n°3 5/02/03 15:53 D Page 16 O S S I E R T H É M A T I Q U E Le cancer du sein inflammatoire ● G. Auclerc*, D. Buthiau**, A. Brunet*** L e cancer inflammatoire du sein est heureusement une forme rare des cancers localement avancés, car il demeure toujours de très mauvais pronostic (1). Il représente 1 à 4 % de l’ensemble des cancers du sein. Les premières descriptions, faites par Charles Bell, remontent à près de deux siècles. Depuis lors, diverses dénominations ont été utilisées : mastite carcinomateuse, cancer du sein aigu, le terme de cancer inflammatoire du sein ayant été introduit par Taylor et Meltzer en 1938 (2). Le pronostic du cancer inflammatoire du sein est redoutable, avec une survie médiane de 18 à 24 mois en cas de traitement locorégional exclusif. L’utilisation de la chimiothérapie, en particulier néoadjuvante, associée au traitement radiochirurgical, a permis d’améliorer le pronostic qui demeure encore réservé, avec une survie sans récidive (SSR) à 5 ans, entre 30 % et 50 % (1). ÉPIDÉMIOLOGIE La fréquence du cancer inflammatoire du sein varie selon les pays. Il représente plus de 50 % des cancers en Tunisie (3), contre 3 à 5 % dans les pays occidentaux. Aux États-Unis, la proportion est plus importante chez les femmes de race noire (10,1 %) par rapport aux Caucasiennes (6,2 %) (4). L’âge moyen se situe autour de 50 ans, comme dans les autres formes de cancer du sein. Les grossesses et la lactation ne semblent pas jouer un rôle prédisposant dans le développement de ce type de cancer. Le volume tumoral est très difficile à évaluer cliniquement, et même en mammographie. L’IRM est l’examen qui mesure le mieux ce volume et montre une éventuelle plurifocalité. Elle sera donc utile, lorsqu’elle est accessible, pour l’évaluation de l’efficacité thérapeutique (chimiothérapie néoadjuvante) et pour la surveillance. Définition d’un carcinome inflammatoire Il est important de souligner que le diagnostic du caractère inflammatoire du cancer ne repose que sur deux signes : l’inflammation à l’examen clinique et la présence d’emboles dans les lymphatiques du derme profond et/ou de l’hypoderme à l’examen anatomopathologique. Cette confirmation anatomopathologique (emboles) n’est retrouvée que dans 67 % des diagnostics cliniques (5). Signes cliniques isolés ou emboles lymphatiques sur une biopsie cutanée sont suffisants pour affirmer le caractère inflammatoire d’un cancer du sein. En pratique, on distingue les cancers inflammatoires avec emboles lymphatiques, les cancers inflammatoires sans emboles lymphatiques, et les cancers non inflammatoires avec emboles lymphatiques. Il existe une controverse sur la valeur pronostique de ces trois formes : absence de différence pour certains (5, 6), survie moins bonne en cas d’association clinique et histologique pour d’autres (7). DIAGNOSTIC D’UN CANCER INFLAMMATOIRE Suspecté de manière plus ou moins forte à l’examen clinique, assez peu aidé par l’imagerie, le diagnostic repose sur l’examen histologique d’un échantillon tumoral obtenu par biopsie, ou sur un prélèvement cutané (voir l’article de J.R. Garbay, p. 6 à 8). * Centre Charlebourg, La Garenne-Colombes ; SOMPS, hôpital de La Salpêtrière, Paris. ** Centre RMX, Paris. *** Centre Charlebourg, La Garenne-Colombes. 16 Présentation clinique Les cancers inflammatoires correspondent habituellement à une poussée évolutive avec augmentation de volume rapide, érythème, œdème cutané ou peau d’orange touchant plus ou moins tout le sein, qui est sensible et chaud. Une masse palpable mal limitée est parfois retrouvée. La patiente est apyrétique. Cette présentation clinique typique peut suffire à évoquer le diagnostic. Mais il est des présentations moins évidentes, pouLa Lettre du Sénologue - n° 3 - décembre 1998 - janvier 1999 n°3 5/02/03 15:53 Page 17 vant simuler une mastite ou un abcès du sein (voir l’article de J.R. Garbay). Enfin, il peut être parfois difficile de distinguer un cancer d’emblée inflammatoire d’une forme localement avancée (diagnostic différentiel), qui, secondairement, atteint la peau puis provoque une réaction inflammatoire (1). Cette différenciation a pour certains (8) une valeur pronostique, ce qui n’est pas le cas pour d’autres (9). Classification Les cancers du sein inflammatoires sont classés T4d (stade IIIB) dans la classification TNM (voir rubrique Vocabulaire). L’Institut Gustave-Roussy a proposé, pour évaluer l’inflammation clinique, la classification PEV (potentiel évolutif) (10), qui est utilisée essentiellement en France. L’étendue et l’intensité des signes inflammatoires sont importantes à préciser car ces derniers ont une grande valeur pronostique ; ils sont corrélés à la cinétique tumorale (11). Lorsqu’une partie du sein présente un aspect inflammatoire, il s’agit d’un PEV2, alors que le PEV3 correspond à une inflammation diffuse à l’ensemble de la glande ou “mastite carcinomateuse”. Cette mesure est toujours quelque peu subjective. La comparaison entre différentes séries est difficile, car on ne peut être certain qu’il s’agisse des mêmes lésions. Histologie Le cancer inflammatoire du sein ne correspond pas à une entité histologique spécifique. Tous les types habituels de carcinome du sein peuvent être rencontrés, qu’il s’agisse des formes canalaires ou lobulaires infiltrantes, des cancers médullaires, ou à petites cellules. La spécificité n’est pas histologique. L’envahissement axillaire est très fréquent, touchant de 40 à 100 % des patientes. Les récepteurs hormonaux sont le plus souvent négatifs (1), avec plus de 50 % de patientes RO- RP-. Pronostic Les variables classiques sont unanimement reconnues comme pronostiques : atteinte axillaire, tumeur supérieure à 5 cm, récepteurs hormonaux négatifs, histologie indifférenciée. Thomas (12) ne retrouve parmi tous les critères d’une analyse multivariable que la taille tumorale supérieure à 10 cm et les grades histologiques 2 et 3. Cependant, peut-être du fait du très mauvais pronostic à court terme, relativement peu de facteurs pronostiques spécifiques ont été identifiés ; on retiendra le caractère plus ou moins étendu de l’inflammation et l’existence de métastases d’emblée. En fait, actuellement, le facteur pronostique le plus important est la régression tumorale sous chimiothérapie, cette dernière étant désormais utilisée en première intention du fait du mauvais pronostic lié à la rapidité de la dissémination métastatique. TRAITEMENT Dans le cancer inflammatoire, les traitements locorégionaux sont insuffisants pour contrôler la maladie. Il ne faut néanmoins pas les négliger puisque le taux de récidive influe sur la survie. Leur place se situe après la chimiothérapie d’induction. On peut considérer que c’est une faute de ne pas commencer la séquence thérapeutique par une chimiothérapie dans le cadre d’un cancer inflammatoire, lorsque l’état général de la patiente le permet (problème des femmes âgées). Traitement systémique Il est constitué essentiellement par la chimiothérapie, première étape thérapeutique obligatoire, lorsqu’elle est possible. La contribution d’un traitement général par chimiothérapie est essentiel, le pronostic des cancers inflammatoires étant lié essentiellement à la diffusion métastatique, premier mode de rechute dans la majorité des cas (12). Intérêt et inconvénients de la chimiothérapie première L’intérêt est double : limiter au maximum le développement de clones des micrométastases qui, par mutation, deviennent chimiorésistantes, et évaluer la régression tumorale (réponse clinique), qui est le facteur pronostique le plus important. Par réponse clinique, on entend la disparition des signes inflammatoires et la régression (voire la disparition) des volumes tumoraux mammaire et ganglionnaire. L’évaluation chiffrée de cette régression tumorale n’est pas aisée ; l’échographie et, lorsqu’elle est disponible, l’IRM sont très utiles. L’IRM est l’examen qui mesure le mieux la masse tumorale. Elle sera donc très utile, lorsqu’elle est accessible, dans l’évaluation de l’efficacité thérapeutique, la recherche de lésions résiduelles après traitement conservateur et lors de la surveillance (Figures 1, 2 et 3). Figure 1. Carcinome mammaire inflammatoire en IRM sagittal T1 après gadolinium : la prise de contraste est intense. Une réponse histologique complète après chimiothérapie initiale est un facteur prédictif d’une survie prolongée (13), mais n’est observée que chez 15 à 20 % des patientes. La Lettre du Sénologue - n° 3 - décembre 1998 - janvier 1999 17 n°3 5/02/03 D 15:53 O Page 18 S S I E R T H É M A T I Q U E 33 à 93 % des cas, avec une moyenne de 62 % (307 patientes sur 495) (1). La majorité des réponses sont cependant le plus souvent partielles (49 %), avec seulement 13 % de réponse clinique complète. Figure 2. Carcinome mammaire inflammatoire en IRM après gadolinium (imagerie de soustraction) : la prise de contraste est très intense, précoce et durable. Figure 3. Image résiduelle microponctuée témoignant d’une réponse tumorale marquée après chimiothérapie de carcinome inflammatoire en IRM avec gadolinium et après soustraction. En outre, la chimiothérapie initiale peut rendre opérables des lésions initialement inopérables. Le geste chirurgical peut parfois être conservateur (essentiellement dans les PEV2). Le cancer inflammatoire présente souvent un caractère multicentrique, et un taux élevé de rechute locale a été noté dans les séries limitées de patientes traitées par conservation mammaire après chimiothérapie initiale (14). C’est pourquoi Brooks et coll. recommandent une mastectomie seule ou associée à une radiothérapie dans les cancers inflammatoires du sein (13). Certains auteurs ont poursuivi la chimiothérapie initiale jusqu’à obtention d’une réponse maximale, mais les durées de chimiothérapie ont été très variables ; d’autres auteurs ont proposé d’utiliser, après le traitement locorégional, une chimiothérapie différente, non “cross-resistant”, sans que cela n’affecte la survie sans récidive (SSR) ni la survie globale (15). Les inconvénients sont les modifications du “staging” clinique et histologique postchirurgical (abaissé), l’éventuelle potentialisation des chimiorésistances et, en cas d’inefficacité, un traitement locorégional également plus difficile (chimiorésistance correspond souvent à radiorésistance). Dans ce dernier cas, certains ont proposé une dose quotidienne plus importante (> 2 Gy) ou l’utilisation de la radiothérapie bifractionnée (deux séances par jour). Protocole chimiothérapique La plupart des études comportent deux à quatre cycles de chimiothérapie initiale, utilisant le plus souvent des anthracyclines ; elles induisent une réponse partielle ou complète dans 18 Résultats La SSR à 5 ans après chimiothérapie initiale, traitement locorégional et éventuelle chimiothérapie d’entretien tourne entre 22 et 48 %, avec des médianes de survie allant de 25 mois à plus de 56, la survie globale à 5 ans étant de 30 à 75 %. Dans une étude, avec 20 ans de recul, du MD Anderson Cancer Center (16), 28 % des 178 patientes avec cancer inflammatoire sont toujours sans récidive à 15 ans après un traitement de chimiothérapie suivi de mastectomie et de radiothérapie. Il est à noter que cette SSR atteint 44 % chez les patientes qui avaient une réponse complète à la chimiothérapie initiale, 31 % chez celles qui avaient une réponse partielle, et seulement 7 % chez les autres. L’adjonction d’anthracyclines s’avère bénéfique également sur la survie à long terme. Brooks (13) rapporte 100 % de réponse, dont 40 % de réponse complète en cas d’adjonction d’anthracyclines à une chimiothérapie néoadjuvante. Koh et coll. (17) rapportent 72 % de réponse chez 106 patientes avec cancer inflammatoire du sein, avec une chimiothérapie type AVCMF ; après la chimiothérapie initiale et le traitement locorégional, 97 % des patientes sont en rémission et, à 5 ans, la SSR est de 34 % et la survie globale de 40 %, avec une médiane à 44 mois. Il constate également un meilleur pronostic chez les patientes répondeuses et il observe un taux de rechute locale de seulement 18 %, taux exactement identique à celui de Thomas et coll. (12), qui utilisaient également l’AVCMF comme chimiothérapie initiale. Chevallier et coll. (18), sur 178 patientes, retrouvent une survie globale à 5 ans identique et un bénéfice chez les patientes répondeuses, bénéfice plus net chez celles qui avaient reçu, pour le contrôle local, une chirurgie plutôt qu’une radiothérapie. L’intensification avec autogreffe de moelle a-t-elle un intérêt ? Le pronostic des cancers du sein inflammatoires est, d’une part, lié à certains signes initiaux, comme l’importance des signes inflammatoires (11), et, d’autre part, comme nous l’avons vu, à l’importance de la régression après chimiothérapie initiale. Pour essayer d’augmenter le taux de régression, et donc le bénéfice à long terme, différents auteurs ont proposé une chimiothérapie à haute dose, avec autogreffe de moelle, dans la mesure où cette stratégie thérapeutique permettait d’obtenir des taux de réponse complète dans les formes métastatiques de plus de 50 % (19), l’utilisation de facteurs de croissance hématopoïétique (G-CSF, GM-CSF) permettant de réduire les décès par toxicité hématologique. Compte tenu de la rareté des cancers du sein inflammatoires, les études publiées portent sur de petites séries. Antman et Vahdat (20) rapportent, sur 56 patientes après chimiothérapie à fortes doses et autogreffe, 89 % de réponse clinique complète, et 42 % de survie sans récidive à 3 ans ; ils soulignent le rôle pronostique prédominant de la réponse complète. Viens et coll. (21), sur La Lettre du Sénologue - n° 3 - décembre 1998 - janvier 1999 n°3 5/02/03 15:53 Page 19 une série de 17 patientes traitées par quatre à cinq cycles de FAC puis intensification par mitoxantrone/cyclophosphamide/melphalan à fortes doses, suivie d’une autogreffe puis, dans un délai moyen de 2 mois, d’une mastectomie, observent une réponse complète macroscopique dans 56 % des cas, et surtout une réponse complète pathologique dans 39 % des cas. Avec un recul médian de 3 ans, dix patientes sont toujours sans rechute. Cagnoni (22), sur une série de 30 patientes avec un recul moyen inférieur à 2 ans, obtient 70 % de SSR, avec un seul décès par toxicité. Ces résultats paraissent très encourageants, mais le recul est insuffisant. Par ailleurs, deux études très récentes sur les cancers du sein à haut risque de Rodenhuis et coll. (23) et Hortobagyi et coll. (24) tempèrent fortement cet enthousiasme. Ces deux études randomisées (la première pour des patientes avec des adénopathies sous-claviculaires, la seconde avec un envahissement axillaire important), regroupant 97 patientes pour la première et 78 pour la seconde, traitées par quatre cures de FAC préopératoire puis randomisées entre traitement standard et intensification avec autogreffe, ne montrent aucun bénéfice pour l’intensification, mais une toxicité aiguë et chronique plus importante, sans compter l’aspect socio-économique. Il paraît donc difficile, vu les données actuelles quant à l’utilisation des chimiothérapies à forte dose avec autogreffe de moelle, d’affirmer un bénéfice apporté par ce traitement par rapport aux thérapeutiques standards dans les formes inflammatoires. Hormonothérapie Elle s’avère très décevante lorsqu’elle est utilisée seule ou avant les thérapeutiques locorégionales chirurgie-radiothérapie. Les résultats à long terme ne sont pas supérieurs à ceux des seuls traitements locorégionaux (1). Toutefois, il reste des indications au décours de la chimiothérapie chez les patientes RH+. Traitement locorégional Il est évident que l’amélioration de la survie passe par un meilleur contrôle local, et c’est le rôle de la chirurgie et/ou de la radiothérapie. Chirurgie La chirurgie permet : – l’exérèse des lésions tumorales macroscopiques résiduelles, – l’évaluation de l’envahissement ganglionnaire résiduel, – l’évaluation de la chimiosensibilité de la tumeur et des ganglions. En l’absence de chimiothérapie initiale, les résultats de la chirurgie sont catastrophiques, avec une survie à 5 ans, en moyenne inférieure à 5 %, et une médiane entre 12 et 32 mois (1). Cependant, après plusieurs cycles de chimiothérapie, la chirurgie retrouve toute sa place. La Lettre du Sénologue - n° 3 - décembre 1998 - janvier 1999 Radiothérapie De même que la chirurgie, la radiothérapie utilisée seule ou en association avec la chirurgie n’a aucun effet bénéfique sur la survie, même si elle améliore le contrôle locorégional. Historiquement, la mastectomie a été comparée à la radiothérapie. Il existe une diminution plus importante des rechutes locales avec la mastectomie qu’en cas de simple radiothérapie (25). Perez (26) retrouve même une amélioration de la survie sans récidive et de la survie globale. Mais dans une étude prospective comparant, comme traitement locorégional, chirurgie-radiothérapie versus radiothérapie seule, Koh et coll. (17) ne retrouvent aucun bénéfice de l’association des deux traitements, tant en survie sans récidive qu’en survie globale. Malgré ce dernier résultat, cette différence éventuelle pourrait s’expliquer par la persistance d’une maladie résiduelle intramammaire après la radiothérapie, ce qui serait moins fréquent après la chirurgie radicale. Jaiyesimi et coll. (1), regroupant 17 études et 453 patientes avec radiothérapie comme seul traitement local et 15 études pour 221 patientes avec radiothérapie et chirurgie, retrouvent les mêmes taux de survie à 5 ans. Le traitement radiochirurgical conservateur a été peu étudié de manière spécifique, mais il semble donner un aussi bon contrôle local que la mastectomie lorsque les indications sont bien posées. À l’heure actuelle, le radiothérapie est utilisée de façon systématique après la chirurgie, avec les mêmes protocoles que pour les tumeurs non inflammatoires (voir le dossier thématique de La Lettre du Sénologue n° 1). Le traitement radiochirurgical conservateur peut être indiqué en cas de bonne régression locale. CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES Le pronostic des cancers du sein inflammatoire a été considérablement modifié par l’adjonction d’une chimiothérapie néoadjuvante aux thérapeutiques locorégionales classiques, chirurgie seule ou irradiation seule ou association de ces deux traitements. Ainsi, après chimiothérapie, une réduction tumorale est observée dans plus de deux tiers des cas. L’association de ces différents traitements permet une survie à 5 ans autour de 40-50 % (1). Du fait de la fréquente absence de récepteurs hormonaux, l’hormonothérapie adjuvante ne semble pas apporter en elle-même de bénéfice, mais les séries sont faibles, et il se peut que, conjuguée à la chimiothérapie, elle apporte un véritable plus. Après traitement locorégional, la poursuite d’une chimiothérapie de consolidation améliore les bénéfices (16, 18). En revanche, le changement de chimiothérapie pour éviter toute résistance croisée ne semble pas avoir un impact positif. De même, l’utilisation d’intensification de chimiothérapie avec autogreffe par cellules-souches périphériques ne peut être recommandée en routine : malgré un taux de réponse initiale complète élevé, les résultats à long terme sont fragmentaires et la survie ne semble pas améliorée. Pour certains auteurs, la chronologie de l’intensification avec autogreffe et de la mammectomie pourrait influer sur l’évolution. 19 n°3 5/02/03 15:53 D Page 20 O S S I E R T L’importance de la réponse à la chimiothérapie néoadjuvante est un facteur pronostique des plus importants (13, 16, 17). L’obtention d’une réponse complète s’avère donc un objectif primordial, qui est en partie atteint grâce à l’utilisation des anthracyclines. L’association récente de celles-ci aux taxanes majore les taux de réponse (27). De même, l’utilisation de perfusions continues peut accroître le taux de réponse complète. L’arrivée de prodrogues orales de 5-FU, comme la capécitabine, ou d’inhibiteurs de la thymidine synthétase oraux stimulera les essais de traitements continus. Une autre voie, qui semble encore plus intéressante, concerne les agents modulateurs ; Slamon (28), sur près de 500 malades en première phase métastatique (HER2+), a comparé une chimiothérapie (avec anthracyclines) seule à l’association avec un anticorps anti-HER2 ; ce dernier a permis un doublement du taux de réponse et un délai sans progression qui passe de 5,5 à 8,6 mois. Ce résultat montre l’intérêt du trastuzumab (antiHER2) en association avec une chimiothérapie avec anthracyclines dans les cancers du sein métastatiques surexprimant HER-2, et cela avec une très bonne tolérance. Compte tenu de la rapidité de diffusion des micrométastases dans les cancers inflammatoires et du mauvais pronostic à court terme des formes surexprimant C-erbB-2, l’indication de cette nouvelle voie thérapeutique en association avec la chimiothérapie de consolidation après traitement locorégional, voire en situation néoadjuvante, paraît des plus intéressantes. Les formes inflammatoires de cancer du sein demeurant heureusement rares, la mise en place d’études randomisées multicentriques s’avérera la meilleure solution pour confirmer ces nouvelles stratégies. De telles études sont actuellement en cours en France (Pégase 01 à 05). ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Jaiyesimi I.A., Buzdar A.U., Hortobagyi G. Inflammatory breast cancer : a review. J Clin Oncol 1992 ; 6 : 1014-24. 2. Taylor G., Meltzer A. Inflammatory carcinoma of the breast. Am J Cancer 1938 ; 33 : 33-49. 3. Mourali N., Nuenz L., Tabbane F. et coll. 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La deuxième Conférence européenne sur le cancer du sein aura lieu à Bruxelles du 26 au 30 septembre 2000 (E-mail : [email protected],http://www.fecs.be). La Lettre du Sénologue - n° 3 - décembre 1998 - janvier 1999