Approche économique et sociale de l'école UE3-5G PLC2 (Ph.Watrelot) 2007-2008 Rappel de la présentation Ce module, destiné à tous ceux qui veulent mieux situer leur action pour “Agir en fonctionnaire de l’État et de façon éthique et responsable” tentera de donner des éléments sur les comptes de l’école : l’évolution du budget de l’éducation nationale, combien “coûte” un écolier, un lycéen, un étudiant ? comment se fait le financement, où en est l’effort de la France par rapport aux autres pays ? On sera amené à réfléchir aussi sur l’évolution du financement dans le contexte de la décentralisation . Enfin, on se posera la question de l’effet économique de l’éducation et de la formation ainsi que de l’évaluation des politiques d’éducation. C’est dans cette dernière perspective que l’approche économique doit être complétée par une réflexion plus générale sur les finalités de l’école et en particulier la question de la démocratisation. Dans les 10 compétences... 1-Agir en fonctionnaire de l'État et de façon éthique et responsable Tout professeur contribue à la formation sociale et civique des élèves. [...] Connaissances Le professeur connaît: - les valeurs de la République et les textes qui les fondent: liberté, égalité, fraternité; laïcité; refus de toutes les discriminations; mixité; égalité entre les hommes et les femmes; -les institutions (État et collectivités territoriales) qui définissent et mettent en œuvre la politique éducative de la nation; -les mécanismes économiques et les règles qui organisent le monde du travail et de l'entreprise ; -la politique éducative de la France, les grands traits de son histoire et ses enjeux actuels (stratégiques, politiques, économiques, sociaux) en comparaison avec d'autres pays européens; [...] 3 séances 1. L'offre d'éducation et les coûts de l'école 2. Comment évaluer l'efficacité de l'école ? 3. Démocratisation et massification de l'école Séance 1 (20 mars 2008) Définition économique de l'éducation L'offre d'éducation : qui produit de l'éducation ? Les coûts de l'école Définition économique de l'école et de l'éducation Définition économique de l'éducation Définir l'économie et l'éducation L'éducation : un bien public ? Les effets de l'éducation La théorie du capital humain L'économie de la connaissance Définir l'économie L'économie politique recherche comment les hommes et la société décident en faisant ou non usage de la monnaie, d'affecter des ressources productives rares à la production, à travers le temps de marchandises et de services variés, et de répartir ceux ci à des fins de consommation présente et future, entre les différents individus et collectivités constituant la société. Paul SAMUELSON (1915-...) Production Consommation Répartition La science économique est la science de l'administration des ressources rares. Elle étudie les formes que prend le comportement humain dans l'aménagement de ces ressources ; elle analyse et explique les modalités selon lesquelles un individu ou une société affecte des moyens limités à la satisfaction de besoins nombreux et illimités » Raymond Barre D'autres citations • "La fin ultime de l'économie est d'améliorer les conditions de vie quotidiennes des individus." Paul Samuelson "La finalité de l'étude de l'économie n'est pas d'acquérir un ensemble de réponses toutes faites aux questions économiques, mais d'apprendre à ne pas se laisser duper par les économistes..." Joan Robinson Définir l'éducation Consommation ou investissement ? Satisfaction immédiate des besoins détour productif Pour beaucoup s’instruire est un plaisir... Mais cette consommation immédiate suffit-elle à justifier toute la dépense qu’on consent ? L’économie de l’éducation envisage l’éducation d’abord comme un investissement. Elle représente aujourd’hui une dépense qui doit produire demain un supplément de richesse et de bien être. Cela n’est pas valable uniquement au niveau individuel et micro-économique (de meilleurs salaires)... théorie du capital humain mais aussi au niveau macroéconomique. Plus d’éducation est en général, générateur de plus de croissance. théorie de la croissance endogène et "économie de la connaissance" Combien ? Comment ? Pour Qui ? combien dépenser et jusqu’où poursuivre l’effort scolaire ? Les ressources allouées au système éducatif sont utilisées efficacement ? quel est l’impact des formes d’organisation des marchés scolaires ? Quels sont les effets de la concurrence ? Qui doit payer ? A qui s'adresse l'école ? L'éducation, un bien public ? "L'éducation de la foule du peuple, dans une société civilisée et commerçante, exige peut être davantage les soins de État que celle des gens mieux nés et qui sont dans l'aisance." Adam Smith, 1776 L'éducation peut-elle être un marché comme un autre ? Rappel des conditions de la concurrence pure et parfaite •mobilité des acteurs (vs carte scolaire) •homogénéité du produit •atomicité de l’offre •information complète et uniforme (transparence) •Libre entrée dans le marché L'éducation doit-elle être un marché comme un autre? 2 approches - rapprocher le système de ce modèle (cf fin de la carte scolaire) - considérer que l’éducation est un bien spécifique qui échappe à la loi du marché L'éducation, un bien public ? Les biens publics sont des biens, services ou ressources qui bénéficient à tous, et se caractérisent par : •individu la non-rivalité : la consommation du bien par un n'empêche pas sa consommation par un autre, •lalaconsommation non-exclusion de : personne ne peut être exclu de ce bien. L'éducation, un bien public ? Excluable Non excluable Rivalité (Oui) Bien privé classique Bien Public impur Rivalité (Non) Bien club Bien Public pur Où situer l'éducation ? L'éducation, un bien public ? Un bien public, dit aussi bien collectif, est un bien qui n'est pas divisible et dont le coût de production ne peut être imputé à un individu en particulier, ce qui rend difficile, voire impossible, la fixation des prix. La consommation de ce bien par un individu ou par plusieurs est identique : un consommateur supplémentaire n'implique donc pas un coût supplémentaire pour l'opérateur. La notion d'externalité L'externalité ou effet externe désigne une situation économique dans laquelle l'acte de consommation ou de production d'un agent influe positivement ou négativement sur l'utilité d'un autre agent (ou de plusieurs autres agents), sans que cette influence ne se traduise par une variation du niveau des prix. Pourquoi l'État intervient-il dans l'éducation ? imaginez une école où l’État n’interviendrait pas ? Pourquoi l'État intervient-il dans l'éducation ? 3 arguments... Pourquoi l'État intervient-il dans l'éducation ? 1) D’abord le bénéfice de l’éducation pour la société dans son ensemble n’est pas toujours identique au bénéfice que l’individu en retire pour lui même. (externalité) De manière générale, en présence d’externalités, les décisions individuelles ne sont pas socialement optimales, ce qui justifie l’intervention publique. En subventionnant l’éducation, l’État les encourage à fréquenter d’avantage l’école. Pourquoi l'État intervient-il dans l'éducation ? 2) Ensuite, on peut craindre que les parents ne fassent pas pour leurs enfants les meilleurs choix, soit par tradition, soit en raison d’une mauvaise évaluation de la valeur de l’éducation. D’où l’importance de la gratuité et de l’obligation scolaire Pourquoi l'État intervient-il dans l'éducation ? 3) Enfin l’école coûte cher et de nombreuses familles ne pourraient pas y accéder en l’absence d’un financement public. On peut souhaiter, dans une société démocratique, favoriser l’égalité des chances. Définition de l'éducation Mais... Bien public... On peut concevoir un enseignement individuel et/ou à péage... Non marchand... Il y a un marché de l'éducation (manuels, parascolaire, soutien...) Une partie des études n'est pas gratuite L'État n'a pas le monopole Produit par l'État ... L’État pourrait très bien déléguer cette mission à d’autres opérateurs (vouchers ou charter school) L'éducation échappe t-elle à la concurrence ? Les lieux de la concurrence - manuels scolaires - enseignement privé sous contrat - enseignement hors privé sous contrat - soutien scolaire - Le marché parascolaire traditionnel Les effets de l'éducation Effets sur les individus et les entreprises Théorie du Capital Humain Les effets de l'éducation Effets sur les économies Théorie de la croissance endogène Le capital humain L’économie de l’éducation se constitue à partir des années 60 avec les travaux de Théodore Schultz, Edward Denison, , Gary Becker ou Jacob Mincer Ces auteurs fondent une école de pensée connue sous le nom de « Théorie du Capital Humain » Le Capital Humain Le capital humain se définit comme l’ensemble des capacités productives qu’un individu acquiert par accumulation de connaissances générales ou spécifiques, de savoir-faire, etc. La notion de capital exprime l’idée que c’est un stock immatériel imputé à une personne pouvant être accumulé, s’user. Il est un choix individuel, un investissement personnel. Le Capital Humain Comme tout investissement, il s’évalue par la différence entre des dépenses initiales, le coût des dépenses d’éducation et les dépenses afférentes (achat de livres…), le coût d’opportunité, c’est-à-dire le salaire qu’il recevrait s’il était entré dans la vie active, et ses revenus futurs actualisés. Le Capital Humain L’individu fait donc un arbitrage entre travailler et suivre une formation qui lui permettra de percevoir des revenus futurs plus élevés qu’aujourd’hui. Il investit de façon à augmenter sa productivité future et ses revenus. • Profils « age-gains » pour deux diplômes Gains Licence Bac 18 21 60 Age Éducation et croissance "Les nations les plus éduquées possèdent un plus grand capital, dont le rendement s'exprime par un plus grand produit de son travail" Von Thünen, 1875 Éducation et croissance "Éducation : un trésor est caché dedans" 1998 : rapport UNESCO sous la direction de Jacques Delors les effets sur la croissance et le développement Education « facteur » de la croissance (direct ou via le Progrès technique) Education à l’origine de comportements adaptatifs (dans un environnement changeant) Éducation et croissance - Les modèles de croissance endogène - (Romer 1986, Lucas 1988) - - • Education et croissance du progrès technique Rôle du niveau de l’éducation plus que du stock ou de sa croissance - Investissement en R & D - Capacité d’adaptation au changement technologique Effet positif de l’éducation sur la croissance Rôle conditionnel de l’éducation, fonction de l’évolution technologique, de l’environnement et de la nature des institutions nationales Éducation et croissance La stratégie de Lisbonne a été approuvée en 2000 par le Conseil européen, réuni dans cette ville. Appelée aussi processus de Lisbonne et objectifs de Lisbonne, cette stratégie est un plan-cadre d’orientations politiques fortement recommandées aux Etats membres, assorti d’une méthode de coordination politique afin de traduire ces orientations dans les faits. Cette traduction se réalise à travers les politiques nationales ou régionales et les programmes communautaires. La stratégie de Lisbonne La stratégie de Lisbonne définit d’abord une série de « défis » indiscutés (« mondialisation », « vieillissement de la population », « société de l’information ») pour fixer ensuite des objectifs visant à relancer la croissance et le développement durable dans l’ensemble de l’Union Européenne (UE). Selon ces objectifs, l’UE doit, d’ici 2010, « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale » Éducation et croissance Le lien entre éducation et croissance est une croyance forte aujourd'hui. “Construire une économie de la connaissance" est perçu comme une nécessité pour maintenir et améliorer la compétitivité, l'innovation d'un pays Dans cette perspective, la dépense en éducation et son efficacité doivent être observés Mesurer l'efficacité de l'école... Mesurer l'efficacité de l'école ? la mesure de l'efficacité est une démarche classique en économie. Par exemple, la productivité mesure l'efficacité de la production. C'est à dire, le rapport entre les moyens mis en oeuvre (input) et ce qui e ressort en termes de plus value (output) Boîte noire Input Output Mesurer l'efficacité de l'école ? Mais peut-on parler de mesure de l'efficacité pour l'école ? Peut-on parler de productivité? Quelle serait la plus value (output) ? Comment mesurer la "performance" ? Mesurer l'efficacité de l'école ? On peut cependant procéder à l'évaluation de la réalisation des objectifs fixés (par la nation, l'établissement,...) et d'un certain nombre de performances. Démarche de la LOLF et des comparaisons internationales (PISA...) D'où viennent les réticences face à l'évaluation de l'efficience ? Méfiance d'ensemble du système à l'égard des démarches d'évaluation La mesure de l'efficacité serait le cheval de Troie du libéralisme Il serait impossible, en raison de sa complexité de mesurer l'effet de l'éducation... L'Offre d'éducation en France Qui produit de l'éducation ? Combien coûte l'éducation ? Le coût de l'éducation Dépense intérieure d'éducation (et part dans le PIB) Dépense moyenne par élève Dépense intérieure d'éducation : Total des dépenses effectuées en France métropolitaine et dans les DOM pour des activités d'éducation et pour l'achat de biens et services liés à l'éducation. Elle comprend : – les dépenses pour les activités d’enseignement de type scolaire et extrascolaire de tous niveaux (premier degré, second degré, enseignement supérieur, apprentissage) effectuées dans les établissements publics ou privés ; – les dépenses pour les activités visant à organiser le système : administration générale, documentation pédagogique et recherche sur l’éducation, orientation ; – les dépenses pour les activités destinées à favoriser ou accompagner la fréquentation des établissements scolaires : cantines et internats, médecine scolaire, transports scolaires ; – les achats de livres, de fournitures scolaires, d’habillement demandés par les institutions scolaires ; – les dépenses de rémunération des personnels d’éducation en formation. Le changement de la LOLF La LOLF (votée le 1er aout 2001) fixe des critères de réussite pour chaque action. Elle est entrée en vigueur par étapes et s'applique à toute l'administration au premier janvier 2006. La présentation par Ministère est donc obsolète Performances La démarche de performance ou démarche de pilotage par les performances est un dispositif de pilotage des administrations ayant pour objectif d’améliorer l’efficacité de la dépense publique en orientant la gestion vers l’atteinte de résultats (ou performances) prédéfinis, en matière d’efficacité socio-économique, de qualité de service ou d’efficience, dans le cadre de moyens prédéterminés. Les objectifs à atteindre définis au niveau stratégique sont déclinés pour chaque échelon opérationnel. Des exemples d’indicateurs de performances... Programme 140 Enseignement scolaire public du premier degré Objectif 1 Conduire tous les élèves à la maîtrise des compétences de base exigibles au terme de la scolarité primaire • Indicateur 1.1 Proportion d'élèves maîtrisant, en fin d'école primaire, les compétences de base en français et en mathématiques • Indicateur 1.2 Proportion d'élèves entrant en sixième avec au moins un an de retard • Indicateur 1.3 Proportion d'élèves ayant atteint en langue étrangère le niveau A1 du cadre européen de référence. • Indicateur 1.4 Proportion d'élèves apprenant l'allemand • Indicateur 1.5 Proportion d'élèves ayant atteint, à l'issue de leur scolarité primaire, le niveau 1 du Brevet Informatique et Internet (B2i) • Indicateur 1.6 Taux de redoublement Des exemples d’indicateurs Programme 141 Enseignement scolaire public du second degré Objectif 1 Conduire le maximum d'élèves aux niveaux de compétences attendues en fin de scolarité et à l'obtention des diplômes correspondants • Indicateur 1.1 Taux d'accès au baccalauréat • Indicateur 1.2 Proportion de bacheliers généraux parmi les enfants de familles appartenant aux CSP défavorisées • Indicateur 1.3 Taux de sorties aux niveaux VI et V bis. • Indicateur 1.4 Taux d'accès au brevet. • Indicateur 1.5 Proportion d'élèves maîtrisant, en fin de collège, les compétences de base en français et en mathématiques • Indicateur 1.6 Proportion d'élèves ayant atteint dans une langue étrangère le niveau B1 du cadre européen commun de référence, en fin de collège. • Indicateur 1.7 Proportion d'élèves ayant obtenu, au terme de leur scolarité au collège, le niveau 2 du brevet informatique et internet (B2i) • Indicateur 1.8 Pourcentage de jeunes en difficulté de lecture aux tests passés lors de la JAPD (journée d'appel de préparation à la défense). • Indicateur 1.9 Taux d'accès des élèves de 2nde GT au baccalauréat général ou technologique. • Indicateur 1.10 Proportion d'élèves de BEP obtenant le baccalauréat professionnel. • Indicateur 1.11 Taux de poursuite des élèves de BEP vers le baccalauréat professionnel • Indicateur 1.12 Proportion d'élèves en classes terminales des filières scientifiques et techniques. • Indicateur 1.13 Proportion de filles en classes terminales des filières scientifiques et techniques. L'espérance de scolarisation représente le nombre d'années d'études que peut espérer un enfant entrant en maternelle l'année considérée, en supposant qu'il connaisse tout au long de sa vie scolaire les taux de scolarisation observés à chaque âge cette année-là. Mathématiquement, l'espérance de scolarisation est égale à la somme des taux de scolarisation par âge, un taux de scolarisation de 80 % donnant une durée d’études de 0,8 an. Comme les taux de scolarisation de 6 à 14 ans sont égaux à 100 % (aux erreurs de mesure près), il est utile pour bien apprécier les évolutions de la durée de scolarisation de distinguer l’espérance de scolarisation avant 6 ans et après 14 ans. Bibliographie Roger-François Gauthier André Robert L'école et l'argent Ed Retz, 2005 Marc Gurgand Economie de l'Éducation Coll.Repères Editions La découverte Nathalie Mons Les nouvelles politiques éducatives La France fait-elle les bons choix ? PUF, 2007 Sciences Humaines n°186 Octobre 2007 La Nouvelle question scolaire. Les bénéfices de la démocratisation Eric Maurin, , Seuil, 2007 Que vaut l’enseignement en France ? Christian Forestier, Claude Thélot, JeanClaude Emin, Stock, 2007 Gouverner l’école Denis Meuret, Puf, 2007 L’Inflation scolaire. Les désillusions de la méritocratie Marie Duru-Bellat, Seuil, 2006. Christian Laval "L'école n'est pas une entreprise" La découverte, 2004