chirurgie de recours Valve sans suture, une alternative pour les patients fragiles Désormais, les patients à haut risque opératoire contraints à un remplacement valvulaire aortique et souffrant de lésions coronariennes peuvent être soignés au CHU de Poitiers par le biais d’une nouvelle technique : la pose de valve sans suture. Entretien avec le professeur Pierre Corbi du service de chirurgie cardiaque. Dans quel contexte la technique de valve aortique sans suture est-elle mise en œuvre ? D’une manière générale, le remplacement des valves aortiques concerne des patients plutôt âgés dont les valves, scléreuses ou rétrécies, obstruent l’éjection ventriculaire. Le geste chirurgical classique consiste à ouvrir le sternum, arrêter le cœur, en le branchant à une machine cœur poumons artificielle, afin d’accéder à la valve malade, pour ensuite pratiquer son exérèse et la remplacer en suturant une prothèse à la place. C’est une opération qui peut nécessiter trois quarts d’heure à une heure d’arrêt cardiaque. Pour les patients à haut risque opératoire, il est apparu récemment une nouvelle technique de remplacement de la valve aortique par voie percutanée qui évite ainsi la chirurgie à cœur ouvert. Plus concrètement, on introduit la prothèse, comprimée autour d’un cathéter, dans l’artère fémorale du patient et on la remonte jusqu’à la valve aortique malade. Cette opération peut également se faire en passant par la pointe du ventricule. Ensuite, il faut franchir l’orifice valvulaire préalablement dilaté par un ballonnet pour enfin déployer la valve de remplacement montée sur un stent métallique qui écrase la valve malade. Aujourd’hui, cette technique est en cours d’évaluation dans plusieurs centres agréés en France. Elle pourrait être mise en œuvre dès l’année prochaine au CHU. Toutefois, elle n’est pas favorable dans tous les cas notamment quand les malades souffrent de lésions coronariennes, ce qui est le cas pour près de 50 % des patients. On se retrouvait alors dans une situation cornélienne : c’était aux patients les plus fragiles avec des risques opératoires les plus élevés auxquels on proposait les opérations les plus lourdes. 21 Aussi, de cette dernière technique a découlé une alternative, en quelque sorte un mix des deux méthodes : l’implantation par voie classique, c'est-à-dire à cœur ouvert, des valves sur stents que l’on déploie après avoir enlevé la valve malade. Il n’y a donc plus de suture. Mais, quel est son avantage ? Et est-ce aussi efficient dans le temps qu’une implantation avec suture ? L’intérêt porte principalement sur la réduction de la durée d’opération de près d’une demi-heure qui laisse ainsi le temps raisonnable, et compatible avec des suites opératoires correctes, d’implanter la valve et de faire à la fois les pontages qui s’imposent. En ce qui concerne la durée dans le temps des valves sans suture, nous n’avons pas encore le recul suffisant pour nous prononcer. Mais il faut bien comprendre qu’elle concerne des patients souvent âgés de plus de 70 ans. Nous ne nous engageons donc pas sur un pronostic de plus de 20 ans. Il est clair que si vous avez 60 ans sans facteur de comorbidité, le chirurgien doit vous proposer une valve avec suture dont on est certain, avec 25 ans de recul, des résultats. Combien de valves sans sutures pourraient être implantées cette année ? Pour démarrer, la commission d’innovation du CHU nous a octroyé un budget de 50 000 €, ce qui devrait représenter 6 ou 7 poses de valves sans suture. Sachant que notre activité porte chaque année sur l’implantation de 150 valves aortiques, il est évident que cette technique sera véritablement mise en œuvre pour les patients les plus à risque. ■ CHU magazine - N° 62 - Juin 2011