Les vessies neurologiques cours FMS

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Faculté de Médecine de Sousse
Urologie
Les vessies neurologiques
Dr Mehdi Jaidane
I- Introduction :
Les vessies neurologiques rentrent dans le cadre plus général des dysfonctionnements
vesico-sphinctériens d’origine neurologique (DVSN). La vessie est un organe musculaire
lisse sous contrôle volontaire. Le fonctionnement vésical normal implique une interaction des
systèmes nerveux somatiques et végétatifs. Toute atteinte de la commande nerveuse à
n’importe quel niveau peut entraîner une vessie neurologique.
II- Anatomie et neurophysiologie du bas appareil urinaire :
Le bas appareil urinaire est une unité fonctionnelle intégrée qui est constituée de différents
éléments : la vessie, les sphincters lisses et striés et la jonction urétéro-vésicale.
Le rôle de la vessie est de stocker les urines à basse pression et de se contracter lors de la
miction pour se vider complètement et sans reflux vers le haut appareil.
Les sphincters internes et externes contrôlent le flux des urines et assurent la continence
entre les mictions.
Le fonctionnement normal de l’unité implique le stockage d’un volume adéquat d’urine sans
fuites ni reflux et une vidange volontaire et complète, à basse pression.
Le contrôle nerveux de la miction est assuré par différents centres. On distingue de haut en
bas :
- Un centre de la miction au niveau du lobe frontal :
Il assure un contrôle volontaire sur les centres spinaux. Il exerce un signal inhibiteur quasi
permanent.
- Un centre de la miction au niveau de la zone du pont : Pontine micturion center (PMC) :
Il assure la coordination et donc la synergie entre le détrusor et les sphincters. Il exerce
également un signal stimulant la miction (avec contraction du détrusor et relaxation des
sphincters.
- Un centre spinal thoracique : situé au niveau de T10-L2 :
De ce centre sortent des fibres sympathiques qui rejoignent la vessie à travers les nerfs
hypogastriques. Ces fibres entraînent une inhibition du détrusor (β) et une contraction du
sphincter lisse (α)
- Un centre spinal sacré : situé au niveau de S2-S4 :
Il s’agit en fait de deux centres distincts à ce niveau qui assurent une innervation
parasympathique et somatique du bas appareil urinaire. Les fibres parasympathiques
rejoignent la vessie à travers les nerfs pelviens et assurent la contraction de la vessie et le
relâchement du sphincter lisse. Les fibres somatiques rejoignent le sphincter externe strié à
travers les nerfs honteux et assurent la contraction de ce sphincter.
Le système sympathique intervient pendant la phase de remplissage de la vessie. Il entraîne
la relaxation du détrusor permettant le remplissage vésical sans augmentation de pression. Il
entraîne également la contraction du sphincter interne lisse ce qui assure la continence. Il
exerce enfin un effet inhibiteur sur le système parasympathique.
Le système parasympathique intervient lui pendant la phase de miction. Il entraîne une
suppression de l’influx sympathique, la contraction du détrusor et le relâchement du
sphincter externe à travers l’inhibition de l’influx somatique.
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Il existe un arc réflexe spinal de la miction. Le remplissage vésical entraîne une stimulation
des récepteurs au niveau de la paroi et donc un influx au niveau des fibres afférentes
sensitives. Celles-ci rejoignent les centres spinaux et au delà d’un certain degré de
remplissage entraînent la stimulation du système parasympathique et la miction.
Ces centres spinaux subissent l’influence modulatrice des centres supraspinaux. Le centre
pontin (PMC) stimule la miction et surtout assure la coordination (la synergie) entre le
détrusor et les sphincters. Il est affecté par les émotions. Le centre frontal lui exerce un effet
inhibiteur permanent sur la miction qui n’est levé que lorsque les conditions extérieures
permettent la miction (Figure 1).
Tout repose donc sur une balance constante entre des centres supra-spinaux modulateurs,
des centres spinaux et l’unité fonctionnelle constituée par le bas appareil urinaire.
En fonction du type (complet ou incomplet) et du niveau de l’atteinte, différents tableaux de
vessies neurologiques sont décrits et seront détaillés dans la section III.
On distingue surtout et de façon simplifiée les vessies périphériques (hypoactives, en rapport
avec des lésions des voies périphériques) et les vessies centrales (hyperactives, en rapport
avec des lésions des centres nerveux). Il existe souvent des troubles sphinctériens
associées comme par exemple la dyssynergie vésico-sphinctérienne. Il s’agit d’une
contraction paradoxale du sphincter strié lors de la contraction du détrusor et qui constitue
un obstacle à la vidange vésicale. Comme un obstacle anatomique, cette dyssynergie
entraîne une hypertrophie du détrusor et une vidange incomplète de la vessie.
Des altérations pariétales surviennent progressivement en cas de vessie neurologique et
modulent le tableau clinique. Dans les vessies centrales la désinhibition et la lutte
provoquent un épaississement musculaire puis l’apparition de diverticules et de fibrose
pariétale. Dans les lésions périphériques, la vessie acontractile peut rapidement se fibroser
par dégénérescence musculaire.
Il y’a un également un retentissement sur le haut appareil, variable en fonction de la lésion.
La dilatation de la voie excrétrice supérieure est due d'une part à l'existence d'un obstacle
fonctionnel ou organique à l'écoulement urétéral, et d'autre part à la présence d'un reflux
vésico-urétéral. Ces deux phénomènes sont eux-mêmes secondaires à une hyperpression
vésicale et aux altérations pariétales.
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III- Classifications des vessies neurologiques :
De multiples classifications ont été proposées pour les vessies neurologiques. Nous citerons
les plus connues.
1) Classification de Lapides :
Mise au point par lapides en 1970, elle distingue 6 types de vessie neurologique en fonction
du niveau de la lésion neurologique (Figure 2) :
a) Vessies neurologiques sensitives :
Dues à une interruption de l’influx sensitif émanant de la vessie. Il peut s’agir d’une lésion
des fibres nerveuses afférentes entre la vessie et la moelle épinière ou d’une lésion des
voies sensitives spinales. Parmi les étiologies on retrouve le diabète et le tabès. Il y’a une
diminution de la sensation de réplétion vésicale avec une distension vésicale progressive.
b) Vessie neurologique motrice paralytique :
Dues à une lésion de l’innervation motrice parasympathique de la vessie. Parmi les
étiologies on retrouve la chirurgie pelvienne extensive ou les causes traumatiques avec
lésion des fibres nerveuses efférentes. En fonction du degré des lésions (complet ou partiel)
cela peut aller de la rétention aiguë d’urines à des difficultés à initier et maintenir la miction. Il
y’a diminution ou absence de la contraction vésicale volontaire à la cystomanométrie.
L’évolution se fait vers la distension vésicale progressive.
c) Vessie neurologique désinhibée :
Due a une atteinte de l’influx nerveux descendant venant des centres supra-sacrés et
exerçant un effet inhibiteur sur le centre sacré. Il peut s’agir d’une lésion des voies
nerveuses ou des centres. Il y’a une facilitation du réflexe mictionnel. Cette atteinte peut se
voir en cas d’accident vasculaire cérébral, de tumeur cérébrale, de maladie de parkinson ou
de lésions démyelinistantes. Cette atteinte se caractérise par des contractions vésicales
involontaires dés le début du remplissage avec des fuites d’urines. Il n’y a pas de trouble
sensitif. La vidange est complète sauf s’il y’a une obstruction infra vésicale anatomique ou
fonctionnelle (dysynergie vésico-sphinctérienne) associée.
d) Vessie neurologique réflexe (spastique/automatique) :
Se voit en cas d’interruption complète des voies nerveuses motrices et sensitives entre le
centre spinal sacré et les centres supérieurs. Cette atteinte se voit surtout en cas de
traumatisme de la moelle épinière (secondairement après le choc spinal) et de lésions
démyélinisantes étendues. Il n’y a plus de sensation vésicale et la miction volontaire n’est
plus possible. La vessie se contracte involontairement à un bas volume de remplissage avec
des fuites. Une dysynergie vésico-sphinctérienne est presque toujours associée avec un
obstacle fonctionnel à la vidange.
e) Vessie neurologique aréflexique (flasque/autonome) :
Où il y’a une séparation complète sensitive et motrice entra la vessie et les centres spinaux
sacrés. Cette atteinte peut être causée par toute lésion de la moelle épinière sacrée ou des
racines sacrées et des nerfs pelviens. Elle se voit aussi lors du choc spinal (première phase
de la section de la moelle épinière). La contraction vésicale volontaire n’est plus possible et il
y’a une perte de la sensation vésicale. L’activité réflexe vésicale disparaît également. La
vessie se remplit puis se distend à faible pression sans contraction réflexe. La vidange
vésicale se fait par augmentation de la pression abdominale et dépends des résistances
infra vésicales.
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Cette classification de Lapides est la plus utilisée actuellement. Il s’agit cependant d’une
classification schématique et en pratique les lésions sont parfois mixtes avec une
présentation clinique plus complexe.
Figure 2 : Classification de Lapides
2) Classification simplifiée topographique (figure 3) :
En fonction du siège des lésions on distingue ainsi trois types de vessies neurologiques.
Cette classification reprends les types les plus fréquents de la classification de Lapides.
a) Vessie centrale :
La vessie est privée de sa régulation cortico-sous-corticale de par une lésion cérébrale
(centres mictionnels) ou médullaire (voies de conduction). Les centres mictionnels sacrés
s’affranchissant des influx inhibiteurs provenant des centres sus-jacents. La vessie centrale
est en règle une vessie hyperactive avec un syndrome clinique d’hyperactivité vésicale
(impériosité, fuites sur urgence) s’exprimant ou non suivant l’existence d’une dyssynergie ou
de troubles sensitifs associés.
b) Vessie périphérique :
La neurovessie périphérique est secondaire à une lésion des voies de conduction
périphérique (lésion de la queue de cheval, lésions plexiques ou radiculaires, lésions
neuropathiques). Elle s’exprime donc habituellement par une hypoactivité vésicale.
c) Vessie mixte :
Elle emprunte des éléments à la neurovessie centrale et à la neurovessie périphérique. C’est
par exemple le cas des lésions du cône terminal.
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Figure 3 : Classification simplifiée topographique
3) Classification des troubles sphinctériens :
Il y’a le plus souvent une atteinte associée des sphincters. Il peut s’agir :
- d’une hypotonie ou une atonie des sphincters strié et/ou lisse : se voit surtout en cas de
lésion périphérique.
- d’une dyssynergie vésico-sphinctérienne : c'est l'absence de relaxation sphinctérienne au
moment de la contraction du détrusor. Elle est le propre des lésions médullaires centrales
sous-protubérantielles. Elle est équivalente à un obstacle fonctionnel infra vésical à la
vidange.
IV- Etiologies des vessies neurologiques :
La plupart des lésions neurologiques quelque soit leur niveau peuvent se compliquer de
vessies neurologiques. Le tableau 1 résume les principales étiologies.
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V- Evaluation d’une vessie neurologique :
1) Examen clinique :
Il est fondamental dans la prise en charge des vessies neurologiques.
a) Interrogatoire : étudiera :
- La typologie, le mode évolutif et les circonstances d’apparition
- Les troubles associées : anorectaux, sexuels
- La perception du besoin, de la sensation de distension vésicale, le délai entre les besoins
- L’existence d’un trouble de la sensibilité au passage des urines
- L’existence de fuite urinaires, involontaires ou en relation avec impériosités..
- La présence d’urgences mictionnelles, d’impériosités …
- La qualité de la continence, la qualité de la miction
- L’existence d’une dysurie, d’un jet urinaire interrompu (dysynergie vésico-sphinctérienne)
- L’existence d’épisodes de rétention aiguë d’urines non douloureuse..
b) Examen neurologique périnéal :
Comme tout examen neurologique il associera un examen des réflexes, de la motricité, du
tonus et de la sensibilité.
Le réflexe bulbo ou clitorido anal se recherche en pinçant le gland ou le clitoris et en
observant la réponse motrice sur le sphincter anal. Cet arc réflexe explore les métamères S2
S3 S4. Il est aussi recommandé de rechercher le réflexe anal à la piqûre (contraction du
sphincter anal suite à la piqûre de la marge anale, métamères S2 S3 S4) et à la toux
(métamère D12). Ces réflexes peuvent être absents ou vifs et diffusés.
La sensibilité périnéale (tactile thermique et vibratoire) doit être étudiée en respectant la
métamérisation des territoires sensitifs qui sont : bourses, verge, vulve, vagin (niveau S2-S3)
fesses (niveau S3), face postérieure des cuisse (niveau S2), pourtour de la marge anale
(niveau S4), triangle postérieur anal (niveau S5).
L’examen du tonus anal est apprécié par le toucher rectal. L’hypotonie anale pouvant dans le
cas extrême être une béance anale indique une atteinte périphérique comme dans les
syndromes de la queue de cheval. L’existence d’une hypertonie anale peut être retrouvée
dans la pathologie centrale.
La qualité de la commande périnéale est étudiée par les touchers pelviens. Il faut alors
séparer la contraction des releveurs de l’anus et du sphincter anal. Il est possible de coter la
qualité de la contraction en 5 grades. Le tableau 2 récapitule les données de l’examen
neuro-périnéal en fonction du siège de la lésion.
Tableau 2
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c) Examen neurologique général : il comportera :
- Une étude de la sensibilité, de la motricité, des réflexes
- Une recherche d’une anomalie neurologique : atteinte pyramidale, extrapyramidale,
motrice, sensitive, cognitive ou des nerfs crâniens
d) Examen général et urologique :
L’examen général recherchera une hypotension orthostatique, des anomalies de la peau en
regard de la moelle sacrée (angiome, lipome, touffe de poils, fossette coccygienne), un
syndrome dysmorphique (pieds creux).
L’examen urologique recherchera une pathologie urologique associée.
e) Catalogue mictionnel :
Il doit comporter l’heure, le volume de la miction, les épisodes de fuite et les circonstances
déclenchantes. Il se fait sur au moins 3 jours consécutifs.
2) Exploration urodynamique (EUD) :
Bien conduite, elle est l'élément central de la réflexion thérapeutique.
a) Cystomanométrie :
Correspond à l’étude des pressions vésicale, urétrales et abdominale (rectale) lors du
remplissage progressif de la vessie par une perfusion et sa vidange. Elle peut être associée
à un électromyogramme sphinctériens (EMG) et à un suivi scopique en temps réel sur une
table de radiologie et avec un produit de contraste.
Elle comporte :
- Une étude première de la phase de remplissage (contractilité, réflectivité) avec
cystographie
- Une étude de la phase mictionnelle permettant l'analyse de la contractilité vésicale
spontanée et déclenchée (percussion, stimulation périnéale) et l'analyse des synergies lors
d'une contraction spontanée ou provoquée.
La figure 4 reprend les courbes de pression d’une cystomanométrie normale alors que les
figures 5 et 6 correspondent à des tracés de vessie neurologique centrale et périphérique.
Figure 4 : Cystomanométrie normale
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Figure 5 : Cystomanométrie d’une vessie centrale
Figure 6 : Cystomanométrie d’une vessie périphérique
b) Urétromanométrie statique et dynamique:
Il s’agit de l’étude des pressions urétrales. Elle est utile pour catégoriser l’atteinte
sphinctérienne.
c) Tests pharmacologiques :
Ils permettent de prévoir la réponse à d'éventuelles prescriptions médicamenteuses, (intérêt
prédictif préthérapeutique). Il peut s’agir d’alphabloquants, d’anticholinergiques ou de
parasympathomimétiques
d) Débitmétrie :
Examen simple, elle a peu de valeur chez le neurologique lorsqu'elle est réalisée isolément.
Elle doit être associée aux autres examens et permet l’étude des résistances urétrales.
3) Bilan radiographique :
Il est utile pour la recherche du retentissement de la vessie neurologique et pour suivre son
évolution.
a) Echographie rénale et vésicale :
Examen très utile de par sa facilité et son innocuité. L’échographie rénale montre l'état du
parenchyme rénal (séquelles de pyélonéphrites) et recherche une dilatation pyélo-calicielle.
Au niveau de la vessie elle étudie l'épaisseur du détrusor, la présence de diverticules, de
lithiases vésicales et permet de mesurer le résidu postmictionnel.
b) Urographie intraveineuse (UIV) :
Permet également l’étude de la vessie et du haut appareil. Elle est de moins en moins
pratiquée.
c) Urétro-cystographie rétrograde et mictionnelle : Elle est utile :
- pour mettre en évidence l'existence d'un reflux vésico-urétéral et le stadifier
- pour étudier l'ouverture du col et la relaxation sphinctérienne lors de la miction (recherche
de dyssynergie vésico-sphinctérienne)
Elle peut être couplée à l'exploration urodynamique.
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4) Cystoscopie :
Elle permet d’éliminer une obstruction cervicale (maladie du col) ou sous-cervicale (sténose
urétrale, adénome ou cancer prostatique) et d’apprécier le retentissement vésical d’une
vessie neurologique (diverticules, état de la muqueuse).
5) Autres explorations :
- La surveillance de la fonction rénale :
Elle se fait par le dosage régulier de la créatininémie et de la clearance de la créatinine et,
lorsqu'il existe une situation à risque, par la scintigraphie rénale (DMSA et DTPA).
- L’examen cytobactériologique des urines (ECBU) :
La négativité des urocultures est un élément très rassurant dans le suivi d'une vessie
neurologique. Mais une infection urinaire est obligatoire en cas de sonde urinaire à demeure
et très fréquente en cas de cathétérisme intermittent. Elle ne sera à traiter que si elle
s'accompagne de signes cliniques (fièvre, urines troubles...).
- Les examens électrophysiologiques (EMG, potentiels évoqués) et
neuroradiologiques (TDM, IRM) : il sont demandés en fonction de la pathologie neurologique
causale.
VI – Complications des vessies neurologiques :
Ces ont ces complications qui font toute la gravité des vessies neurologiques. Il peut
s’agir de :
- Diverticules vésicaux : en fonction de leur position et de la largeur de leur collet ces
diverticules se vident plus ou moins bien. La stase urinaire chronique intra-diverticulaire
entraîne l’infection, la formation de lithiases et l’apparition tardive de carcinomes
intradiverticulaires.
- Les infections urinaires : très fréquentes, il peut s’agir de cystite, de prostatite, de
pyélonéphrite aiguë ou de pyélonéphrite chronique.
- Le retentissement sur le haut appareil : se fait par deux mécanismes principaux : la
dilatation pyélo-calicielle (due à l’augmentation des pressions vésicales et/ou à la
compression de l’uretère terminal par le détrusor hypertrophié) et le reflux vésico-rénal.
L’infection urinaire haute, en se rajoutant au deux mécanismes précédents, accélère la
destruction du capital néphronique ce qui au stade ultime aboutit à :
- L’insuffisance rénale chronique : qui met en jeu le pronostic vital.
Les autres complications sont :
- La formation de lithiases vésicales de stase ; et un risque accru de lithiases rénales
- L’apparition tardive d’un cancer de la vessie, le plus souvent un carcinome épidermoïde
(en relation avec l’inflammation et l’infection chronique).
- Les complications du traitement, en particulier l’auto-sondage : érosions et
rétrécissements de l’urèthre.
Il faut également noter qu’en plus des troubles urinaires, ces patients présentent presque
toujours des troubles ano-rectaux et génito-sexuels associés, d’origine neurologique.
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VI – Formes cliniques :
1) Le blessé médullaire :
Les troubles urinaires sont quaisi constants chez les blessés médullaires. Les complications
uro-néphrologiques sont au premier plan et représentent à terme les principales causes de
décès du blessé médullaire.
Le tableau est variable en fonction du niveau lésionnel et du caractère complet ou incomplet
de la lésion. Schématiquement, il peut s’agir de vessies centrales (lésion supra-sacrée) ou
de vessies périphériques (lésion sacrée).
En cas de lésion supra-sacrée et complète, on décrit classiquement deux phases :
- Une phase de « choc spinal » : transitoire, elle se manifeste par une vessie flasque
aréactive et dure 2 à 3 mois (au maximum 6 mois).
- Une deuxième phase où le tableau de vessie centrale s’installe. Il s’agit d’une vessie
spastique réflexe hyperactive avec une dyssynergie vésico-sphnctérienne.
Les pressions vésicales sont en règle élevées et cette hyperpression associée à la
dyssynergie vésico-sphintérienne entraîne un retentissement souvent important sur le haut
appareil.
Les complications sont donc fréquentes et surtout l’apparition progressive d’une insuffisance
rénale qui peut altérer le pronostic vital . Son incidence est diminuée par une prise en charge
adéquate. L’infection urinaire est également très fréquente.
2) La sclérose en plaques :
Les troubles urinaires sont très fréquents dans la sclérose en plaques puisqu’ils se voient
dans 50 à 80 % des cas au cours de l’évolution de cette maladie. Ils sont révélateurs de la
sclérose en plaques dans 6 % des cas. Le tableau clinique et urodynamique est polymorphe.
Le plus souvent il s’agit d’une vessie désinhibée hyperactive avec une dyssynergie vésicosphinctérienne. Plus rarement il s’agit d’une vessie hypoactive. Le taux de complications est
faible. Le retentissement sur le haut appareil est rare et l’insuffisance rénale exceptionnelle.
3) La maladie de Parkinson :
Le tableau clinique et urodynamique est souvent celui d’une vessie désinhibée avec une
pollakiurie, des urgences mictionnelles et des fuites par impériosités. La mobilité de ces
patients est souvent diminuée par le syndrome extrapyramidal ce qui augmente la fréquence
des fuites par impériosités. Parfois les symptômes sont masqués par un adénome de la
prostate dysectasiant et se révèlent après traitement de l’adénome.
4) L’accident vasculaire cérébral :
Les troubles urinaires se voient dans 20 à 60 % des cas. Le tableau est souvent celui d’une
vessie désinhibée hyperactive. Plus rarement, en cas de lésions du pont, il s’agit d’une
vessie hypocontractile.
5) Les neuropathies périphériques :
Le tableau est celui de vessies neurologiques sensitives ou motrices en fonction du siège de
l’atteinte. Il s’agit surtout des neuropathies périphériques diabétiques et alcooliques.
6) Le syndrome de la queue de cheval :
En rapport avec une atteinte pluri radiculaire des dernières racines sans atteinte médullaire.
Il s’agit le plus souvent d’une compression des dernières racines par une tumeur ou une
hernie discale. Le tableau clinique et urodynamique est celui d’une vessie flasque
aréflexique.
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7) les vessies neurologiques de l’enfant :
Les étiologies les plus fréquentes chez l’enfant sont les atteintes de la moelle épinière
surtout les myélodysplasies (myéloméningocèle : figure 7) et les dysraphismes spinaux
occultes (lipoméningocèle). Plus rarement l’étiologie est une atteinte des centres supraspinaux en rapport avec une lésion traumatique, une encéphalopathie ou une infirmité
motrice cérébrale.
Figure 7 : A gauche : aspect d’un myéloméningocèle chez un nouveau né. A droite dessin représentant un
myéloméningocèle en coupe sagittale.
Le tableau clinique et urodynamique est variable en fonction de l’étiologie et du niveau de
l’atteinte.
VII- Traitement :
Les buts du traitement des vessies neurologiques sont :
1) Surtout préserver la fonction rénale et éviter le retentissement sur le haut appareil.
Ce but principal est réalisé en essayant de :
- maintenir des pressions vésicales basses lors du remplissage et de la miction
- éviter le reflux vésico-rénal
- diminuer les épisodes d’infection urinaire
2) assurer, si possible, la continence urinaire et diminuer ou éviter les fuites urinaires.
A) Traitement de l’hyperactivité vésicale :
- Les anticholinergiques : entraînent une diminution de l’amplitude des contractions vésicales
et une augmentation de la capacité vésicale maximale. L’oxybutinine est l’anticholinergique
le plus employé. Il entraîne des effets secondaires atropiniques : sécheresse buccale,
constipation, sécheresse oculaire, troubles de la vision, somnolence.
La toltérodine, d’introduction récente, est aussi efficace et présente moins d’effets
secondaires.
- Les instillation intravésicales de substances vanilloïdes (capsaïcine, résinifératoxine) :
d’introduction récente, ces agents neurotoxiques instillés dans la vessie agissent sur les
fibres afférentes non myélinisées de type C impliquées dans le réflexe mictionnel spinospinal aberrant survenant après lésion médullaire. Ils diminuent la fréquence et l’amplitude
des contractions.
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- La rééducation périnéo-sphinctérienne :
Elle peut être parfois proposée mais nécessite une possibilité de contrôle volontaire et un arc
réflexe sacré en partie préservé. Elle n’est envisageable qu’en cas de lésion neurologique
incomplète.
- La neurostimulation des racines sacrées antérieures : par voie chirurgicale, des électrodes
sont placées sur les racines motrices sacrées antérieures alors que les racines sensitives
postérieures sont sectionnées. Cette technique est indiquée en cas de vessie centrale mal
équilibrée due à une lésion complète médullaire. La section des racines sensitives la
transforme en vessie périphérique alors que la stimulation des électrodes par un émetteur
externe permet la vidange.
- La neuromodulation S3 : la racine S3 est stimulée de façon cyclique par une électrode
implantée chirurgicalement. Elle est indiquée en cas de lésion neurologique incomplète et
permet de réduire les impériosités.
- La chirurgie : indiquée en dernier recours et dans des cas sélectionnés. Le plus souvent il
s’agit d’un agrandissement vésical (entérocystoplastie d’agrandissement : figure 8). La
capacité vésicale est augmentée pour permettre un remplissage vésical à basse pression.
La vessie est agrandie au moyen d’un segment d’intestin grêle détubulisé. La vidange
vésicale est ensuite réalisée par autosondages.
Les dérivations urinaires continentes et incontinentes restent une alternative quand les
autosondages ne sont pas possibles et le retentissement sur le haut appareil important.
- L’injection de toxine botulique dans la paroi vésicale : technique d’introduction récente et
très efficace. L’injection dans le détrusor sous contrôle cystoscopique entraîne une paralysie
du muscle vésical qui va durer 7 à 10 mois (figure 10). Les contractions anarchiques sont
ainsi supprimées et la vessie est vidée par autosondage.
- L’autosodage +++ :
Introduit par Lapides en 1972, la pratique de l’autosondage a révolutionné le traitement des
vessies neurologiques. Le patient après apprentissage vide lui-même sa vessie avec une
sonde plusieurs fois par jours. L’apparition de sondes autolubrifiées à faible friction en a
amélioré l’efficacité et la tolérance (figure 9). Il peut s’agir d’un sondage stérile ou plus
récemment d’un sondage intermittent propre (le patient se contente de se laver les mains à
l’eau et au savon et peut réutiliser la même sonde) qui a démontré son innocuité.
La fréquence des autosondages dépend de la diurèse, du régime de pression intravésicale,
de la fréquence des infections et des fuites et enfin de la pathologie. Elle peut aller de 2 à 8
fois par jour.
Figure 8 : Entérocystoplastie d’agrandissement
Figure 9 : Différents types de sondes autolubrifiées
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Figure 10 : Technique de l’injection de toxine botulique dans la vessie
B) Traitement de l’hypoactivité vésicale :
- Les parasympathicomimétiques : ils entraînent des contractions vésicales en reproduisant
l’action du parasympathique. Il peut s’agir de parasympathicomimétiques directs (urécholine)
ou indirects (prostigmine, pyridostigmine). Il sont peu efficaces et ont des effets secondaires
importants notamment cardiovasculaires. Ils ne sont plus utilisés.
- Le traitement de choix est ici aussi l’autosondage. Il est indiqué en cas de rétention
complète, si le résidu post-mictionnel est supérieur à 100 ml ou s’il existe des complications
urinaires (infections urinaires récurrentes)
C) Traitement des troubles sphinctériens :
1) Traitement de l’hypertonie sphinctérienne et de la dyssynergie :
- Les alphabloquants : diminuent les résistance uréthrales en agissant sur les fibres
musculaires lisses du col et de l’urèthre. Leur efficacité est variable.
- L’injection de toxine botulique dans le sphincter strié entraîne une paralysie des fibres
striée et réduit souvent la sévérité de la dyssynergie cervico-sphintérienne.
- La chirurgie à type de sphinctérotomie endoscopique est très rarement pratiquée.
- La aussi le traitement de choix est l’autosondage.
2) Traitement de l’hypotonie sphinctérienne :
- Les sympathicomimétiques (néosynéphrine) : augmentent le tonus urétral. Leur efficacité
est très variable.
- La duloxétine : c’est un inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. Il
augmente la contraction du sphincter strié lors du remplissage et il est actuellement en cours
d’étude.
- Le sphincter artificiel : peut être une solution de dernier recours dans des cas sélectionnés.
D) Autres traitements et surveillance :
La desmopressine peut parfois être utile en réduisant la diurèse nocturne et donc la
pollakiurie ou les fuites nocturnes. Le traitement des troubles associées intestinaux, sexuels,
orthopédiques, sociaux etc.. est fondamental et la prise en charge de ces patients est
multidisciplinaire.
La surveillance est basée sur le calendrier mictionnel et la mesure du résidu post-mictionnel
par sondage ou par échographie. L’échographie permet aussi d’apprécier l’état du haut
appareil et doit être au moins annuelle. Le contrôle systématique de l’ECBU est inutile car la
bactériurie est quaisi constante chez ces patients. Il faut absolument éviter le traitement
antibiotique en cas de bactériurie asymptomatique afin d’éviter de sélectionner des souches
de bactéries multirésistantes. En effet « on traite un patient et non un ECBU ». Le traitement
antibiotique est réservé à l’infection urinaire symptomatique.
Faculté de Médecine de Sousse
Urologie
VIII- Conclusion :
Les vessies neurologiques posent le problème de leur pronostic. Le traitement a surtout pour
but de préserver le haut appareil chez ces patients neurologiques. L’autosondage a
révolutionné la prise en charge thérapeutique et le pronostic. Le suivi doit être régulier et la
prise en charge multidisciplinaire.
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