chronicite et maladie d`alzheimer

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CHRONICITE ET MALADIE D’ALZHEIMER
Dr Agnès MICHON
IFSI Mars 2016
La Maladie d’Alzheimer:
une maladie chronique
Selon l'OMS la maladie chronique est "un problème de santé qui
nécessite une prise en charge sur une période de plusieurs années ou
plusieurs décennies."
Les maladies chroniques se caractérisent par:
leur durée,
l'ampleur de leurs répercussions sur la vie
quotidienne des patients et de leur entourage.
La Maladie d’Alzheimer est une maladie cérébrale
dégénérative d’évolution lentement progressive.
Elle implique des soins constants de nombreuses
années soit par les aidants soit dans des
établissements de long séjour.
C'est l'existence dans tous ses aspects qui se trouve De ce fait, elle touche beaucoup plus que le demibouleversée, par la maladie chronique la vie sociale million de personnes atteintes : elle bouleverse la
vie de familles entières.
et professionnelle, mais aussi la vie affective et
Elle affecte l’identité de la personne malade du fait
familiale, voire l'identité même de la personne
non seulement des conséquences mais des lésions
malade.
elles-mêmes
DGS " Santé publique, qualité de vie et maladies chroniques ", séminaire 2004.
La maladie d’Alzheimer:
Une maladie dégénérative progressive
qui affecte les neurones de certaines régions du cerveau
plaques séniles
 caractérisée par des modifications du tissu
cérébral
 traduction clinique:
o
o
o
o
Difficultés de mémoire progressives
secondairement associées à des difficultés de
langage, de raisonnement, d’abstraction, dans
certains gestes, l’utilisation d’objets, la
reconnaissance d’objets ou de visages,
Modifications du comportement
Perte d’autonomie
Dégénérescence
neurofibrillaire
Les symptômes cliniques suivent
l’évolution des lésions
Stade débutant
Incapacité à former de nouveaux souvenirs,
Défaut de mémorisation du « fur et à mesure »
Respect relatif de l’autonomie
Stade modéré
Difficultés pour s’orienter, pour communiquer,
pour raisonner, pour utiliser des objets ou des
appareils ménagers, pour gérer son budget.
Stade sévère
Syndrome aphaso-apraxo-agnosique,
troubles moteurs et de la déglutition
Dépendance totale
La MA:
une maladie invalidante
Handicap permanent
 lié à la perte des fonctions cognitives








lié à la perte de la régulation du comportement:


organiser des tâches complexes (fonctions exécutives):
atteinte des capacités de conceptualisation, planification, programmation
Stocker et récupérer informations, des évènements vécus : (mémoire explicite, consciente)
S’orienter dans le temps et l’espace
faire appel à des connaissances générales: atteinte de la mémoire sémantique
utiliser les objets: atteinte des praxies
identifier les visages: atteinte des gnosies
communiquer et comprendre: atteinte du langage
Perte d’initiative, apathie, anxiété, irritabilité, agressivité, agitation, désinhibition…
Avec un retentissement majeur sur l’autonomie: supervision, présence partielle
ou constante d’un tiers, surveillance des comportements à risque, tutelle


l’anosognosie complexifie la prise en charge
la mémoire implicite (inconsciente) est longtemps préservée
la maladie d’Alzheimer:
un enjeu de santé publique




Sa fréquence augmente avec l’âge:
5% des plus de 65 ans, 25 % des plus de 85 ans
La population des plus de 80 ans aura plus que doublé en 2050
2/3 des coûts sont liés à l’institutionnalisation
La charge portée par les aidants est considérable: en terme de
temps et de morbidité (dépression, maladies somatiques)
Le coût humain de la MA:
maladie du patient et souffrance des proches
souffrance
Fardeau, charge
Tension, stress
Troubles cognitifs:
mémoire, langage,
praxies, gnosies
Troubles
psychologiques et du
comportement:
dépression, anxiété,
agressivité, agitation,
désinhibition,
apathie, désintérêt
délire, hallucinations
Perte d’autonomie
Une maladie chronique
évolutive et fatale

Maladie (10 à 15 ans d’évolution), qui dure jusqu’à la fin
de la vie et qui empire inexorablement

Non guérissable, de pronostic fatal
 Traitement « palliatif », ne stoppe pas le processus
pathologique
Des réaménagements constants
tout au cours de la maladie:
Il fait des erreurs dans ses comptes
il a pris une rue à sens interdit
elle mange toujours la même chose
elle ne prend pas ses médicaments
il s’est perdu et c’est la police qui l’a ramené, je dois
l’enfermer quand je sors
je ne peux plus le laisser seul
il ne sait plus bricoler, elle ne sait plus se servir du
micro-onde, elle ne sait plus utiliser le téléphone,
elle ouvre à n’importe qui
elle ne m’a pas reconnu
je ne suis plus sûr qu’elle comprend quand je lui
parle
Elle a peur dès qu’elle ne me voit plus, il devient violent, il croit qu’on le vole,
il croit que je le trompe, elle veut rentrer chez elle et je suis obligé de sortir
avec elle, elle déménage ses affaires toute la nuit, elle n’accepte plus de se
déshabiller, elle s’est déshabillée devant ses petits enfants, il ne reconnaît
plus les toilettes
Il est incontinent, il risque de tomber, elle s ’étouffe en mangeant
Des réaménagements constants
à chaque étape de la maladie:




Réaménagements organisationnels et pratiques
Réaménagements affectifs
Relationnels
Systémiques: changement de l’équilibre familial
Plan individuel / familial / social
Une évolution secouée
par des phases critiques

La phase de l’annonce du diagnostic

Les étapes de la perte d’autonomie:

Renoncer à la conduite automobile

Renoncer à la gestion de ses affaires

Renoncer à sortir seul

Avoir besoin d’aide pour les actes de
la vie courante

La décision éventuelle d’une
protection juridique

L’entrée en institution
Ce qui veut dire:
o
dévalorisation, humiliation pour le patient
o
poids des responsabilités pour le proche

Liées à des événements
extérieurs



Défaillance du réseau
Problèmes de santé ou
disparition du proche aidant
Hospitalisation d’urgence,
chute, état confusionnel,
problème somatique ou
chirurgical
Événements d’autant plus
perturbants qu’il s’agit d’une
MA
La place primordiale
de la famille
Source d’information
subjectivité
Anamnèse
Biographie
Soutien
Souffrance
Acteur du processus
de soin
Qui ? Attentes ?
Besoin d’information ?
Épuisement ?
Comment la maladie s’est-elle inscrite dans l’histoire familiale ?
Quels retentissements, remaniements, sur le système familial ?
Quels modes de réponses ?
Quelle intégration du diagnostic ? Comment est vu l’avenir?
Quels conflits ?
l’entourage en première ligne




Les conjoints
 âgés aussi, avec des soucis de santé
 en activité professionnelle dans les formes de MA jeune
Les enfants (avec charge de famille)
Plus souvent les femmes et les filles
Parfois un parent éloigné, un voisin
Témoignage d’une épouse
Ce que je vis ? Ce que je sens ?
Je me sens morte. C’est une mort pour le conjoint. Je deviens indifférente à tout le
reste et même à lui (pleurs). On est embarqué dans un train dont on ne peut
descendre
- Pourtant vous n’êtes pas passive?
- Non, je fais tout pour qu’il reste debout, pour ne pas le voir s’effondrer ... Je
reprends mes petits enfants lorsqu’ils manquent de respect ou qu’ils le chahutent
trop... Nous avons adhérés à l’association Mourir dans la Dignité. Je n’accepterai
pas qu’on le maintienne dans une déchéance, à l’état de légume. Je vis au jour le
jour. J’ai peu l’occasion de parler avec mes enfants. Je me suis engueulée avec mon
fils récemment ( je ne l’ai même pas rappelé, comme quoi je suis indifférente) car il
reproche à son père d’avoir toujours été absent. C’est une maladie terrible, qui
modifie les rapports, comme toute maladie mentale, une dépersonnalisation.
La détresse du proche soignant:
le fardeau et ses conséquences
Santé
physique
Santé
mentale
Vie
sociale
Perception de débordement
Charge
subjective
Charge
réelle
relation
Qualité de la relation pré-morbide
Facteurs liés à l’aidant
•Manque d'information
•Capacités d’adaptation
•Résistance au stress
•Manque de soutien
Facteurs liés au patient
•Troubles du psychiatrique et du
comportement
DETERMINANTS DU FARDEAU
Manque de soutien
Manque d’information
Mésinterprétation
Surestimation des capacités
Qualité de la relation
Rôle dont on est investi
Climat émotionnel
Débordement des stratégies
d’ajustement
Perception du stress
Sens de l’existence
Enrichissement spirituel
Relativisation des valeurs
Sentiment d’être soutenu
Renforcement des liens
Satisfaction dans le soin
Accomplissement personnel
Proche expert
Proche multifonction
Poids des décisions et
des actions qu’elles
impliquent
Frustration
Ressentiment
Sentiment
d’exclusion
de rejet
d’incompétence
Joie
Peine
colère
martyr
Peur de blesser
N’osent plus parler
Relations amicales faussées
Propres besoins
Propre souffrance
Fusion
LIMITES
répit
répit
Présence d’un tiers
pour aider à rétablir la communication
Risque d’exclusion
du patient dément




Négation de la réalité psychique du sujet dément
On pense à priori que le patient dément n’est pas capable de
comprendre et d’exprimer ce qu’il pense, et on se comporte
en conséquence
Or la prise de conscience, une réflexion sur ses difficultés est
souvent possible chez le sujet dément, à condition d’aller audelà de l’anosognosie de laisser du temps à l’élaboration de la
pensée et de l’accompagner.
Il faut être conscient du poids des représentations dans la
rencontre avec l’autre
La chronicité
ou la confrontation à soi-même:
Famille:
Peur de l’avenir
Réorganisation
Deuils successifs
Perte de la
communication
Manque de réciprocité
T
F
Thérapeute:
Impuissance
Atteinte à son image, ne
peut guérir, réparer
Contre l’air du temps
P
Patient:
Déchéance inéluctable, atteinte de l’image de soi
Deuil de la guérison, désinvestissement
le point de vue du patient
Ne nous enterrez pas avant qu’on soit morts,
Ne parlez pas à notre place.
Congrès de l’Alzheimer Disease International
Barcelone
En miroir de nos représentations
Qui ne se souvient pas est plus mort que des morts
Victor Hugo
La perte de mémoire contribue à l’image déshumanisée
A l’inverse souligner la persistance d’une mémoire n’est pas rien
Le vécu du patient:
comment se représente-t-il sa maladie?

Pire que le cancer
« Le cancer je pourrais le supporter, ça c’est l’horreur de penser qu’on devient
débile »

Maladie cérébrale + liée au vieillissement
« C’est pas forcément en relation avec l’âge, parce que, je crois qu’il y a des jeunes
qui doivent l’avoir aussi. Non je pense que c’est les cellules qui vieillissent et puis
qui perdent de leur force ou de leur dynamisme, je pense. »

Dégénérescence, dégradation, destruction du cerveau
« C’est la dégénérescence des cellules du cerveau… C’est une destruction plus ou moins du
cerveau. Les neurones commencent à déménager eux aussi… les neurones s’en vont… C’est
quand même autre chose que la sénilité, c’est la dégringolade du cerveau, quelque chose
qui fait que le cerveau ne répond plus. »
Comment se perçoit-il
au travers d’autres personnes atteintes?

Connotation négative, péjorative:
« Le mari d’une amie en était atteint : il était agité la nuit, mettait un
désordre fou, était devenu infantile. »

Ne plus se rendre compte des conséquences de ses
actes
« Cela m’a impressionné de voir cette dégénérescence, cette
inconscience qui s’est installée chez elle. J’ai peur de devenir comme
ça, de devenir quelqu’un qui peut provoquer un accident. »

Perte de conscience de soi, perte d’humanité
« Ma tante ne me reconnaissait plus, elle me mordait au lieu de
m’embrasser... c’est une incommunication complète. »
Comment se perçoit-il
à travers ses troubles?

Être privé de son libre-arbitre, de son autonomie
« Je me déresponsabilise de ma vie, je n’ai pas de projet. »

Ne plus être dans la réalité, être hors norme, désaxé, être
fou
« Est-ce que mon problème de mémoire est normal ou est-ce que c’est inscrit dans mon
imagination ? … J’ai l’impression de ne plus faire la part du rêve et de la réalité, de ne pas
tenir compte de certains éléments extérieurs dans ma conduite… je voudrais redevenir
normal. »

Être idiot, être annulé
Avant je n’avais pas une mémoire merveilleuse, mais je n’avais
pas ces problèmes. Peut-être parce que je suis distrait, mais
ce n’est pas sûr. Ce qui m’arrive maintenant, c’est comique.
Maintenant j’ai peur. Par exemple de ne pas savoir rentrer à la
maison. Ca m’est arrivé encore une fois. Moi-même je ne peux
pas m’expliquer ce qui se passe.
-Pensez-vous que c’est lié à une maladie ou que c’est l’âge?
-c’est l’âge. - Est-ce que cela vous inquiète?
-Oui je me sens nul. Je pense que je suis vieux et que je suis
fou. - C’est quoi la folie?
- C’est une bonne question, ce n’est pas de la folie, c’est de
l’idiotie, c’est un état où je ne suis jamais capable de façon
sûre de faire ce que j’avais pensé de faire. La folie c’est plus
gai. L’idiotie c’est vous annuler. La folie c’est une blague d’un
moment.
J’ai été hier chez le médecin, il m’a dit il y a quelque chose qui
ne va pas. J’ai retenu ça, mais je ne sais plus quoi. Avant je ne
serais jamais allé chez le médecin avec ma femme. D’abord,
j’ai trouvé naturel qu’elle m’accompagne, maintenant je trouve
ça nécessaire. C’est une situation absurde, qui n’a qu’une
solution, la mort, sans dramatiser.
Le vécu des oublis

Oublier c’est: « perdre les pédales, perdre ses moyens, être dans les
vapes »

Perte de contrôle de son existence « je suis prête à me noyer dans
un verre d’eau… j’ai la sensation de me laisser embarquer… la logique
m’échappe »

La pensée touchée au-delà de la mémoire « c’est plus que la
mémoire, c’est la pensée immédiate qui fiche le camp »

La personne touchée au-delà de la pensée « C’est quand même
un trouble de ma personne ça, la mémoire, la tête, ça fait partie de mon être. .
C’est être en dehors de soi »
Le vécu des oublis


Phénomène inconstant, insidieux
Phénomène inexplicable
« Je ne peux pas m’expliquer ce qui se passe… ça doit être une maladie, je suppose,
on ne me l’a jamais dit. A quoi sont dus mes problèmes de mémoire ? A l’âge et à
quelque chose que je ne saisis pas. Je me culpabilise. »


Phénomène qui vous prend en faute
Phénomène humiliant, honteux
« Tout m’échappait, le nom de ma rue, je me suis vraiment rendu compte. J’ai été
traumatisé, je n’ai pu plus rien sortir. J’en pleure, j’ai honte de moi »
Le passé


Ancrage
Mémoire meilleure qu’avant
« Alors ça ce sont des réminiscences qui tiennent au cœur et j’y pense souvent. Alors
évidemment j’ai la mémoire d’une époque passée, ça je l’ai toujours, une énorme mémoire.
Il y a même des choses qui me reviennent que j’ai jamais su avant de mon enfance, des
choses comme ça, c’est incroyable. »

Blessures qui entrent en résonance avec le présent
« mes parents ont eu seize ans et j’ai été déporté, non mais c’est pour ça que je bégaye, parce
qu’avant je ne bégayais pas. Beaucoup de gens m’ont tourné le dos. J’avais une entreprise,
je vais pas vous dire que j’étais bon et alors quand vous voyez que votre affaire va se casser
la figure pour ça, à cause du bégaiement ».
Les modifications
des relations avec l’entourage





L’autre: réassurant ou
trop protecteur
Perception du
changement des rôles
Perception de la perte de
confiance
Perception des tensions
Perception de la peur de
l’autre
« Mon mari, je le sens aux aguets. Il
m’épie pour voir si je peux, si je réponds
bien ou si j’ai compris … à l’entendre
parler, je suis au bord du tombeau… mon
mari a peur. Il m’a dit qu’est-ce que tu vas
devenir ? J’ai dit, écoute, arrête, pour
l’instant je ne suis pas encore devenue, si
ça se trouve tu seras encore moins bien
que moi… Il voit déjà ma vie je ne sais pas
comment, comme je ne la vois pas en tout
cas. Alors il a peur et ça se transmet sur
moi forcément et je perds souvent les
pédales à cause de lui. Et je ne peux pas lui
en vouloir parce qu’il se fait un sang
d’encre.»
La blessure du regard de l’autre
La perception d’une forme de stigmatisation sociale
« On m’a dit, pour ces gens là, il y a des maisons. On n’a
pas le droit de nous faire ça. On m’a dit avec des gens
comme ça, qu’est-ce que vous voulez qu’on fasse…
Pourquoi je ne vois plus personne ? Parce qu’ils ne
rapportent plus rien à personne, ils ne le disent pas, mais
ça se voit bien, quelquefois qu’ils l’attraperaient. Parce
que vous croyez à l’humain vous ? … Ils passent de l’autre
côté, ils préfèrent pas voir, vous savez il faut être lâche. »
La peur de l’avenir



Peur de perdre le contrôle de ses actes
Peur de ne plus communiquer
Peur de la perte de conscience de soi
« J’ai peur de ne pas m’en rendre compte, plus que de faire une mauvaise
bêtise… j’ai peur de ne pas maîtriser mon raisonnement… j’ai peur de
moi, parce que je ne sais plus faire ce que je sais. »

Peur de la dissolution existentielle
« Mon état de vie est précaire, ce qui est menacé, c’est tout ce que je savais, tout ce
que j’ai construit sur le plan professionnel, tout a disparu… le côté marquant s’est
évaporé. »
Les stratégies
pour faire face à la maladie







Repli sur soi
Essayer d’être normal
faire semblant, tricher
Dérision
Banalisation,
rationalisation
Indifférence, repli
Déni


Colère
Comportements
obsessionnels pour
garder un contrôle
Les ressources


Vivre au jour le jour
Savoir qu’il existe d’autres formes de mémoire
« Je pense que la mémoire dans notre subconscient, que on emmagasine, le,
comment, par exemple, demain je repenserai à vous »


S’appuyer sur d’autres valeurs que la mémoire
Savoir de quelle maladie on est atteint
« Avant j’étais anxieux de l’avenir, j’avais peur de ne plus être capable, maintenant je me dis
qu’il y a des choses pires, j’arrive à faire avec, je m’y habitue. Quand quelque chose ne va
pas, je le dis. Je parle de ce que j’ai. Il faut se mettre à la réalité… Le fait de savoir, je trouve
que c’était un élément important pour refaire surface… Ca m’a soulagée. Plutôt que de se
lamenter en disant j’ai ça. Même si on sait qu’on ne peut rien faire, le fait de savoir ce qu’on
a, on ne se pose plus de question ou tout du moins pas les mêmes… On sait les choses, on
n’a pas l’impression d’être un être exceptionnel qui débarque de je ne sais quelle planète.
Psychologiquement je trouve que le fait de savoir c’est énorme, de savoir ce qu’on a. »
L’apprentissage des limites
pour le patient





Le rapport à soi et à l’autre est bouleversé par la maladie
Résistance au changement: conflit intra-psychique, consentir à vivre
avec une nouvelle réalité
Nouvelle réalité objectivée lors du Temps du diagnostic
Travail de deuil, réactivation de traumatismes antérieurs
La question est alors de pouvoir réinvestir ces limites, reconstruire son
identité, restaurer son rôle, de pouvoir développer d’autres
potentialités
L’annonce, acte fondateur




Parole qui condamne: poids de la stigmatisation, précipitation dans un
avenir catastrophique, exclusion du patient
Ou parole qui ouvre à une construction possible, qui ouvre à un A-Venir
avec la maladie
Le sujet principal de cet Avenir est la personne elle-même et non la
maladie d’Alzheimer
L’annonce trouve un sens dans le souci de rendre l’autre compétent
Qui nous questionne



Comment est considéré un sujet « dément »? A quel point est-il considéré
comme un sujet actif, capable d’agir son histoire? Quelle est la valeur de ce
qu’il dit?
Combien de patients déments ont-ils été informés de leur diagnostic?
Les difficultés autour de l’annonce nous interpellent sur nos attitudes, nos
craintes, les droits et devoirs de chacun, notre capacité à entrer en relation
avec l’autre et à le respecter en tant que sujet actif
Ne pas dire c’est


Un silence qui accueille la réalité de l’autre ou un silence qui
nie la réalité de l’autre ?
Respecter l’autre ou nier sa réalité psychique ?
Les conséquences du non-dit




Incapacité à relier le vécu subjectif à la réalité objective de la
maladie
D’où une inquiétude, une souffrance, une culpabilité « c’est de
ma faute, je suis nul »
Exclusion du discours familial
D’où l’aggravation de son incompétence et de sa perte de
contrôle sur son existence
L’ Annonce comme acte fondateur
Restaurer la compétence de l’autre





Face à la maladie, face à la perte d’autonomie, c’est donner sa
place au sujet atteint de démence
C’est le considérer comme un sujet actif, capable d’agir son
histoire
C’est reconnaître la valeur de ce qu’il dit
C’est restaurer un discours vrai
«il est mieux quand on vient d’en parler… ce qui est important,
c’est de savoir ce qu’il ressent »
Restauration des compétences de chacun, patient et famille:
c’est redonner la possibilité de vivre avec, de construire un
présent et un « à venir » avec la maladie
La question n’est pas
comment dire mais



Comment être en / dans la relation avec l’autre?
Comment l’accompagner?
Accompagner l’autre, c’est à dire, pouvoir lui porter une
attention pleine et entière, en tenant compte de sa différence
et de sa singularité. (Evelyne Kestemberg)
Le patient dément est une personne riche d’une expérience, et
en construction
La compétence non seulement
des proches, mais surtout du patient





Le patient est à remettre au centre
S’attacher à respecter et comprendre les représentations de chacun
et leur évolution
Reconnaître l’ expérience de chacun, les intuitions, les
connaissances comme légitimes
C’est ce qui peut conduire à prendre conscience des enjeux de sa
pratique de vie avec la maladie
Processus non linéaire qui nécessite un temps de maturation
Apprivoiser la maladie d’Alzheimer





Désamorcer le pouvoir destructeur de la maladie en se l’appropriant
Trouver un sens à sa vie avec la maladie d’Alzheimer:
est-ce possible? La perte de sens est massive. Cela suppose d’aller
puiser dans ses valeurs, de les relativiser, de transformer ses
priorités, de renforcer les liens
Avoir un sentiment de compétence: or la maladie vous étiquette
d’incompétent. Pour les proches c’est un apprentissage constant
Retrouver un contrôle sur sa propre vie même en situation de perte
d’autonomie: respect de la parole du sujet dément, respect du choix
Réorganiser l’identité que la maladie a modifié:



réinstaurer un sentiment de continuité
Réinstaurer le rôle familial et social
C’est le sujet qui est au centre et non la maladie
La chronicité:
un apprentissage pour le soignant



Rencontre avec l’autre qui demande à être la plus
authentique possible
Souffrance de l’autre accueillie, accompagnée, demande
une disponibilité de temps, matérielle, et intérieure
Les mécanismes de défense appartiennent aussi au
soignant pour mettre à distance la souffrance, d’où le
risque d’un désengagement du soin relationnel
Savoir utiliser les moyens
et travailler avec le réseau

Les moyens






Information, supports
variés, internet
Éducation thérapeutique
Groupes de soutien
psychopédagogique, de
parole
Accueil de jour
Hospitalisations de répit
Séjours vacances

Le réseau




CLIC, MAIA, MDPH,
CM, CMRR
Centres de référence
Associations
En conclusion




la maladie d’Alzheimer nous apprend beaucoup sur la chronicité, ses
risques, ses conséquences
Elle nous oblige à travailler sur nos représentations et nos propres
peurs
Elle nous interpelle : sur la place du patient, le respect de sa parole,
les droits et les devoirs de chacun, les notions d’autonomie et de
compétence
Sur la relation à l’autre:
Dans quelle mesure les pratiques soignantes avec les déments
permettent-elles d’entretenir un lien social avec eux jusqu’au
terme de leur démence, tel qu’un échange soit rendu possible
avec leur différence et leur altérité? N. Rigaux, Le pari du sens
Merci de votre attention
Agnès Michon , Praticien Hospitalier
Institut de la Mémoire et de la Maladie d’Alzheimer
Département de Neurologie
Hôpital de la Salpêtrière, Paris 13è
Ex Privat Docent Université de Genève
[email protected]
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