Prise en charge des complications de la chirurgie thyroidienne et parathyroidienne F. Triponez, PD Chirurgie thoracique et endocrinienne Hôpitaux Universitaires de Genève Histoire 1ère thyroïdectomie rapportée = 500 à Bagdad 1646 décès d’une fille 10 ans après thyroïdectomie = prison pour Wilhelm Fabricus 1850: 40% mortalité interdite par l’Académie Française de Médecine « aucun chirurgien honnête et sensé ne peut envisager l’idée même d’une intervention sur la thyroïde » David Gross, 1866, USA Billroth, 1829, Zürich – Vienne Kocher 1841, Berne, 40% mortalité 13% - 0.2% mortalité, 1898 • 1890, Eugène Gley (Paris): découvre lien ablation parathyroide = tétanie (CR Soc Biol et Lancet) – Traitable soit • par extraits parathyroïdes • par calcium • 1900: lien clair entre parathyroïdes, taux de calcium et tétanie « it hardly seems credible that the loss of bodies so tiny as the parathyroids should be followed by a result so disastrous » Complications • Hémorragies – Immédiates – Retardées = hématome suffocant • Paralysie(s) récurrentielle(s) • Hypocalcémie Hémorragie peri-opératoire Hémorragies post-op • Une des raisons contre la chirurgie ambulatoire ? (hématome suffocant) • En général < 1% • 80-90% arrivent dans les 24 h • Ne pas hésiter à ouvrir tous les plans au lit du malade dysphonies Sitges-Serra, Brit J Surg 2008 302 RLNs, no neuromonitoring, 15.8% RLN paralysis in branched nerves s 8.1 % in non-branched nerves, all transient but one Annals of Surgery 2009 100% of 41 branched RLNs PR bilatérale rarement rapportée probablement sous-évaluée PR bilatérale rarement rapportée probablement sous-évaluée Caractéristiques Pattou F, Lille, présentation AFCE Rome 2009 Evolution Evolution 2 Evolution 2 Prise en charge Pattou F, Lille, présentation AFCE Rome 2009 Conclusions PR bilatérale • Complication rare et traumatisante pour le patient et le chirurgien • Devrait devenir de en plus rare avec l’utilisation du neuromonitoring mais – pat avec PR pré-op – Pathologies tumorales parfois avec résection nécessaire d’un nerf • Pour pathologies bénignes –toujours débuter la chirurgie du côté le plus gros ou suspect –S’arrêter après le premier côté si perte de signal neuromonitoring (et après avoir contrôler les différents couacs techniques possibles) Swiss Knife 2010 JP, femme 58 ans • COPD • Ca papillaire retrouvé sur investigations d’une dysphonie avec PR à laryngoscopie • Nodule thy G de 4.3 cm, pas d’adp à l’US • TT + curage central, invasion NR et musculeuse oesophagienne (réséquée sur 5 cm de hauteur, circonférence, avec Dr O. Huber) • Suites simples • Dysphonie très peu marquée • RAD J2 après contrôle ORL qui confirme PR G et « absence de fausse route » • Arrivée aux urgences 2 semaines post-op – Toux + EF + opacité pulm = pneumonie • Transit baryté (prévu initialement pour visualisation de l’œsophage) Cordes vocales • Phylogénétiquement essentielles comme sphincter ! – Fausses routes, parfois mortelles chez patients « fragiles » (âgés, problèmes pulmonaires, ) • Fonction vocale – Qualité / timbre de la voix – Fatigabilité vocale même si le timbre est « correct » Paralysie CV • Conséquences fonctionnelles dépendent – De la position (abduction, adduction, paramédiane) – Qui est +/- imprévisible mais – Section du nerf = à long terme plutôt position ouverte ou semi-ouverte par atrophie musculaire de dénervation Position ouverte: • Qualité de la voix mauvaise (flux d’air dû à la non coaptation cordale) • Risque élevé de fausses routes (et donc infections pulmonaires) • Impossibilité de faire Valsalva efficace – Constipation – Toux inefficace (associée à fausses routes = danger) Position fermée: • Qualité de la voix quasi normale pour patient non professionnel de la voix – Difficulté à diagnostiquer en postopératoire immédiat ! • Sphincter efficace • Parfois dyspnée à l’effort (réduction de moitié de la surface trachéale) mécanismes de récupération • Neurapraxie (bloc de conduction) – Récupération complète • Axonotmèse (nerf intact mais lésions axonales +/- myéliniques) – Qques axones peuvent ne pas récupérer totalement, vitesse de conduction plus lente, contraction de certains muscles ou parties de muscles moins efficaces • Neurotmèse (section complète ou non du nerf) – Même avec suture, les fibres ab-ductrices et ad-ductrices ne peuvent pas être réorientées correctement (synkinésie) – Récupération très aléatoire de la contractilité mais peut-être conservation de la trophie musculaire Récupération • Aucune si nerf sectionné – Envisager prise en charge, même chirurgicale, précoce • Possible jusqu’à 12 mois si nerf anatomiquement intact – Tenter ttt conservateur / pas trop invasif si le nerf n’a pas été sectionné (orthophonie) – Mais ne pas hésiter si fausses routes ! Dionigi, LAS 2009 852 NAR J1 J2 S2 M2 M6 M12 Dysphonie sans PR • Lésion de la branche externe du nerf laryngé supérieur – Ou de son muscle, crico-thyroidien • Autres mécanismes non expliqués ! – Œdème, retractions musculaires, traumatismes d’intubation, etc Surgery 2006 • Pat avec la « meilleure » voix ont le plus de risque d’avoir un changement post-op • 38 des 38 patients réexaminés à long terme (6 mois) avec dysphonie post-op avaient retrouvé valeurs pré-op Conclusions dysphonie • 30 – 60% des patients intubés avec chirurgie non cervicales ont dysphonie – Mais différences statistiquement significatives entre groupes de patients avec chirurgie cervicale limitée (ptx unilatérale p.ex.) et chirurgie cervicale extensive (gros goitre p.ex.), même avec laryngoscopie normale conclusions • Examen ORL (laryngoscopie) – Indispensable pour le diagnostic de PR • Systématique ? • Si perte de signal neuromonitoring ? • Si dysphonie en post-op immédiat ? • Si dysphonie persistante > 10 jours ? • Si dysphonie persistante > 6 sem ? conclusions • Si dysphonies, laryngoscopie – Si absence de PR, rassurer le patient, tout devrait rentrer dans l’ordre en 6 sem – 2 ans – Pour chanteur professionnel, vidéostroboscopie utile ? – Lésion EBSLN difficile à mettre en évidence de façon fiable Hypocalcémie post-opératoire • Différencier la cause de lhypocalcémie – Hypoparathyroidisme (99% des cas après TT!) – Hypocalcémie dautre origine • hyperthyroïdie, exceptionnelles car on ne les opère jamais en hyperthyroïdie • Hungry bone syndrome après ptx – Quasi systématique après ptx pour HPT secondaire ou tertiaire – Possible après ptx pour HPT 1 si celui-ci est sévère (Phos Alc osseuses élevées en pré-op = risque dhypocalcémie post-op) • Doser la PTH en post-op ! Comment éviter un hypopara • Faire une thyroidectomie totale minutieuse en connaissant lembryologie, lanatomie et la vascularisation des parathyroides • En se battant pour chaque parathyroide comme si cétait la dernière localisation vascularisation Localisation Doherty, Surgical Endocrinology 1997 Proye, Lyon Chir 1990 Delattre JF, J Chir 1982 Fonction des parathyroides autotransplantées Lo, Arch Surg 2001 • Malgré ces précautions – 10 – 30% des patients TT vont présenter une hypocalcémie – Transitoire dans la très grande majorité des cas puisque • Taux d’hypopara définitif devrait être < 1% • Facteurs de risque – Curage central (env x 2) – Taille du goitre – BSW – Réinterventions n = 335 n = 61 n=6 Herrmann, BJS 2008 Signes et symptômes • Fourmillements (extrémités, péri-buccales) • Tétanie, parfois laryngospasme • Psychoses / hallucinations Signes et symptômes Chvostek Cooper, BMJ 2008 Trousseau Traitable « facilement » • Calcium per os • Vitamine D (calcitriol !!... = 1, 25Vit D) (= Rocaltrol) • Calcium iv si nécessaire (rarement si pas d’insuffisance en Vitamine D, sauf ptx pour HPT 2 et HPT 3) – Corriger en pré-op une insuffisance connue en Vit D ? – Donner systématiquement un prophylaxie débutant en pré-op ? À long terme Hypopara: conséquences à long terme • Cause dans l‘étude: thyroidectomie totale • n = 25 (femmes) • Age: 46,5 ± 13,2 ans (24 - 66 ans) • Durée de l‘hypopara 6,4 ± 8,0 ans(0,5-38 ans) • TTT: Calcium p.o. 0,5-3,0 g/j + Vit D • Groupe contôle : 25 femmes après TT, sans hypopara, matchées pour lâge Arlt et al. (2002) Eur J Endocrinol 146: 215-222 Ca x Pho Arlt et al. (2002) Eur J Endocrinol 146: 215-222 Urinary Calcium (mmol/24 h) Calciurie 20 patients 18 controls 16 y=-17.15+10.62x 14 y=-20.83+11.0x 12 10 8 6 Normal range 4 2 0 1.7 1.8 1.9 2.0 2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 2.6 2.7 2.8 therapeutic range normal range Serum Calcium (mmol/l) Arlt et al. (2002) Eur J Endocrinol 146: 215-222 Nephrocalcinose normal female population patients (n=25) controls (n=25) + p < 0.05 ++ p < 0.01 GBB-24, B-L SCL-90-R 0,8 40 + 0,6 + ++ 30 0,4 20 0,2 10 SCL-90-R GBB-24 B-L Zerssen (GSI) (discomfort) (raw value) Arlt et al. (2002) Eur J Endocrinol 146: 215-222 70 patients (n=25) + T value controls (n=25) ++ 60 SCL-90-R + + + normal range (mean ± SD) 50 ++ ++ 40 1 2 3 4 5 6 7 8 9 GSI Buts du ttt de l’hypopara définitif Calcémie normale – basse pour éviter sy dhypocalcémie: 2,0 à 2,3 mmol/l Eviter lhypercalciurie: Si colique néphrétique, ajouter Thiazidique (12,5–25 mg Hydrocholorthiazide par jour) Eviter lhyperphosphatémie: Régime pauvre en phosphates Penser à corriger léventuelle hypoMg: Complications à long terme • Calcifications tissulaires extra-osseuses – Cérébrales – Cataracte – Rénale – Vasculaires ?? • Calculs rénaux • Augmentation de la densité minérale osseuse • Réduction significative de la qualité de vie En pratique • Calcium 1 – 3 gr/jour • Vitamine D – Le plus facile = 1,25 OH Vit D (Rocaltrol), la plus active des Vit D, surtout en l’absence de PTH, et avec la durée de vie la plus courte, risque moindre d’intoxication Conclusions hypopara définitif • Maladie grave qui interfère significativement avec la qualité (et quantité ?) de vie – Le plus gênant chez les femmes jeunes qui auront grossesse et allaitement • Efforts de prévention • Ttt à long terme comprend calcium + Vitamine D + suivi rapproché pour adaptation • rhPTH ? • Transplantation de parathyroides ?