FILIERE PSYCHIATRIQUE AUX URGENCES UN BENEFICE POUR L’URGENTISTE, LE PSYCHIATRE ET LE PATIENT ? ! ! Dr Virginie Buisse Dr Matthieu Boiffier AUX URGENCES Explosion de la demande de soin aux urgences médicochirurgicales: quantitative et qualitative On « échoue » à l’hôpital dans une expérience de détresse: physique ET psychique Equipes somatiques débordées par l’émergence de la psyché dans le soma Une réponse collective des acteurs: 2 décrets 1995 et 1997 Cadre pragmatique Réponses immédiates et spécialisées LES DEBUTS Nos maîtres nous disaient: « il n’y a pas d’urgence en psychiatrie, il n’y a que des gens pressés » Longtemps un lieu médico-légal d’hospitalisation sous contrainte La voie d’entrée marginale dans le soin psychiatrique Vocation de la psychiatrie = soigner les malades mentaux au sens traditionnel du terme Difficile de justifier d’une spécificité interventionnelle MAIS … Définir l’urgence psychiatrique et organiser sa prise en charge s’imposent: Évolution des soins psychiatriques: chimioT: traitements retards, anti-psychotiques Dispositifs de PEC: au sein de la cité, réadaptation sociale La diminution des DMS Évolution de la politique de santé mentale: Fin de l’asile et baisse drastique du nombre de lits Augmentation de la demande dans les services d’urgences Précarité du lien social, réduction de la tolérance à la souffrance psychique, réduction de l’espace de parole URGENCES PSYCHIATRIQUES Particularité de la place des urgences psychiatriques dans le système de soin Double dialogue entre les équipes d’urgence et de psychiatrie Espace temporel particulier: En dehors de l’urgence médico-chirurgicale En dehors de la psychiatrie de secteur Espace « tampon », SAS de décompression ou d’explosion de la crise, espace transitionnel URGENCES PSYCHIATRIQUES Lieu d’entrée dans le soin psychiatrique Lieu spécifique de soin Émergence de l’alliance thérapeutique Lieu de la rencontre entre les protagonistes Lieu de l’éclosion et de résolution du processus de crise Où rien n’est résolu sans la présence de tous les acteurs Où l’agir fait place à la parole et à l’écoute URGENCES PSYCHIATRIQUES L’urgence est une rupture d’équilibre, le dépassement d’un seuil de tolérance L’urgence psychiatrique relève: De la pathologie: aspect catégoriel De son expression singulière et aiguë: aspect dimensionnel Du contexte de crise psycho-sociale dans lequel elle survient: aspect situationnel C’est une demande dont la réponse ne peut être différée CLASSIFICATION: pondération somatique Les urgences psychiatriques PURES La psychiatrie en urgence Décompensation des pathologies psychiatriques Troubles anxieux, troubles de l’humeur, décompensations psychotiques Les urgences psychiatriques MIXTES Intrication somatique et psychiatrique À l’origine du développement du concept de crise TS, ivresses pathologiques, manifestations pasychiatriques de troubles métaboliques Les urgences aigues transitoires Les troubles du comportement réactionnels CLASSIFICATION: pondération temporelle L’urgence exposée Attendue à priori Elle est une crise en soi Témoin de la non résolution d’un processus dysfonctionnel connu somatique, psychique ou social Ex: som -> Crises d’asthme, psy -> décompensation psychose chronique L’urgence par effraction Inattendue Résultat d’une effraction Ex: som -> Accidents de la voie publique, psy -> état de stress aigue CLASSIFICATION: pondération temporelle L’urgence révélée Inattendue à priori Témoin d’une éclosion d’un processus pathologique inapparent qui se décompense Elle produit une crise Ex: som -> Infarctus du myocarde, psy -> épisode délirant inaugural Il s’agit bien de contextualiser l’évènement aigu en l’inscrivant dans une temporalité et en respectant le processus de changement SITUATIONS CLINIQUES Les urgences de la psychiatrie (crise chez patient chronique) Crise suicidaire Les addictions Les plaintes somatiques fonctionnelles Agitations aiguës Pathologies post-traumatiques Pathologies liées à l’âge: ado, personnes âgées Les situations de précarité psycho-sociale La souffrance au travail PRISE EN CHARGE DE L’URGENCE PSYCHIATRIQUE N’est pas qu’une simple consultation à visée diagnostique/ orientation C’est un temps nécessaire à la compréhension de l’urgence avec les différents acteurs Qui demande le soin ? Quel est le symptôme ou la situation d’appel ? Quelles sont les conclusions du médecin adresseur, de l’urgentiste ? Quelles sont les premières observations de l’équipe psy sur le patient et ses proches ? L’urgence n’est pas d’agir mais de répondre PRISE EN CHARGE DE L’URGENCE PSYCHIATRIQUE L’analyse de la demande conditionne la suite de la PEC: Le choix du lieu de consultation Les protagonistes de l’urgence Le symptôme présenté et son sens pour les protagonistes Le mode d’arrivée dans la structure L’entretien psychiatrique implique les protagonistes: Évaluation clinique et ébauche de diagnostic Prise de décision thérapeutique et orientation vers l’aval Dédramatisation de la situation, mise en perspective L’entretien est thérapeutique ORGANISATION Circulaire n° 39-92 DH PE/DGS 3 C du 30 juillet 1992 relative à la prise en charge des urgences psychiatriques. « Il est nécessaire de développer la présence des équipes psychiatriques aux urgences car ces centres hospitaliers représentent le lieu d'accueil naturel de toutes les urgences. Il est ainsi, souvent possible, dans cet espace banalisé de dédramatiser des situations à composantes psychiatriques. La circulaire du 14 mars 1990, en continuité avec les objectifs de la sectorisation psychiatrique et celle du 14 mai 1991 prévoient l'accueil des urgences psychiatriques dans les centres hospitaliers. Un schéma régional d'organisation des urgences, composant du S.R.O.S. fixe les pôles d'accueil des urgences et vous devrez veiller à ce qu'ils comportent une réponse appropriée à la fréquence déjà évoquée des urgences psychiatriques. L'organisation de ces pôles d'accueil doit permettre une réponse spécialisée permanente et une possibilité d'hospitalisation de très courte durée : s'il s'avère nécessaire de parfaire l'observation et d'engager le traitement ou de permettre une meilleure gestion de la crise en collaboration avec l'entourage du malade, celui-ci doit trouver un lit dans l'unité d'hospitalisation de très courte durée. » ORGANISATION Décret de 1995 et 1997: présence ou disponibilité d’un psychiatre obligatoire sur site, 24H/24 et 7j/7 Axes de travail spécifiques Accueil des situations critiques au sein de l’urgence générale afin de réduire l’effet de stigmatisation Intégration dans une équipe pluridisciplinaire pour toutes les pathologies mixtes Intégration dans un réseau de soin permettant l’orientation rapide vers les structures de soin d’aval ORGANISATION En France, 4 types de structures ont été développés Unités au sein de l’hôpital psychiatrique Les centres de crise À l’hôpital général: Unités fonctionnelles psychiatriques au sein des SAU Les centres d’accueil psychiatrique, unités implantées à proximité immédiate du SAU et en dehors de l’hôpital psychiatrique À L’HÔPITAL GENERAL Un service d’urgence sans psychiatre Danger d’inaugurer de réelles « carrières psychiatriques » iatrogènes par des hospitalisations intempestives Danger de minimiser certaines plaintes, d’adresser vers un hypothétique suivi (presque aucun patient ne fait cette démarche) Un service d’urgence avec système de garde Interventions souvent différées Peu d’espace temps spécifique Analyse du seul symptôme, diagnostic rapide mauvaise intégration dans les équipes des urgences CENTRE D’ACCUEIL PSYCHIATRIQUE Équipes fixes et plus étoffées: Partenariat fort entre urgentiste somaticien et psychiatre Meilleure connaissance du réseau psycho-social Proche des SAU Interventions immédiates Un espace temps spécifique L’unité d’hospitalisation permet: De prendre le temps dans l’urgence De remettre la crise dans une temporalité La contextualisation de la crise D’adapter l’orientation du patient dans le réseau de soin CENTRE D’ACCUEIL PSYCHIATRIQUE Dispositif très précieux à l’hôpital général Nécessité de lien fort entre les équipes psychiatriques et somatiques Permet de prendre du recul sur les situations en dehors de l’urgence somatique et en dehors du milieu psychiatrique traditionnel Champs d’intervention du psychiatre plus vaste: Situations moins psychiatriques Dues aux orientations de la société actuelle: médicalisation et psychiatrisation de l’urgence sociale CENTRE D’ACCUEIL PSYCHIATRIQUE Le temps de l’urgence psychiatrique est plus long que le temps de l’urgence somatique Aborder la problématique et non simplement la maladie ou le symptôme Négocier une alliance avec le patient et ses proches Alliance thérapeutique Rencontre entre le patient en crise et les thérapeutes Utiliser les ressources du patient et du contexte L’énergie des patients et de leur famille Car le meilleur lieu de traitement de la crise est toujours le milieu familial CENTRE D’ACCUEIL PSYCHIATRIQUE Seulement ¼ des patients entrés en CAP est orienté vers l’hôpital psychiatrique De nombreuses hospitalisations sous contrainte sont évitées Plus de la moitié décrivent une amélioration de leur état ce qui permet une orientation vers les consultations ambulatoires Le travail réalisé permettra de négocier un cadre de suivi avec un meilleur accrochage: la consultation post-urgence CAP CHU DE NICE Quelques chiffres: 10% des entrées des urgences sont orientées au CAP Plus de 60% des patients PEC retournent au domicile 34% des patients relèvent d’une hospitalisation en secteur ou en clinique Les soins contraints représentent environ 13% des PEC 30% des hospitalisations au CAP partent en secteur en SPDT TS représentent 3 entrées sur 10 Le cap de Nice est une des plus anciennes structures nationales d’urgence psychiatrique (1985 Pr Darcourt) Fait partie des plus grands centres accueillant plus de 5000 patients par an CAP CHU DE NICE Intégré au pôle urgence-SAMU-SMUR Participation aux staff, réunions de pôle, RMM … Liens forts entre les équipes Plusieurs UF Hospitalisation de courte durée Psychiatrie de liaison et consultation CUMP: liens forts avec le SAMU, réseau de ville EMPP: réseau social étendu, lien avec la PASS Des équipes permanentes: travail institutionnel Des conventions avec les établissements psychiatriques CAP CHU DE NICE Les spécificités La suicidologie Le psychotraumatisme La souffrance professionnelle La recherche Participation en tant que centre de recrutement Les formations Prévention du suicide, psychotraumatisme Intra-pôle, au CHU, vers les réseaux de ville Les projets Centre de crise, renforcé le travail avec le SAMU selon les dernière recommandations de bonnes pratiques) DONC La présence d’une filière psychiatrique aux urgences générales du CHU de Nice est un bénéfice pour: L’urgentiste Le psychiatre Le patient BENEFICE URGENTISTE Un secteur d’aval facile d’accès, impliqué dans la problématique de flux des urgences Amélioration des compétences par des formations adaptées à la spécificité des urgences, internes au pôle Mise en place de projet commun d’amélioration de prise en charge des patients sur l’ensemble de la filière urgence (SAU, régulation médicale, préhospitalier) BENEFICE PSYCHIATRE Faire reconnaitre la spécificité de psychiatre urgentiste auprès des somaticiens et auprès des psychiatres de secteur Soulagé de la problématique somatique Soulagé du poids des suivis chroniques BENEFICE PATIENT Une prise en charge immédiate et continue par une équipe pluridisciplinaire (psychiatre et somaticien) expérimentée face aux situations de crise Moyen d’échapper à la stigmatisation, à l’étiquette de patient « psy » Possibilité de résoudre la crise dans un lieu spécifique Cadre sécurisant pour des patients BIBLIOGRAPHIE M. De CLERCQ « quelle politique de prise en charge des urgences psychiatriques » Réanim Urgences 2000! C.BOITEUX « Urgences Psychiatriques » EMC Psychiatrie 2004! B. Seletti « accueil des urgences psychiatriques au sein d’un centre hospitalier universitaire. Intérêt de l’intégration dans un réseau de soin sectorisé » Ann. Méd. Psychol 2001! G. Brousse « urgences et crises: éclosions ou résolutions » Ann. Méd. Psychol 2007! M.Patris « l’urgence psychiatrique en crise » Réanim Urgence 2000! N. Nuns « les urgences psychiatriques à l’hôpital général » Ann. Méd. Psychol 2005! M.J Guedj « la psychiatrie en urgence » Ed Interligne 2006! Projet CAP CHU St Roch 2011-2012! Circulaire n°39-92 DH PE/DGS 3 30 juillet 1992 prise en charge des urgences psychiatriques!