HigHligHts Chirurgie viscérale: la laparoscopie détrônée par les techniques NOTES et SILS/LESS? Felix Grieder, Marco Decurtins Klinik für Viszeral- undThoraxchirurgie, Kantonsspital Winterthur Introduction Il y a 20 ans déjà que la première cholécystectomie par voie laparoscopique a été réalisée en Suisse. Les pionniers de l’époque avaient dû faire face à de vives critiques, ce qui n’a pas empêché la chirurgie laparoscopique de se répandre depuis lors comme une traînée de poudre. Elle est devenue aujourd’hui une technique de routine tant pour les cholécystectomies que pour les opérations antireflux et, de plus en plus, dans la chirurgie colorectale. Depuis quelques années, on observe régulièrement des publications sur de nouvelles techniques de chirurgie mini-invasive, plus connues sous une série d’abréviations. Les voix critiques se font plus discrètes à leur propos, pensant sans doute à l’époque de l’introduction de la laparoscopie conventionnelle. Les différentes techniques On distingue globalement trois groupes de techniques: – NOTES («natural orifice transluminal endoscopic surgery»): chirurgie sans cicatrice, passant par les orifices naturels tels que l’estomac, le vagin ou le rectum. – SILS/LESS («single incision laparoscopic surgery/ laparoendoscopic single site surgery»): opérations à l’aide d’instruments articulés effectuées par une incision en général de l’ordre de 20 mm au niveau de l’ombilic. – Techniques «hybrides»: combinaisons des deux techniques, habituellement par voie vaginale avec un trocard ombilical de 5 mm. tous les efforts entrepris, la technique NOTES reste encore principalement réservée à l’expérimentation animale. On assiste en revanche à un développement rapide des techniques SILS et hybrides. Celles-ci utilisent des instruments rigides articulés, déjà utilisés avec succès dans le cadre de la laparoscopie conventionnelle (fig. 1 x). Dans notre expérience, de bonnes connaissances en technique laparoscopique classique permettent de passer sans problème à ce nouveau type d’intervention. Moins invasives? Les principaux avantages de la laparoscopie par rapport à la chirurgie ouverte dépassent le simple aspect cosmétique et englobent la période de convalescence beaucoup plus courte, la paralysie intestinale postopératoire moins marquée et la diminution du risque d’infections et de hernies cicatricielles. Se pose donc la question de savoir si les techniques NOTES/SILS permettent de réduire encore ces risques (1–5%). A ce jour, il n’est pas prouvé que ces nouvelles techniques s’accompagnent d’une diminution des douleurs postopératoires et d’une diminution de la durée de séjour hospitalier. Seules des études randomisées prospectives pourront répondre à ces questions. Ce qui est par contre certain, c’est que ces interventions Développement de NOTES/SILS Felix Grieder On essaie depuis quelques années de réduire le nombre d’incisions lors des opérations laparoscopiques. C’est dans ce contexte qu’une étude a été lancée en 2004 sur l’appendicectomie à un seul trocard («One Trokar Appendectomy»). La première opération selon la véritable technique NOTES avait toutefois été réalisée en 1998 déjà, sous la forme d’une nécrosectomie pancréatique transgastrique. Les premières appendicectomies transgastriques ont été documentées six ans plus tard et c’est en 2007 qu’a eu lieu la première cholécystectomie transvaginale chez la femme. Les interventions NOTES font appel à des instruments souples issus de l’endoscopie. Sans une plateforme stable, il est néanmoins très difficile d’obtenir une triangulation suffisante (étirement des tissus permettant une dissection optimale) et malgré Figure 1 SILS/LESS (incision ombilicale de 20 mm de longueur). Forum Med Suisse 2010;10(1–2):34 34 HigHligHts core la plupart du temps par laparoscopie. Une enquête réalisée par Slim et Launay-Savary auprès de leur propre personnel féminin a montré que 39% des femmes interrogées ne souhaiteraient pas une intervention NOTES et que 94% refuseraient un abord transvaginal [4]. L’avenir? Figure 2 Photo postopératoire après couverture de l’incision ombilicale de 20 mm. techniquement nettement plus complexes augmentent le danger de complications intra-abdominales. Par contre l’avantage esthétique des techniques NOTES/SILS est certain par rapport aux techniques usuelles. Rien de plus impressionnant pour le patient et même l’opérateur que de ne plus voir à la fin d’une opération SILS qu’un petit coton stérile sur une minicicatrice au fond de l’ombilic (fig. 2 x). L’avenir nous dira si les patients vont vraiment vouloir bénéficier de cet avantage. Une enquête genevoise [1] a montré que les patients seraient prêts à accepter une augmentation de 10% du taux de complications pour bénéficier d’une intervention ne laissant pas de cicatrice. Une enquête un peu plus spécifique sur la cholécystectomie a mis en évidence un taux d’acceptation de 97% pour la technique NOTES avec un taux de complications de 3%. Avec un taux à 9%, ils ne seraient cependant plus que 6% à accepter un abord NOTES [2]. Reste à savoir aussi si NOTES est véritablement moins invasif. Une étude randomisée de la Mayo Clinic de Rochester/USA a examiné la réponse immunitaire lors d’une intervention NOTES en comparaison d’une opération laparoscopique chez le cochon. Les résultats ne montrent pas de différences de libération d’interleukines sériques ou de la numération leucocytaire, deux paramètres considérés comme marqueurs du stress immunologique [3]. Transvaginal ou transgastrique? Nous ne savons pas encore à l’heure actuelle lequel des abords NOTES s’imposera dans le futur. Bien que, d’un point de vue strictement médical, l’abord transvaginal semble présenter un taux de complications moindre par rapport à l’abord transgastrique, certaines femmes refuseront cette technique. La crainte d’une dyspareunie et l’abstinence de rapports sexuels durant plusieurs semaines après la colpotomie sont des inconvénients indéniables de l’abord transvaginal. C’est d’ailleurs aussi la raison pour laquelle les ligatures de trompes se font en- Qui sera habilité à l’avenir à réaliser des opérations NOTES? Les instruments flexibles requièrent un gastroentérologue expérimenté. Mais une fois à l’intérieur de l’abdomen, les gestes fins de dissection et de sutures nécessiteront les compétences du chirurgien. Cet impératif de collaboration et cette nouvelle formation sont deux raisons qui sont évoquées pour expliquer que le développement des interventions NOTES se fera lentement. En attendant l’arrivée de nouvelles plateformes endoscopiques plus flexibles, les techniques SILS et l’abord transvaginal devront combler ces lacunes durant encore quelques années. L’évolution extrêmement rapide des techniques NOTES et SILS est aussi confrontée à la forte pression sur les coûts du système de santé. L’acquisition d’une instrumentation complète pour une opération SILS aura plus de peine à s’implanter dans un hôpital public soumis aux exigences des DRG. Mais l’immense intérêt du monde professionnel et de l’industrie permettra certainement aussi à la laparoscopie conventionnelle de bénéficier de nouvelles instrumentations. Conclusion Il existe actuellement de nombreuses publications et avis d’experts, mais guère d’études randomisées. Il est aussi étonnant de voir proposer d’ores et déjà des cours NOTES, alors que cette technique n’a pour ainsi dire pas encore pu être validée sur le terrain. Les mauvaises langues diront: «Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué!» On peut dire pour résumer que ce domaine de la chirurgie connaît aujourd’hui un développement remarquable et qu’il convient de garder sur celui-ci un œil attentif, mais critique. Correspondance: Dr Felix Grieder Chirurgische Klinik Kantonsspital Winterthur Brauerstrasse 15 CH-8401 Winterthur [email protected] Références 1 Hagen ME, Christen D, Morel P. Cosmetic issues of Notes: results of an enquiry for possible justification of NOTES approaches. Endoscopy. 2008;40:581–3. 2 Varadarajulu S, Tamhane A, Drelichman ER. Patient perception of natural orifice transluminal endoscopic surgery as a technique for cholecystectomy. Gastrointest Endosc. 2008;67:854–60. 3 Bingener J, Krishnegowda N, Michalek J. Immunologic parameters during NOTES compared with laparoscopy in a randomized blinded porcine trial. Surg Endosc. 2009;23:178–81. 4 Slim K, Launeay-Savary MV. NOTES, the debate continues. Surg Endosc. 2008;22:2236. Forum Med Suisse 2010;10(1–2):35 35