LES PRIORITES DE LA SCPP EN 2013 (SECOND SEMESTRE) 1) Maintien d’un dispositif de réponse graduée dissuasif La mission Lescure a eu le mérite de reconnaître la réalité de l’efficacité de la réponse graduée mise en œuvre par l’HADOPI. On ne peut que regretter que la mission n’ait néanmoins pas crue devoir recommander le maintien de l’HADOPI. Aujourd’hui, le transfert des missions de l’HADOPI au CSA ne va pas de soi, compte tenu des positions exprimées par le Président du CSA. Par ailleurs, le succès de la réponse graduée n’aurait pas été possible si le dispositif n’avait pas prévu, en fin de procédure, des sanctions dissuasives, telles que la coupure d’accès et surtout, une amende pouvant aller jusqu’à 1 500 €. Il est clair qu’une amende de 60 € ou même de 120 € en fin de procédure n’est pas une sanction dissuasive. C’est pourquoi la SCPP sera très attentive au maintien effectif de la réponse graduée, ce qui implique qu’elle comprenne des sanctions dissuasives, soit par leur montant, soit par leur fréquence en cas de négligence continue. 2) Maintien d’un régime juridique viable pour le création phonographique en France Les producteurs phonographiques ont déjà eu à faire face à des demandes de modification du régime juridique sous lequel ils produisent et exploitent les phonogrammes. Avant la mission Lescure, la mission Hoog avait déjà recommandé l’extension de la licence légale au webcasting et la mise en place d’une gestion collective obligatoire pour les exploitations en ligne. Après près d’un an de discussions, ces recommandations avaient été abandonnées. Pour des raisons simples : rien ne les justifiaient et elles ne réglaient aucun des problèmes auxquels elles étaient censées apporter des réponses. La situation n’a pas changé aujourd’hui. Rien ne justifie l’expropriation des droits de propriété des producteurs de phonogrammes que constituerait l’extension de la licence légale au webcasting. Cette exploitation est déjà gérée collectivement par les producteurs, les tarifs des sociétés civiles ont été acceptés par l’ensemble des syndicats de webradios, que ce soit l’ESML pour les webcasters commerciaux ou les organisations de webradios associatives pour les webradios non commerciales. Il n’existe aucun contentieux entre les SPRD de producteurs et des webradios. Cette activité génère des revenus proportionnels tant pour les artistes principaux que pour les artistes musiciens, dont le montant est en phase avec l’économie actuelle de la production phonographique française. Enfin, on rappellera, à ceux qui évoquent la neutralité technologique pour justifier cette extension, que rien n’interdit de la mettre en œuvre en étendant le régime de droits exclusifs à la radiodiffusion traditionnelle. Par ailleurs, rien ne justifie l’intervention des sociétés d’artistes dans le versement des redevances dues par les producteurs phonographiques aux artistes principaux. Cela fait plus d’un siècle que les producteurs phonographiques versent des redevances aux artistes interprètes principaux sans que les tribunaux soient régulièrement saisis de plaintes d’artistes interprètes pour défaut de versement de redevances par leur producteur. Le fait que les producteurs aient désormais à rendre compte à leurs artistes des nombreuses exploitations en ligne dont leurs interprétations font l’objet n’a pas changé cette situation. Enfin, l’idée que l’on puisse arrêter un pourcentage minimum de rémunération proportionnelle pour les artistes interprètes principaux indépendamment de l’économie de l’exploitation des phonogrammes est une absurdité économique. Il est stupéfiant que les auteurs du rapport de la mission Lescure aient trouvé insupportable que, non seulement le prix de vente des phonogrammes en ligne soit moins élevé que le prix de vente des supports physiques, mais que cette baisse puisse s’accompagner d’une réduction des taux de redevances versées par les maisons de disques, alors qu’il aurait pu s’agir d’une conséquence inéluctable de la crise que connaît l’industrie phonographique depuis près de 10 ans. On rappellera que l’industrie phonographique a perdu plus de la moitié de son chiffre d’affaires depuis 2003. Comment s’étonner que, pour survivre dans un environnement aussi désastreux, elle ait dû, non seulement réduire les effectifs de son personnel, c’est-à-dire ses frais généraux, mais également les rémunérations versées aux artistes interprètes sous forme d’avances sur redevances. Les artistes, leurs agents et manageurs, leurs avocats ont bien compris cette règle économique incontournable et ont accepté, dans le cadre de la négociation de leurs contrats d’enregistrements, des conditions de rémunérations plus basses que celles qui se pratiquaient avant la crise, au niveau des avances sur redevances, qui sont liées aux perspectives de vente. Par contre, les taux de redevances n’ont pas été modifiés de manière significative depuis la crise, ce qui accentue encore plus le caractère injustifié d’un taux de redevances minimum Le meilleur moyen de permettre une augmentation des rémunérations versées aux artistes interprètes, notamment sous forme d’avances, n’est pas d’affaiblir la compétitivité des entreprises phonographiques françaises par des mesures contraignantes absurdes, mais de les aider à retrouver une nouvelle prospérité. C’est ce qui s’est produit dans les années 80, quand l’avènement du CD et l’autorisation de la publicité pour les phonogrammes en télévision ont permis un développement important du marché du disque, qui s’est accompagné, dans le cadre de la négociation contractuelle, d’une hausse significative des avances sur redevances versées aux artistes interprètes. Quant à la menace d’une gestion collective obligatoire imposée par la loi pour le cas où les producteurs refuseraient de mettre en œuvre volontairement ces deux recommandations1, il est consternant de voir qu’il existe encore en France des personnes qui voient dans le Kolkhoze, comme Staline en son temps, un modèle d’entreprise, à l’heure de la mondialisation de l’économie. La mise en œuvre des propositions du rapport de la mission Lescure pour la production phonographique, si elle allait jusqu’à son terme, ce dont nous doutons sérieusement compte tenu des obstacles juridiques qui devront être préalablement surmontés (les propositions sont, selon l’analyse de nombreux professeurs de droit, contraires soit à la constitution, soit au droit européen, soit aux conventions internationales) ne pourrait provoquer qu’un immense mouvement de délocalisation de la production phonographique française. Comment croire en effet que les entreprises accepteraient de continuer à produire en France, avec des contraintes absurdes qui n’existeraient dans aucun autre pays au monde, alors qu’elles pourraient s’en exonérer si facilement en délocalisant leur production dans un quelconque état de l’union européenne ? 3) Maintien du caractère privé de la rémunération copie privée La mission Lescure a eu aussi le mérite de reconnaître qu’un transfert de valeur important s’était produit entre les industries de contenus et les industries qui permettent de le restituer ou de l’acheminer vers le consommateur. Toutefois, la solution qu’il préconise pour traiter ce problème, la création d’une taxe sur les appareils connectés, ne nous paraît pas adéquate. En premier lieu, parce qu’elle ne traite qu’une partie du transfert de valeur (le problème du transfert de valeur avec les FAI et les moteurs de recherche n’est pas traité). En deuxième lieu, parce qu’il prévoit que cette taxe serait à terme fusionnée avec la rémunération pour On notera qu’il s’agit de la seule industrie créative qui est ainsi menacée d’une loi coercitive, alors qu’aucune mesure de cette nature n’est envisagée pour les autres industries créatives qui refuseraient de mettre en œuvre ces mêmes recommandations, qui s’appliquent également à elles. 1 copie privée, c’est-à-dire que cette rémunération perdrait son caractère privé, gérée par les ayants droit. Or, compte tenu de la manière dont le Ministère de la Culture a traité la musique enregistrée depuis des décennies, il y a tout à craindre d’une gestion par le Ministère de la Culture d’une taxe qui se substituerait à la rémunération copie privée. Il est clair que la Ministère de la Culture privilégie clairement les aides au cinéma, à la production audiovisuelle ou à la presse, et que la musique enregistrée, qui perçoit près de 45% de la rémunération copie privée aujourd’hui, aurait tout à perdre d’une gestion par l’Etat de cette rémunération. La SCPP sera donc particulièrement vigilante pour que la rémunération pour copie privée conserve son statut de rémunération privée. ****