Introduction

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Épistémologie et Philosophie des Sciences
Collection créée en 1999 et dirigée par Angèle Kremer Marietti
La collection Épistémologie et Philosophie des Sciences réunit des ouvrages se
donnant pour tâche de clarifier les concepts et les théories scientifiques, et offrant le
travail de préciser la signification des termes scientifiques utilisés par les chercheurs
dans le cadre des connaissances qui sont les leurs, et tels que "force", "vitesse",
"accélération", "particule", "onde", "société", "domination", "pouvoir", "inégalité",
"liberté", "formes symboliques" etc.
Elle incorpore alors certains énoncés au bénéfice d'une réflexion capable de
répondre, pour tout système scientifique, aux questions qui se posent dans leur
contexte conceptuel-historique, de façon à déterminer ce qu'est théoriquement et
pratiquement la recherche scientifique considérée.
1) Quelles sont les procédures, les conditions théoriques et pratiques des théories
invoquées, débouchant sur des résultats ?
2) Quel est, pour le système considéré, le statut cognitif des principes, lois et
théories, assurant la validité des concepts ?
Ignace HAAZ, Nietzsche et la métaphore cognitive, 2006.
Hamadi BEN JABALLAH, Grâce du rationnel, Pesanteur des choses, 2006.
Hamadi BEN JABALLAH, Criticisme cartésien, Synthèse newtonienne, 2006.
Robert-Michel PALEM, Organodynamisme et neurocognitivisme, 2006.
Léna SOLER, Philosophie de la physique, Dialogue à plusieurs voix autour de controverses
contemporaines et classiques, 2006.
Francis BACON, De la justice universelle, 2006.
Lucien-Samir OULAHBIB, La condition néo-moderne, 2006.
Joseph-François KREMER, Les formes symboliques de la musique, 2006.
Hamdi MLIKA, Quine et l’antiplatonisme, 2007.
Jean-Pierre COUTARD, Le vivant chez Leibniz, 2007.
Angèle KREMER-MARIETTI, Auguste Comte et la science politique, 2007.
Angèle KREMER-MARIETTI, Le Kaléidoscope épistémologique d’Auguste Comte.
Sentiments Images Signes, 2007.
Constantin SALAVASTRU, Logique, Argumentation, Interprétation, 2007.
Laurent CHERLONNEIX, L’équivocité vive, 2008.
Saïd CHEBILI, Histoire des critiques philosophiques de la psychologie, 2008.
Sébastien JANICKI, La mécanique du remède, 2008.
Sébastien JANICKI, La formation du concept scientifique de monstre, 2008.
Abdelkader BACHTA, Jean DHOMBRES, Angèle KREMER-MARIETTI, Trois Études sur
la loi constructale d’Adrian Bejan, 2008.
Stéphanie COUDERC-MORANDEAU, Philosophie républicaine et colonialisme. Origines,
contradictions et échecs sous la IIIe République, 2008.
Jean VION-DURY et François CLARAC, La construction des concepts scientifiques : entre
l’artéfact, l’image et l’imaginaire, 2008.
Remerciements
Je dédie ce travail à la mémoire de mes parents, à mon mari
Hédi et à mes filles Yosr, Dorra et Donia.
Nous exprimons toute notre gratitude à Madame le Professeur
Fatma Haddad Chamakh qui nous a permis de découvrir L’utilitarisme
de John Stuart Mill lors de la préparation du concours d’agrégation
durant l’année académique 1994-95. Dès notre première lecture nous
avons décelé des présupposés logiques et senti le besoin d’un retour
au Système de logique. Cette approche, que nous avons élaborée à
partir de notre lecture personnelle de ces deux premiers textes de Mill,
étendue ensuite aux autres aspects théoriques et pratiques de sa
philosophie, est à l’origine de ces recherches qui n’ont pu être
achevées que par les conseils, les encouragements et surtout par
l’exigence de rigueur, de profondeur, et de concision de Madame le
Professeur Fatma Haddad Chamakh. Nous l’en remercions vivement.
Introduction
La philosophie millienne a connu un intérêt indéniable du
vivant de Mill comme il l’atteste dans son Autobiographie(1) où il
rapporte la réception de ses ouvrages et le succès remporté par la
publication du Système de logique, des Principes de l’Economie
politique, de De la liberté et de l’Examen de la philosophie de Sir
Hamilton. Ce succès est manifeste dans les multiples rééditions qu’ils
ont connues, les commentaires et les critiques qu’ils ont suscités et
surtout dans leur traduction française et allemande.
Mais la philosophie millienne fut négligée et discréditée à
partir de 1883 pour des raisons multiples pouvant être résumées en
quatre essentielles.
D’abord, en raison de la montée de la philosophie allemande
dont Mill rend compte à travers sa critique de Hamilton, meilleur
représentant anglais de cette philosophie. Dans sa critique de la
philosophie allemande qui connut une forte influence en Angleterre,
Mill a devancé de plusieurs années la phénoménologie heideggérienne
et le néopositivisme.
Ensuite, la naissance de la logistique a conduit sans appel à
l’abandon de la logique millienne et de ses canons de l’induction. La
montée du marxisme et le succès idéologique et politique qu’il a
remporté et qui est parvenu à mettre à l’écart une pensée libérale
indépendante constituent une autre raison.
Enfin nous trouvons une dernière raison à la négligence qui a
frappé la philosophie de Mill identique à celle qui a frappé la
(1)
Mill, Autobiographie, Paris, Aubier, 1993, chap. VII, p. 191 et 193. Dans ces
deux références Mill rend compte du succès remporté par le Système de logique et
les Principes d’économie politique. Quant au succès de De la liberté il suffit de se
reporter aux multiples rééditions. Concernant le succès de l’Examen de la
philosophie de Sir Hamilton, consulter les réactions qu’il a provoquées et que Mill
rapporte dans la préface à la troisième édition.
7
philosophie de l’ère victorienne qui était généralement une
philosophie contestataire de l’ordre social, politique économique et du
conservatisme moral. Anthony Quinton rappelle que la négligence de
la philosophie victorienne commise par l'histoire de la philosophie
anglaise, s'étend au-delà des limites de celle-ci et porte sur toute la
philosophie anglaise de Hume à Russell. Moore dans Principia
Ethica, s’est chargé de faire la critique de l’utilitarisme de Mill sans
s’assurer de sa réelle compréhension. Frege s’est chargé de la critique
de la logique millienne. Ryle fit, malgré tout, justice à Mill dans son
ouvrage intitulé : The Theory of Meaning in British Philosophy in the
Mid-Century. Ryle rappelle à la page 241 de son ouvrage que la
théorie millienne de la signification a posé les questions et déterminé
les réponses que leur donneront Brentano, Bradley, Jevons, Venn,
Frege, James, Peirce, Moore et Russell(2). Ces penseurs ont été
largement influencés par Mill, même s’ils s’opposent à lui, ils puisent
leurs armes dans sa philosophie. Pour l’auteur de l’article, la
réhabilitation de Mill vient d’être déclarée.
Malgré la négligence qui l’a frappée, la philosophie millienne
fut réhabilitée à partir surtout de la deuxième moitié du vingtième
siècle. Mais en dépit de cette réhabilitation, nous ne trouvons que des
études monographiques qui concernent une partie de l’œuvre
millienne. Ainsi, à partir des textes de Mill et sur Mill, on privilégie
l’aspect politique et social en voyant en lui le réformateur politique(3),
le défenseur de la cause des femmes(4) et de celle des ouvriers(5). On
(2)
Quinton, Anthony “The Neglect of Victorian Philosophy” in Victorian Studies,
vol. 1, 1957-58, p. 245-254.
(3)
Mill a participé à la réforme politique en publiant un pamphlet “Thoughts on
Parliamentary reform”, «Pensées sur la réforme parlementaire» (1859) publié dans
Dissertations and Discussions, Political, Philosophical and Historical, reprinted
chiefly from the Edinburgh and Westminster Review, second edition, London,
Longmans, Green Reader, and Dyer, 1859-1867-1875, vol. III, p. 1 à 47. Mill
défend la représentation des minorités et s’oppose au vote secret.
(4)
Mill peut être considéré comme l’un des rares philosophes féministes compte tenu
de son Assujettissement des femmes, traduction de Cazelles, Paris, Guillaumin et Cie
1869. Mill défend l’égalité économique, politique et sociale entre les hommes et les
femmes. Cependant, l’intérêt que Mill porte à la question de l’égalité des sexes
précède de quelques années la parution de L’assujettissement des femmes. Dans sa
8
voit surtout en Mill l’un des représentants de l’utilitarisme(6) ou du
radicalisme philosophique(7) même s’il est considéré parfois comme un
dissident.
L’approche de l’aspect social et politique de la philosophie
millienne est abordée en négligeant les fondements. Mill a d'ailleurs
manifesté son intérêt pour la question des fondements lorsqu'il a
essayé de doter l'utilitarisme de fondements théoriques comme le
souligne Stephen Leslie(8). Mais, ni l’exposé de ces fondements ni leur
analyse ne furent aisés pour Mill et pour ses commentateurs.
Les études d'ensemble de la philosophie millienne qui
privilégient soit l'ordre chronologique de la publication de ses œuvres
soit l’aspect politique et social ne permettent pas une approche
systématique de sa philosophie et dédoublent la première difficulté
correspondance avec Auguste Comte, Mill écrit dans une lettre du 30 octobre 1843
où il dément l’infériorité des femmes : « Je tiens d’ailleurs beaucoup à ce que vous
ne croyiez pas que ce soit ici de ma part une idée légèrement adoptée ; il y a peu de
questions que j’aie plus méditées, et bien qu’en général je sois connu pour ne pas
tenir à des opinions une fois admises, dès qu’on me prouve qu’elles sont mal
fondées, celle-ci a résisté chez moi à tout ce qu’on lui a opposé jusqu’ici », in
Lettres inédites de John Stuart Mill à Auguste Comte, Paris, Félix Alcan, 1899
réédité sous le titre La correspondance entre John Stuart Mill et Auguste Comte par
les soins d’Angèle Kremer Marietti dans les Editions de l’Harmattan, en 2007 .
(5)
Mill a défendu très tôt la cause des ouvriers dans “The Claims of Labour” (1845)
in Dissertations and Discussions, tome II, p. 181-217. Mill propose ce que le
législateur peut faire pour améliorer les conditions de vie physiques et mentales des
ouvriers. Il défend cette même cause dans Principles of Political Economy, London,
Longmans, Green and Co, 1885, livre IV, chapitre VII intitulé “On the probable
futurity of the Labouring classes” trad. : « De l’Avenir probable des classes
laborieuses »
(6)
Parmi l’un des meilleurs ouvrages consacrés à l’utilitarisme figure celui de
Stephen Leslie, English Utilitarians, London Duckworth and Co, 1ère édition 1900,
2ème édition 1912, dont le troisième volume est consacré à Mill ainsi que
l’Anthologie historique et critique de l’utilitarisme, par Catherine Audard, Paris,
PUF, 1999. Une partie du deuxième volume est consacrée à Mill.
(7)
Halévy, Élie, La formation du radicalisme philosophique, 3 volumes, 1901-1903,
Paris, PUF, 1999.
(8)
Stephen, Leslie, English Utilitarians, vol 3, chap. II, p. 75 où il rappelle que le
rôle que Mill a joué dans l’histoire de l’utilitarisme c’est de le doter des principes
premiers.
9
relative à ses fondements. Parfois, sa philosophie est exposée à partir
de ses œuvres majeures comme c’est le cas pour Ryan(9). Par contre,
Anschutz présente la philosophie millienne à partir de certaines
topiques(10) ou d’une approche thématique, convaincu que la
présentation de tous les aspects de la philosophie millienne suffit pour
voir son unité et constater sa systématicité parfois même en négligeant
les aspects les plus dérangeants. Skorupski opte pour une approche
thématique de la philosophie millienne mais qui ne suffit pas pour voir
son unité et constater sa systématicité, d'autant plus qu'elle néglige
certains de ses aspects comme l'aspect religieux(11).
Mais de telles approches qui semblent systématiques évitent de
traiter la question de l’unité de la philosophie millienne et de tenter
d’y répondre. Elles s’évertuent par contre à repérer les contradictions
de Mill et ses incohérences tout en évitant d’aborder sa métaphysique.
Courtney(12) qui a abordé depuis 1879 la métaphysique millienne ne
parvient pas à rendre compte de la systématicité de sa philosophie et
de son unité ; il finit par reconnaître la difficulté de classer la
métaphysique millienne justifiée par le caractère transitoire de sa
philosophie.
Dans certains cas, on fait allusion aux fondements de la
philosophie millienne qui déterminent son épistémologie comme le
montrent Strong(13) et Walsh(14) qui insistent sur le caractère
métaphysique et non épistémologique de la controverse Mill-Whewell
à propos de l’induction, mais sans indiquer la nature des fondements
métaphysiques qu’elle présuppose.
(9)
Ryan, John Stuart Mill, London and Boston, Routledge and Kegan Paul, 1974.
Anschutz, R. P., The Philosophy of John Stuart Mill, Oxford, Clarendon Press,
1953.
(11)
Skorupski, John, John Stuart Mill, London, Routledge and P. Kegan, 1989. Dans
la préface de son ouvrage, p. xii. Skorupski justifie son désintérêt pour la religion
chez Mill qui, selon lui, n’a pas joué un rôle aussi important que celle de Hume et
est dénuée de tout intérêt pour l’étude de la philosophie millienne.
(12)
Courtney, W. L., The metaphysics of John Stuart Mill, London, Kegan Paul,
1879.
(13)
Strong, E. W., “William Whewell and John Stuart Mill: their controversy about
scientific knowledge”, Journal of the History of Ideas, 1955.
(14)
Walsh, H. T., “Whewell and Mill on induction”, Philosophy of Science, 29, 1962.
(10)
10
Mill lui-même a participé à cette approche confuse et
incomplète de son œuvre. Non seulement Mill ne traite ni de la
question de la systématicité de sa philosophie ni de celle de ses
fondements de manière explicite, mais la présentation de son œuvre
prête à l’étude monographique. Du Système de logique aux Trois
Essais sur la religion en passant par les ouvrages intermédiaires, Mill
s’évertue à ne pas montrer le lien entre les différents ouvrages, chacun
semble se suffire à lui-même et se passer de toute référence
intertextuelle. Par ailleurs, cette présentation monographique se
complique par le décalage entre l’ordre de rédaction et celui de la
publication de ses ouvrages. Mill assume ce décalage et le justifie par
la nécessité d’adapter l’écrit aux circonstances extérieures, afin de lui
garantir une bonne réception(15) et une meilleure influence.
Mais une fois soumis à un examen critique, chaque ouvrage de
Mill soulève des difficultés qui ne peuvent être dépassées que par
référence aux autres. Catherine Audard est consciente d’une telle
méthode à propos de l’étude de L’utilitarisme de Mill lorsqu’elle
affirme : « Pour vraiment le (L’utilitarisme) comprendre il faut
pouvoir le remettre dans le contexte d’ensemble de l’œuvre de John
Stuart Mill ainsi que de l’histoire ou théories utilitaristes... La lecture
de L’utilitarisme demande, en effet, pour être éclairée, de s’appuyer
sur l’Autobiographie, l’Essai sur Bentham, l’Essai sur Coleridge, le
Système de logique (...) »(16). Audard ne va pas jusqu’à supposer que ce
besoin de mettre chaque ouvrage de Mill dans son contexte textuel est
de l’ordre du constat de l’unité de la philosophie millienne, unité qui
se fait à partir des fondements.
Audard propose une règle d'ordre pratique facilitant la
compréhension de la philosophie millienne en la plaçant dans son
(15)
Mill, Autobiographie, chap. VII, p. 200-201. Mill a suivi le conseil d’Horace aux
écrivains qui est de garder leur composition pendant neuf ans. Mill a suivi l’esprit de
ce conseil puisqu’il a toujours respecté un délai entre la composition et la
publication de ses ouvrages allant même jusqu’à ne pas publier de son vivant son
Autobiographie et les Trois essais sur la religion qui sont, toutes deux, des œuvres
posthumes.
(16)
Audard, Catherine, L’Anthologie historique et critique de L’utilitarisme, Paris,
PUF, 1999, vol. II, chap. III, p. 71.
11
contexte textuel et dans son rapport aux autres textes de Mill. Cette
règle n'est que la conséquence d'un fait : l'unité de la philosophie
millienne présupposée mais non analysée. Cependant, une lecture
inter-textuelle soulève de nouvelles difficultés : comment concilier le
libéralisme défendu par Mill dans De la liberté avec
l’interventionnisme économique auquel il est favorable dans les
Principes d’économie politique ? Comment concilier L’utilitarisme
qui fonde la pratique sur le principe d’utilité avec les thèses de la
liberté de pensée défendues dans De la liberté ?
La confrontation des ouvrages de Mill mettrait en doute l’unité
et la systématicité de sa philosophie. Celle- ci fut recherchée du côté
de l’utilitarisme, de l’empirisme et du nominalisme. Mais, ce qui est
censé unifier l’œuvre et systématiser la pensée comporte lui-même des
difficultés internes, des incohérences voire même des contradictions.
L’utilitarisme de Mill est un utilitarisme critique qui essaie de
dépasser les difficultés soulevées par l’utilitarisme benthamien.
Cependant, l'utilitarisme millien s'oppose, selon Moore, à
l'épistémologie millienne où la logique de la science est distinguée de
celle de l’Art alors que Mill les confond lorsqu’il analyse la preuve du
principe d’utilité(17).
Le recours à l’empirisme comme fondement de la philosophie
millienne n’est pas plus heureux que le recours à l’utilitarisme. Que
l’empirisme soit de forme nominaliste comme avec Hobbes ou idéiste
comme pour Locke ou psychologiste comme pour Hume, il est loin de
constituer le fondement de la philosophie millienne. Ce qui sépare
Mill de l’empirisme classique c’est l’importance et le rôle que luimême accorde à la logique qui n’est pas simplement une science
parmi d’autres telles que les mathématiques, la physique et les
sciences morales. D’ailleurs, Mill avoue que sa vocation réelle est la
recherche logique, seule capable de résoudre tous les conflits
(17)
Cette question sera traitée dans la dernière section du chapitre IV de la quatrième
partie réservée aux fondements onto- logiques de la morale.
12
d’opinions(18). C’est dans la logique, qu’il faut retrouver le projet d’un
système philosophique. Si Mill intitule son ouvrage majeur Système de
logique, à la rédaction duquel il consacra le plus de temps(19), c'est
parce qu'il participe à aborder la logique comme science, comme
logique de la science et comme philosophie première.
Ainsi, Mill ne s’est pas trompé lorsqu’il a avoué que l’ouvrage
qui lui survivra est le Système de logique à coté de De la liberté
comme il l’affirme : « La liberté survivra plus longtemps que tout ce
que j’ai pu écrire par ailleurs (à l’exception peut-être de la
Logique) »(20). Mais la survivance du Système de logique ne tient pas à
la logique que Mill y expose car celle-ci est, à son époque, à contrecourant des progrès que la logique formelle connaît en Angleterre. La
survivance du Système de logique tient à sa dimension métaphysique
qui suscite à nouveau l’intérêt des commentateurs et des chercheurs,
tels que Zappen(21) et Scarre(22).
Zappen a bien vu le lien entre le Système de logique et De la
liberté. Il s’agit, selon lui, d’une même logique sous deux aspects
différents, un aspect négatif et un aspect positif. La première se
déploie dans De la liberté, et consiste à démontrer et à illustrer la
nécessité de la discussion généralisée pour convaincre de la liberté
d’expression et déterminer le processus de l’établissement de la vérité,
qui consiste en un processus de dialectique, critique et argumentative
en vue de convaincre de la vérité des idées.
Cette logique est à la fois tributaire des principes de liberté, de
l’utilité et de perfectibilité, et par là même, la politique et la morale
(18)
Mill, Earlier Letters, in Collected Works of John Stuart Mill, T1, Toronto,
University of Toronto Press 1963, lettre adressée à son ami Sterling, du 20-22
octobre 1831.
(19)
La rédaction du Système de logique dure une dizaine d’années de 1831 à 1841,
période assez longue en comparaison avec le temps de rédaction des autres ouvrages
de Mill tels que les Principes de d’économie politique dont la rédaction s’étend
seulement sur deux ans (1845-1847).
(20)
Mill, Autobiographie, chap. VII, p. 211.
(21)
Zappen, James, P., “The logic and rhetoric of John Stuart Mill”, Philosophy and
Rhetoric, vol. 26, N° 3, 1993.
(22)
Scarre, G., Logic and Reality in the Philosophy of John Stuart Mill, Dordrecht,
Boston, London, Klewer Academic Publishers, 1989.
13
sont affaire de logique. Il suffit donc d’opter pour la bonne logique,
commune à tous les hommes et à toutes les sciences, celle qui
correspond à la logique de l’induction, logique de l’expérience par
opposition à la logique innéiste qui repose sur des principes
instinctifs ; ce choix logique permet le meilleur choix politique et
moral, car parfaire les hommes c’est leur permettre de bien penser afin
de leur permettre de bien vivre.
Cependant, Zappen n’a pas vu que la logique qui constituait
l’unité de la philosophie de Mill subsumait une ontologie aussi bien
négative que positive. Il a montré la relation entre logique et liberté
ainsi que le rôle que la première joue pour la seconde mais sans
accorder à la logique le statut de fondement puisque l’acte même de
fonder n’est ni bien conçu ni clairement analysé.
L’approche de la logique, de la métaphysique et de
l’ontologie(23) par Scarre, semble l’habiliter à poser et à résoudre le
problème du fondement de la philosophie millienne. Pourtant, il ne
conduit pas sa réflexion vers la conception du lien entre la logique et
la réalité jusqu’à en faire le fondement de toute la philosophie
millienne. Il est à noter que Scarre est l’un des rares commentateurs
contemporains de Mill avec Mac Rea, qui a employé le terme
« ontologie » à plusieurs reprises dans son ouvrage Logic and Reality,
celui qui remet en question l’empirisme de Mill. Nous approuvons
Scarre pour l’esprit avec lequel il aborde la philosophie millienne en
essayant de voir en Mill le philosophe plutôt que le politicien ou
l’idéologue, en analysant le lien entre logique et métaphysique à
l’intérieur de la philosophie mais sans montrer comment il est illustré
à travers ses fondements, raison pour laquelle nous essayons d’aller
plus loin que lui dans la recherche des fondements de la philosophie
millienne.
Certes, Mill ne traite pas explicitement des fondements de sa
philosophie mais nous proposons de les inférer à partir du projet qu’il
essaie de réaliser à travers le Système de logique. Ce projet n’est pas,
comme le croit Anschutz, celui de cimenter des méthodes aussi
(23)
Cf. Scare Logic and reality, p. 9.
14
différentes que l’induction et la déduction, mais de montrer comment
une philosophie de l’expérience est possible en tant que système à
partir de la logique, conçue d’abord comme science et permettant
ensuite de fonder la philosophie millienne dans son aspect théorique et
pratique. C’est à partir de ce projet que Mill conçoit la logique comme
une logique réelle et non formelle, c’est-à-dire une logique
ontologiquement engagée.
Mais pour que la philosophie millienne soit véritablement
fondée, il ne faut ni la réduire à certains aspects ni exclure certains
autres tels que la pensée sur la religion par exemple. Celle-ci est aussi
importante que l’économie politique ou la morale même si certains
commentateurs, tels que Skorupski, la négligent. Cette approche
réductrice de la philosophie millienne se reflète à travers les thèses sur
Mill(24) qui se limitent à l'un des trois principes : l’utilité, la liberté et la
perfectibilité.
Elle se retrouve aussi dans les colloques et les conférences
comme celle qui a donné lieu à James and John Stuart Mill /Papers of
the Centenary Conference(25). Les questions débattues dans les Actes
de ce colloque concernent l’histoire, la philosophie, l’économie, les
sciences sociales et l’histoire de la pensée. Le choix de ces thèmes
généraux est justifié par l’impact que ces questions exercent
aujourd’hui où l’intérêt porte plus sur ce qui est d’ordre moral, et
social plutôt que sur des questions d’ordre métaphysique ou
ontologique.
(24)
Il n’y a pas, à notre connaissance, de thèse consacrée à l’étude de la religion
millienne. Parmi les thèses dont la lecture nous a été particulièrement féconde,
même si elles ne concernent pas directement notre recherche, nous citons trois
thèses dont une française, celle de Karl Bortnik, Le principe de perfectibilité dans la
philosophie de John Stuart Mill, Université de Clermont- Ferrand 2, 1973. Les deux
autres sont celle de Whedbee, Karen Elizabeth, John Stuart Mill’s Theory of
Practical Argument and Political Advocacy, University of Wisconsin, Madison,
1993, et celle d’Alican Necip Fekri , A Defense of J. S. Mill’s Proof of the Principle
of Utility, Washington University, 1994.
(25)
James and John Stuart Mill /Papers of the Centenary Conference, edited by John
Robson and Milchael Laine, University of Toronto Press, Toronto and Buffalo,
1976.
15
Nous trouvons aussi des essais(26) et des estimations critiques
de la philosophie millienne(27) qui privilégient, dans leur grande
majorité, son aspect politique et social au détriment de son aspect
métaphysique, religieux ou ontologique.
Nous admettons, pour notre part, que la philosophie millienne
malgré sa présentation monographique, représente un système, qui
n’est pas immédiatement donné mais qui est à construire à partir de
ses éléments et de ses principes. C’est surtout Gilbert Boss, parmi les
commentateurs contemporains, qui admet le caractère systématique de
la philosophie millienne mais à condition de donner au système une
structure circulaire dans le sens positif du terme celui de « la
circularité assumée dans la reconnaissance du caractère principiel de
l'induction »(28). L'induction est à la fois méthode permettant le passage
du particulier au général mais elle est aussi principe puisque toutes
nos inférences sont fondées sur l'inférence du particulier au particulier.
Notre recherche s’inscrit dans une nouvelle approche de la
philosophie de Mill qui ne se confine pas à découvrir ses
contradictions et ses inconsistances comme ce fut le cas pour la
majorité des commentateurs mais qui exige sa compréhension interne
dans une quête de sa cohérence et sans le recours à une interprétation
extérieure des textes, qu’elle soit de type psychanalytique, marxiste ou
nietzschéen, modèles d’interprétation prônés par les maîtres du
(26)
A Cultivated Mind, Essays on J. S. Mill, Presented to John M. Robson, edited by
Michael Laine, Toronto, Buffalo, London, University of Toronto Press, 1991. Il n’y
a qu’un seul article sur la religion et la liberté. Ces essais s'intéressent à ce qui est
politique, moral et social. Il y a aussi The Cambridge Companions to Mill, edited by
J. Skorupski, Cambridge, Cambridge University Press, 1998. Sur quatorze essais
deux seulement concernent l’ontologie et la religion. Il s’agit de l'article de Andy
Hamilton “ Mill, phenomenalism and the self ” p. 139-175 et celui de Alan Millar
“Mill on religion ” p. 176-202. Les douze autres articles concernent la philosophie
du langage, la logique, les mathématiques, l’induction, la psychologie, les sciences
morales, l’utilité et l’économie politique. Le problème de l’unité et celui des
fondements de la philosophie millienne ne sont pas traités.
(27)
Il y a deux sortes d’évaluation critique de la philosophie de Mill. Il y a d’abord,
John Stuart Mill Critical Assessments, London, and New York, Routledge, 1991 et
enfin, John Stuart Mill‘s Social and Political Thought, Critical Assessments,
Routledge, London and New York, 1998.
(28)
Boss, Gilbert, John Stuart Mill, Induction et utilité, Paris, PUF, 1990, p. 97.
16
soupçon comme les nomme Ricœur. Nous reconnaissons l’intérêt de
telles interprétations qui tentent de dévoiler l'aspect idéologique d'une
œuvre qui s'engage dans l'histoire ou son aspect psychologique qui
insiste sur l'auteur et expliquerait l'œuvre par sa personnalité.
Cependant, nous n'admettons pas qu'elles soient l'unique approche
d'une œuvre philosophique dont l'aspect philosophique, objet de
l'histoire des idées, permet de jeter un faisceau de lumière sur certains
aspects qui sont à l'ombre ou mal éclairés pour les rendre plus visibles
sans prétendre, pour autant, faire la chasse aux ombres. Quoique nous
fassions, toute philosophie demeure une énigme dont la résolution est
illusoire et non souhaitable. Toute œuvre philosophique nous
interpelle et déclenche un mouvement de la pensée qui n’est pas
toujours susceptible d’aboutir à la résolution de ces problèmes ; son
seul mérite est l’incitation à la réflexion plus que la satisfaction
qu’engendrerait la trouvaille.
Nous avons choisi la philosophie de Mill comme objet de
réflexion, tout en étant consciente d’être devancée par des milliers de
chercheurs(29) qui la commentent sous ses divers aspects : articles,
thèses, études élogieuses ou critiques ; ce constat n'a pas découragé
notre élan, puisqu’il nous incite à entreprendre ce travail qui est, en
fait, le prolongement de travaux antérieurs sur Mill, et qui constitue
une tentative de résoudre certains problèmes auxquels ils ont abouti ;
notre propos consiste à présenter une lecture qui permet, en premier
lieu, de transférer les problèmes que pose la philosophie millienne du
champ particulier à l’intérieur duquel nous avons l’habitude de les
voir posés vers un autre champ métaphysique qui se présente sous un
double aspect et qui rendrait mieux compte du dualisme de la pensée
de Mill souvent interprété sous une forme personnelle et
psychologique comme l’a fait Himmelfarb Gertrude(30) en insistant sur
(29)
Michael Laine, Bibliography of Works on John Stuart Mill, Toronto, Buffalo,
London, University of Toronto Press, 1982. Jusqu’à la date de publication de cet
ouvrage relatif à la bibliographie sur Mill (1982), l’auteur recense 1971 références,
sans compter les vers, les portraits et les caricatures de Mill qu’il rapporte en huit
pages (p 153-160).
(30)
Himmelfarb, G., “The other John Stuart Mill” in Victorians Minds, New York,
Knopf, 1974.
17
la dualité de Mill, ou comme l’ont fait certains commentateurs qui
consentent à relever les inconsistances des positions milliennes afin de
montrer les contradictions de sa pensée .
Notre hypothèse de travail consiste à reporter la dualité de la
pensée millienne au dualisme de ses fondements. Une fois ramenée à
sa source, la pensée millienne redevient consistante et si, malgré cette
tentative, des problèmes surgissent, ils pourront être ramenés à leur
véritable origine qui est relative au choix métaphysique de Mill qui
demeure en dehors de toute logique et de toute preuve d’où
l’importance de ces problèmes en tant que révélateurs de la position
millienne relativement à la logique et à l’ontologie.
Nous sommes donc tenue de suivre Mill dans sa démarche
lorsqu’il présente sa philosophie à partir de ses éléments avant
d’annoncer les principes qui la fondent et de préserver leur caractère
qui n’est pas a priori. Avec Mill, les fondements ne sont plus conçus à
la manière de Descartes qui emploie le paradigme de l’arbre pour
garantir l’unité de sa philosophie, puisqu’il a choisi le paradigme du
cercle puisé dans l’astronomie où l’ordre n’est plus vertical mais
circulaire, où tous les éléments du système tournent autour d’un centre
commun qui les attire, préserve leur ordre et garantit leur mouvement.
D'ailleurs, la structure des ouvrages de Mill est conçue de telle
sorte que les questions ou les parties les plus importantes occupent le
centre. Ceci est vrai du Système de logique où la partie centrale, est la
partie fondamentale et essentielle, celle correspondant au troisième
livre consacré à l’induction.
Dans notre approche de la philosophie millienne, nous avons
essayé d’appliquer la même méthode suivie par Mill dans la recherche
de la vérité : l'inférence du particulier au particulier. Si la vérité est le
résultat d’un raisonnement et non de l’intuition, la découverte de la
vérité du système philosophique de Mill et de ses fondements exige un
effort permettant d’inférer ses caractéristiques à partir de ce qui est dit
et de ce qui est connu comme vrai afin d’atteindre ce qui est vrai mais
qui est, soit confus, soit implicite et soit inconnu comme ce fut le cas
pour les fondements de la philosophie millienne. C’est par un travail
d’analyse et d’inférence que les fondements de la philosophie
millienne et son unité peuvent être rendus intelligibles.
18
Dans une première étape, nous soulevons la question de la
cohérence de la philosophie millienne, de la nature et du lieu de son
unité ainsi que de ses fondements probables.
Cette première étape nous conduit vers la logique millienne
dont nous découvrons la nature, les éléments, les caractéristiques et les
fonctions dont celle de fondement, de « science de la science » ou de
« philosophia prima ».
Mais puisque cette logique est une logique réelle, celle de la
vérité, et non formelle, elle suppose une ontologie même si elle
semble précaire et tronquée. Celle-ci nous incite à rechercher
l’ontologie millienne relative à la nature, à l’homme et à Dieu dans
une troisième étape.
La dernière étape consiste à exposer l’essentiel de la
philosophie millienne ou ce qui la représente le mieux à partir de
l’action fondatrice de la logique et de l’ontologie milliennes, c'est-àdire à partir de ses fondements onto-logiques. Nous tenons à préciser
que la distinction entre logique et ontologie dans la philosophie
millienne n’est que fonctionnelle car il est difficile, en fait, comme on
le souligne dans la deuxième partie réservée à la logique, de séparer
logique et ontologie car cette dernière est toujours présente même si
elle demeure à un état primitif. Par ailleurs, l’ontologie exposée dans
la troisième partie se confond avec la logique puisque l’existence du
Monde, du Moi et de Dieu est de nature logique puisqu’elle se fonde
sur l’inférence. Nous constatons, de fait, que les efforts de Mill pour
séparer la logique de l’ontologie sont vains. Malgré le sens péjoratif
que Mill accorde à l’ontologie, la réservant à la philosophie
allemande, avec laquelle il ne veut pas être confondu, il fut acculé à
user de ce terme une seule fois, alors qu’il peut être étendu au Monde
et à Dieu, car en dépit de l’absence du terme « ontologie », ce à quoi il
correspond existe : l’existence est présente et elle traverse toute
l’œuvre millienne. L’existence n’étant pas chez Mill intuitive mais
logique, la logique est au cœur de l’ontologie et si les deux fondent la
philosophie millienne, elles ne sont que les deux faces d’une seule
chose que nous avons exprimée par la fusion entre les deux adjectifs :
« logique » et « ontologique » qui caractérisent les fondements de la
philosophie millienne afin d’obtenir des fondements onto-logiques.
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Pour réaliser notre recherche, nous avons dû lire les ouvrages
de Mill qui furent traduits en français, et confronter leur traduction
avec les textes originaux pour montrer cette déviation de sens qui
influe sur les idées de Mill. Mais toute l'œuvre de Mill n'a pas été
jusqu'à ce jour traduite telles que les Dissertations et les Discussions.
Pour d'autres ouvrages de Mill qui n'ont pas été traduits jusqu'à ce jour
nous les avons lus dans leur langue originale et traduit les extraits que
nous avons cités. Nous avons lu les ouvrages fondamentaux sur la
philosophie millienne en anglais puisque aucun commentaire d'auteur
contemporain n'a été traduit jusqu'à ce jour. Nos références
essentielles sont le Système de logique(31), les Principes d'économie
politique(32), les Essais sur Tocqueville(33), l’Examen de la philosophie
de Sir Hamilton(34), De la liberté(35), L’utilitarisme(36), les
Considérations
sur
le
gouvernement représentatif(37),
les
Dissertations and Discussions(38), Trois essais sur la religion(39) et
(31)
Mill, Système de logique déductive et inductive, Exposé des principes de la
preuve et des méthodes de recherche scientifique, Liège et Bruxelles, Mardaga,
1988 ; trad. de la 6ème édition anglaise par Louis Peisse, Paris Librairie Germa
Baillères et Cie 1866. Le texte original est System of Logic Ratiotinative and
Inductive, Being a Connected View of the Principles of Evidence and the Methods of
Scientific Investigation in 2 volumes, London, 1843. Nous nous référons au System
of Logic, in Collected Works of John Stuart Mill, Toronto, Toronto University Press,
vol. 8-9, 1963.
(32)
Mill, Principes d'économie politique trad. Dussard et Courcelle Senevil, Panne
Guillaumin, 1856. Texte original : Principles of Political Economy, London, 1845.
(33)
Mill, Essais sur Tocqueville et la société américaine, Paris, Vrin, 1994.
(34)
Mill, Examen de la philosophie de Sir Hamilton, Paris, Germer Baillère, 1869,
trad. Cazelles. Notre référence anglaise est : Examination of Sir Hamilton's
Philosophy and of the Principal Philosophical Questions Discussed in His
Wrintings, London, Longmans Green Reader and Dyer, 1878.
(35)
Mill, De la liberté, trad. et commentaire de Gilbert Boss, Zurich, Éditions du
Grand Midi, 1988.
(36)
Mill, L’utilitarisme, trad. de G, Tanesse, Paris, Garnier Flammarion, 1968.
(37)
Mill, Considérations sur le gouvernement représentatif, trad. Dupont-White,
Paris, Guillaumin, 1862.
(38)
Mill, Dissertations and Discussions Political Philosophical and Historical
reprinted chiefly from the Edinburgh and Westminster Review, second edition,
London, Longmans, Green Reader, and Dyer, 1859-1867-1875.
(39)
Mill, Essais sur la religion, trad. Cazelles, Paris, Felix Alcan, 1884.
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