Article original Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2013 ; 11 (1) : 43-8 Devenir à un an des patients hospitalisés en court séjour gériatrique, avec un syndrome démentiel connu, ou nouvellement diagnostiqué Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. First year prognosis of patients hospitalized in an acute geriatric ward with a known dementia or newly diagnosed Anne-Laure VÉtillard1 Laetitia Grandcollot1 Laurent Lechowski1,2 Marine Le Crane1 Bertrand Denis1 Lucie Aubert1 Sophie Van Pradelles1 Florence Muller de Schongor1 Zina Seridi1 DaniÈle Tortrat1,2 Laurent Teillet1,2 1 Service de médecine gériatrique, Hôpital Sainte-Périne, AP-HP, Paris, France <[email protected]> 2 Laboratoire « Santé-vieillissement », EA 2506, Université Versailles St-Quentin-en-Yvelines, Hôpital Sainte-Périne, Paris, France Tirés à part : A.-L. Vétillard Résumé. En France, seulement un tiers des patients ayant un syndrome démentiel ont un diagnostic de démence. L’objectif de notre étude était d’observer le devenir de patients présentant un syndrome démentiel, antérieurement connu ou non, dans les suites d’une hospitalisation. Nous avons étudié le devenir à un an de 90 patients hospitalisés en gériatrie aiguë. Quarante-neuf patients avaient un syndrome démentiel connu (groupe 1, âge moyen 85,7 ± 4,6 ans, MMSE moyen 12,4 ± 6,2) et 41 avaient un syndrome démentiel nouvellement diagnostiqué (groupe 2, âge moyen 88,4 ± 6,4 ans, MMSE moyen 16,1 ± 6,5). La différence était significative pour l’âge (p < 0,03) et le score MMSE (p < 0,02). À un an, la mortalité était de l’ordre de 30 % dans les 2 groupes. Le taux d’institutionnalisation était de 33 % dans le groupe 1 et 49 % dans le groupe 2. Le nombre de jours passés au domicile était de 190,9 ± 159,9 jours pour le groupe 1 vs 111,1 ± 148,1 jours pour le groupe 2 (p < 0,03). Ces résultats tendraient à encourager le diagnostic de démence chez des patients très âgés et polypathologiques dans l’optique d’une meilleure qualité de vie avec un maintien au domicile prolongé. Mots clés : personne âgée, démence, hospitalisation Abstract. In France, only a third of demented patients have an established diagnostic of dementia. Hospitalization is often an opportunity to perform a diagnostic of dementia. Real benefits for patients of such a diagnostic process are unknown. The objective of the study was to observe prognosis of elderly patients hospitalized in geriatric courses in terms of mortality, hospitalization rate and entry into an institution. This was a monocentric prospective study with a one-year follow-up of 90 patients hospitalized in an acute geriatric ward with either dementia known by general practitioner, either diagnosed during the hospitalization according to DSM IV criteria. A one year follow-up by phone has been conducted. From a consecutive set of 159 inpatients for 18 weeks, we included in this study 49 patients with a known dementia (group 1, mean age 85.7±4.6 years, mean Mini-mental state examination (MMSE) score 12.4±6.2) and 41 patients with dementia diagnosed during hospitalization (group 2, mean age 88.4±6.4 years, mean MMSE score 16.1±6.5). Differences between the two groups were significant for age (p <0.03) and MMSE score (p <0.02). One-year mortality rate was near 30% in the 2 groups. Rate of institutionalization was 33% in group 1 and 49% in group 2 (not statistically significant). There was a significant difference in number of days spent at home between group 1 and group 2, respectively 190.9±159.9 days vs 111.1±148.1 days (p <0.03). Demented patients previously diagnosed lived longer at home at one year than patients newly diagnosed. These results tend to support the diagnosis of dementia in very elderly patients with multiple comorbidities. Conditions of living at home, in particular the quality of life, should be the object of further studies. doi:10.1684/pnv.2013.0400 Key words: elderly, dementia, hospitalization L a maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées touchent en France probablement plus de 800 000 personnes [1]. À l’heure actuelle, ces maladies restent insuffisamment diagnostiquées et prises en charge. En effet, selon un rapport parlementaire, seulement un cas sur deux serait diagnostiqué [2]. Il s’agit d’un problème retrouvé dans d’autres pays [3, 4]. Ce fait peut être expliqué par l’absence de plaintes fonctionnelles concernant les troubles cognitifs par le patient ou son entourage ou bien la difficulté d’accès au système de soins chez ces patients Pour citer cet article : Vétillard AL, Grandcollot L, Lechowski L, Le Crane M, Denis B, Aubert L, Van Pradelles S, Muller de Schongor F, Seridi Z, Tortrat D, Teillet L. Devenir à un an des patients hospitalisés en court séjour gériatrique, avec un syndrome démentiel connu, ou nouvellement diagnostiqué. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2013; 11(1) :43-8 doi:10.1684/pnv.2013.0400 43 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. A.-L. Vétillard, et al. en perte d’autonomie. Enfin le médecin peut s’interroger sur l’intérêt d’une telle démarche chez ces patients souvent polypathologiques pour lesquels il est recommandé de hiérarchiser les pathologies à prendre en charge [5]. Il est donc fréquent de découvrir, chez des patients âgés hospitalisés, des troubles cognitifs en rapport avec un syndrome démentiel n’ayant fait l’objet ni d’un diagnostic ni d’une prise en charge spécifique. Le devenir de ces patients au décours de l’hospitalisation est mal connu. Par ailleurs, un syndrome confusionnel, fréquent chez des patients âgés hospitalisés, va grever le pronostic. En effet, une étude finlandaise montrait une mortalité et un risque d’institutionnalisation à un an accrus chez les patients hospitalisés initialement confus par rapport à des patients non confus [6]. Le devenir au terme d’une hospitalisation des patients souffrant d’une démence méconnue jusqu’alors, est un des facteurs déterminants pour évaluer l’intérêt de faire un diagnostic, puis d’amorcer une prise en charge spécifique. L’objectif de notre étude était de déterminer le devenir à un an des patients hospitalisés dans une unité de gériatrie aiguë, avec un syndrome démentiel. Nous avons comparé les patients dont la démence était initialement connue avec ceux pour lesquels le diagnostic n’avait pas été fait antérieurement. Les critères de jugement pour l’étude du devenir à un an des patients étaient la mortalité, la durée totale des hospitalisations, le nombre de jours passés au domicile et en institution. patients. Quarante-neuf patients avaient un diagnostic de démence antérieurement connu avec un bilan réalisé par un neurologue ou un gériatre. Ils ont constitué le groupe « démence connue ». Quarante et un patients n’avaient pas bénéficié d’un diagnostic avant l’hospitalisation et ont constitué le groupe « démence non connue ». Données recueillies Le recueil de données réalisé par un médecin au moment de l’inclusion concernait le motif d’admission, le diagnostic principal et les diagnostics associés tels qu’ils ont été codés au terme du séjour, le mode d’entrée et de sortie, le lieu de vie, la présence d’une tierce personne au domicile, les coordonnées de l’entourage et du médecin traitant, les antécédents médicaux et chirurgicaux, les traitements médicamenteux, l’albuminémie, le score du MMSE [8]. Les patients ou leur entourage avaient donné leur accord quant à leur participation pour cette étude observationnelle prospective avec suivi téléphonique à un an. Le recueil de données à un an comprenait la date du décès le cas échéant, le lieu de vie du patient (domicile ou institution), la date de l’entrée en institution le cas échéant, le nombre d’hospitalisations en court séjour, soins de suites et réadaptation (SSR) ou soins longue durée, et leur durée. Enfin, nous avons recherché l’existence d’un suivi médical des troubles cognitifs ainsi que la prescription éventuelle d’un traitement spécifique de la maladie d’Alzheimer de type anticholinestérasique ou mémantine. Patients et méthodes Analyses statistiques Les patients Il s’agissait d’une étude prospective monocentrique réalisée dans une unité de gériatrie aiguë à Paris, avec un suivi téléphonique à un an. Il s’agissait d’une unité de 19 lits dont les patients provenaient pour les trois-quarts des services d’accueil des urgences voisins et pour un quart directement adressés par leur médecin traitant. Pour cela, nous avons inclus successivement tous les patients admis dans l’unité entre août 2008 et janvier 2009, soit un total de 159 patients. Les critères de non-inclusion étaient les patients spécifiquement hospitalisés pour un bilan cognitif, pour des soins palliatifs, pour un accident vasculaire cérébral compliqué de troubles de la conscience, ainsi que les patients pour qui l’évaluation médicale initiale faisait craindre un décès à court terme. Les patients qui avaient un diagnostic de syndrome démentiel selon les critères du DSM IV lors de l’hospitalisation initiale ont été retenus pour le suivi à un an [7]. Ainsi, nous avons inclus 93 patients. Trois patients ont été perdus de vus à un an. L’analyse a donc porté sur 90 44 Les analyses consistaient en la comparaison des deux groupes, « démence connue » et « démence non connue » en termes de temps vécu au domicile, en institution ainsi qu’en hospitalisation, en termes de mortalité et en termes de caractéristiques sociales, démographiques et médicales. Puis, nous avons restreint les analyses aux patients initialement non institutionnalisés. Cela excluait 3 patients dans le groupe « démence connue » et 4 dans l’autre groupe. Nous avons ainsi étudié le devenir des patients initialement au domicile en termes d’hospitalisation et d’entrée en institution Les variables étudiées étaient décrites par le pourcentage pour la valeur qualitative et par les moyennes, médianes, écarts types et quartiles pour les valeurs quantitatives. Nous avons comparé les deux groupes en utilisant le test du Khi2 pour les valeurs qualitatives et le test de Student pour les valeurs quantitatives. Pour l’ensemble de ces tests, le seuil de signification retenu pour p était de 0,05. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 1, mars 2013 Devenir à un an des patients hospitalisés en court séjour gériatrique Analyses post-hoc Enfin, nous avons réalisé une analyse post-hoc, en raison d’un lien mis en évidence entre le fait de vivre seul et le fait d’avoir une démence connue. Il s’agissait d’une analyse de variances de la durée à domicile en fonction des deux facteurs « vivre seul » et « démence connue », afin de rechercher une interaction entre ces 2 facteurs. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Résultats Caractéristiques de la population au moment de l’inclusion Il n’y avait pas de différence significative concernant le sex ratio (homme/femme) entre le groupe « démence connue » (19/30) et le groupe « démence non connue » (12/29) (tableau 1). La moyenne d’âge était significativement plus élevée dans le groupe « Démence non connue » 88,4 ± 6,4 ans versus 85,8 ± 4,6 ans. Les patients du groupe « démence non connue » vivaient plus souvent seuls (74 %), comme ceux du groupe « démence connue » (54 %) sans différence significative. L’albuminémie était significativement plus basse chez les patients du groupe « démence non connue » avec une moyenne de 31,7 g/L ± 4,5 que dans le groupe « démence connue » avec une moyenne à 34,3 g/L ± 5,0. Le score du MMSE était significativement plus bas chez les patients du groupe « démence connue » (12,4 ± 6,2) que dans le groupe « démence non connue » (16,1 ± 6,5). Concernant l’hospitalisation initiale, il n’a pas été observé de différence significative en termes de durée moyenne de séjour entre les deux groupes, 14,4 jours ± 8,9 en moyenne pour le groupe « démence connue » ver- sus 13,1 jours ± 6,2 pour l’autre groupe « démence non connue ». Caractéristiques du devenir à un an Il n’y avait pas de différence significative en termes de mortalité à un an entre les deux groupes. Celle-ci était de 30 % dans le groupe « démence connue » et de 32 % dans l’autre groupe (tableau 2). Pour les patients décédés à 1 an, les médianes de survie étaient identiques pour les 2 groupes, avec une valeur de 86 jours (figure 1). Dans le groupe « Démence connue », 31 % étaient entrés en institution à 1 an de suivi versus 44 % des patients du groupe « Démence non connue », sans différence significative entre les 2 groupes. Concernant le suivi spécifique pour les troubles cognitifs, il n’y avait pas de différence significative entre les 2 groupes : 67 % des patients du groupe « démence connue » étaient suivis contre 59 % dans l’autre groupe. Par contre, les patients du groupe « démence connue » étaient plus souvent traités (45 %) que les patients du groupe « démence non connue » (5 %). Enfin, il n’existait pas de différence significative concernant le nombre de patients hospitalisés durant l’année de suivi. Cependant, les patients du groupe « démence connue » avaient passé en moyenne plus de temps au domicile que l’autre groupe : 191 ± 160 jours versus 111 ± 148 jours (p < 0,03). Les patients du groupe « démence connue » avaient passé en moyenne moins de temps en SSR (13 ± 32 jours) que les patients du groupe « démence non connue » (50 ± 70). Comparés aux patients ne vivant pas seuls, les patients vivant seuls avaient passé moins de temps au domicile, que ce soit pour le groupe « démence connue » (175 ± 164 jours Tableau 1. Caractéristiques démographiques, sociales et médicales des patients des 2 groupes. L’âge, l’albuminémie, MMSE et la durée de séjour initiale sont exprimés en moyenne ± écart type. Table 1. Demographic, social and medical characteristics of patients in the 2 groups. Age, albumin, MMSE and initial stay duration are expressed as mean ± standard deviation. Démence connue n = 49 Démence non connue n = 41 p Sex ratio (H/F) 19/30 12/29 NS Age (ans) 85,8 ± 4,6 88,4 ± 6,4 p < 0,03 Mode de vie 24 seuls 20 avec tiers n = 44 29 seuls 10 avec tiers n = 39 p = 0,07 Albuminémie (en g/L) 34,3 ± 5,0 n = 42 31,7 ± 4,5 n = 39 p = 0,045 Score MMSE 12,4 ± 6,2 n = 40 16,1 ± 6,5 n = 39 p = 0,03 Durée séjour initial en jours 14,4 ± 8,9 13,1 ± 6,2 NS NS : non significatif. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 1, mars 2013 45 A.-L. Vétillard, et al. Tableau 2. Devenir des patients à un an en fonction de leur appartenance aux groupes « démence connue » ou « démence non connue ». Les résultats sont exprimés en nombre de patients pour les variables décès, entrant en institution, suivi de la pathologie démentielle, traitement spécifique et hospitalisation. La variable temps passé au domicile est exprimée en jours +/- écart type. Table 2. First year prognosis of patients according to their group “known dementia” or “dementia not known”. Results are expressed as the number of patients for the variables: death, institution entering, dementia follow-up, specific treatment and hospitalization. Variable “time at home” is expressed in days + / - standard deviation. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Démence connue n = 49 Démence non connue n = 41 P Décès 15 (30 %) 13 (32 %) - Entrant en institution 15 (30 %) 18 (44 %) NS Suivi de la pathologie démentielle 33 (67 %) 24 (59 %) - Traitement spécifique 22 (45 %) 2 (5 %) - Temps passé au domicile 191 ± 160 111 ± 148 < 0,03 Temps passé en SSR 13 ± 32 50 ± 70 - SSR : soins de suite et de rééducation ; NS : non significatif. Discussion 100 % 95 % 90 % 85 % 80 % 75 % 70 % 65 % 60 % 1 31 61 91 121 151 Démence connue 181 211 241 271 301 331 361 Démence non connue Figure 1. Courbes de survie à 1 an des patients des groupes « démence connue » et « démence non connue ». L’abscisse représente les jours de suivi et l’ordonnée le pourcentage de patients survivants dans chacun des 2 groupes. Figure 1. Year survival curve of patients with «known dementia» and «dementia not known». Abscissa represents days of monitoring and ordinate the percentage of surviving patients in each of the two groups. versus 227 ± 153 jours), ou pour le groupe « démence non connue » (85 ± 138 jours versus 191 ± 156 jours) (tableau 3). De même, les patients avec une démence non connue avaient passé moins de temps au domicile durant l’année de suivi et ce quel que fut leur mode de vie. En analyse post-hoc, l’analyse de variance du nombre de jours passés à domicile en fonction des facteurs mode de vie et démence connue ou non, montrait qu’il n’y avait pas d’interaction entre ces deux facteurs (p = 0,46). L’effet « mode de vie » était significatif : p < 0,04 (test bilatéral) contrairement à l’effet « démence connue ou non » : p < 0,10 (test bilatéral). 46 Les groupes « démence connue » et « démence non connue », étaient d’effectifs comparables ce qui est en accord avec les données des différentes études montrant que seulement un cas sur deux est diagnostiqué [2]. Les patients qui avaient une démence non connue étaient plus âgés en moyenne par rapport à ceux de l’autre groupe. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les comorbidités, plus nombreuses avec un âge plus avancé, occultent plus facilement les troubles cognitifs. Par ailleurs, les troubles peuvent être plus facilement banalisés par l’entourage, attribués au seul vieillissement [9]. Nos données mettaient en évidence également que les patients du groupe « démence non connue » vivaient plus fréquemment seuls. Cette différence pouvait suggérer qu’une tierce personne vivant avec un patient peut remarquer plus facilement la surve- Tableau 3. Données concernant les patients initialement au domicile (31) dans groupe « démence connue » et 36 dans le groupe « démence non connue ». Données exprimées en nombre de jours passés à domicile en fonction des facteurs « démence connue ou non » et « vit seul ou non » (moyenne ± écart type). Table 3. Data on patients initially at home in group “known dementia” (31) and in the group “dementia not known” (36). Data are expressed in number of days spent at home based on factors “dementia known or not” and “lives alone or not” (mean±standard deviation). Démence connue n = 41 Démence non connue n = 36 Vit seul 175 ± 164 n = 22 85 ± 138 n = 26 Vit avec tiers 227 ± 153 n = 19 191 ± 156 n = 10 N = nombre de patients. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 1, mars 2013 Devenir à un an des patients hospitalisés en court séjour gériatrique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. nue de troubles cognitifs, et ainsi être un facteur facilitant la démarche diagnostique et donc la prise en charge médicale qui en découle. Les scores de MMSE étaient en moyenne plus élevés dans le groupe « démence non connue » avec une différence de 3,7 points par rapport à l’autre groupe, ce qui est en accord avec le fait que les pathologies démentielles sont d’autant moins diagnostiquées que la maladie est de sévérité légère [2]. Ceci peut s’expliquer entre autre par le fait que plus la maladie est évoluée, plus la dépendance est importante nécessitant la mise en place d’un plan d’aide [10]. Le taux de mortalité à 1 an était de 31 % sans différence significative entre les deux groupes. Toutefois le caractère monocentrique de notre étude et les effectifs faibles nous empêchent d’aller plus avant dans l’interprétation de ce taux de mortalité. Cependant les chiffres de notre étude étaient donc du même ordre que ceux retrouvés dans la littérature [4]. Une mortalité en fin de première année aussi importante doit être prise en compte dans nos pratiques et doit guider notre réflexion en termes de plan de soins. Par ailleurs, nous avons mis en évidence que les patients du groupe « démence connue » avaient passé en moyenne plus de temps à domicile que les patients du groupe « démence non connue », et ce de manière significative. Parallèlement, les patients du groupe « démence connue » avaient passé en moyenne moins de temps en SSR que les patients du groupe « démence non connue ». Cette différence de temps passé à domicile entre les deux groupes pourrait donc être en rapport avec des hospitalisations plus longues en moyenne en SSR pour le groupe « démence non connue ». On peut avancer plusieurs hypothèses pour l’expliquer. Les patients du groupe « démence non connue » pourraient être moins suivis sur le plan médical, raison pour laquelle la démence n’a pas été diagnostiquée. L’hospitalisation prolongée en SSR permettrait de compléter le bilan cognitif et mettre en place le suivi médical adapté. Une seconde hypothèse serait que la démence n’étant pas connue, les patients n’ont pas été inclus dans un réseau permettant la mise en place des aides nécessaires pour faire face à la perte d’autonomie. L’hospitalisation prolongée en SSR serait alors justifiée par le temps nécessaire pour la mise en place de ces aides. D’autre part, les patients du groupe « démence non connue » vivaient plus souvent seuls. C’est un paramètre essentiel car la présence d’un tiers facilite en effet la mise en place des aides et l’aménagement du domicile permettant un retour au domicile plus rapide. Une dernière explication à l’allongement de temps d’hospitalisation en SSR pour le groupe « démence non connue » pourrait aussi être l’attente d’une entrée en institution sans retour intermédiaire au domicile. On peut supposer que, la démence n’étant pas Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil, vol. 11, n ◦ 1, mars 2013 connue, les démarches sociales nécessaires à une éventuelle institutionnalisation n’avaient pas été suffisamment anticipées. Pour mieux analyser le paramètre « temps passé au domicile », nous avons affiné les analyses au vu du mode de vie. Les patients du groupe « démence connue » vivaient plus souvent avec un tiers au domicile, conjoint ou enfant. Ils passaient également plus de temps au domicile durant l’année de suivi. Ainsi, les résultats montraient que le mode de vie était significativement différent entre les deux groupes une fois les patients initialement institutionnalisés exclus de l’étude. En effet, les patients du groupe « démence non connue » vivaient plus souvent seuls (72 % versus 54 %). Nous avons constaté que le « mode de vie » était lié au nombre de jours passés au domicile (p < 0,04), alors que ce n’était pas le cas pour le facteur « démence connue ou non » (p < 0,10). Il faut noter que nous ne pouvons conclure quant au sens dans lequel les paramètres influaient entre eux. Cela nous conduisait donc à penser qu’une fois le paramètre « mode de vie » fixé, ce n’était pas le paramètre « démence connue ou non » qui influençait le nombre de jours passés à domicile. Enfin, nos résultats montraient qu’il n’y avait pas de différence significative en termes de suivi spécialisé à un an entre les deux groupes (67 % dans le groupe « démence connue » versus 59 % dans l’autre groupe). Ainsi, peutêtre qu’un suivi spécialisé était mis en place à l’occasion de l’hospitalisation, dans le but de faire le bilan et le suivi des troubles cognitifs. On peut aussi penser qu’une fois les troubles cognitifs diagnostiqués lors de la première hospitalisation, le patient ou son entourage ont pu souhaiter en faire le bilan et le suivi, conformément aux indications données au moment de la sortie d’hôpital. Pour ce qui est du traitement spécifique par anticholinestérasique ou mémantine à un an, il existait une nette différence entre les deux groupes (45 % des patients traités dans le groupe « démence connue » versus 5 % dans l’autre groupe). La portée des résultats de notre étude se trouve limitée par plusieurs éléments. Notre étude se portait sur un petit effectif, elle était de plus monocentrique. D’autre part, le diagnostic de démence, quand il était supposé connu, n’était pas vérifié à l’occasion de l’étude. Parallèlement, la réalisation d’un diagnostic de démence à l’occasion d’une telle hospitalisation est difficile. Dans un nombre de cas sans doute important, le diagnostic, malgré des troubles cognitifs avérés, n’a pas pu être posé, par exemple à cause des comorbidités trop lourdes, ou de l’absence d’entourage informant, ce qui excluait probablement des patients de notre étude. De plus, lorsqu’un syndrome confusionnel était particulièrement symptomatique au cours de l’hospitalisation, le diagnostic de démence a pu ne pas 47 A.-L. Vétillard, et al. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Points clés • La mortalité à un an d’une hospitalisation en gériatrie aiguë de patients souffrant d’une démence antérieurement connue ou non était de l’ordre de 30 %. • Les patients qui ont une démence ayant fait l’objet d’un bilan antérieur à l’hospitalisation étaient en moyenne plus jeunes et avec un score de MMSE plus bas que les patients dont la démence n’était pas connue et avaient passé plus de temps à domicile dans l’année suivante. • L’ensemble de nos résultats souligne le fait que peu de malades très âgés polypathologiques, et souffrant d’une démence, ont fait l’objet d’une démarche diagnostique complète. avoir été posé durant l’hospitalisation. Ainsi, du groupe « démence non connue » était exclue une quantité sans doute non négligeable de patients suivis à 1 an. Par ailleurs, malgré l’absence d’échelles bien adaptées aux patients souffrant d’une démence, l’étude de la qualité de vie des patients survivants à 1 an aurait été très pertinente, car il s’agit sans doute d’un objectif essentiel de la prise en charge de tels patients. Enfin, l’étude des comorbidités n’a pas été réalisée dans ces analyses. D’un autre côté, le caractère prospectif de cette étude représentait une force de cette étude avec une grande Références 1. Ramaroson H, Helmer C, Barberger-Gateau P, Letenneur L, Dartigues JF, PAQUID. Prevalence of dementia and Alzheimer’s disease among subjects aged 75 years or over : updated results of the PAQUID cohort. Rev Neurol (Paris) 2003 ; 159 : 405-11. 2. Gallez C. Rapport sur la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées. Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé, Paris, Assemblée nationale 2005 (n◦ 2454/466). Disponible sur http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-off/i2454.asp. (consultée le 20-04-2011). 3. 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Notre étude montrait que les patients dont la démence était connue antérieurement avaient passé plus de temps au domicile durant l’année suivant l’hospitalisation, même si la raison précise n’en est pas connue. Le mode de vie, seul ou avec un aidant naturel, semble être un facteur important à considérer dans la prise en charge de ces malades. Ces résultats tendraient toutefois à encourager le diagnostic de démence chez des patients très âgés et polypathologiques en raison du maintien au domicile plus fréquent. Une étude multicentrique sur un plus grand échantillon de patients avec une analyse complémentaire des comorbidités initiales ainsi que de la qualité de vie du patient à un an représente une piste de recherche pertinente pour répondre à ces questions. Liens d’intérêts : aucun. portail/jcms/c_428595/prescription-medicamenteuse-chez-le-sujetage-1-medecin-traitant. (consultée le 20-04-2011). 6. Pitkala KH, Laurila JV, Strandberg TE, Tilvis RS. 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