Voici des extraits de textes écrits par des rabbins de différentes communautés 1 Humanité et vérité Par Rabbi Abraham Dahan Pendantlongtemps,j'aiétéinterloquéparcertainsaspectsdelatraditionjuive concernantlamort: 1.Larapiditédel'enterrement. Malgrélapeineetladétresse,lejourmêmedudécèssicelaestpossible. Evidemment,dansnotrepays,nousdevonsattendre24h. 2.L'ensevelissementàmêmelaterre. Sanscercueil,lecorpsentièrementenveloppéetrecouvertd'unlinceul. Donc,nihabillage,nimaquillage.EnEurope,lecercueilestobligatoireet noscommunautésoptentpourlecercueilleplussimple. 3.Ledépouillementdelacérémonied'enterrementetsabrièveté. Quelquespsaumes,l'oraisonfunèbre,quelquesmotsàproposdudéfuntet, aprèsl'enterrement,le«Kaddich». Ilya,danscespratiques,l'expressiond'unrefusdemiseenscènedelamort, lerefusd'enfaireunspectacle. Pourcomprendrecetteapproche,ilfautrepenseràl'histoiredesHébreux. IlsfurentlongtempsesclavesenEgypte,etlacultureégyptienneétaitcentrée surlamort:embaumement,cérémoniesinterminables,tombescolossales… Ilfallaitêtreenterréavec«lelivredesmorts»quicoûtaitunefortunemais donnaitaccèsàl'au‐delà. QuandMoïselibèrelesHébreux,ilprendralecontre‐pieddecespratiques. Lesprêtres,les«cohanim»,serontinterditsdecimetière,saufpour leurtouteprochefamille.Le«cohen»seraauservicedelavieetnonpas delamort. 1. Avantledécès,ilfautaccompagnerlemalade,rassurer,réconforter,direl'espoir et,justeaumomentdudécès,direle«ChemaIsraël»etlespsaumes. 2. Quandlamortintervient,fermerlesyeuxetrecouvrirentièrementlecorps. Déchirersonvêtementpourmatérialisersasouffrance,etdirelapetiteformule «Bénisois‐tuEternel,jugedevérité». 3. Entreledécèsetl'enterrement,c'estlapériodede«Aninout(souffrance)»qui nedispensepaslafamilledesortiretdetoutfairepourassureraudéfuntun enterrementdécent. 4. Avantl'enterrement,ilyala«Tahara»,latoilettemortuaire,quiexprime l'infinirespectducorps.Ellesefaitdanslesilence,avecd'infiniesprécautions, commesic'étaitlecorpsd'unvivant. Cetteimportantemitsva,c'estla"HevraKaddicha"quis'enoccupe, la«confrériedesainteté»:deshommespours'occuperdeshommeset desfemmeslorsqu'ils'agitd'unefemme.S'occuperd'undéfuntestdifficile, nousmetdevantnotreconditiondemortel,diminuenotreélanvital. 5. Onnevapasàlasynagogue,maisdirectementaucimetière.Avantdefermer lecercueil,lesenfantspeuventserecueillirprèsducorpsdeleurparentet demanderpardon,maisonnelaissejamaisdesparentsseulsauprèsducorps deleurenfantmort. Onpeutenterrerunhommeavecson«Talit»s'ill'autilisédurantsavie,mais oncoupeuncoinpourlerendreimpropreàl'usaged'unvivant. 6. L'enterrementesttrèsdépouillépourqueledéfuntrejoigneauplusviteson repos.Onnemetpasdefleurs,maischaquepersonneprésentejette3pelletées deterrecar«noussommespoussièreetnousretournonsàlapoussière.Lecorps retourneàlaterredontilestpétrietl'âmeàsonCréateur».Quandlecercueilest recouvert,unprocheditleKaddichet,ensortantducimetière,ilfautselaver lesmains. 7. Aprèsl'enterrement,commencelapériodede«Avélout»,ledeuilproprement dit,oùlafamillerestependantles7premiersjoursàlamaison.Cesont lesprochesetlesamisquiviennentpour«êtreavec»,prier,parler,préparer àmanger. Pendantcettepériode,onneboitpasdevin,onnemangepasdeviande,onne faitpasdemusique.Ledeuilestassuméàl’exceptionduchabbatoud’unjour defête. 2 La Hévra Kadicha Par Rabbi Floriane Chinsky Faceaumystèredelavieetdelamort,nousrestonssansvoix,maisnon sansgestes. La«HévraKadicha»estungrouped'hommesetdefemmesquiprennent enchargecesgestesrépondantdefaçonmuetteàlaquestiondelafragilité humaine.Ilsacceptentderemplirl'unedesplusimportantesetdesplusdifficiles obligationsdelaTorah:enterrerlesmortsdansladignité. Ladignitéestattachéeàlapersonnedanssonintégralité,soncorpsrestedigne derespectmêmelorsquelaviel'aquitté. LaHévraKadichaposedesgestesde«générositépure».LeTalmudaffirme: « La charité peut être prodiguée uniquement aux pauvres, la guemilout Hassadim ( « générosité pure » ) peut être prodiguée au riche comme au pauvre; la charité ne peut s'exercer qu'envers les vivants, la guemilout Hassadim s'exerce envers les vivants comme envers les morts ». LaguemiloutHassadimfaitpartiedescommandementsquin'ontpasdemesure, ceuxquicomptentmêmelorsqueleuraccomplissementestincomplet,mais quipeuventaussiêtrepratiquéssanslimite. Notrefaçond'enterrerlesmorts,lesgestesrituelsquenousaccomplissons prouventquenouscroyonsàl'éternitédesvaleursquidonnentunsensànosvies malgrélanatureéphémèredenotreexistence. Noussommescapablesdevivre,sachantquenousallonsmourir,sanspour autantrenoncerànosvaleurs.C'estlaconsciencehumaineportéeàson paroxysme. Or,sinousensommescapables,cen'estpastoujoursentantqu'individus,mais entantquesociété.Carilpeutarriveràchacund'êtrehorsd'étatd'affronter cetteréalitédifficile. Le Kadich LeKadichaffirmequelaviedoittriompherdelamort,quel'espoirdoitvaincre ledésespoir,quelesvaleursetlafraternitédoiventtriompherdelamesquinerie etl'égoïsme. LetexteduKadichécritenaraméen,lalanguelamieuxconnueàl’époque,est l'occasiond'exprimerlacohésionsociale,lasolidarité. « Que le nom de l’Eternel soit exalté et sanctifié En ce monde qu’Il a créé selon Sa volonté. Qu’Il établisse Son règne, fasse germer Son salut et approcher Sa délivrance De nos jours et sur toute la maison d’Israël, bientôt et dans un temps prochain, Et nous dirons : amen. Que Son grand Nom soit béni à tout jamais, Que soit béni, loué, élevé, exalté, célébré, magnifié et glorifié le nom du Saint, Béni soit‐Il, au‐dessus de toutes bénédictions et de tous chants, De toutes louanges et de toutes consolations qui se prononcent dans le monde, Et nous dirons : amen. Que la paix du ciel et que la vie soient sur nous et sur tout Israël, Et nous dirons : amen. Celui qui établit la paix dans Ses hauteurs établira la paix sur nous, Sur tout Israël et sur toute l’humanité. Et nous dirons : amen. » Lemomentleplusdur,oùnousavonsbesoinduplusgrandsoutien,estlorsque noussommesconfrontésàladisparitiondeceuxquenousaimons. Latraditiondemandequelesprochesdudéfunt(lepère,lamère,leconjoint, lefrère,lasœur,lefilsetlafille)lerécitentàchaqueofficependantles7jours dudeuil,puisaucimetièreàlafindeces7jours,et,lorsquel'onpleureun desesparents,durantlesonzemoisquisuiventledécès. Parlasuite,ilserarécitéàlasynagogueàl'occasiondu«Jahrzeit»,c’estàdire àladateanniversairedudécès,puisauboutd'unanlorsdelaposedelapierre tombale,etenfin,àl'occasiondupèlerinagecollectifquialieuaucimetièretous lesans,àlapériodedesfêtesdeTichri. Lapierretombale,poséeunanaprèsledécès,estunhommagevisiblerenduà unêtrecherdisparu.C’estunrepèredansl'espace,nousconnaissonslelieu précisoùreposeledéfunt. Lefaitdeposercettepierreestunefaçondedirequemalgréletempsquipasse lesouvenir,lelien,l'amourquinouslientànosdisparusrestentvivants. Cen'estpaslavaleurnilatailledumonumentquimesurelelienetl'amour. Latraditionjuivenousinciteàlaplusgrandesimplicité. 3 L’attitude du judaïsme devant la mort Par Rabbi Michel Gugenheim Lejudaïsmeproclamelapérennitédel’âme.Sibienquelavieici‐basnetrouve soncouronnementetsapleinejustificationquedanslaperspectivedecelle del’au‐delà. RabbiYaacovdit:« Ce monde‐ci ressemble à un vestibule devant le monde futur : prends tes dispositions dans le vestibule pour être en mesure d’accéder au palais ». Lamortn’affectequelacomposantephysiquedel’hommeetnesignifie nullementsadisparition.Elleconsacrel’achèvementdesamissionterrestre etsonaccessionàunmondeéternel,lieudelavéritablebéatitude. Cettenotiondepérennitédel’âmeestconcrétiséeparl’espéranceen larésurrection:àlafindestemps,lesâmesdesdéfunts(toutaumoinsungrand nombred’entreelles)seréincarnerontpourconnaîtreunevieterrestre defélicité. Mêmesilejuiffidèlen’éprouveaucuneterreurfaceàlamort,lejudaïsme reconnaîtledroitd’éprouveretdemanifesterdouleurettristessefaceà ladisparitiond’unêtrecher. Silemondefuturestlelieuparexcellencedelarétributionetdelavraie jouissance,seullemondeprésentoffreàl’individulapossibilitédeprogresser, des’éleveretdemériterlarécompense. L’âmeesttouteacquiseàDieu,maislecorpssollicitelapersonneetl’incite àsedétacherdeLui. Cetantagonismeconditionneaussilelibrearbitrequiestlui‐mêmeunpréalable absoluàtoutenotiondemériteetderécompense.End’autrestermes,lecorps représentepourl’âmeunechanceuniqued’élévationetd’enrichissement. C’estlaperteirrémédiabledecettesourcedeféconditéquenouspleurons. Lesritesdedeuilnousconduisentàprendreconsciencedusensvéritablede lavieetdelanécessitéde«rentabiliser»notrecourtpassageencemonde, deminimiserl’importanceduphysiqueetdumatériel,derefuserd’identifier notreêtreànotrecorpspournepasdisparaîtreavecluiautempsoùilrejoindra lapoussière. LeroiSalomondisait:« Mieux vaut aller dans une maison de deuil que dans une maison où l’on festoie : là se voit la fin de tout homme ? Et les vivants en tireront la leçon … ». Avantlamort Lamaladieestuneépreuvequipermetaumaladedesepréparer,matériellement etmoralement,au«granddépart». Iln’enrestepasmoinsplongédansunedétresseprofonde.Aussi,lavisiteaux maladesreprésenteune«mitsva»devaleurexceptionnellecarelleapporte soulagementetréconfort. Sil’agoniecommence,ilestinterditdequitterlemourantquiestalors«comme unebougieentraindes’éteindre:qu’unhommemetteledoigtdessus, elles’éteintaussitôt». Quandarrivelemomentfatidique,onproclameàhautevoixlafoienl’unité deDieu:«ChemaIsraël,écouteIsraël,leSeigneurestnotreDieu,leSeigneur estun».C’estsurcederniermotquel’âmequitterasonenveloppeterrestre pourrejoindresasourcecéleste. Aprèsconstatationdudécès,lesassistantsexprimentleurfoienlaProvidence: «BénisoitleJugedevérité».Puis,onfermelesyeuxdudéfunt(généralement lefils)ainsiquesabouche.Etonrecouvresonvisaged’undrapafindele soustraireauxregards. Entrelamortetl’inhumation Lerespectdûaucorps Lecorps,parcequ’ilservaitd’enveloppeàl’âme,tell’écrind’unobjetsacré, estlui‐mêmesacralisé. Dèsquelemédecinestpassé,lesamisdelafamilleoulesmembresde la«Hévra»déshabillentcomplètementledéfuntetlerecouvrentd’undrap blanc.Ondéposelecorpssurlesoltoutenveillantàcequelatêtesoit légèrementsoutenue;ondemandepardonaudéfuntpourcettemanipulation inconfortable;onplaceensuiteunebougieàlatête(etuneautreauxpieds). Ceslumièrestémoignentdel’immortalitédel’âmeetévoquentsonascension. Ilest,enfin,d’usagederecouvrirtouslesmiroirsainsiquelesportraits. L’inhumationdoitsedéroulerleplustôtpossible. La«‘Aninout» Lesrèglesdedeuilconcernentexclusivementles7prochesparentssuivants: père,mère,conjoint,filsetfille(s),frère(s)etsœur(s),quisontqualifiésde «Onen»(«affligés»)etseconsacrentauxdémarchesafférentesàl’inhumation. Le«Onen»neconsommeniviande,nivin.Ilestdispensédescommandements positifs,nemetpaslesTefilin,neréciteniprières,nibénédiction,necomptepas dansleminyam.Ilreste,parcontre,soumisàtouslesinterdits. Latoiletterituelle Lecorpsdoitsubirunetoilettecomplètedestinéeàledébarrasserdetoute souillure.Cettecérémonieestappelée«Tahara»(«purification»)parréférence àl’undesesactesessentielsquiconsisteàversersurlecorps,enuneseulefois, 9mesuresd’eau(21,6litresdepréférenceet,auminimum,12,45litres). Elleesttraditionnellementconfiéeàla«‘HévraKadicha»(«SainteConfrérie») àquiilincombe,àl’issuedelatahara,derevêtirlemortdesesderniers vêtementsfaitsdesimpletoileblancheetidentiquespourtous(«Takhrikhin»). Ledéfuntestensuiteposédélicatementdanslecercueil,levisagetournévers lehaut,latêtereposantsurunsachetdeterred’Israëldontonrépandquelques grainssurlui.Onl’enveloppeégalementd’untalitdontundesfilsaétésectionné. C’estalorsquelesenfants,puislesprochesparents,dudéfuntimplorentson pardonpourlestortsoulesoffensesqu’ilsontpuluicauser. Lecercueil,leplusordinaireetleplusrapidementdégradable,neserafermé qu’enprésencedespréposésdesPompesfunèbres(enIsraël,lecorpsestinhumé directementdanslaterre). Ladéchirurerituelle Commesignevisibledeleurdeuil,les7prochesparentspratiquentunedéchirure àleurvêtement. Cette«Keria»esteffectuéeàl’undesmomentsoùl’émotionestparticulièrement vive:aumomentdudécès,lorsdelademandedepardon,lorsquelecercueil quittelamaisonoupendantlamiseenterre(avantquelafossenesoitcomblée). Avantlakeria,lesendeuillésrécitentlabénédiction:«Bénisois‐tu,Hachem, notreDieu,Roidel’univers,Jugedevérité».Puis,setenantdebout,ilsdéchirent leurvêtementàhauteurducœur,àpartirdubordetdehautenbas,surune longueurde10cm(levêtementest,aupréalable,incisé). Lesobsèques Escorterledéfuntjusqu’àsadernièredemeure(«Levaya»)constitue unemitsvaessentielle.Lacérémoniesedérouledansunegrandesimplicité, sansfleursnicouronnes.Enarrivantdevantlestombesjuives,onrécite, sionn’estpasvenuaucimetièredansles30jours,unebénédiction. Aprèsl’oraisonfunèbreetlalecturedu«TsidoukHadin»,lecercueilest descendudanslatombetandisquelerabbinetlesassistantsrécitentlePsaume 92:«Celuiquidemeureàl’ombredutrès‐Haut». Puis,touràtour,ilslancentchacuntroispelletéesdeterreendisant:«Tues poussièreetretournesàlapoussière,lapoussièreretourneàlaterredontelle estvenue,etl’espritretourneàDieuquil’adonné». Puis,ilsrécitentlekadich«Deit’hadeta»danslequelilsproclamentleurfoi enlarésurrectiondesmortsetprientpoursonavènement.Lacérémonie s’achèveparlaconsolationdesendeuillés.Enquittantlecimetière,onselaveles mains(ilestd’usagedenepaslesessuyer). Ledeuil(«Avélout») Lesseptjours(«Chive’a») Lapériodedudeuilcommenceaussitôtaprèsl’inhumationetconcerneles enfantsdudéfunt,sesparents,sesfrèresetsœurs,etsonconjoint. C’estauxvoisinsouauxamisqu’ilincombedeservirlepremierrepas. Ilestd’usagedes’abstenirdeviandeetdevindurantles7premiersjours, delaisserbrûleruneveilleuse(symboledel’âmequiremonteversDieu). D’autresdéfensessontimposéesquivisentàextérioriserledeuil,àfavoriser lerecueillement,àsesouveniretàméditersurlesensdelavie. Unecérémoniemarquelafindes7jours. Lestrentejours(«Chelochim») Jusqu’au30èmejour,ledeuilsepoursuitselondesrèglesmoinsrigoureuses. Unefoispassésles30jours,ledeuilestlevépourleconjoint,lesparents, lesfrèresetsœursdudéfunt. Lesdouzemois LeTalmudenseignequeseullejugementdesimpiesdureuneannéeentière, celuidesjustess’achevantplustôt. Selonlatradition,l’âmedudéfuntestjugéedurantl’annéedesadisparition. Lecomportementdesafamilleestprisencomptedanscejugement. Lapierretombale(«Matséva») Ilestd’usagedeposerunepierretombale:marqued’honneuretdefidélité enversl’âmedudisparu.Ellesertégalementderepèrepouridentifierlelieude lasépulture. Lapierreestsobre,laplussimplepossible.Lesseulesinscriptionssontl’identité dudéfunt,ladatededécèset,parfois,uneépitaphe. Engénéral,l’inaugurationdelapierrecoïncideaveclepremieranniversaire dudécès. L’anniversairededeuil(«Jahrzeit») L’anniversaireestcélébréchaqueannée,enfonctiondeladatehébraïque dudécès. Unelumièrecommémorativeestalluméepour24heuresetlesprochesdudéfunt récitentlekadichàchacundestroisoffices.