Autismes : de la théorie de l`esprit au concept de cognition sociale

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DOSSIER THÉMATIQUE
Autismes en liens
Autismes : de la théorie
de l’esprit au concept
de cognition sociale
Autisms: from theory of mind to the concept of social
cognition
T. Zalla*
L’
* Institut Jean-Nicod-CNRS-École
normale supérieure, Paris.
autisme est une affection neurodéveloppementale précoce et sévère de l’enfant, qui
se caractérise par une triade symptomatologique : une altération qualitative des interactions
sociales, un trouble de la communication verbale
et non verbale, un champ d’activités et d’intérêts
restreint et répétitif (selon les critères de l’American Psychiatric Association [APA], 2000 [1]). Leo
Kanner, en 1943, avait décrit l’autisme comme étant
un désordre affectant principalement les domaines
des fonctions sociales et émotionnelles (2).
Selon la théorie de l’esprit (Theory of Mind [ToM])
[3, 4], les déficits de la socialisation et de la communication seraient dûs à l’atteinte d’un mécanisme
inné et spécialisé dans le raisonnement psychologique, soutenant la capacité d’attribuer des
états mentaux à soi-même et aux autres. En utilisant le test de fausses croyances dit “de Sally et
Anne”, S. Baron-Cohen, A.M. Leslie et U. Frith ont
démontré que les enfants autistes présentent un
déficit de cette fonction, normalement présente
chez l’enfant normal entre 3 et 4 ans (3). Dans ce
test, les enfants voient qu’une poupée, Sally, met
une balle à un endroit et qu’Anne, une autre poupée,
va déplacer cette balle en l’absence de Sally. Les
enfants doivent comprendre que, puisque Sally n’est
pas au courant du changement de lieu de l’objet, elle
croit qu’il est toujours à l’endroit initial. Quand on
demande aux enfants : “Où Sally va-t-elle chercher
la balle”, ils doivent répondre en se référant à la
croyance de Sally et non pas en considérant leurs
propres croyances. Alors que tous les enfants avec
un développement typique réussissent dans cette
tâche à l’âge de 3-4 ans, il faut qu’ils atteignent
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l’âge mental de 8 ans pour que les enfants autistes
y parviennent (5).
Toutefois, des difficultés de la perception et de la
compréhension de stimuli sociaux apparaissent très
tôt chez l’enfant ayant un trouble du spectre autistique (TSA), bien avant la maturation d’un système
conceptuel de ToM, et concernent des processus
précurseurs de la cognition sociale. Chez l’enfant
autiste, la recherche récente témoigne en effet
d’un développement atypique des compétences
sociales, touchant l’attention conjointe1, les gestes
de pointage, la production d’un langage référentiel,
la reconnaissance des émotions. En particulier, des
déficits sévères ont été retrouvés dans la perception
des visages, des voix humaines et des mouvements
biologiques.
Chez l’enfant au développement typique, la sensibilité à des stimuli sociaux se manifeste très précocement. Bien avant l’âge de 1 an, l’enfant montre
des compétences sociales développées, telles que
l’attention partagée, les gestes de communication,
l’orientation du regard et les gestes de pointage,
l’imitation d’actions exécutées sur les objets, la
production d’un langage référentiel (6). Les capacités
d’intentionnalité conjointe se développent graduellement tout au long de la première année de vie ; à
1 L’attention conjointe est la capacité qui se met progressivement en
place durant la première année de vie et qui permet d’orienter son
attention vers ce qu’un autre regarde ou pointe. Elle suppose une
association et une coordination des comportements (regard alterné
entre un objet et une personne), la capacité à partager un centre
d’intérêt commun, ainsi que l’intention de communiquer. Le signe
le plus précoce de l’autisme serait un défaut d’attention conjointe,
défaut qui serait, en outre responsable de troubles ultérieurs, tels
ceux de la ToM et du langage communicatif.
Résumé
Les troubles de la cognition sociale chez les personnes atteintes d’un trouble du spectre autistique sont
considérés à la lumière des études récentes en psychologie expérimentale et en neuro-imagerie. Ces
recherches montrent que le terme de “cognition sociale” recouvre un nombre vaste de processus perceptifs
et cognitifs et qu’une approche prometteuse pour la compréhension de cette physiopathologie devrait
tenir compte de l’ensemble des perturbations touchant le comportement et la cognition, ainsi que des
anomalies cérébrales sous-jacentes.
1 an, l’enfant au développement typique utilise sa
nouvelle habileté de détection du comportement
intentionnel non seulement pour prédire l’action
d’autrui, mais aussi pour apprendre à réaliser ses
propres actions selon des schémas conventionnels
appropriés et à les diriger vers des buts communs (7).
Or, bien que les enfants autistes comprennent que
les êtres humains ont des buts et des intentions
en tant qu’êtres animés (8), ils ont des difficultés
sévères à s’engager dans des activités collectives.
Selon certains auteurs (9, 10), ces difficultés seraient
dues principalement à un trouble de la motivation
et des émotions. Toutefois, ces hypothèses restent
encore controversées et la nature exacte de ces
troubles n’a pas été éclaircie.
Il est important de souligner que, chez certains individus avec une forme d’autisme de haut niveau (AHN)
ou un syndrome d’Asperger (SA), sans retard mental,
peu de tests se révèlent sensibles aux difficultés
sociales et relationnelles qui les mettent en échec dans
la vie quotidienne. La réussite à ces tests reflète parfois
la présence de stratégies individuelles de compensation, souvent de nature verbale et explicite, ce qui est
le résultat de processus d’adaptation personnels, mis
en place au cours du développement. De même, les
bonnes performances aux tests de laboratoire pourraient s’expliquer par une simplification excessive
et artificielle de paradigmes expérimentaux qui ne
prennent pas en compte la complexité des situations
écologiques ni les difficultés réelles que ces personnes
rencontrent dans la vie quotidienne. Par ailleurs, bien
que certains ne présentent pas de déficits sévères de
la mentalisation ou de la ToM, les sujets ayant un
TSA témoignent néanmoins de difficultés durables
en termes de relations sociales et restent souvent
incapables de s’engager dans des activités sociales (11).
Les troubles sociaux et comportementaux caractérisant l’AHN et le SA restent donc difficiles à cerner et
représentent, en l’état actuel de nos connaissances,
un défi pour la recherche en psychopathologie.
Face aux limites des théories existantes, G. Rizzolatti et al., en Italie, soutiennent que les troubles de
l’interaction sociale sont causés par une altération
du système des neurones miroirs 2 affectant des
fonctions plus élémentaires de la cognition sociale
telles que la perception de l’action, l’imitation, la
reconnaissance des émotions et l’empathie (12).
Selon cette théorie, une perturbation du système
des neurones miroirs serait à l’origine d’une cascade
de déficits caractérisant une large symptomatologie
autistique, à savoir les troubles de la compréhension
de l’action d’autrui, de l’imitation, de l’interaction
sociale et de l’empathie.
Comprendre les émotions
chez soi et chez autrui
Jusqu’à présent, la psychopathologie et la psychiatrie
cognitive ont étudié l’autisme à partir de ses dysfonctionnements cognitifs. En revanche, peu d’études
sont consacrées à la relation entre d’une part les
dysfonctionnements perceptifs et émotionnels
précoces et, d’autre part, les troubles de la cognition
sociale, tels qu’on les décrit à l’âge adulte (13, 14).
Bien que la participation de facteurs biologiques soit
avérée, à l’heure actuelle il n’existe pas de marqueurs
biologiques de l’autisme, d’où l’importance des signes
comportementaux pour établir le diagnostic. Selon
B. Rogé (15), à 1 an, c’est la pauvreté du contact par
le regard, le faible nombre de sourires en société et
le peu d’expressivité des mimiques qui dominent.
À 2 ans, les stéréotypies, les postures bizarres et
l’attention labile permettent aussi de différencier
les autistes des autres enfants. Parmi des marqueurs
cognitifs fiables de l’autisme, c’est-à-dire qui soient
suffisamment sensibles et spécifiques et qui aient une
bonne valeur prédictive (diagnostic confirmé et validé
par la suite), on retrouve donc les difficultés au niveau
de l’attention conjointe (16, 17), la faible tendance
à regarder le visage et l’absence de jeux de faire
semblant (18). Or, bien qu’un traitement atypique
des visages, un évitement du contact oculaire et
des difficultés de la reconnaissance des expressions
émotionnelles soient très souvent observés chez des
individus avec TSA, la nature de ces déficits n’est pas
encore clairement déterminée.
Mots-clés
Déficits cognitifs
Perception
des visages
et du regard
Émotions
Syndrome d’Asperger
Summary
In this work, impairments in
social cognition in individuals
with autism spectrum disorders
are considered in the light of
recent studies in experimental
psychology and neuroimaging.
This research shows that the
notion of “social cognition”
denotes different types of
perceptual and cognitive
processes and that a promising
approach to this pathology
should take into account the
broad range of behavioural
and cognitive deficits as well
as the related neurological
abnormalities.
Keywords
Cognitive deficits
Gaze and face perception
Emotion
Asperger syndrome
Les neurones miroirs sont une classe particulière de neurones,
initialement identifiés dans le cortex précentral du macaque, qui
s’activent aussi bien lorsque l’individu effectue une action spécifique que lorsqu’il observe un autre individu en train d’exécuter la
même action. Des propriétés miroirs similaires ont été retrouvées
chez l’homme dans les aires prémotrices du cortex frontal, ainsi que
dans des régions cérébrales impliquées dans la reconnaissance des
émotions et dans l’empathie.
2
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Autismes : de la théorie de l’esprit au concept de cognition sociale
Cette diminution marquée de sensibilité à l’orientation des yeux et du regard dès la première enfance
laisse néanmoins supposer qu’il y a, à l’origine de
ces troubles sévères de la cognition sociale, une
défaillance de mécanismes innés et automatiques
d’orientation et d’attention aux stimuli sociaux et
émotionnels (19).
Perception des visages,
perception d’autrui
Le traitement perceptif des visages joue un rôle
crucial dans la reconnaissance des intentions et
des émotions chez autrui ainsi que dans le développement des relations avec autrui dans l’immédiat et dans le temps. Chez des individus avec TSA,
on retrouve souvent un évitement du regard de
l’autre, un traitement atypique des visages et des
difficultés dans la reconnaissance des expressions
émotionnelles (20), souvent associés à des altérations cérébrales sous-jacentes. L’enfant connaissant
un développement typique acquiert assez précocement des compétences dans le traitement du regard
ainsi que de sa signification émotionnelle et sociale.
Depuis la naissance, l’enfant est capable de distinguer le regard direct et le regard dévié (21) et, à partir
de l’âge de 3 mois, il est sensible à l’orientation du
regard (22) et aux expressions faciales (23). Une
étude de S. Hoehl et al. (24) a montré que, à partir de
4 mois, l’enfant dirige son attention vers l’objet fixé
par l’adulte et que cette attention conjointe facilite
la mémorisation de l’objet. En revanche, chez l’enfant
autiste, cet effet de facilitation du regard direct serait
absent (25) et, dans une tâche de détection de la
direction du regard et de flèches, on ne retrouverait
pas de réponse préférentielle aux visages, ce qui
démontre une diminution de sensibilité aux stimuli
sociaux (26).
Aujourd’hui, les recherches menées à l’aide d’un
dispositif de poursuite oculaire permettent de
préciser les anomalies de l’exploration oculaire des
visages et des scènes sociales. Selon A. Klin et al., ces
anomalies se caractérisent en termes de fixations peu
fréquentes autour de la zone des yeux associées à
des fixations plus nombreuses autour de la zone de la
bouche (27), alors que K.A. Pelphrey et al. retrouvent
chez un groupe d’AHN une diminution du temps de
fixation du regard vers tous les traits faciaux saillants
(les yeux, le nez, la bouche), comparativement à des
sujets contrôles (28). M.L. Spezio et al. observent que
les personnes avec TSA tendent à éviter le contact
oculaire et le regard d’autrui, même quand l’infor-
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mation saillante pour la tâche est spécifiquement
présente dans ces régions (29).
K.M. Dalton et al. ont montré que, lors d’une tâche
d’exploration des visages, les sujets avec un TSA
montrent une réponse galvanique, liée à une réaction émotionnelle plus accentuée ; l’on constate
également une activation plus importante que chez
les sujets contrôles des régions impliquées dans la
perception des visages et des émotions, le gyrus
fusiforme et l’amygdale, et cette activation serait
corrélée au temps de fixation de la région oculaire
du visage (30).
Cette variété des résultats, ainsi que la réduction
de l’activation cérébrale, pourrait être expliquée
par une stratégie visuo-spatiale atypique dans le
traitement des visages. Notons que des anomalies de l’exploration visuo-spatiale des visages
ont été également relevées, à un moindre degré,
chez des apparentés non malades de ces patients,
ce qui indiquerait que celles-ci pourraient être
des marqueurs de susceptibilité génétique à l’autisme (31).
L’apport
de la neuro-imagerie
Le développement des techniques d’imagerie cérébrale a permis d’augmenter considérablement nos
connaissances des structures cérébrales impliquées
dans la cognition sociale et dans ses dysfonctionnements chez les personnes autistes. En particulier,
plusieurs recherches ont démontré qu’une structure phylogénétiquement archaïque du système
limbique, appelée “amygdale”, intervient dans
les processus de perception et de mémorisation
des émotions, dans ceux de la peur, notamment,
et dans le développement des comportements
sociaux bien adaptés (32). Une étude anatomique portant sur l’évaluation des paramètres
volumétriques a mis en évidence la coévolution
de l’amygdale et de certaines structures néocorticales, telles que les cortex temporal et frontal chez
le primate (33). Cette évolution conjointe est à
l’origine de l’expansion des connexions réciproques
et du développement de la fonctionnalité d’un
circuit cortico-sous-cortical dédié à l’élaboration
plus fine des stimuli visuels en relation avec leur
signification affective et biologique. L’amygdale
a été pendant longtemps considérée comme un
dispositif spécialisé dans le traitement d’une classe
restreinte de stimuli écologiques associés à la
peur (34). Toutefois, chez les primates et l’homme,
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l’implication de l’amygdale a été retrouvée dans
les interactions sociales (35), dans le traitement
de stimuli à caractère social, tels que la perception des expressions émotionnelles (36) et de
la direction du regard, et dans la perception du
mouvement biologique (37). Des études d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle
ont apporté un nombre important de données
empiriques en faveur de l’hypothèse selon laquelle
des anomalies anatomiques et des altérations des
mécanismes neuronaux, centrées sur l’amygdale,
seraient responsables du traitement des stimuli
socio-émotionnels chez des sujets atteints d’un
TSA (38). Chez des sujets autistes, l’activation de
cette région est souvent diminuée ou augmentée
par rapport à ce qu’elle est chez des sujets sans
autisme, une conclusion qui, malgré ces résultats
contradictoires, vient confirmer le lien probable
entre un dysfonctionnement de cette structure
du cerveau et l’autisme.
Une autre série d’études récentes a permis de
mettre en évidence des anomalies importantes de
la connectivité fonctionnelle de longue distance
entre régions cérébrales, plus particulièrement entre
les régions frontales et les aires associatives postérieures du cerveau. Il s’agit d’un “syndrome de déconnexion” dans lequel les populations de neurones
ne parviennent pas à communiquer efficacement
entre elles3. L’altération précoce des mécanismes
qui règlent la construction des connexions entre
des populations de neurones serait alors à l’origine
d’une perturbation sévère du développement du
cerveau et de ses fonctions cognitives dans les TSA.
Plusieurs sources de données montrent en effet que,
à la différence d’un cerveau normal, le cerveau des
autistes suit une croissance atypique, car les régions
frontales se développent plus rapidement que les
autres. Un défaut de la connectivité neuronale de
longue distance entre le cortex frontal et les aires
postérieures du cerveau renforce l’hypothèse selon
laquelle un échec des mécanismes de contrôle et
d’intégration de l’information engendrerait des
difficultés dans la régulation et la coordination de
l’ensemble des activités et des fonctions sensorielles, cognitives, émotionnelles et motrices chez
les personnes ayant un TSA. Les circuits neuronaux
intéressés ainsi que l’étendue de cette déconnexion
fonctionnelle vont déterminer la sévérité du trouble
et le tableau clinique spécifique à chaque patient.
Cette diminution de la connectivité neuronale aurait des facteurs
génétiques, tels que des variations ou des mutations de certains
gènes qui règlent la synaptogenèse.
3
Chez l’enfant autiste, ce syndrome engendrerait un
trouble précoce et sévère de l’attention conjointe et
de la régulation des émotions, fonctions nécessaires
au développement normal des capacités sociales
et langagières chez l’enfant.
S’isoler pour se protéger
Récemment, des chercheurs de l’institut Mind
Brain de l’école polytechnique de Lausanne, les
Drs Kamila et Henry Markram, ont proposé un
modèle neurobiologique reproduisant le syndrome
autistique sous forme d’une activité neuronale
excessive de traitement et de stockage de l’information dans des circuits locaux du cerveau (39).
Selon ce modèle, fondé sur la recherche animale,
le syndrome autistique consisterait en une pathologie moléculaire touchant la totalité du système
nerveux central. Ce syndrome se caractérise par
une hyperconnectivité neuronale locale induisant
une excitabilité excessive de ces sous-ensembles
de neurones. L’hyperréactivité et l’hyper-plasticité neuronales produiraient un traitement et
un stockage excessifs de l’information dans ces
circuits cérébraux locaux, induisant une hypersensibilité de la perception sensorielle, attentionnelle
et émotionnelle chez le sujet autiste. En raison
d’une faible connectivité fonctionnelle entre les
circuits locaux et les aires frontales du cerveau, ces
phénomènes d’hyperréactivité et d’hyperplasticité
neuronale seraient amplifiés par une défaillance des
systèmes de contrôle et de régulation des activités
cognitives, motrices, sensorielles et affectives.
Des expériences sensorielles et socioaffectives trop
intenses et difficilement modulables deviendraient
alors perturbantes, hostiles et bouleversantes
pour la personne autiste et engendreraient des
comportements d’évitement du contact oculaire
et de l’attention conjointe ainsi qu’une diminution
générale des interactions sociales associées à des
troubles anxieux. Ces traits, présents depuis la toute
première enfance chez la plupart des personnes
autistes, pourraient produire un développement
déviant et durable des compétences sociales, ainsi
qu’un isolement et un retrait social à l’âge adulte.
De façon similaire, l’incapacité à traiter plusieurs
informations simultanément ou à moduler une
activité cognitive excessive pourrait donner lieu
à des comportements inappropriés (persévérations, stéréotypies) et socialement inadaptés ou
encore à la mise en place de stratégies cognitives
compensatoires.
La Lettre du Psychiatre • Vol. VIII - no 3-4 - mai-juin-juillet-août 2012 | 105
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Autismes : de la théorie de l’esprit au concept de cognition sociale
Conclusion
L’hypothèse ici développée repose sur la tentative
de mettre en lien les différents troubles cognitifs
et comportementaux de l’autisme. Dans cette
perspective, les déficits de l’interaction sociale
chez les personnes souffrant d’un TSA ne seraient
que le reflet d’une physiopathologie généralisée,
touchant l’ensemble des fonctions cognitives parmi
lesquelles le contrôle et la modulation des activités motrices, sensorielles et émotionnelles du
sujet. Cette hypothèse est susceptible de rendre
compte d’une plus large symptomatologie autis-
tique, incluant les comportements répétitifs et
stéréotypés, l’hyperréactivité sensorielle et les
troubles de l’attention conjointe, de l’attention
aux détails, de la reconnaissance des émotions et
de l’anxiété.
En raison d’une expérience émotionnelle et sensorielle accrue envers des stimuli environnementaux
anodins, l’autisme aurait pour conséquence l’isolement, l’anxiété et le retrait social. Les personnes
autistes seraient ainsi amenées à éviter des situations
perçues comme bouleversantes, hostiles et éventuellement anxiogènes, en lien avec l’environnement et,
tout particulièrement, avec les autres. ■
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