NOTE Ou en est la crise ? Diagnostic de l’économie française et européenne Par Thomas Chalumeau, Ancien Maître de conférences à Science Po Le 11 mai 2009 L’ensemble des indicateurs conjoncturels des principaux pays de l’OCDE connaissent une profonde dégradation simultanée. Selon l’estimation d’Eurostat, la zone euro est officiellement en récession depuis le second trimestre 2008. A l’instar de l’ensemble des économies avancées, l’économie française a connu un violent recul de l’activité au quatrième trimestre 2008 (-1,2% t/t), supérieur aux attentes. La consommation des ménages a constitué l’unique îlot de résistance, tandis que le commerce extérieur et la variation des stocks retiraient à eux seuls 1,5 point à la croissance hexagonale durant le trimestre. Les prochains mois risquent d’être sévères sur l’ensemble des indicateurs macro-économiques. La récession pourrait ramener les taux de marge à des niveaux inégalés depuis la première moitié des années 1980. 1 - UNE RECESSION PROFONDE DE L’ECONOMIE MONDIALE SEVERE ATTENDUE EN 2009, UNE FAIBLE REPRISE POUR LA SUITE L’environnement international s’est brutalement dégradé durant le second semestre 2008. L’ampleur de la récession de l’économie américaine se confirme mois après mois. Au premier trimestre de cette année, le PIB américain s’est contracté de 6 % sur le trimestre en rythme annualisé, une évolution semblable à celle du trimestre précédent (-6,3%), du fait notamment de l’effondrement des investissements et d’un ajustement prononcé des stocks. PIB US : 1 Le retournement conjoncturel est véritablement mondial : d'après les projections, la production par habitant diminuera dans des pays représentant les trois quarts de l'économie mondiale et la croissance a nettement décéléré dans quasiment tous les pays, par rapport aux taux observés au cours de la période 2003-2007. L’effondrement des cours du pétrole, qui pourrait être de prime abord considéré comme une bonne nouvelle pour la plupart des entreprises, ne constitue en réalité que le symptôme de l’affaiblissement de la demande mondiale. Les dernières prévisions du FMI tablent sur un recul de 1,3 % de l’économie mondiale sur l'ensemble de l'année 2009, suivi d’une reprise seulement partielle en 2010, avec une croissance de l'activité de l’ordre de 2% (1,9%), à supposer que les politiques résolues annoncées lors du Sommet du G20 de Londres soient mises en œuvre sans tarder. Cela constituerait de loin la récession la plus profonde de la période postérieure à la Seconde Guerre mondiale. La crise financière et l'effondrement de l'activité ont gravement éprouvé l'économie dans le monde entier. Les pays industrialisés ont accusé un recul sans précédent de 7 % du PIB réel au quatrième trimestre de 2008 et on estime que la production a continué à chuter presque aussi vite au cours des trois premiers mois de 2009. Alors que l'économie américaine a sans doute souffert le plus des difficultés financières et de la baisse continue du secteur du logement, l'Europe occidentale et les pays industrialisés d'Asie ont été rudement éprouvés par l'effondrement du commerce international, ainsi que par leurs propres débuts de problèmes financiers et par les corrections des prix immobiliers sur certains marchés nationaux. Les pays émergents sont aussi très touchés, subissant globalement une contraction de l'activité économique de 4 % au quatrième trimestre. Le mal se propage à la fois par les circuits financiers et commerciaux, en particulier aux pays d'Asie de l'Est, très tributaires de leurs exportations de produits manufacturiers, et aux pays émergents d'Europe et de la Communauté des Etats indépendants (CEI), qui avaient besoin d'abondants apports de capitaux pour alimenter leur croissance. Les pays les plus frappés par la crise sont les pays les plus pauvres, africains notamment. 390 millions d'habitants de l'Afrique sub-saharienne devraient voir leur niveau de vie chuter de 20 %, selon 2 l'Unesco. Ils ne sont pourtant en rien à l’origine de la crise. Et les pays développés – ceux-là même à l’origine de la crise – les « sanctionnent » en réduisant encore leur aide publique au développement : ils accusent un retard de paiement de 20 Md$, alors que des engagements politiques forts avaient été pris à travers les « Objectifs du Millénaire », rappelés lors du G8 de Gleneagles. Les pays les plus pauvres ne doivent pas être les grands oubliés de la relance. Parallèlement au rapide refroidissement de l'activité économique mondiale, les tensions inflationnistes se sont vite atténuées. Les cours des matières premières ont nettement chuté par rapport aux pics du milieu d'année, causant des pertes de revenus particulièrement lourdes aux pays du Moyen-Orient et de la CEI, mais aussi à bien d'autres pays exportateurs de matière première d'Amérique latine et d'Afrique. Dans le même temps, l'augmentation de la capacité inutilisée a restreint la progression des salaires et rogné les marges bénéficiaires. De ce fait, l'inflation globale sur 12 mois est tombée à 1 % dans les pays industrialisés en février 2009. L'inflation s'est aussi nettement modérée dans l'ensemble des pays émergents. Les réactions très diverses et souvent peu orthodoxes des décideurs économiques n'ont guère réussi à stabiliser les marchés financiers ni à contenir la baisse de la production, car elles n'ont pu stopper l'enchaînement de rétroactions nocives entre le fléchissement de l'activité et les intenses difficultés financières. Maintes initiatives ont été prises afin de stopper l'hémorragie, notamment par des injections de fonds publics et tout un assortiment de facilités de liquidité, de détente monétaire et de plans de relance budgétaire. Encore qu'il y ait eu quelques signes encourageants d'une amélioration des indices d'opinion depuis la réunion du Groupe des Vingt (G-20) du début avril, le niveau de confiance est encore très bas sur les marchés financiers, ce qui pèse sur les perspectives de reprise rapide. D'après l'édition d'avril 2009 du rapport sur la stabilité financière (Global Financial Stability Report 227 GFSR), le montant des actifs d'origine américaine passés en pertes et profits pas l'ensemble des institutions financières au cours de la période 2007-2010 se chiffrera à 2,7 milliards de dollars, et non 2,2 milliards, comme on le pensait en janvier 2009, ce qui tient pour une large part à la dégradation des perspectives de croissance économique. Le montant total des actifs passés en perte à l'échelle mondiale est estimé à environ 4 milliards de dollars, dont deux tiers à la charge des banques, et le reste à celle des compagnies d'assurance, fonds d'investissement et autres intermédiaires. De par le monde, les banques tendent à rester très prudentes sur l'accès au crédit (et risquent de continuer dans cette voie), car le poids des actifs improductifs et l'incertitude quant à la solvabilité des institutions maintiennent les capitaux privés hors de circulation. Les problèmes de financement se sont propagés bien au-delà des marchés de refinancement bancaires à court terme dans les pays industrialisés. Nombre d'entreprises non financières sont incapables d'obtenir des fonds de roulement et certaines ont du mal à se procurer des emprunts à plus long terme. Le désengagement massif des investisseurs et établissements bancaires étrangers des pays émergents et les problèmes de financement qui en résultent sont particulièrement inquiétants. Les émissions obligataires sont quasiment 3 au point mort, les flux bancaires se sont taris, les marges obligataires se sont envolées, les cours des actions ont chuté et les marchés des valeurs mobilières sont extrêmement tendus. Sur le plan monétaire, la crise financière a eu pour important effet secondaire de créer une prime à la sécurité et au rapatriement des capitaux, non sans incidence sur les grandes monnaies. Depuis septembre 2008, le dollar EU, l'euro et le yen se sont tous trois raffermis en valeur effective réelle. Le renminbi chinois et les monnaies arrimées au dollar, dont celles des pays du Moyen-Orient, se sont également appréciés. Celles de la plupart des pays émergents ont au contraire beaucoup fléchi, bien qu'ils aient utilisé leurs réserves de change pour les soutenir. La synchronisation de la récession et le temps nécessaire pour que les mesures de soutien engagées en Europe et aux Etats-Unis produisent leurs effets ne laissent malheureusement pas entrevoir d’amélioration tangible avant plusieurs mois. 2 - L’ECONOMIE EUROPEENNE N’A PAS ENCORE TOUCHE LE FOND : LA CRISE S’AMPLIFIE ET S’ALLONGE ET LES EFFORTS CONCERTES DE RELANCE EN EUROPE RESTENT INSUFFISANTS…. Sur le front de la croissance, comme de l'emploi, l'Europe va subir au cours des prochains mois une crise plus profonde que les Etats-Unis. Les conditions économiques restent très difficiles dans la zone euro : Contraction sans précédent depuis 1945 du PIB allemand et espagnol, explosion des déficits publics, chute de l’investissement des entreprises et montée du chômage, les signaux sont partout au rouge. L'Union européenne traverse sa pire récession économique depuis la Seconde Guerre mondiale. L'inflation a certes baissé, mais l'emploi et les finances publiques sont durement touchés La Commission prévoit une contraction de 4 % des économies de l'UE et de la zone euro en 2009, après avoir crû de 0,8 % en 2008, suivie d'une reprise très modérée en 2010 à partir de la fin de l'année prochaine (même si le taux de croissance global pour 2010 resterait négatif à -0,1 %) sous l’effet des mesures de relance budgétaire et monétaire. Sur ce terrain toutefois, les espoirs d’une relance plus rapide viennent d’être refroidis par les dernières perspectives de l'Allemagne, naguère moteur économique du continent, qui vient d’annoncer un probable recul de 6 % de son PIB cette année. 4 L'inflation est tombée à un niveau très faible ces derniers mois. Le taux d'inflation officiel, mesuré sur la base de l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH ), devrait être légèrement inférieur à 1 % dans l'Union européenne en 2009 (0,5 % pour la zone euro) et remonter progressivement à environ 1,25 % en 2010. La Banque centrale européenne, qui se réunit le 7 mai, a pour objectif de maintenir l'inflation juste en dessous de 2%. Elle devrait abaisser son principal taux de refinancement de 25 points de base à 1,0%. Elle pourrait également annoncer de nouvelles mesures d'assouplissement quantitatif comme l'allongement de la maturité de ses opérations de refinancement de six à 12 mois ou le rachat d'émissions obligataires d'entreprises ou de banques, disent des économistes En Europe, la récession fait exploser le chômage : d'ici la fin de 2010, la crise risque de détruire 8,5 millions d'emplois, soit bien plus que les 6 millions que l'Europe avait créés durant les deux dernières années de croissance, relève la Commission. La chute de l'activité a un effet retard, et Bruxelles anticipe que les suppressions d'emplois s'amplifieront d'ici à la fin de l'année, puis en 2010. L'emploi devrait reculer d'environ 2,5 % dans l'UE et dans la zone euro cette année, puis à nouveau de 1,5 % en 2010 : le chômage frôlera l'an prochain la barre des 11 % en France comme dans le reste de l'UE selon les prévisions de la Commission Européenne publiée cette semaine, pour atteindre 26,3 millions de chômeurs (contre 16,9 millions en 2007), un sous-emploi inégalé depuis l'après-guerre. Au total, l'UE pourrait enregistrer environ 8,5 millions de pertes d'emplois en 2009-2010, alors que 9,5 millions d'emplois avaient été créés entre 2006 et 2008. Les finances publiques sont elles aussi durement touchées : en moyenne, les déficits budgétaires nationaux devraient plus que doubler cette année dans l'UE, passant de 2,3 % du PIB en 2008 à 6 %, et encore augmenter en 2010 (7,25 %). Ces chiffres résultent de la diminution des recettes fiscales, couplée à l'augmentation des dépenses publiques visant à stimuler la relance. 5 Dans le domaine monétaire, si la chute de l’euro est susceptible d’améliorer la compétitivité externe, elle ne fait qu’effacer l’appréciation excessive de l’euro face au billet vert et illustre surtout les craintes relatives à l’activité européenne. Dés que les premières lueurs de la reprise mondiale se feront sentir, il est en outre probable que le dollar perde un peu de son rôle de « valeur refuge » et se déprécie au détriment de l’euro, avec un impact négatif sur les exportations européennes. Malgré l’impulsion du Sommet de G20 de Londres, les efforts de relance européens restent insuffisants. Selon la récente note du think tank européen Bruegel (Estimating the size of the European packages, David Saha & Jakob von Weizsäcker, février 2009) dresse un bilan sans concession, les Européens vont perdre au moins cinq points de PIB en 2009, alors que le montant cumulé des efforts de relance européens pour 2009 n’atteindra que 0.8 point de PIB à peine, soit 100 Md€ pour l’Union à 27, dont 1.4% pour l’Allemagne, 1% pour le Royaume Uni, 0.8% pour la France, 0 pour l’Italie. Il manque donc toujours 140 Md€ pour atteindre la préconisation du FMI d’une relance de 2%, sans parler des risques de désarmement prématuré en 20101. Le coût social conforte, dans tous les cas, partout en Europe les des partisans d’un relance économique plus massive. À l'issue d'une rencontre régulière des 16 ministres des Finances de l'euro à Bruxelles, Jean-Claude Juncker a mis en garde contre le « caractère explosif » de la recrudescence du chômage et regretté que de nombreux responsables européens en « sous-estiment l'ampleur ». Reprochant implicitement à Berlin et à Paris d'avoir torpillé le sommet sur l'emploi initialement prévu à Prague jeudi, le président de l'Eurogroupe a ajouté : « Manquer d'idées sur le sujet n'est pas une raison pour ne pas s'occuper du problème ». Toutefois, à Bruxelles, Joaquin Almunia vient de laisser entendre que si l'Union doit réviser ses plans au vu des chiffres, ce ne sera pas avant le sommet européen de la mijuin à Bruxelles… 3 - UNE FRANCE EN RECESSION, UNE INFLATION AU PLUS BAS DEPUIS 10 ANS La Commission européenne vient à nouveau de nettement dégrader ses prévisions économiques pour la France en 2009 et 2010 tablant désormais sur un recul du PIB de 3 % cette année, puis sur une nouvelle contraction de 0,2 % l'an prochain. Si la prévision officielle de Paris reste pour l'instant de -1,5 % pour cette année, « on a désormais acté le principe de la revoir à la baisse dans les prochains jours », a-t-on récemment indiqué à Bercy. Le premier ministre François Fillon a d'ores et déjà évoqué le chiffre de -2,5 %. 1 Voir l’analyse de Terra Nova sur le plan de relance français : http://www.tnova.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=670:pour-un-plan-de-relance-juste-ecologique&catid=4:notes 6 Sur le front du chômage, la Commission voit son taux s'établir à 9,6 % cette année et à 10,7 % l'année prochaine. Bruxelles a également dégradé ses anticipations de déficit public pour l'Hexagone : alors qu'il a déjà dépassé dès 2008 la limite de 3 % autorisée par Bruxelles, ce dernier pourrait atteindre 6,6 % en 2009 et 7 % en 2010. Le gouvernement français lui, l'anticipe à 5,6 % du PIB en 2009 et 5,2 % en 2010. Point clé, selon la Commission Européenne : « si la reprise devait être graduelle l'an prochain, une nouvelle forme de soutien à l'activité via les finances publiques sera probablement nécessaire. 3.1 - UNE RECESSION SEVERE ATTENDUE POUR 2009 Le PIB de l’économie française devrait chuter de l’ordre de 1 point (-0,8% selon le consensus) au second trimestre de cette année, après une baisse de 1,0% au premier trimestre. L’économie française pourrait, sur l’ensemble de l’année 2009, connaître une chute exceptionnelle de près de 3 points (-2,8%) après la croissance quasi-étale enregistrée au cours de l’année 2008 (+0,7%). Autre signe de la, récession, le taux d'inflation au mois de mars a atteint son plus bas depuis niveau depuis plus de 10 ans (mi-1999), à 0,3%. L'inflation devrait continuer de se replier au cours des tous prochains mois, sous l'influence de la baisse de l’activité et d’une baisse des prix de l'énergie. 3.2 - UNE OCTOBRE CHUTE SANS PRECEDENT DE LA PRODUCTION INDUSTRIELLE EN FRANCE DEPUIS La France, moins exportatrice et plus « sociale » que l'Allemagne, et moins marquée par l’effondrement du secteur immobilier que l’Espagne et le Royaume-Uni, résiste en réalité un peu moins mal à la récession que ses trois voisins, en termes stricts de croissance. En revanche, la destruction d’emplois dans le secteur industriel est exceptionnelle. En chutant de près de 27 % en rythme annuel au quatrième trimestre, la production industrielle a connu depuis l'automne un décrochage sans précédent depuis 1974. 7 Le nombre de défaillances d’entreprises s’est accru de 9,4% en 2008, portant leur nombre à un niveau historiquement élevé, supérieur à 50 000. En dépit du freinage brutal de l’investissement, la dégradation de la profitabilité des entreprises a entraîné une chute du taux d’autofinancement à 55%, son plus faible niveau depuis 1984, creusant aujourd’hui le besoin de financement jusqu’à un seuil (9,6% de la valeur ajoutée) qui n’avait pas été observé depuis l’aube des années 1980. Conséquence, le taux d’endettement, mesuré par le rapport de la dette financière à la valeur ajoutée, dépasse désormais son précédent pic de 1991 (124,2% en 2008). Ce constat laisse présager un net repli – qui pourrait être supérieur à 10% - des dépenses d'investissement en valeur cette année, après une stagnation en 2008. Avec des stocks encore élevés et des carnets de commandes jugés bas, les prochains mois d'ici à l'automne seront encore difficiles. Une crise simultanée affectant l’ensemble des secteurs industriels Si l’automobile semble particulièrement en difficulté, la crise frappe tous azimuts et tous les secteurs secteurs des biens intermédiaires, agroalimentaire et automobile - à tel point que 14 % des dirigeants de PME craignent pour la survie de leur entreprise. Les grosses PME comptent notamment parmi les plus fragilisées par la crise, confrontées à la baisse de leur autofinancement et à de grandes difficultés à faire face à leurs remboursements d’emprunts. 3.3 - UN IMPACT MASSIF SUR L’EMPLOI, MANIFESTE SUR LES REMUNERATIONS Autre point noir du diagnostic de l’économie française : le chômage. En passant la barre des 3 millions de chômeurs l'an prochain, le tribut payé en matière d'emploi est élevé, avec un taux de chômage attendu à 9,6 %, puis à 10,7 % en 2010 contre 7,8 % l'an dernier. - Les perspectives pour l'évolution de la consommation en 2009 sont médiocres. Face à la dégradation sur le marché du travail, seul le repli marqué de l'inflation cette année permettra d'éviter une contraction de la consommation privée, qui pourrait être tout juste positive. - Les conditions sur le marché du travail continuent de se détériorer. Alors que l’emploi salarié constitue traditionnellement un indicateur retardé du cycle, l’évolution des effectifs des sociétés non financières (+0,8% en moyenne contre +1,8% en 2007) a fidèlement reproduit le ralentissement de l’activité en 2008. - La contraction de l’activité continue de peser sur les décisions d’embauche des entreprises. Le nombre de demandeurs d'emplois de catégorie A (sans emploi, effectuant des actes positifs de recherche d'emploi) a atteint une hausse record de 64 300 personnes au mois de mars. 8 3.4 - UNE EXPLOSION SANS PRECEDENT DES DEFICITS PUBLICS La dette publique, dont le poids relatif a atteint 63,9% du PIB en 2007, 67,3% du PIB fin 2008 et 74% attendus officiellement fin 2009, affiche une progression de près de 10 points de la richesse nationale en deux ans et de près de 20 points entre 2002 et 2009 ! Cette hausse est tout simplement sans précédent dans l’histoire économique de la France sur la période récente, hors période de guerre. Et cette détérioration risque de se poursuivre au cours des prochains mois. Le gouvernement affiche un objectif de déficit public ramené à 5,2 % du produit intérieur brut (PIB) l'année prochaine, après 5,6 % cette année. Mais ces chiffres sont basés sur un recul de l'activité de 1,5 % en 2009, alors que l'exécutif table désormais sur 2,5 %, et un retour de la croissance dès 2010 (+ 1 %). L'OCDE estime de son côté qu'en dépit d'un plan de relance assez bien calibré (avec de nombreuses mesures temporaires), la situation des finances publiques françaises sera bien pire l'année prochaine, avec un déficit s’envolant à plus de 8,3% du PIB Une chose est sûre : même si l'économie repart, le déficit et la dette s'établiront encore à des niveaux considérables en 2012 en l'absence de mesures de redressement de grande ampleur. 9 4 - UNE SORTIE DE CRISE PROGRESSIVE A PARTIR DE L’ETE PROCHAIN ? 4.1 - FACE A LA RECESSION MONDIALE LA PLUS GRAVE DEPUIS LA SECONDE GUERRE MONDIALE, LES PERSPECTIVES RESTENT INCERTAINES. Elles dépendront largement des effets secondaires de la crise financière : comment les différents secteurs économiques réagiront-ils à ce qui se passe dans d'autres secteurs? Quelle sera l'efficacité réelle des mesures de relance budgétaires et monétaires? Ces perspectives incertaines appellent une réaction énergique tant sur le plan financier que sur le front macroéconomique. Les crises financières antérieures enseignent que si l'on tarde à s'attaquer au problème de fond, le marasme économique persiste encore plus longtemps et a un coût encore plus élevé, tant pour le contribuable que pour l'activité économique. Les décideurs doivent songer aux ramifications transnationales des politiques qu'ils choisissent. Les initiatives de soutien des partenaires commerciaux et financiers à l'aide de plans de relance budgétaires et de concours officiels sous forme de flux de financement internationaux contribueront à stimuler la demande mondiale, au bénéfice de tous. A contrario, la pente du protectionnisme commercial et financier serait préjudiciable à tous : c'est ce qui ressort clairement de l'histoire des politiques du chacun-pour-soi qui ont fait rage dans les années 30. 4.2 - ALORS, QUELLES PERSPECTIVES POUR UN REEL RETOUR A LA CROISSANCE ? Essayons nous à ce difficile exercice de prospective. Un risque majeur, deux bonnes nouvelles potentielles. - Le risque principal réside probablement dans le temps que prendra le nettoyage du secteur financier international. La stabilisation des marchés financiers pourrait prendre plus longtemps que prévu initialement. Telle est en tout cas l’hypothèse sur laquelle tablent les dernières projections du FMI. Avec deux principales conséquences : - Les problèmes financiers des pays industrialisés resteront donc sérieux pendant une bonne partie de l'année 2010, ne se résolvant que lentement à mesure que la clarification des pertes sur les actifs improductifs et les injections de fonds publics réduiront les craintes d'insolvabilité, amoindriront les risques de contrepartie et la volatilité des marchés et rétabliront un meilleur niveau de liquidité des marchés. La raréfaction du crédit global au secteur privé risque par conséquent de se poursuivre dans les pays industrialisés, tant en 2009 qu'en 2010. 10 Parallèlement, les pays émergents et en développement risquent d’avoir beaucoup plus de mal à se procurer des financements extérieurs pendant les deux années qui viennent, dans la mesure où les flux de capitaux au profit des pays émergents ne se rétabliront que lentement. Pour illustrer son propos, le FMI, dans un chapitre de son dernier rapport sur les perspectives économiques mondiales, estime que « la récession actuelle étant très synchronisée et couplée à de sérieuses perturbations financières, elle risque fort de persister et d’être suivie d’une reprise plus faible que la moyenne ». Pour étayer leur conclusion, les auteurs de l’étude − Marco E. Terrones, Alastair Scott et Prakash Kannan − ont analysé les cycles conjoncturels dans 21 pays industrialisés de 1960 jusqu’à nos jours. Sur cette période, ils ont isolé 15 récessions dues à des crises financières et 3 récessions mondialement synchronisée (1975, 1980 et 1992). Les récessions associées à des crises financières sont généralement graves et durables. Aujourd’hui, « la coïncidence d’une crise financière et d’une récession mondiale va donc probablement entraîner une baisse de la production d’une gravité et d’une longueur inhabituelles », avancent les trois experts. Deux principaux et puissants facteurs de rebond devraient toutefois soutenir la croissance l’an prochain. - Le premier concerne le vigoureux soutien des politiques macroéconomiques. Les taux directeurs seront abaissés ou maintenus proches de zéro dans les grands pays industrialisés, tandis que les banques centrales continueront à chercher à détendre la situation du crédit en jouant sur la taille et la composition de leurs bilans. Les déficits des finances publiques devraient continuer par ailleurs à se creuser nettement tant dans les pays industrialisés que dans les pays émergents, dont les gouvernements devraient mettre en oeuvre, dans les pays du G-20, des plans de relance budgétaire équivalant à 2 % du PIB en 2009. 11 - Le second porte sur de possibles « meilleures nouvelles » du côté des économies chinoises et américaines. Du côté Chinois, la mise en œuvre d’un plan de soutien massif à l’économie pourrait entraîner un rebond de l’économie chinoise dès la fin de cette année. Relance de l’investissement public par l’annonce en novembre d’un paquet de relance fiscal de plus de 4.000 milliards de RMB (465 milliards d’euros) pour 2009-2010 (6.5% du PIB) en faveur des investissements dans les infrastructures, le logement, les dépenses technologiques ; assouplissement très significatif de la politique monétaire, mise en place d’un premier étage d’un système d’assurances médicales en Chine annoncé au début de l’année, le tout complété par l'arrêt de la réévaluation de la monnaie chinoise en 2009 - devraient permettre d’amortir le choc de la crise au cours des prochains mois, et stimuler efficacement la croissance, malgré une contribution de l’export modérée, au moins, jusqu’à la fin de l’année. Du côté Américain, beaucoup dépendra de la sortie de crise du système financier. La priorité des priorités à ce stade est la réforme du système financier. Il est indispensable de progresser de manière convaincante sur ce front pour asseoir la reprise économique; cela renforcerait en outre énormément l'efficacité des efforts de relance monétaire et budgétaire. Pour le court terme, les trois objectifs prioritaires identifiés par le gouvernement américain restent d'actualité : 1) veiller à ce que les institutions financières disposent de liquidités, 2) recenser et assainir les actifs improductifs et 3) recapitaliser les institutions les plus fragiles, mais viables. La publication des « stress tests » des banques américaines a posé un premier jalon. Le Trésor Américain conclut que les besoins de capitaux supplémentaires restent relativement limités, relativement concentrés sur un certain nombre de banques et surtout finançables dans le cadre des 200 milliards de dollars du TARP sur les 700 milliards totaux du plan, qui n’ont pas encore été dépensés. Un premier signe tangible a été adressé sur la voie du rétablissement du secteur financier, gage du rétablissement de la confiance des épargnants et des ménages américains. Mais beaucoup reste à faire. Ce sera l’une des clés de l’évolution des prochains mois. Une crainte dominante aujourd’hui : Que les mesures gouvernementales ne suffisent pas à enrayer la spirale néfaste de la détérioration de la situation financière et de l'affaiblissement de l'activité, surtout si l'opinion ne soutient guère les réformes. Les circuits de transmission majeurs seraient alors les banqueroutes des entreprises et des ménages, qui causeraient une nouvelle chute des prix des actifs et alourdiraient les pertes dans tous les bilans financiers, ainsi que de nouveaux troubles systémiques compliquant encore la tâche à qui s'efforce de rétablir la crédibilité. Autre inquiétude : dans un climat de grande incertitude, les mesures budgétaires et monétaires pourraient ne pas porter leurs fruits, car les taux élevés d'épargne de précaution pourraient réduire les multiplicateurs financiers, tandis que les mesures de détente du crédit pourraient ne pas suffire à ralentir le rythme des désendettements. 12 C’est tout l’enjeu des prochains mois, où seront scrutés à la loupe les premiers résultats des plans de relance déjà esquissés, alors que parallèlement risquent de s’accroître les pressions des opinions publiques en faveur de nouveaux compléments à ces plans, en raison notamment de la hausse attendue du chômage, tout particulièrement en Europe. Une certitude toutefois, si il est permis d’en esquisser une seule : une fois la crise passée, l’économie mondiale et européenne traversera pendant quelques temps une période de transition difficile, les taux de la croissance risquant de demeurer notablement plus bas que dans un passé récent. Il faudra réduire l'effet de levier financier, ce qui implique une expansion plus lente du crédit et une raréfaction des prêts par rapport à ces dernières années, surtout dans les pays émergents et en développement. En outre, les vastes déficits budgétaires devront être résorbés alors même que le vieillissement de la population s'accélère dans un certain nombre de pays industrialisés. En outre, dans les grands pays industrialisés, les ménages continueront pendant quelque temps à reconstituer leur épargne. Tout cela pèsera et sur la croissance et sur le potentiel de croissance à moyen terme. Quant aux décideurs publics, ils risquent d’être durablement confrontés à des enjeux considérables pour le moyen terme. Pour les régulateurs nationaux et internationaux, un chantier majeur : la refonte de champ de la réglementation, des règles comptables et de la transparence en matière de suivi et de contrôle des risques de marchés ; le renforcement de la coordination et la collaboration internationales, au moyen de systèmes d'alerte avancée plus efficaces et d'avertissements plus francs lorsque des risques se profilent2. Pour les banques centrales, l’adoption d’une perspective macroprudentielle plus vaste, soucieuse de la stabilité financière autant que de la stabilité des prix, et prenant en considération les mouvements des prix des actifs, les booms du crédit, l'effet de levier et la montée des risques systémiques. Du côté des Etats et des responsables budgétaires enfin, la baisse des déficits et des dettes publiques. Enfin, le plan commercial, l'achèvement rapide du cycle de négociations commerciales multilatérales de Doha afin de raviver les perspectives de croissance mondiale et le solide appui des instances bilatérales et multilatérales, dont le FMI, pour aider à limiter les retombées économico-sociales négatives de la crise financière sur les pays émergents et en développement. 2 Voir la note de Laurence Scialom « pour une régulation macro-pudentielle » : http://www.tnova.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=735:pour-une-regulation-macro-prudentielle&catid=4:notes 13