Aspects neurologiques de la maladie de Marfan

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Aspects neurologiques de la maladie de Marfan
Neurologic Aspects of Marfan Syndrome
l C. Muti*, B. Moura*, G. Jondeau*, B. Chevallier*, M. de Saint-Jean*, C. Boileau*
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n La maladie de Marfan est une maladie autosomique dominante fréquente : 1/5 000.
n Elle se caractérise par un grand pléïotropisme responsable d’une importante variabilité phénotypique : le système
cardiovasculaire, l’œil, le squelette, l’appareil respiratoire, la
peau et le système nerveux peuvent être touchés à différents
degrés.
n L’ectasie durale qui peut aller jusqu’au méningocèle est
l’anomalie neurologique essentielle.
n Il s’agit d’un signe majeur pour l’établissement du diagnostic selon les critères internationaux en vigueur : chez les
patients qui présentent une atteinte incomplète, il faut rechercher une ectasie durale qui, si elle est présente, permettra de
confirmer le diagnostic.
n Elle est souvent asymptomatique et c’est probablement
pour cela qu’elle retient peu l’attention des médecins impliqués dans sa prise en charge.
n Dans la maladie de Marfan, les complications neurovasculaires sont rares et habituellement secondaires à une
atteinte cardiovasculaire (extension d’une dissection de
l’aorte aux artères carotidiennes, pathologie valvulaire responsable d’embols cérébraux) ou à son traitement (traitement anticoagulant, iatrogénicité de la chirurgie de l’aorte).
n Les dernières études réalisées ne retrouvent pas d’augmentation de la fréquence des anévrysmes intracrâniens
chez les patients Marfan.
…/…
and we systematically have to search it by magnetic resonance image of the lumbosacral spine (dural ectasia usually
does not produce any symptoms).
Neurovascular complications of Marfan syndrome are rare,
generally ischemic in nature and a high-risk cardiac source
was identified in the majority.
The last realized studies conclude that there exists no evidence that Marfan syndrome is associated with an increased
prevalence of intracranial aneurysms.
Key words : Marfan syndrome – Dural ectasia.
Mots clés : Maladie de Marfan – Ectasie durale.
a maladie de Marfan, comme beaucoup de maladies
génétiques graves, est due à l’altération d’un seul gène
(FBN1 ou MFS2) qui s’exprime dans plusieurs tissus,
ce qui conduit à l’atteinte de différents systèmes : squelettique,
oculaire, cardiaque, pulmonaire, cutané et neurologique. Sa prévalence est estimée à 1/5 000 ; il y aurait donc plus de 10 000 personnes atteintes en France. Ces chiffres sont très probablement
sous-estimés du fait de la méconnaissance générale de la maladie et de la difficulté du diagnostic. L’atteinte neurologique est
en rapport direct avec la faiblesse du tissu conjonctif du fourreau
dural habituellement riche en fibrilline (protéine synthétisée par
FBN1). Par ailleurs, des complications neurovasculaires sont
possibles ; elles sont essentiellement secondaires à l’atteinte cardiovasculaire.
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ASPECTS PHYSIOPATHOLOGIQUES
SUMMARY
SUMMARY
Marfan syndrome is an inherited autosomal dominant disorder
wich the prevalence is 1 per 5 000. Many organ systems are
affected : skeletal, ocular, cardiovascular, pulmonary, skin and
neurologic. The main neurologic abnormality is dural ectasia.
The wide phenotypic expression of the Marfan syndrome
makes the clinical diagnosis very difficult. Dural ectasia can
help to diagnosis because it is a major diagnostic criterion
…/…
La Lettre du Neurologue - n° 9 - vol. VII - novembre 2003
La maladie de Marfan se transmet sur le mode autosomique dominant, c’est-à-dire qu’elle concerne autant les hommes que les
femmes et qu’un individu atteint a un risque de 50 % de transmettre la maladie à sa descendance. Le plus souvent, un individu
atteint a un de ses deux parents atteints, mais les néomutations
sont fréquentes (25 % des cas).
Le défaut primitif responsable du syndrome de Marfan est attribué
à l’un des composants de la matrice extracellulaire, et plus particulièrement du réseau microfibrillaire. Ce réseau microfibrillaire
est un ensemble de fibres non striées de diamètre étroit, souvent
* Consultation multidisciplinaire Marfan, hôpital Ambroise-Paré, Boulogne.
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associées à l’élastine. Le constituant majoritaire de ces microfibrilles est une grosse protéine très résistante appelée “fibrilline” ; elle est déficiente en structure ou en quantité chez les
patients Marfan (1). Dans le gène (FBN1) codant pour cette protéine, plus de 200 mutations ont été décrites, réparties sur toute
la longueur du gène. Dans la majorité des cas, chaque famille a
sa mutation propre différente d’une autre famille : on parle de
mutation privée.
En 1994, dans une grande famille française touchée par le syndrome de Marfan, l’implication du gène FBN1 a pu être exclue,
montrant ainsi qu’il existait une hétérogénéité génétique. Le
deuxième gène impliqué dans la maladie (appelé gène MFS2) a été
localisé sur le bras court du chromosome 3 en 3p25. Ce gène et la
protéine pour laquelle il code sont encore inconnus. Son atteinte
rendrait compte d’environ 15 % des cas de syndrome de Marfan (2).
D’un point de vue clinique, le syndrome de Marfan est caractérisé
par un grand pleïotropisme clinique et une très grande variabilité
d’expression tant interfamiliale qu’intrafamiliale. La répartition
ubiquitaire de la fibrilline permet d’expliquer ce pleïotropisme et
de comprendre les mécanismes pathogéniques qui sous-tendent
le syndrome.
En ce qui concerne la variabilité d’expression interfamiliale, elle est
due à deux types d’anomalies moléculaires : d’une part l’hétérogénéité génétique (à savoir l’implication soit du gène FBN1, soit
du gène MFS2) et d’autre part l’hétérogénéité allélique (à savoir
l’existence de mutations différentes du gène FBN1 d’une famille
à l’autre). Par ailleurs, la variabilité intrafamiliale de l’expression
d’une même mutation reste inexpliquée. Elle est certainement le
reflet de l’intervention de différents mécanismes compensateurs
ou aggravants encore inconnus. Ces éléments rendent difficiles
le diagnostic et le pronostic de la maladie.
Actuellement, c’est à l’aide de critères diagnostiques validés que
la maladie est confirmée ou infirmée. Il s’agit des critères de
Berlin (tableau I) qui sont les plus utilisés et des critères de Gand
(tableau II) qui sont plus stricts et pourraient être responsables
d’une sous-estimation des diagnostics.
ASPECTS CLINIQUES
Atteinte squelettique
La grande taille est un signe classique mais peu spécifique ; la
dolichosténomélie est plus caractéristique. Elle est appréciée par
le calcul du rapport de l’envergure des membres supérieurs sur la
taille et par le rapport de la mesure des membres inférieurs sur
celle du tronc. Ces rapports sont considérés comme anormaux et
significatifs de la dolichosténomélie lorsqu’ils excèdent 1,05.
L’arachnodactylie est le deuxième élément caractéristique et traduit le caractère exagérément long et fin des doigts. L’arachnodactylie s’accompagne d’un syndrome d’hyperlaxité souvent
caricatural, généralisé, responsable d’entorses récidivantes.
Les troubles morphologiques du rachis sont présents chez 2/3 des
patients : constitution précoce d’une scoliose à plusieurs courbures, effacement des courbures naturelles ou anomalies uniquement visibles à l’examen radiographique. La scoliose est présente
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Tableau I. Critères diagnostiques dits de Berlin (1988) (Beighton et al.,
Am J Med Genet ; 29 : 581).
Pour porter le diagnostic, il faut retrouver chez le patient :
1. En l’absence d’un parent direct porteur du syndrome, une atteinte
du squelette et d’au moins 2 autres systèmes ainsi qu’au moins 1 signe
majeur (en gras).
2. Si un parent direct est porteur du syndrome, une atteinte d’au moins
deux systèmes doit être retrouvée, avec une manifestation majeure
dans un des 2 systèmes.
n Squelette
Déformation thoracique (pectus excavatum ou carinatum),
Dolichosténomélie qui n’est pas la conséquence d’une scoliose,
Pied plat,
Arachnodactylie,
Anomalie de la colonne vertébrale :
– scoliose,
– lordose thoracique ou diminution de la cyphose thoracique,
– cyphose thoracique ou thoraco-lombaire,
– spondylolysthesis,
Grande taille, surtout en comparaison de parents non atteints,
Palais ogival,
Chevauchement des dents,
Protusion acétabulaire,
Hyperlaxité ligamentaire :
– contractures congénitales en flexion,
– hypermobilité.
n Œil
Ectopie du cristallin,
Cornée plate,
Globe oculaire allongé,
Décollement rétinien,
Myopie.
n Système cardiovasculaire
Dilatation de l’aorte ascendante,
Dissection aortique,
Insuffisance aortique,
Insuffisance mitrale due à un prolapsus valvulaire sur valves myxoïdes,
Prolapsus valvulaire mitral sur valves myxoïdes,
Calcifications de l’anneau mitral,
Anévrysme de l’aorte abdominale,
Troubles du rythme,
Endocardite,
Prolapsus valvulaire mitral sans évidence d’anomalie tissulaire
mitrale.
n Poumons
Pneumothorax spontané,
Bulle apicale,
Syndrome restrictif dû à une déformation thoracique,
Emphysème pulmonaire.
n Peau et téguments
Vergetures sans causes évidentes (grossesse, perte de poids,
exercice intense),
Hernies récidivantes, hernie inguinale, hernie sur cicatrice,
Autres hernies (ombilicale ou hiatale).
n Système nerveux central
Ectasie de la dure mère :
– méningococèle lombosacré,
– élargissement du canal lombaire,
Troubles de l’apprentissage,
Hyperactivité.
La Lettre du Neurologue - n° 9 - vol. VII - novembre 2003
Tableau II. Critères diagnostiques dits de Gand (1996) (De Paepe et al.,
Am J Hum Genet ; 62 : 417).
Si un parent au premier degré du sujet examiné est atteint, on doit exiger, pour porter le diagnostic, l’atteinte de 2 systèmes avec au moins un
signe majeur. En l’absence de critère génétique, il faut une atteinte de
3 systèmes dont au moins 2 avec des signes majeurs.
(Les signes majeurs sont en caractère gras ; pour parler d’une atteinte
d’un système, il faut qu’un nombre minimal de signes – précisé pour
chaque système – soit présent).
n Squelette
(au moins 4 signes en gras pour un signe majeur squelettique)
Pectus carinatum, ou excavatum nécessitant la chirurgie,
Rapport segment supérieur sur segment inférieur bas,
ou envergure sur taille > 1,05,
Signe du poignet ou du pouce,
Scoliose > 20° ou spondylolisthesis,
Extension maximale des coudes < 170° ,
Pied plat,
Protrusion acétabulaire,
Pectus excavatum modéré,
Hyperlaxité ligamentaire,
Palais ogival avec chevauchement des dents,
Faciès.
n Œil
(au moins 2 signes mineurs pour une atteinte oculaire mineure)
Ectopie du cristallin,
Cornée plate,
Globe oculaire allongé,
Iris hypoplasique ou hypoplasie du muscle ciliaire.
n Système cardiovasculaire
(au moins 1 signe mineur pour une atteinte cardiaque mineure)
Dilatation de l’aorte ascendante intéressant les sinus de Valsalva,
Dissection aortique,
Insuffisance aortique,
Prolapsus valvulaire mitral avec ou sans fuite,
Dilatation de l’artère pulmonaire avant l’âge de 40 ans,
Calcifications de l’anneau mitral avant l’âge de 40 ans,
Anévrysme ou dissection de l’aorte abdominale
avant l’âge de 50 ans.
n Poumons
(au moins 1 signe mineur pour une atteinte pulmonaire mineure)
Pneumothorax spontané,
Bulle apicale.
n Peau et tegments
(au moins 1 signe mineur pour une atteinte cutanée mineure)
Vergetures (à l’exclusion de grossesse, perte de poids),
Hernies récidivantes.
n Dure mère
Ectasie de la dure mère lombosacrée.
n Génétique
Un parent direct ayant les critères diagnostiques,
Mutation dans le gène FBN1 déjà connue
pour provoquer un syndrome de Marfan,
Présence d’un marqueur génétique, proche du gène FBN1,
se transmettant avec la maladie dans la famille.
dans environ 60 % des cas. La croissance exagérée des côtes
conduit à une déformation de la partie antérieure du thorax en
carène ou en entonnoir, parfois à la combinaison des deux : le
pectus carinatum et le pectus excavatum.
La Lettre du Neurologue - n° 9 - vol. VII - novembre 2003
Atteinte cutanée et tégumentaire
On constate des vergetures, dont la présence n’est pas expliquée
par une grossesse ou une perte de poids importante, et qui prédominent dans les régions dorsolombaires et scapulaires, et la
survenue plus fréquente de hernies (inguinale, ombilicale, diaphragmatique ou sur cicatrice opératoire).
Atteinte pulmonaire
La scoliose et les déformations de la cage thoracique en carène ou
en entonnoir peuvent entraîner un syndrome restrictif invalidant.
La fréquence des bulles apicales et du pneumothorax spontané
est accrue.
Atteinte cardiovasculaire
L’atteinte cardiovasculaire conditionne le pronostic vital. Avant
que la chirurgie de remplacement de l’aorte ascendante ne se soit
développée, 80 % des patients atteints d’un syndrome de Marfan
décédaient de l’une des complications cardiovasculaires du syndrome : dissection et rupture aortiques, insuffisance aortique
ou mitrale aboutissant à l’insuffisance cardiaque.
Une insuffisance mitrale est souvent présente, et lorsqu’elle est
importante, représente la principale complication cardiaque chez
les patients jeunes. L’aorte initiale se dilate, typiquement en “bulbe
d’oignon”. Cette dilatation génère un risque de dissection ou de
rupture aortique qui doit être constamment pris en considération.
Atteinte occulaire
Le signe majeur de l’atteinte oculaire est représenté par la luxation du cristallin présente dans 60 à 80 % des cas. Les fibres
constitutives de la zonule du cristallin – véritable ligament suspenseur – sont composées de fibrilline et donc directement mises
en cause dans le syndrome de Marfan. L’autre anomalie oculaire
fréquente consiste en une myopie axile, c’est-à-dire en rapport
avec l’allongement de la longueur antéropostérieure du globe
oculaire. D’autres anomalies oculaires peuvent exister, en particulier l’existence d’un aplatissement cornéen central, sans grand
retentissement visuel, mais dont le dépistage est intéressant sur le
plan diagnostique, dans les formes frustes sans ectopie cristallinienne.
ATTEINTE NEUROLOGIQUE
Ectasie durale
L’ectasie durale est le signe neurologique essentiel de la maladie
de Marfan (figure 1).
C’est un critère diagnostique majeur dans les deux groupes
de critères utilisés dans les consultations multidisciplinaires
(tableaux I et II).
Elle peut être visualisée sur une radiographie standard du rachis
lombosacré de profil : l’ectasie durale peut être responsable d’une
érosion du mur vertébral postérieur. Celle-ci se traduit typiquement par une image radiologique de scalloping vertébral posté299
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Sac dural normal
avec rachis régulier et linéaire
Grade 2
Saillie du sac dural
avec scalloping
de quelques corps vertébraux
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Grade 1
Élargissement du canal neural
avec saillie du sac dural
et absence de graisse épidurale
au niveau d’un corps vertébral
Grade 3
Méningocèle sacrée important
Lancet 1999 ; 354 : 910-3.
Figure 1.
rieur. Elle correspond à une empreinte concave vers l’arrière du
corps vertébral, surtout des deux premières pièces sacrées mais
aussi des dernières vertèbres lombaires.
Un scanner ou une IRM lombosacré est systématiquement réalisé
en cas de doute diagnostique à la recherche d’un critère majeur
supplémentaire qui, s’il est présent, permettra de retenir le diagnostic de maladie de Marfan. L’ectasie durale est alors affirmée
si la largeur du cul-de-sac dural au milieu de la première pièce
sacrée S1 est au moins égale à la largeur de S1. Ce critère n’est
pas toujours strictement retrouvé, alors qu’il existe manifestement une atteinte qualitative de la morphologie du sac dural pou300
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vant quand même faire retenir le diagnostic (3). Quand le dépistage est réalisé par une radiographie standard, un scanner ou une
IRM selon le cas, l’ectasie durale est retrouvée chez environ 60 %
des patients (4, 5). Une étude proposant une IRM lombosacrée
systématique à 83 patients Marfan a retrouvé une ectasie chez
92 % d’entre eux (1). L’ectasie durale peut être accompagnée de
différents symptômes : douleur dorsale, céphalée, douleur des
membres inférieurs. Cependant, elle est très souvent asymptomatique et aucun signe clinique spécifique ne lui est attribué.
Rarement, l’ectasie est importante au point de réaliser un méningocèle lombosacré qui peut être responsable d’une compression
des structures de voisinage.
Les douleurs dorsales sont plutôt plus fréquentes et importantes
quand le volume de l’ectasie durale est important. Toutefois, un
méningocèle lombosacré peut être totalement asymptomatique et
il n’y a pas de concordance stricte entre les images radiologiques
et la clinique (3, 4, 5, 6).
Atteinte neurovasculaire
Anévrysmes intracrâniens
L’idée selon laquelle les anévrysmes intracrâniens sont plus fréquents chez les patients atteints de maladie de Marfan n’est pas
vérifiée par la plupart des études. Parmi les 826 patients de l’étude
de Van den Berg pris en charge en service de neurologie ou de
neurochirurgie pour hémorragie sous-arachnoïdienne ou anévrysmes intracrâniens, aucun ne présentait de maladie de Marfan
après un examen ciblé sur la recherche de la maladie (7). De même,
dans une étude sur les causes de la mortalité dans la maladie de
Marfan (8), aucun décès en rapport avec un anévrysme intracrânien n’a été retrouvé parmi les 56 décès pris en considération.
Pour finir, parmi 25 patients décédés atteints de maladie de
Marfan diagnostiquée selon les critères de Berlin et ayant eu une
autopsie à la recherche d’un anévrysme intracrânien, seul l’un
d’entre eux présentait un anévrysme intracrânien infraclinique (le
patient était décédé d’une dissection aortique à l’âge de 30 ans).
Conway et al. concluront que la prévalence d’un patient sur 25 présentant un anévrysme intracrânien n’est pas statistiquement différente de celle de 2 % retrouvée dans les autopsies tout venant (9).
Complications neurovasculaires
Les accidents vasculaires cérébraux que peuvent présenter les
patients atteints de maladie de Marfan sont le plus souvent d’origine ischémique. Dans la majorité des cas, ils sont en rapport
avec la pathologie cardiaque du patient : prothèse valvulaire, fibrillation auriculaire, atteinte valvulaire mitrale, dilatation de l’aorte
ascendante, voire dissection chronique prête à s’étendre aux artères
carotidiennes (10).
La chirurgie de remplacement de l’aorte ascendante fait courir,
d’après Gott et al., un risque d’événements emboliques cérébraux
postopératoires d’environ 3,7 % (11). Les complications cérébrales du traitement anticoagulant instauré en cas de remplacement valvulaire ne sont pas plus fréquentes que chez les patients
non Marfan.
Robert et al. ont étudié 513 patients Marfan : 13 ont eu un accident vasculaire ischémique dont 12 d’origine cardiaque et 3 ont
La Lettre du Neurologue - n° 9 - vol. VII - novembre 2003
eu une hémorragie cérébrale dont 2 en rapport avec un traitement
anticoagulant. Leur conclusion est qu’il n’y a pas de lien entre les
accidents neurovasculaires rapportés et le défaut primitif de la
maladie de Marfan (10).
I:1
48 ans
I: 2
Ectasie durale, diagnostic de maladie de Marfan
et conseil génétique
Parfois, la découverte d’une ectasie durale peut amener à faire un
diagnostic de maladie de Marfan chez un individu au phénotype
peu évocateur. Ce patient pourra alors bénéficier d’un traitement
préventif de la dilatation de l’aorte et éviter ainsi une éventuelle
chirurgie réparatrice de l’aorte. Ses enfants présentant alors un
risque de 50 % d’être atteints devront bénéficier d’un dépistage
complet de la maladie dans tous les systèmes et pourront à leur
tour, si besoin, profiter d’une prise en charge précoce de la maladie.
Dans la famille représentée sur la figure 2, le cas index III1 est une
jeune femme présentant une luxation des cristallins et un morphotype longiligne avec dolichosténomélie et arachnodactylie. Elle
n’a pas d’atteinte cardiologique, ni pneumologique ni cutanée.
Elle est la première de sa famille à qui un dépistage de la maladie
de Marfan est proposé ; ses apparentés du 1er degré sont a priori
en bonne santé, son frère III3 est longiligne. Selon les critères
diagnostiques de Berlin ou de Gand, elle a un critère majeur ophtalmologique et un critère mineur squelettique. À ce stade, le diagnostic de maladie de Marfan ne peut être retenu. Son bilan est
complété par une IRM lombosacrée qui retrouve une ectasie
durale. Il s’agit d’un signe majeur et le diagnostic de maladie de
Marfan est retenu conformément aux critères en vigueur puisque
3 systèmes différents sont atteints avec 2 atteintes majeures.
Face à ce diagnostic, un bilan familial est proposé et l’on retrouvera chez le père II1 une dilatation aortique qu’il ignorait et des
vergetures importantes et, chez le jeune frère III3, une atteinte
squelettique modérée et une ectasie durale. Tous les deux sont
atteints de maladie de Marfan car ils ont une apparentée du
1er degré atteinte, 2 systèmes différents atteints et une atteinte
majeure. Ils vont pouvoir bénéficier d’un traitement préventif de
la dilatation aortique et, si tel est leur souhait, ils seront informés
du risque de transmission de la maladie et de son dépistage aux
différents stade de la vie (prénatal, néonatal, enfance). Le bilan
familial pourra continuer par le dépistage de la maladie chez
l’individu II3 (sœur de l’individu II1) qui est d’autant plus
concerné par la maladie de Marfan que le décès brutal de son
père, à 48 ans, peut faire craindre une dissection aortique.
Ainsi de suite, tous les individus à risque, selon les lois de transmission d’une maladie dominante, se verront proposer un dépistage de la maladie de Marfan.
TRAITEMENT
L’essentiel du traitement de la maladie de Marfan concerne
l’atteinte cardiovasculaire. Il a pour objectif la prévention de la
dilatation et de la dissection de l’aorte ascendante. Il concerne
donc tous les patients, même ceux qui ne présentent pas, ou pas
encore, d’atteinte cardiologique.
La Lettre du Neurologue - n° 9 - vol. VII - novembre 2003
II : 1
46 ans
CM, Cut+
III : 1
23 ans
OM, Rm, NM
II : 2
III : 2
20 ans
III : 3
14 ans
Rm, NM
CM : atteinte cardiaque majeure ; OM : atteinte ophtalmologique
majeure ; NM : atteinte neurologique majeure ; Cut+ : atteinte cutanée ;
Rm : atteinte rhumatologique mineure.
Figure 2. Les carrés représentent les individus de sexe masculin, les cercles
les individus de sexe féminin. Les individus atteints sont en noir.
Le traitement de l’atteinte des autres systèmes est symptomatique
et envisagé au cas par cas.
Il peut s’agir, par exemple, du traitement orthopédique d’une scoliose sévère ou de la cure chirurgicale d’une luxation des cristallins.
Traitement de l’atteinte cardiovasculaire
Le traitement pharmacologique repose sur la prise au long cours
de β-bloquants : en diminuant la pression artérielle et sa vitesse
d’ascension, ils ralentissent la progression de la dilatation aortique
et ce, indépendamment du diamètre aortique au moment de l’institution du traitement.
Le traitement phamacologique s’accompagne d’un suivi échographique régulier (annuel le plus souvent) qui permet d’apprécier l’efficacité du traitement β-bloquant et, en cas de majoration
du diamètre aortique, de ne pas laisser passer le meilleur moment
pour une chirurgie réparatrice de l’aorte. La limitation de l’activité physique est toujours conseillée : il faut bien sûr éviter les
sports de combat, les sports en compétition, surtout s’ils comportent des efforts en apnée ou des risques de collision.
La chirurgie cardiaque préventive peut être indiquée pour corriger
une fuite valvulaire (mitrale ou aortique), en cas de dilatation aortique importante ou de dissection aortique chronique. Au niveau
de la valve mitrale, la redondance des feuillets mitraux et la dilatation de l’anneau mitral souvent observées permettent, comme
dans le prolapsus mitral, de faire une chirurgie réparatrice. La
chirurgie aortique repose essentiellement sur la réparation de
l’aorte ascendante avec remplacement valvulaire aortique. Le
risque d’une telle opération, lorsqu’elle est effectuée à froid, est
très faible et son développement a permis d’augmenter l’espérance de vie des patients.
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Imprimé en France - Point 44 - 94500 Champigny-sur-Marne - Dépôt légal : à parution. © février 1997 - ALJAC S.A. Locataire gérant de Edimark SA.
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Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays.
Un hors-série NYCOMED FRANCE de 12 pages intitulé Les médicaments de l’hypotension orthostatique et un supplément de 28 pages
à La Lettre du Pharmacologue n° 5 Vol. 17 intitulé Transmission glutamatergique sont routés avec ce numéro. Un encart publicitaire
de 4 pages UCB Pharma est broché entre les pages 296-298 et un encart publicitaire de 4 pages SANOFI-SYNTHELABO est broché en central.
Un supplément de 24 pages intitulé Céphalées est routé avec ce numéro.
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La Lettre du Neurologue - n° 9 - vol. VII - novembre 2003
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