Devenir à un an des patients hospitalisés en court séjour gériatrique

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Article original
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2013 ; 11 (1) : 43-8
Devenir à un an des patients hospitalisés
en court séjour gériatrique,
avec un syndrome démentiel connu,
ou nouvellement diagnostiqué
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
First year prognosis of patients hospitalized in an acute
geriatric ward with a known dementia or newly diagnosed
Anne-Laure VÉtillard1
Laetitia Grandcollot1
Laurent Lechowski1,2
Marine Le Crane1
Bertrand Denis1
Lucie Aubert1
Sophie Van Pradelles1
Florence Muller de Schongor1
Zina Seridi1
DaniÈle Tortrat1,2
Laurent Teillet1,2
1 Service de médecine gériatrique,
Hôpital Sainte-Périne, AP-HP, Paris,
France
<[email protected]>
2 Laboratoire « Santé-vieillissement »,
EA 2506, Université Versailles
St-Quentin-en-Yvelines, Hôpital
Sainte-Périne, Paris, France
Tirés à part :
A.-L. Vétillard
Résumé. En France, seulement un tiers des patients ayant un syndrome démentiel ont un
diagnostic de démence. L’objectif de notre étude était d’observer le devenir de patients
présentant un syndrome démentiel, antérieurement connu ou non, dans les suites d’une
hospitalisation. Nous avons étudié le devenir à un an de 90 patients hospitalisés en gériatrie aiguë. Quarante-neuf patients avaient un syndrome démentiel connu (groupe 1, âge
moyen 85,7 ± 4,6 ans, MMSE moyen 12,4 ± 6,2) et 41 avaient un syndrome démentiel
nouvellement diagnostiqué (groupe 2, âge moyen 88,4 ± 6,4 ans, MMSE moyen 16,1 ±
6,5). La différence était significative pour l’âge (p < 0,03) et le score MMSE (p < 0,02). À un
an, la mortalité était de l’ordre de 30 % dans les 2 groupes. Le taux d’institutionnalisation
était de 33 % dans le groupe 1 et 49 % dans le groupe 2. Le nombre de jours passés au
domicile était de 190,9 ± 159,9 jours pour le groupe 1 vs 111,1 ± 148,1 jours pour le groupe
2 (p < 0,03). Ces résultats tendraient à encourager le diagnostic de démence chez des
patients très âgés et polypathologiques dans l’optique d’une meilleure qualité de vie avec
un maintien au domicile prolongé.
Mots clés : personne âgée, démence, hospitalisation
Abstract. In France, only a third of demented patients have an established diagnostic of
dementia. Hospitalization is often an opportunity to perform a diagnostic of dementia. Real
benefits for patients of such a diagnostic process are unknown. The objective of the study
was to observe prognosis of elderly patients hospitalized in geriatric courses in terms of
mortality, hospitalization rate and entry into an institution. This was a monocentric prospective study with a one-year follow-up of 90 patients hospitalized in an acute geriatric ward with
either dementia known by general practitioner, either diagnosed during the hospitalization
according to DSM IV criteria. A one year follow-up by phone has been conducted. From a
consecutive set of 159 inpatients for 18 weeks, we included in this study 49 patients with a
known dementia (group 1, mean age 85.7±4.6 years, mean Mini-mental state examination
(MMSE) score 12.4±6.2) and 41 patients with dementia diagnosed during hospitalization
(group 2, mean age 88.4±6.4 years, mean MMSE score 16.1±6.5). Differences between
the two groups were significant for age (p <0.03) and MMSE score (p <0.02). One-year
mortality rate was near 30% in the 2 groups. Rate of institutionalization was 33% in group 1
and 49% in group 2 (not statistically significant). There was a significant difference in number of days spent at home between group 1 and group 2, respectively 190.9±159.9 days vs
111.1±148.1 days (p <0.03). Demented patients previously diagnosed lived longer at home
at one year than patients newly diagnosed. These results tend to support the diagnosis of
dementia in very elderly patients with multiple comorbidities. Conditions of living at home,
in particular the quality of life, should be the object of further studies.
doi:10.1684/pnv.2013.0400
Key words: elderly, dementia, hospitalization
L
a maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées
touchent en France probablement plus de 800 000
personnes [1]. À l’heure actuelle, ces maladies restent insuffisamment diagnostiquées et prises en charge.
En effet, selon un rapport parlementaire, seulement un cas
sur deux serait diagnostiqué [2]. Il s’agit d’un problème
retrouvé dans d’autres pays [3, 4]. Ce fait peut être expliqué par l’absence de plaintes fonctionnelles concernant les
troubles cognitifs par le patient ou son entourage ou bien
la difficulté d’accès au système de soins chez ces patients
Pour citer cet article : Vétillard AL, Grandcollot L, Lechowski L, Le Crane M, Denis B, Aubert L, Van Pradelles S, Muller de Schongor F, Seridi Z, Tortrat
D, Teillet L. Devenir à un an des patients hospitalisés en court séjour gériatrique, avec un syndrome démentiel connu, ou nouvellement diagnostiqué.
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2013; 11(1) :43-8 doi:10.1684/pnv.2013.0400
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A.-L. Vétillard, et al.
en perte d’autonomie. Enfin le médecin peut s’interroger
sur l’intérêt d’une telle démarche chez ces patients souvent
polypathologiques pour lesquels il est recommandé de hiérarchiser les pathologies à prendre en charge [5]. Il est donc
fréquent de découvrir, chez des patients âgés hospitalisés,
des troubles cognitifs en rapport avec un syndrome démentiel n’ayant fait l’objet ni d’un diagnostic ni d’une prise en
charge spécifique. Le devenir de ces patients au décours
de l’hospitalisation est mal connu. Par ailleurs, un syndrome
confusionnel, fréquent chez des patients âgés hospitalisés,
va grever le pronostic. En effet, une étude finlandaise montrait une mortalité et un risque d’institutionnalisation à un an
accrus chez les patients hospitalisés initialement confus par
rapport à des patients non confus [6]. Le devenir au terme
d’une hospitalisation des patients souffrant d’une démence
méconnue jusqu’alors, est un des facteurs déterminants
pour évaluer l’intérêt de faire un diagnostic, puis d’amorcer
une prise en charge spécifique.
L’objectif de notre étude était de déterminer le devenir à un an des patients hospitalisés dans une unité de
gériatrie aiguë, avec un syndrome démentiel. Nous avons
comparé les patients dont la démence était initialement
connue avec ceux pour lesquels le diagnostic n’avait pas été
fait antérieurement. Les critères de jugement pour l’étude
du devenir à un an des patients étaient la mortalité, la durée
totale des hospitalisations, le nombre de jours passés au
domicile et en institution.
patients. Quarante-neuf patients avaient un diagnostic de
démence antérieurement connu avec un bilan réalisé par
un neurologue ou un gériatre. Ils ont constitué le groupe
« démence connue ». Quarante et un patients n’avaient
pas bénéficié d’un diagnostic avant l’hospitalisation et ont
constitué le groupe « démence non connue ».
Données recueillies
Le recueil de données réalisé par un médecin au
moment de l’inclusion concernait le motif d’admission, le
diagnostic principal et les diagnostics associés tels qu’ils
ont été codés au terme du séjour, le mode d’entrée et de
sortie, le lieu de vie, la présence d’une tierce personne au
domicile, les coordonnées de l’entourage et du médecin
traitant, les antécédents médicaux et chirurgicaux, les traitements médicamenteux, l’albuminémie, le score du MMSE
[8]. Les patients ou leur entourage avaient donné leur accord
quant à leur participation pour cette étude observationnelle
prospective avec suivi téléphonique à un an.
Le recueil de données à un an comprenait la date du
décès le cas échéant, le lieu de vie du patient (domicile ou
institution), la date de l’entrée en institution le cas échéant,
le nombre d’hospitalisations en court séjour, soins de suites
et réadaptation (SSR) ou soins longue durée, et leur durée.
Enfin, nous avons recherché l’existence d’un suivi médical
des troubles cognitifs ainsi que la prescription éventuelle
d’un traitement spécifique de la maladie d’Alzheimer de
type anticholinestérasique ou mémantine.
Patients et méthodes
Analyses statistiques
Les patients
Il s’agissait d’une étude prospective monocentrique réalisée dans une unité de gériatrie aiguë à Paris, avec un suivi
téléphonique à un an. Il s’agissait d’une unité de 19 lits dont
les patients provenaient pour les trois-quarts des services
d’accueil des urgences voisins et pour un quart directement adressés par leur médecin traitant. Pour cela, nous
avons inclus successivement tous les patients admis dans
l’unité entre août 2008 et janvier 2009, soit un total de 159
patients. Les critères de non-inclusion étaient les patients
spécifiquement hospitalisés pour un bilan cognitif, pour des
soins palliatifs, pour un accident vasculaire cérébral compliqué de troubles de la conscience, ainsi que les patients pour
qui l’évaluation médicale initiale faisait craindre un décès
à court terme. Les patients qui avaient un diagnostic de
syndrome démentiel selon les critères du DSM IV lors de
l’hospitalisation initiale ont été retenus pour le suivi à un an
[7]. Ainsi, nous avons inclus 93 patients. Trois patients ont
été perdus de vus à un an. L’analyse a donc porté sur 90
44
Les analyses consistaient en la comparaison des deux
groupes, « démence connue » et « démence non connue »
en termes de temps vécu au domicile, en institution ainsi
qu’en hospitalisation, en termes de mortalité et en termes
de caractéristiques sociales, démographiques et médicales.
Puis, nous avons restreint les analyses aux patients initialement non institutionnalisés. Cela excluait 3 patients dans
le groupe « démence connue » et 4 dans l’autre groupe.
Nous avons ainsi étudié le devenir des patients initialement
au domicile en termes d’hospitalisation et d’entrée en institution
Les variables étudiées étaient décrites par le pourcentage pour la valeur qualitative et par les moyennes,
médianes, écarts types et quartiles pour les valeurs quantitatives. Nous avons comparé les deux groupes en utilisant
le test du Khi2 pour les valeurs qualitatives et le test de
Student pour les valeurs quantitatives. Pour l’ensemble de
ces tests, le seuil de signification retenu pour p était de
0,05.
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 1, mars 2013
Devenir à un an des patients hospitalisés en court séjour gériatrique
Analyses post-hoc
Enfin, nous avons réalisé une analyse post-hoc, en raison d’un lien mis en évidence entre le fait de vivre seul et
le fait d’avoir une démence connue. Il s’agissait d’une analyse de variances de la durée à domicile en fonction des
deux facteurs « vivre seul » et « démence connue », afin de
rechercher une interaction entre ces 2 facteurs.
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Résultats
Caractéristiques de la population au moment
de l’inclusion
Il n’y avait pas de différence significative concernant
le sex ratio (homme/femme) entre le groupe « démence
connue » (19/30) et le groupe « démence non connue »
(12/29) (tableau 1). La moyenne d’âge était significativement plus élevée dans le groupe « Démence non connue »
88,4 ± 6,4 ans versus 85,8 ± 4,6 ans. Les patients du
groupe « démence non connue » vivaient plus souvent seuls
(74 %), comme ceux du groupe « démence connue » (54 %)
sans différence significative. L’albuminémie était significativement plus basse chez les patients du groupe « démence
non connue » avec une moyenne de 31,7 g/L ± 4,5 que
dans le groupe « démence connue » avec une moyenne à
34,3 g/L ± 5,0. Le score du MMSE était significativement
plus bas chez les patients du groupe « démence connue »
(12,4 ± 6,2) que dans le groupe « démence non connue »
(16,1 ± 6,5). Concernant l’hospitalisation initiale, il n’a pas
été observé de différence significative en termes de durée
moyenne de séjour entre les deux groupes, 14,4 jours ±
8,9 en moyenne pour le groupe « démence connue » ver-
sus 13,1 jours ± 6,2 pour l’autre groupe « démence non
connue ».
Caractéristiques du devenir à un an
Il n’y avait pas de différence significative en termes de
mortalité à un an entre les deux groupes. Celle-ci était de
30 % dans le groupe « démence connue » et de 32 %
dans l’autre groupe (tableau 2). Pour les patients décédés à
1 an, les médianes de survie étaient identiques pour les
2 groupes, avec une valeur de 86 jours (figure 1). Dans
le groupe « Démence connue », 31 % étaient entrés en
institution à 1 an de suivi versus 44 % des patients du
groupe « Démence non connue », sans différence significative entre les 2 groupes. Concernant le suivi spécifique
pour les troubles cognitifs, il n’y avait pas de différence
significative entre les 2 groupes : 67 % des patients du
groupe « démence connue » étaient suivis contre 59 %
dans l’autre groupe. Par contre, les patients du groupe
« démence connue » étaient plus souvent traités (45 %)
que les patients du groupe « démence non connue » (5 %).
Enfin, il n’existait pas de différence significative concernant
le nombre de patients hospitalisés durant l’année de suivi.
Cependant, les patients du groupe « démence connue »
avaient passé en moyenne plus de temps au domicile que
l’autre groupe : 191 ± 160 jours versus 111 ± 148 jours (p
< 0,03). Les patients du groupe « démence connue » avaient
passé en moyenne moins de temps en SSR (13 ± 32 jours)
que les patients du groupe « démence non connue » (50 ±
70).
Comparés aux patients ne vivant pas seuls, les patients
vivant seuls avaient passé moins de temps au domicile, que
ce soit pour le groupe « démence connue » (175 ± 164 jours
Tableau 1. Caractéristiques démographiques, sociales et médicales des patients des 2 groupes. L’âge, l’albuminémie, MMSE et la durée
de séjour initiale sont exprimés en moyenne ± écart type.
Table 1. Demographic, social and medical characteristics of patients in the 2 groups. Age, albumin, MMSE and initial stay duration are
expressed as mean ± standard deviation.
Démence connue
n = 49
Démence non connue
n = 41
p
Sex ratio (H/F)
19/30
12/29
NS
Age (ans)
85,8 ± 4,6
88,4 ± 6,4
p < 0,03
Mode de vie
24 seuls
20 avec tiers
n = 44
29 seuls
10 avec tiers
n = 39
p = 0,07
Albuminémie
(en g/L)
34,3 ± 5,0
n = 42
31,7 ± 4,5
n = 39
p = 0,045
Score MMSE
12,4 ± 6,2
n = 40
16,1 ± 6,5
n = 39
p = 0,03
Durée séjour initial en jours
14,4 ± 8,9
13,1 ± 6,2
NS
NS : non significatif.
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 1, mars 2013
45
A.-L. Vétillard, et al.
Tableau 2. Devenir des patients à un an en fonction de leur appartenance aux groupes « démence connue » ou « démence non connue ».
Les résultats sont exprimés en nombre de patients pour les variables décès, entrant en institution, suivi de la pathologie démentielle,
traitement spécifique et hospitalisation. La variable temps passé au domicile est exprimée en jours +/- écart type.
Table 2. First year prognosis of patients according to their group “known dementia” or “dementia not known”. Results are expressed
as the number of patients for the variables: death, institution entering, dementia follow-up, specific treatment and hospitalization. Variable
“time at home” is expressed in days + / - standard deviation.
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Démence connue
n = 49
Démence non connue
n = 41
P
Décès
15 (30 %)
13 (32 %)
-
Entrant en institution
15 (30 %)
18 (44 %)
NS
Suivi de la pathologie démentielle
33 (67 %)
24 (59 %)
-
Traitement spécifique
22 (45 %)
2 (5 %)
-
Temps passé au domicile
191 ± 160
111 ± 148
< 0,03
Temps passé en SSR
13 ± 32
50 ± 70
-
SSR : soins de suite et de rééducation ; NS : non significatif.
Discussion
100 %
95 %
90 %
85 %
80 %
75 %
70 %
65 %
60 %
1
31
61
91
121
151
Démence connue
181
211
241
271
301
331
361
Démence non connue
Figure 1. Courbes de survie à 1 an des patients des groupes
« démence connue » et « démence non connue ». L’abscisse représente les jours de suivi et l’ordonnée le pourcentage de patients
survivants dans chacun des 2 groupes.
Figure 1. Year survival curve of patients with «known dementia»
and «dementia not known». Abscissa represents days of monitoring and ordinate the percentage of surviving patients in each of
the two groups.
versus 227 ± 153 jours), ou pour le groupe « démence
non connue » (85 ± 138 jours versus 191 ± 156 jours)
(tableau 3). De même, les patients avec une démence non
connue avaient passé moins de temps au domicile durant
l’année de suivi et ce quel que fut leur mode de vie.
En analyse post-hoc, l’analyse de variance du nombre
de jours passés à domicile en fonction des facteurs mode
de vie et démence connue ou non, montrait qu’il n’y avait
pas d’interaction entre ces deux facteurs (p = 0,46). L’effet
« mode de vie » était significatif : p < 0,04 (test bilatéral) contrairement à l’effet « démence connue ou non » :
p < 0,10 (test bilatéral).
46
Les groupes « démence connue » et « démence non
connue », étaient d’effectifs comparables ce qui est en
accord avec les données des différentes études montrant
que seulement un cas sur deux est diagnostiqué [2]. Les
patients qui avaient une démence non connue étaient plus
âgés en moyenne par rapport à ceux de l’autre groupe.
Cela pourrait s’expliquer par le fait que les comorbidités,
plus nombreuses avec un âge plus avancé, occultent plus
facilement les troubles cognitifs. Par ailleurs, les troubles
peuvent être plus facilement banalisés par l’entourage, attribués au seul vieillissement [9]. Nos données mettaient en
évidence également que les patients du groupe « démence
non connue » vivaient plus fréquemment seuls. Cette différence pouvait suggérer qu’une tierce personne vivant
avec un patient peut remarquer plus facilement la surve-
Tableau 3. Données concernant les patients initialement au domicile (31) dans groupe « démence connue » et 36 dans le groupe
« démence non connue ». Données exprimées en nombre de jours
passés à domicile en fonction des facteurs « démence connue ou
non » et « vit seul ou non » (moyenne ± écart type).
Table 3. Data on patients initially at home in group “known dementia” (31) and in the group “dementia not known” (36). Data are
expressed in number of days spent at home based on factors
“dementia known or not” and “lives alone or not” (mean±standard
deviation).
Démence connue
n = 41
Démence non connue
n = 36
Vit seul
175 ± 164
n = 22
85 ± 138
n = 26
Vit avec tiers
227 ± 153
n = 19
191 ± 156
n = 10
N = nombre de patients.
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 1, mars 2013
Devenir à un an des patients hospitalisés en court séjour gériatrique
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nue de troubles cognitifs, et ainsi être un facteur facilitant la
démarche diagnostique et donc la prise en charge médicale
qui en découle. Les scores de MMSE étaient en moyenne
plus élevés dans le groupe « démence non connue » avec
une différence de 3,7 points par rapport à l’autre groupe, ce
qui est en accord avec le fait que les pathologies démentielles sont d’autant moins diagnostiquées que la maladie
est de sévérité légère [2]. Ceci peut s’expliquer entre autre
par le fait que plus la maladie est évoluée, plus la dépendance est importante nécessitant la mise en place d’un plan
d’aide [10].
Le taux de mortalité à 1 an était de 31 % sans différence
significative entre les deux groupes. Toutefois le caractère
monocentrique de notre étude et les effectifs faibles nous
empêchent d’aller plus avant dans l’interprétation de ce taux
de mortalité. Cependant les chiffres de notre étude étaient
donc du même ordre que ceux retrouvés dans la littérature
[4]. Une mortalité en fin de première année aussi importante
doit être prise en compte dans nos pratiques et doit guider
notre réflexion en termes de plan de soins.
Par ailleurs, nous avons mis en évidence que les patients
du groupe « démence connue » avaient passé en moyenne
plus de temps à domicile que les patients du groupe
« démence non connue », et ce de manière significative. Parallèlement, les patients du groupe « démence
connue » avaient passé en moyenne moins de temps en
SSR que les patients du groupe « démence non connue ».
Cette différence de temps passé à domicile entre les
deux groupes pourrait donc être en rapport avec des hospitalisations plus longues en moyenne en SSR pour le
groupe « démence non connue ». On peut avancer plusieurs hypothèses pour l’expliquer. Les patients du groupe
« démence non connue » pourraient être moins suivis sur
le plan médical, raison pour laquelle la démence n’a pas
été diagnostiquée. L’hospitalisation prolongée en SSR permettrait de compléter le bilan cognitif et mettre en place le
suivi médical adapté. Une seconde hypothèse serait que la
démence n’étant pas connue, les patients n’ont pas été
inclus dans un réseau permettant la mise en place des
aides nécessaires pour faire face à la perte d’autonomie.
L’hospitalisation prolongée en SSR serait alors justifiée
par le temps nécessaire pour la mise en place de ces
aides. D’autre part, les patients du groupe « démence non
connue » vivaient plus souvent seuls. C’est un paramètre
essentiel car la présence d’un tiers facilite en effet la mise en
place des aides et l’aménagement du domicile permettant
un retour au domicile plus rapide. Une dernière explication
à l’allongement de temps d’hospitalisation en SSR pour le
groupe « démence non connue » pourrait aussi être l’attente
d’une entrée en institution sans retour intermédiaire au
domicile. On peut supposer que, la démence n’étant pas
Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 1, mars 2013
connue, les démarches sociales nécessaires à une éventuelle institutionnalisation n’avaient pas été suffisamment
anticipées.
Pour mieux analyser le paramètre « temps passé au
domicile », nous avons affiné les analyses au vu du mode
de vie. Les patients du groupe « démence connue » vivaient
plus souvent avec un tiers au domicile, conjoint ou enfant.
Ils passaient également plus de temps au domicile durant
l’année de suivi. Ainsi, les résultats montraient que le
mode de vie était significativement différent entre les deux
groupes une fois les patients initialement institutionnalisés exclus de l’étude. En effet, les patients du groupe
« démence non connue » vivaient plus souvent seuls (72 %
versus 54 %). Nous avons constaté que le « mode de vie »
était lié au nombre de jours passés au domicile (p < 0,04),
alors que ce n’était pas le cas pour le facteur « démence
connue ou non » (p < 0,10). Il faut noter que nous ne pouvons conclure quant au sens dans lequel les paramètres
influaient entre eux. Cela nous conduisait donc à penser
qu’une fois le paramètre « mode de vie » fixé, ce n’était pas
le paramètre « démence connue ou non » qui influençait le
nombre de jours passés à domicile.
Enfin, nos résultats montraient qu’il n’y avait pas de différence significative en termes de suivi spécialisé à un an
entre les deux groupes (67 % dans le groupe « démence
connue » versus 59 % dans l’autre groupe). Ainsi, peutêtre qu’un suivi spécialisé était mis en place à l’occasion
de l’hospitalisation, dans le but de faire le bilan et le suivi
des troubles cognitifs. On peut aussi penser qu’une fois les
troubles cognitifs diagnostiqués lors de la première hospitalisation, le patient ou son entourage ont pu souhaiter
en faire le bilan et le suivi, conformément aux indications
données au moment de la sortie d’hôpital. Pour ce qui
est du traitement spécifique par anticholinestérasique ou
mémantine à un an, il existait une nette différence entre
les deux groupes (45 % des patients traités dans le groupe
« démence connue » versus 5 % dans l’autre groupe).
La portée des résultats de notre étude se trouve limitée par plusieurs éléments. Notre étude se portait sur
un petit effectif, elle était de plus monocentrique. D’autre
part, le diagnostic de démence, quand il était supposé
connu, n’était pas vérifié à l’occasion de l’étude. Parallèlement, la réalisation d’un diagnostic de démence à l’occasion
d’une telle hospitalisation est difficile. Dans un nombre
de cas sans doute important, le diagnostic, malgré des
troubles cognitifs avérés, n’a pas pu être posé, par exemple
à cause des comorbidités trop lourdes, ou de l’absence
d’entourage informant, ce qui excluait probablement des
patients de notre étude. De plus, lorsqu’un syndrome confusionnel était particulièrement symptomatique au cours de
l’hospitalisation, le diagnostic de démence a pu ne pas
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A.-L. Vétillard, et al.
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Points clés
• La mortalité à un an d’une hospitalisation en gériatrie
aiguë de patients souffrant d’une démence antérieurement connue ou non était de l’ordre de 30 %.
• Les patients qui ont une démence ayant fait l’objet d’un
bilan antérieur à l’hospitalisation étaient en moyenne
plus jeunes et avec un score de MMSE plus bas que les
patients dont la démence n’était pas connue et avaient
passé plus de temps à domicile dans l’année suivante.
• L’ensemble de nos résultats souligne le fait que peu de
malades très âgés polypathologiques, et souffrant d’une
démence, ont fait l’objet d’une démarche diagnostique
complète.
avoir été posé durant l’hospitalisation. Ainsi, du groupe
« démence non connue » était exclue une quantité sans
doute non négligeable de patients suivis à 1 an. Par ailleurs,
malgré l’absence d’échelles bien adaptées aux patients
souffrant d’une démence, l’étude de la qualité de vie des
patients survivants à 1 an aurait été très pertinente, car
il s’agit sans doute d’un objectif essentiel de la prise en
charge de tels patients. Enfin, l’étude des comorbidités n’a
pas été réalisée dans ces analyses.
D’un autre côté, le caractère prospectif de cette étude
représentait une force de cette étude avec une grande
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sujet âgé-médecin traitant. Disponible sur http://www.has-sante.fr/
48
qualité quant au suivi des patients puisque seulement 3
patients ont été perdus de vus, et les données manquantes
étaient peu nombreuses.
Conclusion
La maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées
sont de plus en plus fréquentes et sont encore trop peu
diagnostiquées. Le bénéfice d’une prise en charge spécifique chez des patients très âgés et polypathologiques
est cependant mal connu. Notre étude montrait que les
patients dont la démence était connue antérieurement
avaient passé plus de temps au domicile durant l’année suivant l’hospitalisation, même si la raison précise n’en est
pas connue. Le mode de vie, seul ou avec un aidant naturel, semble être un facteur important à considérer dans la
prise en charge de ces malades. Ces résultats tendraient
toutefois à encourager le diagnostic de démence chez des
patients très âgés et polypathologiques en raison du maintien au domicile plus fréquent. Une étude multicentrique
sur un plus grand échantillon de patients avec une analyse
complémentaire des comorbidités initiales ainsi que de la
qualité de vie du patient à un an représente une piste de
recherche pertinente pour répondre à ces questions.
Liens d’intérêts : aucun.
portail/jcms/c_428595/prescription-medicamenteuse-chez-le-sujetage-1-medecin-traitant. (consultée le 20-04-2011).
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Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 1, mars 2013
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