Neurobiologie de la dépression

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NEUROBIOLOGIE DE LA
DÉPRESSION
Les nouvelles voies
Au cours de ces dernières années des idées nouvelles sur le
fonctionnement cérébral ont vu le jour.
elles concernent:
- L’organisation de l’activité cérébrale
- La plasticité cérébrale ou neuroplasticité
- Le rôle des neurotransmetteurs
L’objectif de ma présentation est d’essayer
d’expliquer comment ces nouvelles façons de
voir pourrait s’appliquer à la dépression.
LE CERVEAU:
- sert à vérifier des hypothèses
- est un comparateur entre soi et le monde extérieur
- est organisé pour donner du sens à l’environnement
dans une sorte de « mouvement projectif »
- évalue très vite, après avoir vérifié ce qui vient de
l’extérieur, ce qu’il peut en faire ou ce qu’il doit en faire
- semble avoir une inclinaison naturelle et spontanée
à mettre son identité à l’épreuve de l’environnement
Ce qui nécessite une mécanique cérébrale :
Souple-Rapide-Flexible-Adaptable
La dépression est un état mental
pathologique spontanément
réversible de façon très lente, mais
souvent rapide sous A-D.
Ce qui implique l’existence
d’éléments mobiles dans le cerveau.
Dans la dépression, le cerveau à des
difficultés à exécuter de manière souple et
adaptée ce rôle de vérificateur
d’hypothèses.
Il est envahit par une
« hypothèse figée »
qui envahit le champ de la conscience.
Cela se vérifie sans cesse, de façon
douloureuse et prévalente chez le déprimé :
Je suis incapable
je suis indigne
je dois mourir
La biologie permet de rechercher
si ces éléments mobilisés de
manière pathologique sont dus à
* une mauvaise organisation
hiérarchique du fonctionnement
cérébral
* un trouble de la plasticité
cérébrale
* une autre cause
Objectifs de la psychiatrie biologique
- mettre en évidence les anomalies cérébrales
responsables des dérèglements de l’humeur
- de les corriger biologiquement
Théories biologiques
de la
dépression
Théorie des monoamines cérébrales
La
théorie monoaminergique
est la 1ère théorie majeure de la dépression
La raison principale pour laquelle psychiatres,
neurochimistes et pharmacologues ce sont intéressés au rôle
des monoamines cérébrales dans la dépression est d’abord
historique.
La sérotonine (5HT) et la noradrénaline (NA) étant
les 1ers neurotransmetteurs détectés dans le cerveau.
Elle propose que ce trouble soit dû en particulier à une
déficience en 5-HT et/ou en NA car la déplétion de la
sérotonine chez des patients déprimés traités, entraîne une
rechute des symptômes.
Les neurones monoaminergiques, en particulier sérotoninergiques dans le
raphé mésencéphalique ont été impliqués dans la physiopathologie de la
dépression majeure depuis les années 50, période durant laquelle sont
découverts fortuitement 2 familles de molécules qui exercent entre autres des
propriétés antidépressives:
- Les IMAO d’une part (Isoniazide et Iproniazide)
- Les TCA d’autre part (Imipramine et Amitryptilline)
Ces découvertes ont aussi été pour beaucoup dans
l’élaboration de la théorie monoaminergique de la
dépression
En effet, les actions cellulaires et moléculaires de ces 2 familles de substances
conduisent par des voies différentes , à un résultat similaire, celui de
promouvoir la transmission monoaminergique en augmentant le taux de
certaines monoamines cérébrales , en particulier la 5HT, dont la teneur au
niveau synaptique est insuffisante chez le déprimé.
Les effets indésirables de ces molécules (cardiotoxicité des TCA et l’HTA des
IMAO) ont poussé la recherche vers de nouvelles molécules d’ efficacité
thérapeutique égale mais de meilleure acceptabilité
NOTION DE SÉLECTIVITÉ
La notion de sélectivité est alors apparue avec les ISRS
Le fait que les ISRS soient aussi efficaces que les antidépresseurs de
1ère génération a été le 1er élément qui a conduit à placer la sérotonine
au centre des processus biologiques de la dépression et son
traitement
Il a été montré aussi, qu’un régime appauvri en L-tryptophane
( précurseur de la voie de biosynthèse de la 5HT ) était susceptible de
réinstaurer un état dépressif chez les patients qui jusque la avaient fort
bien répondu à divers types d’antidépresseurs
Le traitement antidépresseur n’ayant jamais cessé, le retour à un régime
alimentaire normal permet d’ailleurs, de recouvrer un état euthymique.
THÉORIE DES RÉCEPTEURS
Hypothèse basée sur un fonctionnement
anormal des
« récepteurs
des monoamines ».
Il a été suggéré que la dépression soit la
conséquence d’une augmentation pathologique
de l’activité des récepteurs 5-HT2C et que
l’augmentation de leur activité diminuerait en
retour la fonctionnalité des récepteurs 5-HT1.
Cette perturbation des récepteurs pourrait ellemême être causée par une déplétion en
neurotransmetteurs monoaminergiques.
Après 30 années de recherche
L’ hypothèse de la carence exclusive absolue ou
relative des monoamines cérébrales s ’est avérée
insuffisante
pour expliquer la complexité de la
physiopathologie de la dépression
De plus certains antidépresseurs efficaces n’augmentent pas la
concentration en monoamines.
Cette conclusion est corroborée par le délai (2 à 3 semaines) entre le début
du traitement et son efficacité
AUTRES ANOMALIES RETROUVÉES
De nombreuses anomalies neuroendocriniennes se retrouvent chez le
déprimé
- diminution de temps de latence du sommeil paradoxal
- diminution de la sécrétion de l’hormone de stimulation de la
thyroïde en réponse à un test de stimulation par le facteur de
relâchement de la TSH
- hypercortisolémie accompagnée d’une insensibilité relative
de l’axe hypothalamo-surrénal.
Enfin d’autres anomalies ont été proposées, notamment des
modifications de :
- hormone de croissance
- prolactine
- mélatonine
- certains neuropeptides (substance P).
AXE CORTICOTROPE
Diverses perturbations biologiques ont été rapportées
chez des patients déprimés, notamment des
dysfonctionnements de l’axe HHS .
L’axe hypothalamo – hypophyso - surrénalien (HHS)
est un système de sécrétion neuroendocriniennes qui
s’active en réponse au stress
Enfin, des études récentes ont montré des
changements au niveau moléculaire et cellulaire.
Ces études ont ouvert la voie à aux nouvelles
théories de la dépression.
Des modifications morphologiques au niveau de différentes aires cérébrales
( Hippocampe – Amygdale – Cortex Préfrontal )
ont été observées chez des patients présentant un EDM.
Ces observations ont permis une nouvelle approche physiopathologique des
troubles thymiques
La théorie de la neuroplasticité
qui intègre aussi bien les acquisitions récentes (altérations morphologiques
de certaines aires cérébrales, diminution de la neurogenèse, modification
de la cytotoxicité, diminution de la synthèse de facteurs de croissance)
que des données plus classiques (modification des monoamines ou du
cortisol).
Les progrès
de la neuro-imagerie cérébrale par résonnance
magnétique nucléaire,
de la biologie cellulaire et moléculaire
permettent de mieux comprendre ce qui conditionne
les troubles dépressifs notamment les nouvelles
connaissances sur la plasticité neuronale.
Cela permettrait de mieux comprendre
l’augmentation du risque de nouvel épisode dépressif,
ou de rechute dépressive chez des patients en
rémission partielle.
3 boucles nerveuses seraient impliquées dans la
dépression
Ce sont des boucles cortico-sous-corticales qui
prennent leur origine de 3 régions distinctes du
cortex préfrontal font relais dans 2 grandes
structures sous-corticales et retournent à leur
structure frontale originelle
 1ère Boucle


CPFDL
 2ème Boucle C. orbitaire

 3ème Boucle C.cingulaire

Nx caudé DL
TH
Pallidum m
Nx caudé Vm
TH
Pallidum m
Pallidum V
Nx accumbens
TH
Rôles des boucles
 1ère boucle: F(x) exécutives
(capacités de planification
et d’anticipation)
 2ème boucle: spécialisée
dans les f(x) sociales
(intérêt et attention portés
à autrui)
 3ème boucle: initiation des
comportements moteurs
Ces boucles sont mises en jeu au plus haut niveau, dans
cette activité du cerveau qui consiste
- à élaborer des hypothèses
- à les comparer avec des représentations mentales
stockées dans la mémoire
- à sélectionner les activités motrices et
comportementales adaptées aux situations
Il est clair que dans la
dépression ces boucles sont
dysfonctionnelles
Les symptômes associés au dysf(x)t des voies sérotoninergiques et
noradrénergiques dans le cerveau
Humeur triste
Difficulté de concentration
Ralentissement PM-Agitation
Insomnie
Hypersomnie
Perte d’appétit
Perte ou gain de poids
Perte de plaisir
Chaque seconde notre cerveau se modifie en fonction des expériences
affectives, psychiques et cognitives que nous vivons.
Cette formidable capacité du cerveau à interagir avec un environnement, par
nature fluctuant, est altérée lors d’une dépression.
Les neurosciences, l’imagerie cérébrale , la biologie cellulaire et moléculaire
montrent clairement que la dépression serait due à des modifications structurales
et f(x)elles de certaines zones cérébrales responsables du
fléchissement de la plasticité neuronale
au niveau
- Cortex préfrontal
- Limbique (Hippocampe-amygdale-cortex cingulaire antérieur)
Le lobe frontal
• En avant de la scissure de Rolando, le
lobe frontal comporte d’arrière en avant le
cortex moteur qui contrôle les
mouvements, le cortex prémoteur qui les
prépare et le cortex préfrontal divisé en 3
parties : cortex préfrontal dorso-latéral,
orbito-ventral et médian.
• Le cortex préfrontal est la partie la plus
antérieure du cerveau et représente un
tiers du cortex chez l’être humain. Il n’a ni
afférence sensorielle ni efférence motrice,
mais intègre les informations prétraitées
par les aires sensorielles associatives et le
système limbique.
Lobe frontal.
Reconstruction 3D, vue latérale
droite
• Le lobe frontal entretient des rapports
étroits avec le thalamus et les noyaux gris
centraux via 3 boucles fronto-sous-corticofrontales. Ces boucles régulent les
fonctions motrices, oculomotrices,
cognitives, émotionnelles et
motivationnelles du lobe frontal.
CORTEX PRÉFRONTAL
C’est la partie antérieure du lobe frontal, situé en avant des régions pré
motrices
Il est le siège de différentes fonctions cognitives dites supérieures
( mémoire de travail, le raisonnement et les fonctions exécutives)
Une diminution du volume du cortex préfrontal dans la dépression
majeure a été de nombreuses fois retrouvée
Cette diminution du volume peut friser parfois les 48%!!
Le cortex préfrontal dorso-latéral
Cortex préfrontal dorso-latéral.
Coupe coronale.
2 atéral.
D. Habon (CHU Pitié-Salpêtrière)
• Le CPFDL sous-tend la mémoire à
court terme et les fonctions
exécutives
(planification, flexibilité mentale,
inhibition).
Il affranchit l’homme de la perception
immédiate et lui permet de se projeter
dans le temps.
Le cortex préfrontal médian
• En réseau avec les noyaux gris
centraux, le cortex préfrontal
médian est le support de la
motivation.
•Il permet l’anticipation de la
récompense et l’auto-initiation des
actions.
• Sa lésion entraîne une apathie
pouvant aller jusqu’au mutisme
akinétique.
Cortex préfrontal médian.
Reconstruction 3D vue latérale.
AMS : aire motrice supplémentaire.
)
• En réseau avec le cortex
cingulaire postérieur, le cortex
préfrontal médian joue également
un rôle important dans les
cognitions sociales.
•
Il sous-tend la représentation
de soi et d’autrui et la
personnalisation des émotions.
Le cortex préfrontal orbito-ventral
• Relié au système limbique par le
cortex cingulaire,
• Il permet l’intégration des
émotions aux cognitions dans la
prise de décision.
Cortex préfrontal orbito-ventral.
Vue anatomique inférieure
centrée sur la face orbitoventrale.
• Sa lésion entraîne des troubles
du jugement et des perturbations de
la personnalité.
Système Limbique
L’amygdale
Permet la détection rapide
non consciente des
signaux de menace.
•
Amygdale
• L’amygdale est essentielle à la
perception et à l’expression de la
peur.
Amygdale.
Coupe coronale centrée sur
l’amygdale.
•
Son activation entraîne le
recrutement des centres
cérébraux impliqués dans les
symptômes anxieux :
hypervigilance et symptômes
végétatifs.
Amygdale
Structure cérébrale bilatérale située
en profondeur, dans la région antéroinférieure du lobe temporal.
Il existe sur le plan physiologique une
asymétrie droite-gauche
Elle reçoit de nombreuses
projections , des régions sensorielles du
thalamus et du cortex, mais aussi de
l’hippocampe et du cortex préfrontal
Amygdale
Les études rapportent une
augmentation du volume à droite ou
bilatérale lors de l’épisode dépressif
initial ou alors une perte de l’asymétrie
physiologique
L’hippocampe
Constitué de deux tubes
ouverts et parallèles
emboîtés l’un dans l’autre : la
corne d’Ammon et le gyrus
denté.
•
Hippocampe
• Doué d’une grande
plasticité neuronale.
Hippocampe.
Coupe parasagittale centrée sur
l’hippocampe.
• L’hippocampe joue un rôle
fondamental dans
la mémoire à long terme
la réponse au stress .
Hippocampe
Structure bilatérale et faisant partie du système
limbique .
C’est une structure corticale ancienne repliée sur
elle-même et située dans la face médiane du
lobe temporal
Elle a un rôle dans le contrôle de l’humeur, la
mémorisation (un rôle primordial dans la
mémoire épisodique ou mémoire des
événements personnels), la concentration et
l’acquisition des connaissances
Les travaux d’imagerie sont nombreux et
concordants pour affirmer une diminution
du volume de l’hippocampe
(pouvant aller jusqu’à 20%) chez les patients
déprimés.
En outre cette atrophie est corrélée à la
durée totale des phases dépressives et
semble s’aggraver avec la répétition des
épisodes.
Hippocampe
Cortex cingulaire antérieur
 Situé en arrière du
cortex préfrontal
 Au niveau cognitif, il
Cortex cingulaire (bleu)
sert à monitorer
l’attention
(détecter les conflits)
 Il est aussi impliqué
dans la régulation
émotionnelle
Structures cérébrales impliquées dans la dépression
Je tiens à émettre une remarque : la dépression est une affection chronique ( au moins une
ou deux récidives)
Les suspects habituels en dehors des
* monoamines cérébrales:
- 5HT (parait la plus incriminée)
- NA, DA, Gaba, Glutamate
* Les régions cérébrales
- Cortex Préfrontal (CPFDL, CPFM, CPFOV)
- Système limbique (hippocampe, amygdale,
cortex cingulaire antérieur)
Modifications structurales et f(x)elles, rôle dans la symptomatologie dépressive
Dépression et neurotoxicité
Possible neurotoxicité de la dépression sur les circuits cérébraux
impliqués dans l'émotion et la mémoire.
D’où l’ hypothèse d'un effet neurotoxique lié à l'accumulation
dans le temps des épisodes dépressifs, avec cliniquement une aggravation
progressive des troubles mnésiques, mise en rapport avec une
hyperactivation glutaminergique au niveau de l'amygdale
Cette hypothèse est étayée par des études de neuroimagerie (PET
scan et IRM) réalisées chez des patients déprimés qui tendraient à montrer
une réduction du volume, ainsi que de l'activité (anomalies du métabolisme
du glucose), de plusieurs structures cérébrales (hippocampe, cortex frontal
et orbito-frontal, amygdale).
Ces anomalies anatomiques et physiologiques détectées semblent
être corrélées à la durée totale passée en dépression et à l'impact des
évènements de vie stressants au fur et à mesure de la répétition des
épisodes thymiques.
Le cercle vicieux de la dépression
Le BDNF

Il existe une molécule qui remplit apparemment de nombreux critères pour être
un antidépresseur endogène : le BDNF (brain derived neurotrophic factor).

Les recherches ont montré que tous les antidépresseurs ( les ECT et le lithium), ont en
commun d’augmenter la sécrétion de BDNF dans des structures cérébrales supposées
impliquées dans la dépression, telles que l’hippocampe et le cortex frontal.

L’injection centrale de BDNF, directement dans les noyaux des raphé dorsal et médian,
active la sécrétion de neurotransmetteurs dans le cortex, l’hippocampe, le striatum et le
noyau accumbens.

Cette activation touche les 3 systèmes, mais l’activation des
systèmes sérotoninergiques est beaucoup plus importante que celle des
systèmes dopaminergiques et noradrénergiques.

Étant donné que ces neurotransmetteurs sont tous supposés être plus ou
moins impliqués dans la dépression, surtout la sérotonine, et que les noyaux du raphé ont
un rôle central dans le mode d’action des antidépresseurs, le BDNF est actif, c’est-à-dire a
des propriétés antidépressives.

Tout laisse penser à une action stimulante du BDNF sur les neurotransmetteurs, en
particulier sur les systèmes sérotoninergiques.
CONCLUSION
Les nouvelles voies apportent un supplétif indéniable dans la
compréhension des mécanismes qui sous-tendent la dépression, état
mental fréquent , complexe et au coût social lourd .
L’ensemble de observations décrites tend à suggérer que
l’intégrité du système sérotoninergique
( voire NA et DA nergiques ) est nécessaire pour que les
traitements antidépresseurs à venir soient plus efficaces
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