DECAPITEZ TOUS LES PHILOSOPHES ! La philosophie a aujourd’hui une belle popularité. Elle est si appréciée qu’elle fleurit au coin des boulevards, dans les kiosques sous forme de magazines, dans les salons de thés sous forme de cafésphilos, dans les livres pour enfants, dans les émissions télévisées. Comment ne peut-on pas être philosophe ? ! Pourrait-on s’exclamer. Elle devient ainsi, peu à peu, un outil de discrimination sociale ; elle creuse le fossé entre ceux qui ont eu du temps pour en « faire », sous toutes ces formes ; et les autres, qui en sont privés. Elle devient moyen de montrer son érudition, sa culture, ses lectures, au détriment de ceux, bien sûr, qui n’ont rien de tout cela, et se contentent, les pauvres !, de vivre sans se payer le luxe de réfléchir sur leur vie. Elle est manière brillante et mondaine de s’interroger, de dialoguer, d’écouter et de comprendre. Mais si la philosophie, en ses origines était autre chose… Car si l’on retourne aux premiers témoignages sur Socrate, le père de la philosophie, que découvre-t-on ? Non pas une pratique du dialogue, mais un art de l’entourloupe et de la mauvaise foi. Non pas un amour de la vérité, mais des techniques de bonimenteur et de forain. Non pas de l’élégance et de la hauteur de vue, mais de la foutaise, mise en œuvre par un personnage hâbleur et cabotin. Ainsi la philosophie semble-t-elle être le contraire de ce qu’elle est devenue aujourd’hui. Mieux, les textes fondateurs disent d’elle qu’elle n’a au fond qu’une fonction : éviter de se prendre la tête. Revenir à ces sources inaugurales de la philosophie permettrait de comprendre ce qu’elle est : un refus de l’intellectualisme policé. Voilà pourquoi, au nom de la philosophie, la plus belle chose que l’on peut faire aux philosophes contemporains, c’est de les décapiter.