée sur l’épaule gauche : ET6 HDT16, E’T8 H’DT25, et tête droite :
ET8 HDT30, E’T8 H’DT30.
Devant ce tableau clinique, un test de Hess-Lancaster (figure 4) confirme la paralysie
de l’oblique supérieur droit, et une intervention chirurgicale est décidée.
Discussion
Le syndrome de Brown se définit par un défaut d’élévation actif et passif de l’œil
en adduction, lié à une anomalie du muscle oblique supérieur ou des structures
qui l’­entourent et qui empêchent son extension. Le syndrome de Brown est le plus
souvent congénital, mais peut être aussi acquis. La forme congénitale fait classiquement partie des strabismes anatomiques ou strabismes restrictifs. L’observation de
l’enfant pendant l’interrogatoire, mais aussi lors des tests de lecture, permet de voir
s’il existe un torticolis et l’importance de celui-ci.
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Images en Ophtalmologie • Vol. IV • no 3 • juillet-août-septembre 2010
Légendes
Figure 1. Syndrome de Brown droit sévère
avec attitude vicieuse de la tête rejetée en
arrière et tournée vers la gauche.
Figure 2. Les neuf positions du regard : on
peut noter l’hypotropie de l’œil droit en position primaire. Absence d’élévation en adduction et abaissement en adduction.
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L’enfant ayant un syndrome de Brown congénital ne se plaint, en général, d’aucun
symptôme et c’est, le plus souvent, l’entourage qui remarque l’anomalie oculomotrice
ou le torticolis.
L’acuité visuelle est, en général, normale, sans trouble réfractif majeur.
L’examen moteur révèle un déficit plus ou moins marqué de l’élévation en adduction,
alors que l’élévation en abduction ainsi que l’adduction en dessous du méridien horizontal sont normales. De face, l’enfant peut présenter une orthotropie ou une hypotropie plus ou moins importante de l’œil atteint. On note, parfois, un abaissement en
adduction, un élargissement de la fente palpébrale et une hyperaction modérée du
droit supérieur opposé. Parfois, un strabisme horizontal y est associé.
Le syndrome de Brown est rarement diagnostiqué à l’âge adulte, probablement parce
que l’amélioration est souvent spontanée, mais aussi parce que le regard vers le haut
est moins sollicité. C’est pourquoi peu de cas justifient une chirurgie, et l’indication
de celle-ci doit être mûrement réfléchie.
Le traitement chirurgical ne doit être envisagé que dans les formes majeures avec
torticolis important ou hypotropie notable dans la position primaire.
Certains auteurs proposent une ténotomie simple du tendon en nasal du droit supérieur, mais, pour G.K. von Noorden, c’est la ténectomie large de ce tendon qui donne
les meilleurs résultats. Dans la moitié des cas, toutefois, une paralysie secondaire
de l’oblique supérieur apparaît dans un premier temps, qui sera compensée par un
affaiblissement de l’oblique inférieur dans un deuxième temps. Le risque de paralysie secondaire de l’oblique supérieur incite aujourd’hui à privilégier le recul dosé de
l’oblique supérieur. Wright introduit une bande de silicone qui permet d’allonger le
tendon, et plusieurs auteurs décrivent des résultats satisfaisants avec cette technique.
Notre cas illustre que, dans le traitement chirurgical du syndrome de Brown par un
affaiblissement non contrôlé du muscle oblique supérieur, une paralysie de ce dernier
peut survenir et se manifester cliniquement des années plus tard. Cette paralysie
s’installe progressivement et se caractérise par une diplopie dans le regard vers le
bas, accompagnée d’un torticolis. Les résultats chirurgicaux sur la paralysie sont
généralement décevants. Cette complication peut être plus invalidante que la situation
de départ, représentée par le syndrome de Brown, le regard vers le bas étant plus
utilisé que le regard vers le haut.
Devant la possibilité de régression spontanée et face à la variabilité des résultats
chirurgicaux quelle que soit la technique, seuls les syndromes avec hypotropie
en position primaire, torticolis et altération de la vision binoculaire doivent être
opérés tout en sachant que la technique chirurgicale doit privilégier le recul dosé
de l’oblique supérieur. L’amélioration postopératoire peut être progressive, et il
vaut mieux noter une légère sous-correction en postopératoire immédiat qu’une
surcorrection qui sera difficile à gérer.
II
Références bibliographiques
1. Spielmann A. Le Syndrome de Brown. In : Spielmann A. Les strabismes. De l’analyse clinique à la
synthèse chirurgicale. Paris : Masson, 1989;384-7.
2. Hadjadj E, Conrath J, Ridings B, Denis D. Syndrome de Brown : actualités. J Fr Ophtalmol 1998;
21:276-82.
3. Denis D, Hadjadj E. Syndromes de Brown. In : Espinasse-Berrod MA, Strabologie : approches
diagnostique et thérapeutique. Elsevier, 2008;213-25.
4. George JL, Maalouf T, Cordonnier MO, Angioi-Duprez K. Les malpositions palpébrales dans le
syndrome de Brown. J Fr Ophtalmol 2004;27:579-87.
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Légendes
Figure 3. Paralysie de l’oblique supérieur
droit apparue après l’opération : regard à
droite en haut et en bas (a et b) ; torticolis
tête penchée sur l’épaule gauche (c) ; tête
penchée sur l’épaule droite, hypotropie
gauche (d) ; regard à gauche : hypertropie
de l’œil droit en adduction (e et f).
Figure 4. Schéma de Hess-Lancaster avec
hypofonction importante du muscle oblique
supérieur droit : forme acquise de la paralysie
de l’oblique supérieur.
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