Forum médical 19 octobre 2006 SYNDROME DE MARFAN ET CŒUR Yves Dulac , Philippe Acar Le syndrome de Marfan une maladie d’origine génétique, à transmission autosomique dominante qui atteint l’un des composants du tissu conjonctif, la fibrilline. Il se manifeste pas des signes squelettiques, oculaires, cardiovasculaires, cutanés, pulmonaires et de la dure mère. Les critères diagnostiques de la maladie sont les critères révisés en 1996 à Gang. Ce sont les atteintes cardiovasculaires qui conditionnent le pronostic vital du fait du risque de dissection aortique, souvent précédé de dilatation et d’atteinte valvulaire. De ce fait, l’un des objectifs de la prise en charge des patients atteints d’un syndrome de Marfan est la prévention dès l’enfance des complications cardio-vasculaires de la maladie et en particulier de la dissection aortique. Le risque de dissection de l’aorte ascendante augmente avec le degré de dilatation aortique. En effet, sur le plan cardio-vasculaire la partie initiale de l’aorte ascendante (sinus de Valsalva) qui est la zone la plus riche en élastine est modifiée par l’anomalie de la fibrilline de type 1. Elle se dilate au niveau des sinus de Valsalva (en bulbe d’oignon) d’où l’importance de la mesure du diamètre aortique de façon standardisée. La dilatation apparaît progressivement au cours de la vie, y compris en âge pédiatrique dans la première décennie et atteint en moyenne 70 % des patients. LA DISSECTION AORTIQUE Elle survient très généralement au niveau de l’aorte ascendante et peut s’étendre au niveau de la crosse, des vaisseaux du cou et de l’aorte descendante. Le risque de survenue d’une dissection aortique est d’autant plus fréquent que : - le diamètre aortique est plus élevé, notamment quand aux niveaux des sinus de Valsalva il dépasse 50 mm, - le diamètre aortique augmente rapidement, - il existe une histoire familiale de dissection aortique, - le patient réalise des efforts isométriques qui s’accompagnent d’une augmentation de la pression artérielle systolique, - le patient est hypertendu, - le patient ne prend pas de traitement bétabloquant, - le patiente est enceinte. Le traitement de la dissection aortique doit être préventif. Le pronostic du syndrome de Marfan s’est en effet considérablement amélioré ces dernières décennies grâce à deux types d’intervention préventive : la prise en charge médicamenteuse et la chirurgie aortique prophylactique, qui ont amélioré l’espérance de vie de près de 30 ans. Le traitement préventif repose sur l’éducation du patient (notamment par rapport aux sports), la surveillance échocardiographique régulière, complétée d’explorations tri-dimensionnelles (échocardiographie 3D, scanner ou IRM aortique), du traitement bêtabloquant systématique (dès le syndrome de Marfan confirmé qu’il y ait ou non dilatation aortique, y compris chez l’enfant) dont il a été démontré qu’il prévenait et ralentissait la dilatation aortique et enfin la chirurgie préventive de remplacement de l’aorte à partir de certains valeurs de dilatation. Les valeurs normales du diamètre au niveau du sinus de Valsalva ont été publiées et sont largement utilisées en pédiatrie et chez les adultes (table de Roman). D’autres traitements, et en particulier les Sartans, sont en cours d’étude puisqu’ils agiraient au niveau du TGF Béta qui est facteur concerné par l’anomalie de la fibrilline de type 1. Le traitement bétabloquant doit être poursuivi après chirurgie de remplacement de l’aorte ascendante car l’ensemble de l’aorte est modifié par la maladie et une dissection, notamment de l’aorte descendante, reste possible. Le traitement chirurgical repose sur la remplacement de l’aorte ascendante. L’intervention de Bentall, la première proposée, a réellement changé le pronostic des patients présentant un anévrysme ou une dissection de l’aorte ascendante et consiste à remplacer l’aorte ascendante et la valve aortique par un tube de Dacron où est cousu une valve prothétique, généralement mécanique. Les coronaires sont réinsérées ensuite dans le tube en Dacron aortique, de préférence directement. On tente de plus en plus de conserver la valve aortique native lors du remplacement de l’aorte ascendante en dehors du contexte d’urgence (intervention de Yacoub ou de Tyron David). Ces interventions comprennent une résection complète de l’aorte ascendante et ne laissent aucune Forum médical 19 octobre 2006 collerette aortique au dessus des valves. L’indication opératoire est portée sur le diamètre aortique maximal, généralement au niveau des sinus de Valsalva, notamment quand le diamètre dépasse 50 mm. Néanmoins, un diamètre inférieur peut justifier une chirurgie, notamment chez une femme en âge de procréer ou en cas d’antécédent de dissection aortique précoce. Après l’intervention, le patient justifie toujours d’une surveillance régulière, notamment par des techniques d’imagerie 3D de type scanner spiralé ou IRM. L’ATTEINTE MITRALE Elle est fréquente, mais se limite généralement à un prolapsus avec une fuite minime ou modérée. L’évolutivité de cette pathologie est généralement modérée. Son traitement repose surtout sur la prévention de l’endocardite d’Osler. Les indications opératoires sont les mêmes que dans la population non Marfan, avec une plastie le plus souvent possible. CONCLUSION Le syndrome de Marfan est une maladie génétique, encore sous diagnostiquée. Une prise en charge cardiologique précoce dans l’enfance, avec des contrôles échographiques standardisés réguliers, la mise en place d’un traitement bêtabloquant chez tout patient atteint du syndrome, une chirurgie préventive, ont permis un allongement de l’espérance de vie des patients de près de 30 ans. Les nouvelles recommandations (1) sur la prise en charge des atteintes aortiques du syndrome de Marfan devraient permettre d’améliorer encore leur pronostic. 1 . G. Jondeau et M. Barthelet, C. Baumann, D. Bonnet, B. Chevallier, P. Collignon, Y. Dulac, T. Edouard, et al. Recommandations sur la prise en charge médicamenteuse des atteintes aortiques du syndrome de Marfan . Arch Mal Coeur Vaiss. 2006 ; 99: 540-6 . Forum médical 19 octobre 2006 ,