Syndromes coronaires aigus et diabète : prise en charge spécifique en cardiologie au décours d’un syndrome coronarien aigu Diabète et syndromes coronariens, prise en charge thérapeutique, argumentaire, références bibliographiques Pr Bogdan Catargi Diabète et syndromes coronariens L’hyperglycémie est fréquente au moment du syndrome coronarien aigu (SCA), que le patient soit antérieurement connu comme diabétique ou non. L’hyperglycémie est un facteur pronostique indépendant de mortalité au moment de l’infarctus du myocarde en général (1) et chez le patient diabétique en particulier (2). Bien que le patient diabétique ait tiré bénéfice des techniques modernes de revascularisation, sa survie en post-infarctus reste significativement diminuée par rapport aux non-diabétiques et le pronostic des femmes diabétiques est particulièrement sombre (3). Parmi les explications possibles, le rôle délétère de la glycémie suggéré par les données d’observation est désormais mis en lumière par plusieurs études d’intervention menées chez des patients diabétiques admis en unités de soins intensifs de cardiologie (USIC) pour un infarctus du myocarde (4,5) ou au décours d’une chirurgie cardiaque (6). Alors que le syndrome métabolique et le diabète s’étendent, le nombre de ces patients à haut risque cardiovasculaire va augmenter de fait dans les USIC. Deux études récentes, dont une française, ont montré qu’environ deux tiers des patients admis dans ces unités de soin présentent au moins un trouble du métabolisme du glucose préexistant voire un diabète (7). Prise en charge du patient diabétique 1. A la phase aiguë, en USIC • • • • HAS Mesure de l’HbA1c de façon systématique, que le patient soit diabétique connu ou non. Le contrôle de la glycémie à la phase aiguë et le relais par le traitement ultérieur, doit se faire en collaboration avec un spécialiste en endocrinologiediabétologie. Si le patient est déjà traité, il convient d’arrêter les antidiabétiques oraux (metformine, sulfamides, glitazone) et mettre le patient sous insuline intraveineuse pour le contrôle rapide de la glycémie. L’utilisation d’un protocole GIK n’a pas fait la preuve de sa supériorité par rapport à l’administration d’insuline seule. La surveillance régulière de la glycémie est recommandée pour contrôler la glycémie. Les appareils de lecture doivent répondre faire l’objet de contrôles de qualité réguliers en collaboration avec le laboratoire de biologie conformément aux exigences du GBEA (guide de bonne exécution des analyses biologies médicales). 1/4 Mars 2007 • La réalisation d’un produit de contraste iodé (coronarographie) impose l’arrêt de la metformine, l’hydratation du patient et le contrôle de la fonction rénale par le dosage de la créatinine. 2. En post-infarctus, en période stable • • • • • Le relais par mullti-injections d’insuline ou par hyperglycémiants oraux est à individualiser en fonction des contre-indications et de l’état cardiaque de chaque patient. La reprise des hypoglycémiants oraux, en particulier de la metformine, doit se faire de façon collégiale en fonction de la fonction ventriculaire gauche et de la fonction rénale La recherche de microangiopathie est recommandée. L’éducation du patient à l’auto-surveillance glycémique et aux injections d’insuline est recommandée lorsqu’elle est possible. Un séjour en réadaptation cardiaque pour optimiser la reprise de l’activité physique est recommandée. Argumentaire L’HbA1c est le témoin est le témoin de l’hyperglycémie chronique. La mesure systématique de l’HbA1c permet de porter le diagnostic de diabète lors d’un SCA survenant chez un diabétique non connu si le chiffre > 6,5% (Recommandations SFC/ALFEDIAM 2004). Chez le patient diabétique traité, ce chiffre permet d’estimer l’efficacité thérapeutique antérieure à la phase aiguë et de prendre une décision thérapeutique en période stable (passage à l’insuline en cas d’objectifs non atteints avec un traitement antidiabétique oral maximal avant le SCA). Une première étude menée chez des patients diabétiques admis pour infarctus du myocarde a montré qu’une insulinothérapie intensive qui a pour but de normaliser la glycémie permet de réduire la mortalité des patients diabétiques à la phase aiguë (4). Le bénéfice initial de l’insulinothérapie, semblait se confirmer à 3,4 ans (2). Cette étude n’a cependant pas été confirmée par une deuxième très récemment publiée (5), il est vrai entachée d’erreurs méthodologiques (manque de puissance car le nombre de patients initialement prévus n’ont pas été inclus et il y a eu des violations du protocole). D’autre part et surtout, cette étude a été menée dans le contexte de la prescription systématique de molécules modernes en post infarctus (ß-bloquants, aspirine, statines IEC) qui ont diminué notablement le risque cardiovasculaire. Si cette étude confirme le rôle pronostique de la glycémie à la phase aiguë, la supériorité de l’insuline sur les antidiabétiques oraux n’a pas été confirmée en termes de morbi-mortalité que ce soit à la phase aiguë ou à 2 ans. Cependant la contre-indication de certains antidiabétiques (metformine, glitazones) ou le risque d’hypoglycémie surtout en cas d’insuffisance rénale avec d’autres (sulfamides hypoglycémiants et apparentés) rendent l’utilisation de l’insuline préférable à la phase aiguë. De plus, l’insuline à côté des possibles effets bénéfiques propres de la molécule (anti-inflammatoires et d’amélioration de la dysfonction endothéliale) permet de normaliser le plus rapidement la glycémie. L’utilisation du protocole GIK en post-infarctus n’a pas fait la preuve de sa supériorité par rapport à la normalisation de la glycémie par un protocole d’insulinothérapie seule (8). Enfin, certaines études incitent à la prudence vis-à-vis de certains sulfamides hypoglycémiants peu spécifiques des canaux potassiques ATP-dépendants pancréatiques (principalement le glibenclamide) qui pourraient compromettre le pré conditionnement ischémique. Les conséquences cliniques restent débattues (9). Il n’a pas été observé de conséquence délétère du glibenclamide dans l’étude UKPDS ni dans une étude rétrospective récente menée dans les USIC françaises (10). Dans le HAS 2/4 Mars 2007 doute, on préférera les sécrétagogues insuliniques spécifiques des récepteurs de la cellule ß pancréatiques et qui se lient peu aux récepteurs vasculaires (glicazide, natéglinide). Par contre la normalisation de la glycémie par insulinothérapie intensive au décours d’une chirurgie coronaire diminue la morbi-mortalité d’environ 50 % (6). De plus, un bon équilibre du diabète (glycémie < 2g/L) réduit le risque d’infection sternale postopératoire (11). L’adaptation de doses d’insuline à la phase aiguë doit s’appuyer sur la réalisation fréquente des glycémies capillaires. Les appareils de lecture glycémiques doivent d’une part répondre aux normes de sécurité du matériel partagé et leur exactitude doit être vérifiée régulièrement par le biologiste (en effet la glycémie capillaire est sous sa responsabilité technique, puisqu’il s’agit de biologie délocalisée). Ce contrôle qualité est indispensable pour adapter l’insulinothérapie en toute sécurité chez un patient particulièrement fragile en période aiguë. La recherche d’une microangiopathie est recommandée en période stable : fond de l’œil à la recherche de rétinopathie (la normalisation rapide de la glycémie ou une poussée tensionnelle peut aggraver une rétinopathie avancée) et recherche d’une néphropathie diabétique systématique (puisque le patient diabétique insuffisant rénal est à haut risque cardiovasculaire) par le dosage de la créatinine avec calcul de la clairance de la créatinine, et de la microalbuminurie. L’injection de produits de contraste iodés peut aggraver la fonction rénale et favoriser la survenue d’une acidose lactique chez le diabétique traité par metformine. Il faut arrêter ce traitement et veiller à la bonne hydratation du patient. Une collaboration étroite avec l’intervention d’un spécialiste du diabète au moment d’un épisode cardiaque aigu permet de diminuer de façon significative de la durée du séjour hospitalier et des ré-hospitalisations (12, 13). Références bibliographiques 1. Capes SE, Hunt D, Malmberg K, Gerstein HC 2000 Stress hyperglycaemia and increased risk of death after myocardial infarction in patients with and without diabetes: a systematic overview. Lancet 355:773-8 2. Malmberg K, Norhammar A, Wedel H, Ryden L 1999 Glycometabolic state at admission: important risk marker of mortality in conventionally treated patients with diabetes mellitus and acute myocardial infarction: long-term results from the Diabetes and Insulin-Glucose Infusion in Acute Myocardial Infarction (DIGAMI) study. Circulation 99:2626-32 3. Genes N, Vaur L, Dubroca I, Etienne S, Cambou JP, Danchin N 1998 [Prognosis after myocardial infarct in a diabetic patient: results of coronary intensive care unit epidemiological study]. Presse Med 27:1003-8 4. Malmberg K, Ryden L, Efendic S, et al. 1995 Randomized trial of insulin-glucose infusion followed by subcutaneous insulin treatment in diabetic patients with acute myocardial infarction (DIGAMI study): effects on mortality at 1 year. 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Danchin N, Charpentier G, Ledru F, et al. 2005 Role of previous treatment with sulfonylureas in diabetic patients with acute myocardial infarction: results from a nationwide French registry. Diabetes Metab Res Rev 21:143-9 11. Furnary AP, Gao G, Grunkemeier GL, et al. 2003 Continuous insulin infusion reduces mortality in patients with diabetes undergoing coronary artery bypass grafting. J Thorac Cardiovasc Surg 125:1007-21 12. Levetan CS, Salas JR, Wilets IF, Zumoff B 1995 Impact of endocrine and diabetes team consultation on hospital length of stay for patients with diabetes. Am J Med 99:22-8 13. Koproski J, Pretto Z, Poretsky L 1997 Effects of an intervention by a diabetes team in hospitalized patients with diabetes. Diabetes Care 20:1553-5 HAS 4/4 Mars 2007