Traitement des MICI chez l`enfant et l`adolescent

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Mini-revue
Traitement des MICI
chez l’enfant et l’adolescent
Thierry Lamireau1, Dominique Turck2
1
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017.
Unité de gastroentérologie et nutrition pédiatriques, Hôpital des Enfants, place AmélieRaba-Léon, 33076 Bordeaux Cedex
<[email protected]>
2
Unité de gastroentérologie, hépatologie et nutrition, Clinique de pédiatrie, Hôpital
Jeanne-de-Flandre et Faculté de Médecine, 2, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille Cedex
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) débutent dans l’enfance ou l’adolescence dans environ 10 % des cas,
avec une incidence de respectivement 2,3 cas de maladie de
Crohn (MC) et de 0,8 cas de rectocolite hémorragique (RCH) pour
100 000 enfants de moins de 17 ans. Les buts du traitement sont
d’induire et de maintenir la rémission, et d’assurer une qualité de
vie, en particulier une scolarité, satisfaisante. Le retentissement sur
la croissance et la puberté constitue la particularité essentielle des
MICI chez l’enfant, surtout dans la MC. La plupart des traitements
utilisés chez l’adulte sont validés chez l’enfant. Les techniques
nutritionnelles sont en revanche beaucoup plus utilisées dans cette
population. En effet, les causes de malnutrition sont nombreuses et
les carences en certains nutriments sont fréquentes. Le retentissement sur la croissance explique l’utilisation plus importante chez
l’enfant de l’alimentation artificielle, notamment avant 5 ans et en
période péripubertaire où la croissance est rapide. L’azathioprine
garde les mêmes indications que chez l’adulte. Au cours de la MC,
son utilisation précoce dès la première poussée afin de modifier
l’évolution de la maladie à long terme est actuellement débattue,
mais est préconisée par certains auteurs, notamment en cas
d’atteinte extensive d’emblée, en particulier pancolique. L’introduction des anticorps anti-TNFa dans l’arsenal thérapeutique a transformé la prise en charge de la MC puis, à un moindre degré, de la
RCH. Les données pédiatriques concernent essentiellement l’infliximab (Rémicade®), l’utilisation étant limitée pour les autres produits.
doi: 10.1684/hpg.2008.0220
Mots clés : traitement, maladie inflammatoire chronique de l’intestin, enfant,
adolescent
L
es maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) débutent
dans l’enfance ou l’adolescence dans environ 10 % des cas, avec
une incidence de respectivement 2,3 cas de maladie de Crohn
(MC) et de 0,8 cas de rectocolite hémorragique (RCH) pour
100 000 enfants de moins de 17 ans dans le nord-ouest de la France [1].
Par rapport à l’adulte, la localisation au diagnostic de la MC chez l’enfant
est plus fréquemment iléocolique alors que la localisation de la RCH est
plus fréquemment pancolique. Les MICI débutant à l’âge pédiatrique sont
volontiers plus actives que chez l’adulte.
Hépato-Gastro, vol. 15, numéro spécial, juin 2008
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Mini-revue
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Les buts du traitement sont d’induire et de maintenir la
rémission, et d’assurer une qualité de vie, en particulier
une scolarité, satisfaisante. Le retentissement sur la
croissance et la puberté constitue la particularité essentielle des MICI chez l’enfant, surtout dans la MC, où un
retard staturo-pondéral est présent chez environ la
moitié des patients, souvent observé bien avant l’apparition des signes digestifs (figure 1). Par ailleurs, la
corticothérapie peut aggraver le retard de croissance
si elle est utilisée à forte dose de façon prolongée.
Chez l’adolescent, un retard pubertaire est présent
dans un quart des cas. La prise en charge devra donc
adapter la stratégie thérapeutique, en particulier en
utilisant les supports nutritionnels, pour maintenir une
croissance satisfaisante et permettre une taille finale
proche de la taille cible. Le recours aux indices d’activité permet une appréciation objective de l’évolution
de la MC et de l’efficacité des traitements. On utilise
surtout le Pediatric Crohn’s Disease Activity Index
(PCDAI) [2], qui tient compte de la croissance staturale
(tableau 1).
Les thérapeutiques utilisées chez
l’enfant
Les données pharmacologiques manquent chez
l’enfant, et les essais thérapeutiques randomisés sont
très peu nombreux en pédiatrie, ce qui explique que les
attitudes se fondent souvent sur les données obtenues
chez l’adulte.
Médicaments
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont représentés
essentiellement par la salazopyrine, dont l’utilisation
est très limitée chez l’enfant en raison de ses effets
secondaires, et surtout par les 5-amino-salicylés
(5-ASA) qui sont beaucoup mieux tolérés.
Dans la MC, quelques études contrôlées ont montré
que les 5-ASA ont une efficacité satisfaisante dans les
atteintes iléo-coliques modérées [3]. Ils peuvent également être utilisés pour diminuer le risque de rechute
après chirurgie.
Dans la RCH, très peu d’études sont disponibles chez
l’enfant, et les indications sont calquées sur les données
établies chez l’adulte. Les 5-ASA sont actifs par voie
orale dans les poussées d’intensité faible à modérée et
peuvent être utilisés par voie rectale (suppositoires,
lavements) dans les formes recto-sigmoïdiennes. Ils sont
insuffisants pour traiter les formes graves mais peuvent
être aussi utilisés pour faciliter le maintien en rémission.
Les corticoïdes systémiques constituent depuis de nombreuses années le traitement de référence des poussées
d’intensité moyenne à sévère de MC et de RCH chez
l’adulte et l’enfant. Leur efficacité est reconnue, mais ils
6
Tableau 1. Score d’activité de la maladie de Crohn utilisé chez
l’enfant. (Pediatric Crohn’s Disease Acitivity Index) [2].
Selles/jour
aucune
0
< 5 + sang
5
≥ 5 et sang abondant
10
Douleurs abdominales
absentes
0
modérées
5
sévères
10
Etat général
bon
0
moyen (activité limitée)
5
mauvais (arrêt de scolarité ou alitement)
10
Poids
gain normal
0
stagnation
5
perte de poids ≥ 10 %
10
Taille/vitesse de croissance
≥ - 1 DS
0
< - 1 DS et > - 2 DS
5
≤ - 2 DS
10
Masse abdominale
absente
0
douteuse
5
certaine
10
Lésions anales
absentes
0
fissures
5
fistules / abcès
10
Manifestations extra-intestinales,
articulaires, cutanées, fièvre > 38 °C, uvéite
absentes
0
une
5
plusieurs
10
Hématocrite (%)
≥ 34
0
29-33
5
< 29
10
Vitesse de sédimentation
(mm à la 1re heure)
< 20
0
20-50
5
> 50
10
Albumine (g/L)
≥ 35
0
31-34
5
≤ 30
10
Total :
Rémission : < 20
Atteinte moyenne : 30-50
Poussée sévère : > 50
peuvent entraîner de nombreux effets secondaires.
Environ la moitié des malades en deviennent dépendants au cours de la MC, d’où la réticence à les utiliser
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P1
A0 13 ans
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A0 11 ans
NEDC
NP
I
Figure 1. Retard de croissance dans la maladie de Crohn.
de façon prolongée et le recours de plus en plus
précoce, en pédiatrie, aux immunomodulateurs.
Dans la MC, l’efficacité des corticoïdes à la dose de
1 mg/kg/j (sans dépasser 40 mg/j) est similaire à la
nutrition entérale avec un taux de rémission d’environ
85 % dans les MC nouvellement diagnostiquées [4]. Ils
sont utilisés à cette dose pendant une période de 2 à
4 semaines, suivie d’une baisse progressive de la dose
quotidienne par pallier de l’ordre de 5 mg par
semaine. Le maintien d’une faible dose de corticoïdes
n’est pas efficace dans la prévention des rechutes au
long cours et expose aux effets délétères sur la minéralisation osseuse et la croissance. Les corticoïdes ont un
effet suppressif rapide et important sur la croissance
staturale, à partir d’une dose quotidienne de 0,20,3 mg/kg/j, se cumulant avec les effets de l’inflammation chronique pour entraîner dans la MC un ralentissement, voire un arrêt complet, de la croissance en
taille. Quel que soit le sexe, la vitesse de croissance
staturale doit être d’au moins 4-5 cm/an de l’âge de
3-4 ans jusqu’au début de la puberté. Bien que l’administration des corticoïdes un jour sur deux permette en
théorie de limiter l’effet délétère sur la croissance, le
recours possible aux immunomodulateurs ou à l’ali-
mentation entérale rend la corticothérapie prolongée
totalement injustifiée dans le traitement de la MC. Il est
bien sûr recommandé d’associer systématiquement une
supplémentation en calcium et en vitamine D pendant
la corticothérapie.
Dans les poussées de RCH, la prednisone à la dose de
1 mg/kg/j (sans dépasser 40 mg/j) est plus efficace
que la mésalazine [5]. Les corticoïdes peuvent être
utilisés par voie locale (suppositoires, lavements) dans
les formes distales. Ils n’ont aucun effet préventif sur la
survenue de rechutes.
Le budésonide est un corticoïde dont la faible diffusion
systémique explique la moindre fréquence des effets
indésirables par rapport aux corticoïdes systémiques.
Les données pharmacologiques chez l’enfant sont similaires à celles chez l’adulte.
Des études contrôlées dans la MC iléale ou iléocolique
droite de l’enfant ont montré que l’efficacité du budésonide est peu différente de celle de la prednisone (5071 % de rémission), un peu plus lente, mais avec moins
d’effets secondaires [6]. Il n’y a pas de données disponibles sur l’efficacité et la tolérance du budésonide en
traitement d’entretien en pédiatrie. Les effets délétères
sur la taille sont moins importants qu’avec les corticoïdes systémiques, mais un ralentissement de la croissance est possible en cas d’administration prolongée.
Les antibiotiques sont utilisés en raison du rôle probable de la flore bactérienne du tube digestif dans la
physiopathologie de la MC.
Bien qu’aucune étude contrôlée ne soit disponible chez
l’enfant, le métronidazole est volontiers prescrit dans
les atteintes anopérinéales de la MC. Son utilisation
prolongée, au-delà d’une durée d’un mois, expose au
risque de neuropathies, qui ont souvent une expression
plus électrique que clinique, et régressent habituellement à l’arrêt du traitement. Aucune étude n’a évalué
l’intérêt des fluoroquinolones, contre-indiquées avant
10 ans.
Les probiotiques sont potentiellement intéressants dans
les MICI par leur effet modulateur de la microflore
intestinale et des réponses immunes locales. Les résultats sont insuffisants, chez l’enfant comme chez
l’adulte, pour recommander leur utilisation en pratique
clinique.
L’azathioprine (AZA) est débutée de plus en plus précocement chez l’enfant et l’adolescent dans les formes
de MICI actives avec rechutes fréquentes ou dans les
formes cortico-dépendantes, en raison de son délai
d’action prolongé (3 à 4 mois en moyenne) et de la
contre-indication formelle à utiliser les corticoïdes de
façon prolongée. L’AZA est utilisé initialement à la
posologie de 2,5 mg/kg/j. Un sevrage de la corticothérapie est obtenu dans 70 à 75 % des cas chez
l’enfant.
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Au cours de la MC, son utilisation précoce dès la
première poussée afin de modifier l’évolution de la
maladie à long terme est actuellement débattue, mais
est préconisée par certains auteurs, notamment en cas
d’atteinte extensive d’emblée, en particulier pancolique [7].
Dans la RCH, l’AZA permet une épargne des corticoïdes ou de prendre le relais d’un traitement par ciclosporine dans les formes cortico-résistantes.
L’administration prolongée de l’AZA pose le problème
des effets secondaires, qui semblent toutefois assez
rares chez l’enfant. La survenue de pathologie maligne, notamment de lymphome, est considérée comme
faible et acceptable en regard du bénéfice quant à la
qualité de vie [8]. Le dosage de l’activité de la TPMT et
la surveillance du taux de 6-thioguanine pour prédire
la toxicité et ajuster la posologie restent débattus, en
pédiatrie comme chez l’adulte.
Le méthotrexate (MTX) à faible dose est utilisé en cas de
cortico-dépendance, ou d’échec de l’AZA, ou encore
de complications [9]. Il permet un sevrage des corticoïdes dans environ 1 cas sur 2 chez l’enfant et l’adolescent. On note souvent un épuisement de l’effet thérapeutique avec survenue de rechutes dans 50 % des cas
à 3 ans. La dose recommandée de MTX est de l’ordre
de 15 mg/m2 en une injection sous-cutanée hebdomadaire. Les effets secondaires et la surveillance sont
analogues à ce qui est décrit chez l’adulte. Le MTX est
parfois utilisé au cours de la RCH, mais aucune donnée
n’est disponible chez l’enfant.
La ciclosporine est proposée à la dose de 2 mg/kg/j
dans le traitement des poussées sévères, corticorésistantes de RCH pour éviter la colectomie en
urgence, sur une courte période en raison de sa
toxicité, notamment rénale, impliquant la nécessité
d’un relais par les immunomodulateurs « classiques »
(MTX, AZA), et la chirurgie reste souvent nécessaire à
moyen terme. L’expérience est limitée en pédiatrie, et
son utilisation repose sur les données publiées chez
l’adulte. La ciclosporine n’est habituellement pas efficace dans le traitement de la MC, sauf parfois en cas
de colite aiguë grave.
L’introduction des anticorps anti-TNF␣ dans l’arsenal
thérapeutique a transformé la prise en charge de la
MC puis, à un moindre degré, de la RCH. Les données
pédiatriques concernent essentiellement l’infliximab
(Rémicade®), l’utilisation étant limitée pour les autres
produits.
Dans la MC de l’enfant, le traitement d’induction par
3 perfusions d’infliximab (IFX) à la dose de 5 mg/kg
aux semaines S0, S2 et S6 entraîne une amélioration
dans 52 à 100 % des cas, et une rémission dans 21 à
90 % des cas [10, 11] dans les formes intraluminales
réfractaires et les formes fistulisantes. Un traitement
concomitant par immunomodulateurs (AZA surtout)
8
limite la formation d’anticorps anti-infliximab, et semble diminuer les réactions indésirables. Cependant, la
description de cas de lymphome hépato-splénique T
chez plus d’une dizaine d’enfants adolescents et de
jeunes adultes, tous traités par AZA et IFX [12], a fait
renoncer à cette association thérapeutique. La majorité
des patients rechutant après l’arrêt du traitement, l’IFX
au long cours est proposé, tout comme chez l’adulte.
L’étude REACH a montré que 55 % des enfants ayant
répondu au traitement initial sont maintenus en rémission par des perfusions d’IFX à la dose de 5 mg/kg
toutes les 8 semaines contre 23 % en cas de perfusion
toutes les 12 semaines [13]. L’efficacité sur la maladie
digestive s’accompagne d’une reprise de la croissance
[14]. En cas d’échappement, on peut au cas par cas
augmenter la posologie jusqu’à 10 mg/kg ou raccourcir à 6 semaines le délai entre les perfusions. En cas de
réaction lors de la perfusion ou d’hypersensibilité retardée, le traitement peut être poursuivi sous couvert d’une
corticothérapie ou bien changé pour un anticorps
anti-TNFa humanisé (Humira®).
Dans la RCH, l’IFX est efficace pour induire une rémission clinique et une cicatrisation des lésions endoscopiques dans les formes sévères cortico-résistantes. Seules quelques études rétrospectives, avec de faibles
effectifs, ont été conduites chez l’enfant. Le traitement
par IFX à la dose de 5 mg/kg entraîne une réponse à
court terme, définie par l’absence de reprise de corticothérapie ou de recours à la chirurgie, dans 64 à
83 % des cas [15].
Techniques nutritionnelles
Les causes de malnutrition sont nombreuses (tableau 2)
et les carences en certains nutriments sont fréquentes
(tableau 3). Le retentissement sur la croissance [16]
explique l’utilisation plus importante chez l’enfant de
l’alimentation artificielle (tableau 4), notamment avant
5 ans et en période péripubertaire où la croissance est
rapide.
L’alimentation orale doit couvrir les besoins énergétiques des patients en estimant qu’ils sont a priori supérieurs de 20 à 50 % aux apports recommandés pour
l’âge. Un régime pauvre en lactose et en fibres est
conseillé uniquement lors des poussées. Certains
auteurs ont rapporté l’efficacité dans la MC d’un produit polymérique à base de caséine enrichi en TGFb
donné de façon exclusive par voie orale pendant
8 semaines [17]. Le taux de rémission obtenu avec ce
produit était comparable à celui classiquement
observé après corticothérapie orale. Néanmoins,
aucune étude contrôlée n’a été réalisée en pédiatrie.
La nutrition entérale à débit continu est aussi efficace
que la corticothérapie dans la MC avec une rémission
obtenue dans 85 % des cas [4]. Elle semble en revanche plus efficace lors d’une première poussée (86 %)
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Tableau 2. Causes de malnutrition au cours de la maladie de
Crohn chez l’enfant [16].
Diminution des apports
- dues à la maladie : douleurs abdominales, diarrhée induite par
l’alimentation, effet anorexigène des cytokines proinflammatoires, altérations du goût, troubles psychologiques
- iatrogène
Malabsorption intestinale
- diminution de la surface d’absorption intestinale (fistule, résection intestinale étendue)
- pullulation microbienne intraluminale (sténose du grêle)
- déficit en sels biliaires (iléite, résection iléale)
Augmentation des pertes intestinales
- entéropathie exsudative
- diarrhée, fistule (électrolytes, minéraux, oligoéléments)
- saignement digestif chronique
Interactions médicamenteuses
- corticoïdes (métabolisme calcique et protéique)
- sulfasalazine, méthotrexate (métabolisme des folates)
- cholestyramine (malabsorption des lipides et des vitamines liposolubles)
Augmentation des dépenses énergétiques
- hypercatabolisme protéique (cytokines pro-inflammatoires, corticothérapie)
- fièvre, infection, inflammation
- renouvellement cellulaire intestinal (altération des muqueuses,
fistule)
- croissance normale ou de rattrapage
qu’en cas de rechute (50 %). Il n’y a pas d’avantage à
utiliser un soluté élémentaire ou semi-élémentaire par
rapport à un produit polymérique. Les effets cosmétiques indésirables et le retentissement sur la croissance
des corticoïdes militent en faveur de l’alimentation
entérale en cas de retard staturo-pondéral et/ou pubertaire important. Administrée sur 10 à 12 heures la nuit,
l’alimentation entérale est compatible avec une réinsertion familiale et scolaire. Néanmoins, elle n’est pas
toujours bien acceptée sur le plan psychologique par
Tableau 3. Carences nutritionnelles au cours de la maladie de
Crohn chez l’enfant et l’adolescent [16].
Déficit
Fer
Calcium
Magnésium
Zinc
Cuivre
Acide folique
Vitamine B12 (test de Shilling
anormal)
Vitamine D
Vitamine A
Vitamine K
Vitamine E
Vitamine C
Prévalence (%)
70
10 – 20
20
20
rare
50
40 – 50
60 – 70
5 – 10
rare
rare
rare
Tableau 4. Indications des techniques d’alimentation
artificielle au cours de la maladie de Crohn de l’enfant [16].
Alimentation entérale
- Poussée aiguë avec dénutrition
- Retard staturo-pondéral et/ou dénutrition
- Forme cortico-dépendante ou -résistante
Alimentation parentérale
- Forme suraiguë, résistante au traitement médicamenteux
et à l’alimentation entérale, et inaccessible à la chirurgie
- Forme occlusive
- Fistule résistante au traitement médicamenteux et à l’alimentation entérale
- Prise en charge nutritionnelle péri-opératoire
- Résection intestinale étendue
les adolescents en raison de l’arrêt de l’alimentation
orale et de la présence de la sonde naso-gastrique.
À côté de son effet dans les poussées de MC, l’alimentation entérale a également un intérêt pour le traitement
du retard staturo-pondéral et/ou pubertaire. Elle doit
être débutée précocement, avant que le développement pubertaire n’atteigne le stade III de Tanner. Elle
peut être utilisée au long cours de façon intermittente,
1 mois tous les 4 mois, associée à une alimentation
orale diurne, permettant alors de doubler ou de tripler
la vitesse de croissance [18] et de maintenir la rémission clinique [19]. Lorsqu’une alimentation entérale est
prévue pour une durée prolongée, la pose d’une gastrostomie endoscopique peut être discutée si la sonde
naso-gastrique est mal tolérée, et en l’absence de
localisation gastrique de la MC. L’utilisation de plus en
plus fréquente et précoce des immunomodulateurs en
pédiatrie va réduire dans l’avenir les indications de
l’alimentation entérale.
L’alimentation parentérale a également un effet bénéfique sur l’état nutritionnel et la croissance dans les MICI
de l’enfant. Du fait de ses risques, notamment infectieux
et thromboemboliques, ses indications sont extrêmement limitées : poussée sévère résistante au traitement
médicamenteux ou à l’alimentation entérale, et inaccessible à la chirurgie ; forme occlusive ou fistulisée ;
prise en charge nutritionnelle périopératoire ; résection
intestinale étendue (tableau 3).
Chirurgie
Il n’existe pas de consensus sur le traitement chirurgical
des MICI en pédiatrie, et certaines équipes recourent
plus volontiers au traitement chirurgical que d’autres.
Dans la MC, la chirurgie est habituellement réservée
comme chez l’adulte aux complications (fistules, sténoses, perforations, abcès) en limitant au maximum
l’étendue des segments réséqués. Une indication bien
posée de résection intestinale limitée en cas de sténose
iléale permet parfois une amélioration de la crois-
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sance. Dans une série récente, les facteurs de risque de
la première intervention chirurgicale étaient les suivants : sexe féminin, retard de croissance au diagnostic, abcès, fistule et sténose [20]. En revanche, un
traitement par amino-salicylates ou IFX était associé à
un moindre risque d’intervention. L’incidence cumulée
d’intervention chirurgicale 5 et 10 ans après le diagnostic de MC était respectivement de 17 % et 28 %.
Aucun facteur prédictif des récidives postopératoires
n’a été identifié chez l’enfant. En revanche, les résultats
concernant l’épargne des corticoïdes, l’acquisition de
la puberté et surtout la croissance, sont tout à fait
bénéfiques. Un rattrapage postopératoire de la vitesse
de croissance est possible si la chirurgie intervient à un
stade pubertaire précoce.
En cas de pancolite menaçant le pronostic vital,
d’échec de l’IFX ou de la ciclosporine, d’inefficacité de
l’AZA en relais de la ciclosporine, ou d’apparition de
lésions précancéreuses, il est nécessaire de réaliser
une colectomie subtotale, avec conservation du rectum
et anastomose iléorectale. Les parents doivent être
prévenus qu’un traitement local sera parfois nécessaire, ainsi qu’une surveillance endoscopique régulière. L’anastomose iléo-anale est peu utilisée en
Europe par les équipes de chirurgie pédiatrique,
d’autant qu’elle est associée chez la femme à une
multiplication par 3 du risque d’infertilité. Elle pourra
être nécessaire également chez les enfants ayant eu
une colectomie subtotale en cas d’atteinte rectale persistante et mal contrôlée par les traitements locaux.
Stratégies thérapeutiques dans
les MICI de l’enfant
La prise en charge thérapeutique doit intégrer, comme
chez l’adulte, le type (MC ou RCH) et l’ancienneté de la
maladie, sa localisation, la sévérité et la fréquence des
poussées, les atteintes extradigestives associées, l’état
nutritionnel, mais également l’âge et l’évolution de la
courbe staturale (figure 1).
Dans la MC
Dans les formes d’intensité faible, un traitement par
5-ASA est proposé, à la dose de 100 mg/kg/j, sans
dépasser 4 g/j, avec passage en cas d’échec à une
corticothérapie systémique ou au budésonide en fonction de la topographie des lésions. Il est possible
d’utiliser le produit d’alimentation orale enrichi en
TGFb.
Les formes iléocoliques droites d’intensité moyenne
sont traitées par budésonide à la dose de 9 mg/j,
identique à celle prescrite chez l’adulte. En cas
d’échec, il faut recourir à la corticothérapie systémique
ou à l’alimentation entérale s’il y a un retard staturo-
10
pondéral ou pubertaire important. On peut également
prescrire le produit d’alimentation orale enrichi en
TGFb.
Dans les formes pancoliques d’intensité moyenne, une
corticothérapie orale à la dose de 1 mg/kg/j de
prednisone ou prednisolone est proposée. Une fois la
rémission obtenue, les corticoïdes sont diminués de
5 mg par semaine jusqu’à l’arrêt en 2 à 3 mois environ. Un régime d’épargne colique peut être proposé
pendant la durée de la poussée. L’alimentation entérale est une alternative à la corticothérapie, soit
d’emblée pour certains, soit en cas de corticodépendance.
Dans les formes pancoliques d’intensité sévère, la
corticothérapie est débutée, avec l’introduction rapide,
voire systématique pour un nombre croissant d’équipes, d’un immunodulateur de type AZA ou MTX en cas
de cortico-dépendance ou de poussées rapprochées.
Lorsqu’il s’y associe une dénutrition sévère ou un retard
staturo-pondéral important, on pourra y associer l’alimentation entérale pendant quelques semaines.
Celle-ci sera éventuellement poursuivie de façon
séquentielle pour permettre un rattrapage statural et le
déclenchement de la puberté en cas de retard chez
l’adolescent.
Les décisions thérapeutiques des formes chroniques
actives réfractaires au traitement immunomodulateur
par AZA ou MTX se prennent idéalement dans des
comités thérapeutiques spécialisés. L’IFX est indiqué à
la dose de 3 perfusions de 5 m/kg à S0, S2, S6,
suivies de la poursuite d’un traitement d’entretien par
l’IFX à la dose de 5 mg/kg toutes les 8 semaines.
Les atteintes périanales peuvent être améliorées par un
traitement par métronidazole et/ou AZA. L’IFX est
indiqué en cas de forme fistulisée réfractaire au traitement immunomodulateur « classique ». Une intervention chirurgicale peut être indiquée en cas d’abcès,
plus rarement devant des formes complexes chez
l’enfant.
En cas de sténoses ou fistules réfractaires aux immunomodulateurs « classiques », les différentes options thérapeutiques seront discutées lors de comités thérapeutiques spécialisés : alimentation entérale, voire
parentérale, traitement par IFX, voire chirurgie.
Dans la RCH
Les formes distales modérées, peuvent être traitées
localement, par des suppositoires ou lavements de
5-ASA ou des lavements de mousse de corticoïdes. En
l’absence d’amélioration rapide, on peut proposer d’y
associer la prise de 5-ASA par voie orale à la dose de
100 mg/kg/j, sans dépasser 4 g/j.
Les formes étendues d’intensité faible ou modérée
justifient de débuter par un traitement à base de 5-ASA
par voie orale à la posologie de 100 mg/kg/j, sans
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dépasser 4 g/j. En cas d’amélioration mais sans rémission complète, il peut être poursuivi et éventuellement
associé à un traitement local s’il y a des signes rectaux.
En l’absence d’amélioration, une corticothérapie orale
à la dose de 1 mg/kg/j de prednisone ou de prednisolone est débutée, sans dépasser 40 mg/j. Une fois la
rémission obtenue, la dose quotidienne des corticoïdes
est habituellement diminuée de 5 mg par semaine
jusqu’à l’arrêt. Un régime d’épargne colique peut être
proposé, mais il sera limité à la durée de la poussée.
Les formes cortico-dépendantes ou avec rechutes fréquentes peuvent justifier un traitement immunomodulateur par AZA. En cas de rechutes fréquentes malgré
une optimisation de la posologie d’AZA se discuteront
un traitement par IFX ou une colectomie.
La colite aiguë grave est une urgence thérapeutique
mettant en jeu le pronostic vital, justifiant l’hospitalisation en unité de surveillance continue. Bien que son
efficacité sur l’activité de la maladie ne soit pas prouvée, la mise au repos digestif permet souvent une
diminution des symptômes. Une voie veineuse centrale
est souvent indispensable, notamment chez le jeune
enfant, pour corriger les déséquilibres hydroélectrolytiques, perfuser de l’albumine, transfuser en cas d’anémie importante, administrer une antibiothérapie
associant métronidazole et céphalosporine de 3e génération, et couvrir les besoins nutritionnels par une
alimentation parentérale. Le traitement immunomodulateur repose en première intention sur la corticothérapie intraveineuse sous forme de prednisone ou de
méthylprednisolone à la dose de 1 mg/kg/j (maximum
40 mg/j). Une efficacité doit être obtenue en 3 jours,
permettant alors un relais per os au bout d’une dizaine
de jours. En l’absence d’amélioration, ou d’emblée en
cas de forme gravissime, la ciclosporine est indiquée
par voie intraveineuse ou par voie orale à la dose de
2 mg/kg/j en visant des taux sériques résiduels de
200-250 ng/mL, l’amélioration clinique autorisant un
relais par voie orale vers le 7e-10e jour. La ciclosporine
permet en général d’éviter la colectomie d’urgence,
qui reste cependant nécessaire en cas de perforation
ou d’hémorragie massive. Un traitement par immunomodulateurs « classiques », en général de l’AZA, est
débuté pour permettre de prendre le relais de la
ciclosporine après 2-3 mois. En cas de rechute sévère,
après un traitement par ciclosporine relayé par l’AZA,
la colectomie doit être proposée à l’enfant et ses
parents. En cas de refus, l’indication d’un traitement
par IFX pourra être discutée au cas par cas.
Conclusion
Les choix thérapeutiques au cours des MICI de l’enfant
doivent permettre de maintenir une croissance satisfaisante pour obtenir une taille finale la plus proche
possible de la taille cible, ce qui explique le recours
plus fréquent aux techniques nutritionnelles au cours de
la MC en pédiatrie. Les formes graves nécessitent
souvent d’utiliser des traitements potentiellement toxiques, parfois non validés chez l’enfant, ce qui justifie
une discussion au cas par cas lors de réunions thérapeutiques spécialisées. À l’adolescence, l’enfant et sa
famille doivent être préparés progressivement au transfert dans une équipe de gastroentérologie d’adultes.
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