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Un Peuple - Un But – Une Foi
MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES
DIRECTION DE LA PREVISION ET DES
ETUDES ECONOMIQUES
Document d’Etude
Impact de l’appréciation de l’euro sur
le Sénégal et la Côte d’Ivoire
DPEE @Septembre 2007
Impact de l’appréciation
de l’euro sur le Sénégal et
la Côte d’Ivoire
Document d’Etude
Septembre 2007
2
Sommaire
Introduction........................................................................................................................................ 4
A. Cas du Sénégal........................................................................................................................... 5
A. I. Analyse du Taux de Change Effectif Réel (TCER) ..................................................... 5
A. II. Calcul du Taux de Change Effectif Réel d’Equilibre (TCERE) ............................. 7
A. III. Calcul du mésalignement du TCER : ........................................................................ 10
A. IV. Impact du TCER sur les exportations : ................................................................... 12
A. V. Résultats des simulations du modèle SIMPRES : .................................................. 14
B. I. Analyse du taux de change effectif réel ..................................................................... 15
B. II. Détermination du taux de change effectif réel d’équilibre (TCERE) ............... 17
B. III. Calcul du mésalignement du TCRE ............................................................................. 19
B. IV. Impact du TCRE sur les exportations : ...................................................................... 21
Conclusion ......................................................................................................................................... 23
Références......................................................................................................................................... 24
ANNEXES ............................................................................................................................................ 25
Annexe A : variables explicatives retenues dans le cas du Sénégal ........................................... 25
Annexe B : variables explicatives retenues dans le cas de la Côte d’Ivoire ............................... 26
3
Introduction
Le dynamisme et l’ouverture de l’économie chinoise conjugués à la très forte
progression du budget de la défense américaine ont contribué à creuser les déficits
budgétaires et extérieurs courants de ce pays au cours de ces dernières années. En
conséquence, la valeur du dollar américain n’a cessé de se déprécier vis-à-vis des
monnaies des principaux partenaires commerciaux des Etats Unis, notamment l’Asie
et l’Union européenne. Le Franc CFA, arrimé à l’euro s’est apprécié affectant ainsi la
compétitivité des économies de la zone par rapport aux autres pays.
Nous nous proposons de mesurer, l’effet de cette appréciation de l’euro vis-àvis du dollar américain sur les exportations sénégalaises. Pour cela, nous utiliserons
le taux de change effectif réel mesuré par les prix à la consommation comme
indicateur de compétitivité.
La première partie du travail consiste à analyser le taux de change effectif réel
à partir duquel sera estimé celui d’équilibre. Ce dernier est utilisé pour évaluer
l’éventuel désalignement de la monnaie nationale (surévaluation ou sous-évaluation).
L’impact d’un désalignement de la monnaie sur les exportations sénégalaises est par
la suite examiné. L’étude est enrichie par les résultats des simulations du modèle
SIMPRES. La seconde partie est consacrée à une analyse comparative avec la Côte
d’Ivoire. Pour cela, le taux de change effectif réel d’équilibre, le mésalignement ainsi
que son impact sur les exportations ivoiriennes sont évalués comparativement au
Sénégal.
4
A. Cas du Sénégal
A. I. Analyse du Taux de Change Effectif Réel (TCER)
Le Taux de Change Effectif Réel (TCER) est calculé à partir des prix à la
consommation du Sénégal ou des coûts unitaires de production notamment le coût
du travail.
Au Sénégal, le TCER est calculé à partir des prix à la consommation et en
prenant comme année de base l’année 1996.
Il ressort de cet indicateur que des gains de compétitivité de 32,1% ont été
enregistrés au lendemain de la dévaluation de 50% du Franc CFA en 1994. Entre
1994 et 2006, des gains de compétitivité de 4,2% sont enregistrés grâce au
différentiel d’inflation par rapport aux principaux partenaires, favorable. Au total, les
gains de compétitivité cumulés sont estimés à 36,3%.
Toutefois, une mise à jour de l’année base conduit à des résultats différents.
Avec l’année 2000 comme année de base, il ressort que :
•
la dévaluation de 1994 a engendré des gains de compétitivité de 35%.
Cependant, entre 1994 et 2005, l’économie a enregistré des pertes de
compétitivité de 3,1% suivant les calculs de la DPEE contre des pertes de
5% suivant ceux du FMI (cf document de travail du FMI publié en janvier
20071). Par rapport à 2006, les pertes enregistrées sont évaluées à près
de 3,6%. Au total,
32,7% des gains issus de la dévaluation sont
préservés à fin 2006.
La divergence des résultats issus du choix des deux années de base (1996 et
2000) a conduit à examiner le comportement du TCER suivant l’année de base 2005.
En prenant 2005 comme année de base, les résultats suivants sont obtenus :
•
les gains de compétitivité issus de la dévaluation de 1994 sont estimés à
31,9%. De 1994 à 2006, l’économie a enregistré des pertes de
compétitivité de 1,7%. Au total, 30,7% des gains issus de la dévaluation
sont préservés à fin 2006.
Au total, il apparaît que les résultats sont sensibles au choix de l’année de base
et qu’ils sont convergents pour les années de base 2000 et 2005. Ainsi, une partie
1
Fonds Monétaire International, Questions générales sur l’économie sénégalaise, Reza Vaez-zadeh, Taline
Koranchelian, Magnus Saxegaard, janvier 2007.
5
des gains issus de la dévaluation a été perdue en raison de l’appréciation de la
monnaie par rapport à celle des pays partenaires.
Ces changements traduisent les modifications de la structure des échanges
commerciaux du Sénégal au cours du temps avec l’amélioration des échanges avec
l’UEMOA et les autres pays africains au détriment de l’Union européenne qui a vu sa
part dans les échanges extérieurs du Sénégal passer de 51,1% à 44,4% entre 1996
et 2005. Les échanges avec l’UEMOA et les autres pays africains sont passés
respectivement de 8,5% à 11,1% et de 11,2% à 16,1% entre les mêmes périodes.
Aussi, dans toute la suite du travail l’année de base 2005 sera utilisée.
6
A. II. Calcul du Taux de Change Effectif Réel d’Equilibre
(TCERE)
Le Taux de Change Effectif Réel d’Equilibre est celui qui permet de réaliser
l’équilibre intérieur et extérieur de l’économie.
Pour
l’évaluer,
nous
régressons
le
TCER
suivant
ses
déterminants
fondamentaux.
 PIBech

 px 


L
A
D




ech
log ( Et ) = a0 + a1 log   +a2 log 
 +a3 log 
 + a4 log  PIB
 +ε t
 PIB t
 PIB t
nech
 pm t

Lnech t

εt représente le terme d’erreur ;
Avec E le Taux de Change Effectif Réel (TCER). Le TCER est côté à l’incertain
donc une baisse (resp. une hausse) de son niveau traduit une appréciation (resp.
une dépréciation) réelle de la monnaie.
•
px
désigne les termes de l’échange.
pm
Une augmentation des termes de l’échange devrait entraîner une appréciation
du TCER dans la mesure où elle améliore la balance commerciale. Le coefficient devrait donc être négatif.
•
A
est le niveau d’absorption rapporté au PIB.
PIB
Il est supposé qu’un niveau d’absorption élevé est un indicateur de surchauffe
de l’économie entraînant une hausse des prix intérieurs relativement aux prix des
pays partenaires ; ce qui conduit à une appréciation du TCER. Ainsi devrait être
négatif.
•
D
représente les entrées nettes de capitaux (variation des avoirs
PIB
extérieurs nets moins le solde de la balance commerciale) rapporté au
PIB.
Des entrées de capitaux plus abondantes impliquent un relèvement de la
demande globale. Elles conduisent ainsi à un relèvement des prix intérieurs et donc à
une appréciation du TCER. Le signe attendu de est négatif.
7
(1)
PIBech
•
et enfin
PIBnech
Lech
représente le rapport entre les productivités du travail
Lnech
des secteurs échangeables et non échangeables avec Li i = ech, nech , le
nombre de travailleurs pour chaque secteur.
Il est supposé que le secteur non échangeable est constitué des branches de
l’énergie et des BTP tandis que le secteur échangeable regroupe l’ensemble des
autres branches.
Une augmentation de la productivité dans le secteur échangeable par rapport
au secteur non échangeable est censée réduire l’offre de biens non échangeables
étant donné qu’il entraînera, un déplacement de la main-d’œuvre vers le secteur
échangeable et par conséquent une augmentation de l’offre de biens échangeables.
Il s’ensuit une augmentation des exportations et une diminution des importations ;
donc une appréciation du TCER. De ce fait, le signe attendu de est négatif.
Les estimations2 sont réalisées par la méthode des moindres carrés ordinaires
(MCO). Les données proviennent des comptes nationaux de l’Agence Nationale de la
Statistique et de la Démographie (ANSD). La période d’estimation s’étend de 1980 à
2005.
Les résultats sont les suivants :
 PIBech

 px 

Lech 
 A 
 D 
log ( Et ) = −5.70−1.40 log   − 2.44 log 
 − 0.36 log 
 −1.09 log 

( −19.20) ( −5.12)
 pm t ( −2.33)  PIB t ( −3.69)  PIB t ( −6.31)  PIBnech
Lnech t

R 2 = 0.77
2
Les tests de racine unitaire et de cointégration sont réalisés préalablement à l’estimation. Ces derniers ont
révélé que toutes les variables du modèle sont intégrées d’ordre1 et que l’hypothèse d’existence d’une relation
de cointégration ne peut être rejetée.
8
(1′)
Les valeurs entre parenthèses représentent les t de Student des coefficients
estimés.
La valeur du coefficient de détermination ajusté, montre bien que l’ensemble
des variables explicatives du modèle ainsi spécifié ont une influence sur la variable
dépendante3 et que les signes des coefficients estimés sont ceux attendus
conformément à la théorie économique.
Il apparaît que tous les coefficients estimés sont significatifs à 5%.
Le taux de change réel d’équilibre de long terme est obtenu en remplaçant les
variables fondamentales du côté droit de l’équation précédente par leurs valeurs
d’équilibres de longue période ou tendance de long terme. Pour estimer ces valeurs,
la plupart des auteurs choisissent de remplacer les fondamentaux par des moyennes
mobiles centrées sur plusieurs années ou en faisant appel à une méthode de filtrage
afin d’extraire la composante permanente. C’est cette seconde méthode que nous
allons mettre en œuvre, en utilisant le filtre d’Hodrick-Prescott avec un paramètre de
lissage lamda équivalent à 4004.
La valeur d’équilibre de long terme du TCER sera notée ici « E équilibre ».
3
La variable du degré d’ouverture (le ratio de la somme des exportations et importations sur le PIB) se
révélant stationnaire ne pourrait faire partie des variables explicatives pour des raisons d’inférence statistique.
D’autres variables explicatives telles que le crédit intérieur et l’investissement rapporté au PIB n’ont pas été
probantes en terme de significativité.
4
En réalité, trois valeurs du paramètre de lissage sont utilisées : 30, 100 et 400. Les résultats sont quasiment
les même en dehors du fait que la valeur 400 ressort mieux les fluctuations des variable quant on sait que les
pays en développement subissent régulièrement des chocs exogènes dont l’ampleur se lit à travers des cycles
courts et très volatiles.
9
A. III. Calcul du mésalignement du TCER :
Le mésalignement du taux de change effectif réel par rapport à sa position
d’équilibre est évalué par son écart au taux d’équilibre calculé ci-dessus (« E équilibre »).
Il se note :
Etéquilibre − Et
MISt =
Et
( 2)
Un signe positif sera synonyme de surévaluation du taux de change réel
courant et un signe négatif de sous - évaluation.
Le degré de mésalignement du taux de change réel peut être résumé à l’aide
du graphique suivant :
Graphique 1 : Evolution du degré de mésalignement
.3
surévaluation
.2
.1
.0
-.1
-.2
sous-évaluation
-.3
80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04
MIS_2005
Note : cette évolution du mésalignement est
comparée à la valeur zéro. Lorsque la courbe
se situe au-dessus de Zéro ont dit que le
TCER est surévalué, dans le cas contraire ont
dit qu’il est sous-évalué.
La représentation graphique du mésalignement révèle que sur toute la période
d’estimation le TCER s’est écarté de son niveau d’équilibre. La surévaluation
correspond à deux sous-périodes. Le première sous-période s’étend du milieu des
années quatre vingt à la veille de l’année de la dévaluation. La deuxième souspériode commence à partir de l’année 2002 jusqu’en 2005.
10
Ainsi on peut aisément remarquer que la dévaluation du FCFA de 1994 a été
suffisamment forte pour entraîner une sous-évaluation du TCER. Cependant, étant
donné l’évolution des conditions économiques internes et externes, les gains de
compétitivité-prix engendrés par la dévaluation se sont effrités au fil des années pour
finalement s’annuler en 2002. Depuis cette année le TCER est resté surévalué. Ainsi,
le taux de change est sur évalué respectivement de 3% en 2002, 11% en 2003,
13,8% en 2004 et 9,2% en 2005, soit une moyenne annuelle de 9,3%.
La persistance du mésalignement, désignant le temps nécessaire pour qu’un
choc unitaire sur le taux de change réel se dissipe à moitié, est appréciée par
l’indicateur h défini par :
h=−
Où ρ
ln ( 2 )
ln ( ρ )
( 3)
désigne le coefficient autorégressif d’ordre un de la variable du
méslignement (voir Mark 2001)5.
Elle est évaluée à un peu plus de 4 ans, ce qui signifie que l’ajustement suite à
un choc s’effectue à plus de 10% par an.
5
Rogoff (1996) estime la demi-vie entre trois et cinq ans pour les pays développés tandis que Lopez et al.
(2003) la fixe entre 12 et 16 ans pour ce qui est des pays en voie de développement. Une récente étude sur le
Maroc (Bouoiyour et al. 2004) a montré que la demi-vie est de 33.04 trimestres soit un peu plus de 8 ans.
11
A. IV. Impact du TCER sur les exportations :
Dans le but d’analyser l’impact du TCER sur les exportations du Sénégal, l’étude
se propose de spécifier une fonction d’exportation où les indicateurs de la variabilité
du TCER sont considérés comme des variables exogènes. La fonction d’exportation
est spécifiée comme suit :
log ( X t ) = α 0 + α1VOLt + α 2 MISt + α 3 log ( PIBt ) + µt
( 4)
Où X représente les exportations totales ;
MIS le degré de mésalignement du TCER et PIB le produit intérieur brut en
volume. VOL désigne la volatilité du TCER6. Cet indicateur est utilisé en lieu et place
du TCER.
Il convient de préciser que les variables captant la demande mondiale adressée
au Sénégal (les PIB de l’Union Européenne, de l’UEMOA et de l’Inde) ont été
initialement sélectionnées comme pouvant expliquer les exportations. Néanmoins les
résultats auxquels elles ont abouti ne se sont pas révélés satisfaisants tant par le
signe attendu que par la significativité.
Il est attendu que soit négatif en raison du fait que la volatilité du TCER
accroit les risque de change et décourage les transactions internationales.
La
surévaluation du TCER décourage également les exportations à la mesure des pertes
de compétitivité prix qu’elle aura engendré. Enfin le PIB capture les capacités d’offre
du Sénégal quant on sait que pour un pays qui n’a pas encore atteint un certain
niveau de développement, les exportations sont largement tributaires de son volume
de production.
6
D’une manière générale, la volatilité du TCER est mesurée par son écart-type lorsque les données
sont infra annuelles. Cependant, à défaut, l’étude se propose de calculer la volatilité du TCER, pour
une année t, comme l’écart-type des données annuelles sur un intervalle de cinq années, l’année t
constituant le centre de l’intervalle. Formellement, la volatilité se mesure comme suit :
2
VOLt =
1 t +2
∑ ( Ei − E ) avec E le TCER et sa moyenne sur l’intervalle de temps considéré.
5 i =t − 2
12
Les résultats des estimations sont les suivants :
log ( X t ) = −9.224 −0.002 VOLt −0.357 MISt +1.359 log ( PIBt )
( −9.10 )
( −2.01)
( −5.11)
( 29.54 )
( 4′ )
R 2 = 0.97
Les valeurs entre parenthèses représentent les t de Student des coefficients
estimés. Les résultats corroborent les prédictions sur les signes attendus de
coefficients lesquels sont, de surcroît, tous significatifs. Ainsi, la volatilité et, plus
encore, la surévaluation du TCER affectent négativement les exportations. Le
mésalignement observé depuis 2002 a entraîné des baisses de volume d’exportations
respectives de 1,1% en 2002, 3,9% en 2003, 4,8% en 2004 et 3,2% en 2005 ; soit
une baisse moyenne annuelle de 3,2%.
D’où l’intérêt d’envisager des politiques économiques visant, à court terme, à la
stabilisation des fluctuations du TCER et, à long terme, au retour du TCER vers son
niveau d’équilibre.
A cet égard, à court terme, il conviendrait de maîtriser les dépenses publiques
et consolider la stabilité des prix.
A moyen et long terme, il conviendrait de pallier les problèmes structurels qui
influent sur le taux de change d’équilibre. Ainsi, la productivité des entreprises et le
climat des affaires devraient être améliorés, le coût du travail réduit, et les
exportations diversifiées.
Par ailleurs, les estimations ont révélé que les exportations sont en majeure
partie expliquées par les capacités d’offre du pays. En effet, le coefficient associé au
PIB est positif et largement supérieur, en valeur absolue, aux coefficients des autres
variables et à l’unité. En conséquence, les exportations sont plus sensibles au PIB,
traduisant ainsi une sous utilisation des capacités de production. Ainsi, une hausse
de 1% du PIB se traduit par une augmentation des exportations de 1,36%.
13
A. V. Résultats des simulations du modèle SIMPRES :
A partir du modèle SIMPRES, des simulations ont été effectuées sur sept ans,
en termes d’appréciation de 7,7% de l’euro par rapport au dollar, correspondant à la
hausse moyenne annuelle de l’euro de 2002 à 2005.
Les simulations indiquent qu’à court terme, les exportations baissent de 0,3%
tandis que les importations augmentent de 0,05%. Au bout de sept ans, les
exportations baissent de 0,5% et les importations progressent de 7,6%.
Tableau 1: Impact d'une hausse de 7,7% de l'euro sur les échanges extrieurs
Années Année 1
Année 2
Année 3
Année 4
Année 5
Année 6
Année 7
CUMUL
IMPORTATIONS
0,05
-1,26
0,65
1,55
1,47
1,68
3,44
7,6
EXPORTATIONS
-0,26
-0,32
-0,24
-0,22
0,08
0,08
0,38
-0,5
14
B. I. Analyse du taux de change effectif réel
Compte tenu du degré d’ouverture de la Côte d’Ivoire et du Sénégal et de leurs
poids respectifs au sein de la zone UEMOA (35 et 19%), le suivi de la compétitivité
économique devient primordial surtout dans un contexte marqué par l’appréciation
du Franc CFA par rapport au dollar.
Nous nous proposons de mesurer l’effet de cette appréciation de l’euro vis-à-vis
du dollar américain sur les exportations ivoiriennes et de faire la comparaison avec
les résultats trouvés dans le cas du Sénégal.
L’évolution du TCER de la Côte d’Ivoire calculé par le FMI à partir des prix à la
consommation et en prenant l’année 2000 comme année de base présente des
similitudes avec celle du Sénégal. L’examen de ce TCER, au cours de la période
1980-2005 et en comparaison avec celui du Sénégal, permet de distinguer trois
tendances distinctes (voir graphique 1) :
une dépréciation du TCER se traduisant par des gains de compétitivité
de 7,6% pour la Côte d’Ivoire et 3,5% pour le Sénégal sur la période
1980-1984, marquée par une inflation moins élevée en Côte d’Ivoire
(+6,6%) qu’au Sénégal (+11,7%) sur cette période ;
une appréciation du TCER se traduisant par des pertes de compétitivité
de 3,2% pour l’économie ivoirienne et de 4,0% pour celle sénégalaise
sur la période 1985-1993 où l’inflation était plus élevée en Côte d’Ivoire
(+3,4%) qu’au Sénégal (+1,6%). Toutefois, entre 1988 et 1993, les
économies ivoirienne et sénégalaise ont enregistré respectivement des
gains de compétitivité de 0,5% et 3,0% ;
une reprise de l’appréciation du TCER entre 1995 et 2005 après la
dévaluation de 50% du Franc CFA en 1994 se traduisant par des pertes
de compétitivité de 13,8% de l’économie ivoirienne et de 3,1% pour
celle sénégalaise. Le taux d’inflation s’est située en moyenne à 4,1% en
Côte d’Ivoire contre 2,1% pour le Sénégal sur toute la période.
15
Globalement, au lendemain de la dévaluation de 50% du Franc CFA en 1994,
l’économie ivoirienne a enregistré des gains de compétitivité de 38,5%. Pour le
Sénégal, ces gains de compétitivité étaient évalués à 35%. Entre 1994 et 2005,
l’économie ivoirienne a enregistré des pertes de compétitivité de 19% alors que celle
sénégalaise a affiché des pertes de 2%. Ainsi, 19,5% des gains issus de la
dévaluation sont préservés à fin 2005 pour la Côte d’Ivoire et 33% pour le Sénégal.
Graphique 1 : Evolution des TCER du Sénégal et de la Côte d’Ivoire
200,00
180,00
160,00
140,00
120,00
100,00
80,00
60,00
40,00
20,00
0,00
1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004
TCER_ci_2000
TCER_sn_2000
Source : DPEE et IFS 2007(FMI)
16
B. II.
Détermination du taux de change effectif réel d’équilibre
(TCERE)
L’analyse de l’évolution du taux de change effectif réel ainsi que son mésalignement
est étendue pour le cas de la Côte d’Ivoire. L’intérêt étant d’apprécier le
désalignement du Franc CFA par rapport au dollar au sein de l’UEMOA par l’analyse
de la situation de la Côte d’Ivoire après celle du Sénégal7.
Comme pour le cas du Sénégal, la méthodologie de détermination du taux de change
effectif réel d’équilibre (TCERE) est guidée par l’approche du taux de change
d’équilibre fondamental (TCEF) qui consiste à déterminer le TCERE à travers les
fondamentaux de l’économie. Cependant ces variables fondamentales expliquant les
fluctuations du TCER ne sont pas nécessairement les mêmes pour les deux pays. Des
tests statistiques enrichis d’une analyse économique ont été effectués pour
sélectionner les principales variables responsables des fluctuations du TCER. Ces
variables sont :
Les termes de l’échange (TOT) dont une augmentation devrait entraîner une
appréciation du TCER ;
Les dépenses de consommation de l’Etat rapportées au PIB (G) qui devraient
entrainer une augmentation de la demande intérieure et donc une appréciation du
TCER.
Le degré d’ouverture(OPEN) mesuré par le rapport entre la somme des
exportations et des importations et le PIB. Il est supposé qu’une limitation du degré
d’ouverture provoque une baisse du prix relatif des biens échangeables par rapport
aux biens non-échangeables, ce qui conduit à une appréciation du TCER. Toutefois,
les expériences empiriques ont montré que le signe attendu reste ambigu du fait qu’il
dépend de l’évolution (amélioration ou détérioration) du solde commercial.
7
La part du PIB nominal de la Côte d’Ivoire dans celui de l’UEMOA est de 35 % et celle du Sénégal est de 19%.
17
La dette extérieure (DETEXT) qui en augmentant exerce une pression sur la
demande des bien échangeable et non-échangeables et par conséquent un
relèvement des prix des biens non-échangeables, d’où une appréciation du TCER.
L’équation ainsi obtenue est la suivante :
log( E t ) = α 1 log( TOT t −1 ) + α 2 log( G t ) + α 3 log( OPEN t ) + α 4 log( DETEXT
t −1
) + ε t (1)
Où E est le TCER évalué à l’incertain.
Les tests de racine unitaire et de cointégration ne pouvant rejeter l’hypothèse
d’existence d’une relation de long terme, l’estimation du vecteur de cointégration est
réalisée par la méthode des moindres carrés ordinaires. Les données proviennent des
bases de données de la Banque mondiale (World Development Indicators, 2006) et
du Fonds Monétaire International (International Financial Statistics, 2007).
Les résultats sont les suivants :
log( E t ) = − 0 .27 log( TOT t −1 ) − 0 .33 log( G t ) − 0 .08 log( OPEN t ) − 0 .44 log( DETEXT t −1 ) (1′ )
( −1.94 )
( − 2.28 )
( − 2 .40 )
(− 2 .96 )
R 0,76
Les valeurs entre parenthèses représentent les t de Student des coefficients estimés.
La valeur du coefficient de détermination ajusté montre bien que l’ensemble des
variables explicatives du modèle ainsi spécifié ont une influence sur la variable
dépendante. Les signes des coefficients des variables explicatives, excepté le degré
d’ouverture pour lequel l’effet inverse est obtenu, sont ceux attendus. Pour ce qui est
de l’ouverture, les travaux empiriques ont montré que le signe du coefficient qui lui
est associé est ambigu dans la mesure où la réaction du taux de change réel
d’équilibre dépend l’évolution du compte courant (détérioration ou amélioration).
18
B. III. Calcul du mésalignement du TCRE
Comme pour le cas du Sénégal, la détermination du mésalignement passe avant
tout par le calcul du taux de change effectif réel d’équilibre TCERE qui consiste à
remplacer les variables fondamentales du côté droit de l’équation (1) par leurs
valeurs d’équilibres de longue période autrement dit les valeurs pour lesquelles les
variables fondamentales sont jugées soutenables. L’extraction de la composante de
long terme des variables fondamentales est rendue possible par l’utilisation du filtre
Hodrick-Prescott avec un paramètre de lissage lamda équivalant à 400.
La valeur d’équilibre de long terme du TCRE sera notée ici «E é ».
Le mésalignement quant à lui sera évalué à l’aide de l’expression suivante :
é ! "#$
%
(2)
Un signe positif sera synonyme de surévaluation du taux de change réel courant et
un signe négatif de sous - évaluation.
Graphique 2 : Mésalignement du TCER de la Côte d’Ivoire
Graphique 3 : Comparaison des degrés de
Mésalignement des TCER du Sénégal et de la Côte
d’Ivoire
.3
.3
.2
Surévaluation
.1
.2
.1
.0
.0
-.1
-.1
-.2
Sous-évaluation
-.2
-.3
-.3
-.4
80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04
-.4
80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04
MIS_CIV
MIS_CIV
MIS_SEN
MIS_SEN_CIV
La représentation graphique du mésalignement révèle que le TCER s’écarte de
son niveau d’équilibre. Sur toute la période, la surévaluation correspond nettement à
19
deux sous-périodes (1985-1993,2003-2005). Cette reprise de la surévaluation semble
être plus marquée au Sénégal qu’en Côte d’Ivoire.
L’évolution des mésalignements de la Côte d’Ivoire et du Sénégal
est
représentée par les graphiques 2 et 3. Ces graphiques révèlent des ressemblances
dans les phases de dépréciation et d’appréciation des TCER des deux pays.
Cependant, si le TCER du Sénégal a connu, avant l’année 1994, deux phases
distinctes de sous-évaluation et de surévaluation, celui la Côte d’Ivoire a été
quasiment surévalué durant cette période.
Il est possible d’expliquer cette
surévaluation plus accentuée en Côte d’Ivoire par, d’une part, le fait que l’économie
ivoirienne enregistre des excédents commerciaux importants entraînant une
appréciation de son TCER et, d’autre part, par les pressions inflationnistes qui sont
plus marquées en Côte d’Ivoire qu’au Sénégal.
La dévaluation du FCFA intervenue en 1994 a eu un impact fort - et dans le sens
attendu – sur les TCER des deux économies, mais celui-ci est plus prononcé en Côte
d’Ivoire qu’au Sénégal. Les ajustements qui se sont opérés depuis lors, par les forces
du marché, ont ramené les TCER vers leur niveau d’équilibre puis à un état de
surévaluation au cours des années 2000. Notons que les ajustements ont été plus
rapides au Sénégal dont le TCER a retrouvé son niveau d’équilibre en 2002 c'est-àdire deux années avant que le TCER de la Côte d’Ivoire n’atteigne le sien. En effet, la
persistance du mésalignement a été calculée via l’indicateur « demi-vie (half-life) »
qui permet de déterminer le temps nécessaire pour qu’un choc unitaire affectant le
TCER voit son impact se dissiper à moitié. Elle est estimée à 5,7 ans, alors qu’elle est
de 4 ans pour l’économie sénégalaise.
Par ailleurs, sous l’hypothèse que les mésalignements observés en 2005 se
maintiennent en 2006 et 2007, l’on est amené à penser que de nos jours la
surévaluation concerne davantage le Sénégal que la Côte d’Ivoire. Par conséquent,
s’il est permis de considérer que, dans l’UEMOA, les deux plus grandes économies
(représentant 54% du PIB de l’Union) en constituent un échantillon représentatif,
alors le niveau du TCER de l’Union, quoique surévalué, se trouverait dans des
proportions acceptables.
20
B. IV. Impact du TCRE sur les exportations :
Dans le but d’analyser l’impact du TCRE sur les exportations de la Côte d’Ivoire,
l’étude se propose de spécifier une fonction d’exportation où les indicateurs de la
variabilité du TCRE sont considérés comme des variables exogènes. La fonction
d’exportation est spécifiée comme suit :
log(EXPORt ) = α 0 + α 1VOLt + α 2 MIS t + α 3 log(PIB _ UEt ) + α 3 log(PIB _ UEMOAt ) + µ t
(3)
Où EXPOR représente les exportations totales ;
VOL désigne la volatilité du TCER. ;
MIS le degré de désalignement du TCER ;
PIB_UE le produit intérieur brut en volume de l’Union Européenne ;
PIB_UEMOA le produit intérieur brut en volume de l’UEMOA.
Il est attendu que α soit négatif en raison du fait que la volatilité du TCRE accroit les
risque de change et décourage les transactions internationales. La surévaluation du
TCRE décourage également les exportations à la mesure des pertes de compétitivité
prix qu’elle aura engendré. Les résultats des estimations sont les suivants :
ln( EXPORt ) = 17.66 −0.92 ln(VOLt ) −1.15ln( MISt ) −2.47 ln( PIB _ UEt ) +2.94 ln( PIB _ UEMOAt )
(1.87 )
( −2.78 )
( −6.90 )
( −4.60 )
(8.51)
R 0,97
Les valeurs entre parenthèses représentent les t de Student des coefficients
estimés. Les résultats corroborent les prédictions sur les signes attendus des
coefficients, sauf pour le PIB de l’Union Européenne, lesquels sont, de surcroît, tous
significatifs. Ainsi, la volatilité et, plus encore, la surévaluation du TCRE affectent
négativement les exportations. L’élasticité des exportations par rapport au
mésalignement est supérieure à l’unité, d’où l’intérêt d’envisager des politiques
économiques visant, à court terme, la stabilisation des fluctuations du TCRE et, à
long terme, le retour du TCRE vers son niveau d’équilibre.
21
( 3′ )
En Côte d’Ivoire, les exportations semblent être plus affectées par l’activité
économique des pays partenaires (l’Union Européenne et l’UEMOA) ; en effet, force
est de constater que lorsque la sous-région connait un dynamisme, le commerce
extérieur ivoirien est boosté, alors qu’une évolution contra-cyclique vis-à-vis de l’UE
est enregistrée. De surcroit, les exportations ivoiriennes sont plus sensibles au
mésalignement et à la volatilité de TCER que celles du Sénégal.
En effet, une hausse de 1% du PIB de l’Union Européenne se traduit par une
baisse de 2,5% des exportations de la Côte d’Ivoire. Par contre, une hausse de 1%
du PIB de l’UEMOA induit une hausse de 3% des exportations ivoiriennes.
Au total, les exportations ivoiriennes sont sensibles à la fois au mésalignement
du taux de change et à la situation économique des pays partenaires. Les pertes
d’exportation liées au mésalignement sont estimées à 1,4% en 2004 et 5,2% en
2005.
22
Conclusion
Ce travail a permis de faire l’analyse de l’appréciation de l’Euro sur les deux
grandes économies de l’UEMOA. Il en résulte, en effet, deux conclusions ; d’une
part, la surévaluation est plus accentuée au Sénégal qu’en Côte d’Ivoire et le niveau
du TCER de l’Union
reste dans des proportions raisonnables. D’autre part, les
exportations ivoiriennes sont sensibles à la fois au mésalignement du taux de change
et à la situation économique des pays partenaires, les pertes d’exportation liées au
mésalignement étant estimées à 1,4% en 2004 et 5,2% en 2005.
23
Références
Bouoiyour J., Marimoutou V. et Rey S. (2004). ). “ Taux de change réel d’équilibre et
politique de change au Maroc : une approche non paramétrique”, Économie
internationale, n° 97, p. 81-104.
Lopez, C., Murray, C. J., Papell, D. H.,(2003) ” State of the art unit root tand The PPP
puzzle”,Working paper, University of Houston.
Mark, N.C.,(2001)
publishers.
“International
Macroeconomics and Finance”, Blackwell
Rogoff, K., (1996). “The purchasing power parity puzzle”, Journal of Economic
Literature 34, 647-68.
Saxegaard, M. (2007) “Compétitivité des exportations et taux de change au
Sénégal », FMI.
24
ANNEXES
Annexe A : variables explicatives retenues dans le cas du Sénégal
Evolution des termes de l’échange
Evolution de la Productivité du travail des secteurs
échangeables et non échangeables
1.2
1.1
.65
1.0
.60
0.9
.55
.50
0.8
.45
0.7
80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04
.40
.35
80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04
Evolution du niveau d’absorption du PIB
Evolution de la Dette extérieure
1.36
.18
1.32
.16
1.28
.14
1.24
.12
1.20
.10
1.16
.08
1.12
80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04
.06
80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04
25
Annexe B : variables explicatives retenues dans le cas de la Côte d’Ivoire
Evolution des Dépenses Publiques (G)
Evolution de la dette extérieure (DETEXT)
.19
2.4
.18
2.0
.17
.16
1.6
.15
.14
1.2
.13
.12
0.8
.11
0.4
.10
80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04
Evolution du Degré d’Ouverture (OPEN)
80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04
Evolution des termes de l’échange (TOT)
9000
1.4
8000
1.3
1.2
7000
1.1
6000
1.0
5000
0.9
4000
0.8
3000
0.7
2000
0.6
80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04
26
80 82 84 86 88 90 92 94 96 98 00 02 04
Gain ou Perte d'exportations en
niveau et en pourcentage
30
20
10
0
1999
2000
2001
-10
27
2002
2003
2004
2005
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