Restrictions verticales

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Introduction : les relations verticales
Relations horizontales : entre firmes situées à un même
niveau sur le marché.
Concurrence, collusion, fusions...
Relations verticales : plusieurs entreprises interviennent dans le processus de production d’un bien, avant qu’il
ne soit disponible pour les consommateurs. Le bien transite
par plusieurs intermédiaires.
Exemples : transformation des biens (matières premières) :
’’consommation intermédiaire’’.
- transports et services
- distribution par une firme indépendante...
Lorsqu’un bien produit par une firme est acheté par
une autre firme, surtout quand cette opération est répétée
plusieurs fois (long terme), les relations entre firme vendeuse
et firme acheteuse peuvent être différentes des relations entre firmes et consommateurs : existence de contrats.
I) Le modèle d’Aghion et Bolton
(1987) :
contrats comme barrières à l’entrée.
V
V’
coût : 1/2
coût : c~
A
V : vendeur en place, coût marginal : c=1/2.
V : entrant potentiel, coût marginal : c U[0, 1]
A : achète au plus une unité, prix de réservation =1.
Jeu à deux étapes :
1) V et A négocient un contrat,
V décide d’entrer ou non.
2) Production et vente.
Si V est entré, concurrence à la Bertrand entre les deux
vendeurs : P = Max{ 12 , c}
Résolution sans contrat :
Décision d’entrée de V : entre ssi c≤
⇒ Probabilité d’entrée = 12 .
1
2
Espérance de profit de A :
EΠA = 12 .0 + 12 . 12 = 14
⇒ A n’accepte un contrat que s’il lui garantit un profit
≥ 14 .
Avec contrat d’exclusivité :
Contrat de la forme c = {P, Po}
avec : P prix du bien que V vend à A
Po dédommagement versé par A à V en cas de rupture.
⇒ A achète à V ssi P + Po ≤ P
Contrat optimal :
Programme de V : Max Φ.Po + (1 − Φ).(P − c)
Avec Φ = Max{0, P − Po} la probabilité d’entrée.
⇒ contrat optimal : c = { 34 , 12 }
Proba d’entrée : 14 .
Conclusion :
Espérance de profit du vendeur :
EΠ(V ) sans contrat = 14
1
EΠ(V ) avec contrat optimal = 14 + 16
EΠ(V ) avec contrat (P = Po = 34 ) empêchant totalement l’entrée = 14
Donc :
V préfère signer un contrat qui n’empêche pas totalement l’entrée
Le contrat optimal est une barrière à l’entrée partielle
V et A détournent une partie du profit de V avec le
contrat (par Po)
Le contrat est sous-optimal en termes de surplus social.
⇒ les contrats verticaux modifient les relations horizontales et ont une influence sur la concurrence.
Application : le cas Mars / HB.
II) Les relations entre producteurs et
distributeurs
Introduction : Présentation des principaux types de
contrats
* contrat de base : tarif linéaire : T (q) = wq.
* tarif non linéaire : T (q) = wq + F
⇒ franchise, et de plus en plus : primes de référencement.
* contraintes quantitatives : quotas, quantité minimale,
maximale ou imposée.
* prix de revente imposé, prix plancher (minimal), prix
plafond (maximal).
* exclusivité d’approvisionnement : le distributeur ne
peut pas se fournir auprès de producteurs concurrents (ex :
concessionnaires automobiles).
* distribution sélective : le producteur s’engage à ne
vendre ses produits que par l’intermédaire de certains distributeurs (ex : produits de luxe).
* territoires exclusifs : le producteur détermine des territoires et n’approvisionne qu’un détaillant par territoire.
(exemple : souvent associé à des franchises, dans l’habillement).
* ventes liées : le producteur vend des groupes de produits qu’il refuse de dissocier (ex : Microsoft).
* standard de qualité imposé (si la qualité est observable).
* royalties : le distributeur paie un % de son revenu total au producteur (rare)
* enfin : intégration verticale... mais coût important.
Ces clauses peuvent s’ajouter les une aux autres.
Législation : certaines RV sont autorisées, d’autres interdites, mais cela varie entre les Etats (USA et Communauté Européenne). Débats entre économistes et juristes...
A) Les restrictions verticales : la chaîne de monopoles.
1) La double marginalisation (Spengler, 1950)
Etape 1 : Le producteur P, coût marginal de production
= c, fixe le prix de gros w
Etape 2 : Le distributeur D, coût marginal de distribution = γ, fixe le prix de détail p
Demande des consommateurs = 1 − p
coût c
P
w
coût γ
D
p
Consommateurs
Programme du distributeur : Max (p − w − γ)(1 − p)
p
⇒ p = 1+w+γ
2
Programme du producteur : M ax (w − c)(1 − 1+w+γ
2 )
⇒
⇒
w = 1−γ+c
2
3+γ+c
∗
p = 4
∗
w
Profits des firmes :
ΠP
ΠD
(1 − γ − c)2
=
8
(1 − γ − c)2
=
16
Comparaison avec une firme intégrée verticalement :
1+c+γ 3+γ+c
≤
=
2
4
(1 − c − γ)2 (1 − γ − c)2 (1 − γ − c)2
≥
+
Πi =
4
8
16
p∗i
Donc :
- le surplus des firmes diminue à cause de la double
marginalisation
- le surplus des consommateurs diminue à cause de la
double marginalisation.
Explication : double externalité.
⇒ ’’Qu’est ce qui est pire qu’un monopole ? Plusieurs
monopoles en chaîne’’.
2) Les restrictions verticales permettant de remédier
à la double marginalisation
- Franchise (tarif binôme) : transfert d’objectif
T (q) = F + w.q
- Prix de revente imposé
- Prix plafond
- Quotas (quantité minimale imposée)
Du point de vue du consommateur, ces restrictions verticales rétablissent la solution optimale.
Du point de vue des firmes, le producteur peut récupérer
la totalité du profit.
⇒ ces restrictions améliorent le surplus social.
3) Problèmes d’incitations : alea moral en aval
Distorsion de service à la vente : contrôle de l’effort du
détaillant.
Le distributeur fournit un service en quantité s, qui accroît son coût marginal : Φ(s) croissant.
Ce service accroît la demande des consommateurs :
D(p, s) croissante en s.
Programme d’une firme intégrée :
Max (p − c − Φ(s))D(p, s)
p,s
soit :
∂D M M
(p , s ) + D(pM , sM ) = 0
(p − c − Φ(s ))
∂p
M
M ∂D M M
(p , s ) = Φ(sM )D(pM , sM )
(p − c − Φ(s ))
∂s
M
M
Lorsque les firmes sont séparées verticalement :
Programme du distributeur :
Max (p − w − Φ(s))D(p, s)
p,s
soit :
∂D
(p, s) + D(p, s) = 0
∂p
∂D
(p − w − Φ(s))
(p, s) = Φ(s)D(p, s)
∂s
(p − w − Φ(s))
Programme du producteur :
Max (w − c)D(p(w), s(w))
w
Le producteur choisissant forcément w c, il est impossible de trouver w c tel que :
p(w) = pM
s(w) = sM
En effet, à p∗ fixé, on a :
Programme de la firme intégrée :
MaxF (s)
avec F concave.
Détermine sI tel que F (sI ) = 0
Programme du distributeur :
MaxG(s) = F (s) + (c − w)D(p∗, s)
avec G concave.
Détermine sD tel que G(sD ) = 0
Or
∂D ∗ I
(p , s ) < 0
G (s ) = F (s ) + (c − w)
∂s
Or G est décroissante en s
Donc
sD < s I
I
I
Restrictions verticales permettant de rétablir le prix et
le niveau de service optimaux :
- franchise : w = c et F permet au producteur de
récupérer le profit.
- quota : q = q M et w = pM − Φ(sM )
- PRI ne marche plus : si p = w, pas d’incitation à
fournir un effort.
Impact sur le bien-être social : ça dépend (distorsions
monopolistiques)
- suppression de la double marginalisation : effet positif
- il peut arriver que le monopole intégré fournisse un
niveau de service trop élevé par rapport à l’optimum social : effet négatif.
⇒ Nécessité d’une prise en compte au cas par cas.
4) Distorsion des choix technologiques
Si la firme aval utilise le produit de la firme amont pour
sa ’’consommation intermédiaire’’ :
P
w Bc
SECTEUR
CONCURRENTIEL
c'
A
Choix technologique : T MS =
w
c
Choix d’une structure intégrée : T MS =
c
c
⇒ la séparation verticale entraîne une sous-consommation
du produit x, et une distorsion des choix technologiques.
Remèdes :
- contrat de franchise : w = c.
- PRI ou quotas : ne suffisent pas (car w > c).
- achats liés : P produit aussi x , et n’accepte de vendre x que si A lui achète aussi x. Il propose alors : w tel
que ww = cc . Puis PRI ou quota pour résoudre le problème
de double marginalisation.
⇒ La distorsion des choix technologiques, en augmentant les coûts de production, nuit au surplus social : les restrictions verticales permettant de rétablir les choix technologiques optimaux améliorent le surplus social.
B) Les restrictions verticales avec concurrence entre
les détaillants : la concurrence intra-marque.
1) Sans problèmes informationnels ni effort du détaillant.
Concurrence à la Bertrand : supprime la double marginalisation.
p = w ⇒ w = pM
Concurrence à la Cournot : distorsion ⇒double marginalisation.
p>w
2) Effort du détaillant : alea moral sans problème
informationnel.
Lorsque plusieurs détaillant sont en concurrence, une
nouvelle externalité peut apparaître : non-appropriabilité de
l’effort. (’’spillover ’’)
L’effort fourni par un détaillant accroît la demande qui
s’adresse à un autre détaillant : problème de free-riding ou
passager clandestin. Exemple : FNAC / Chapelle.
2-a) Effort sans externalité
Les distributeurs en concurrence parfaite choisissent le
couple (p, s) qui maximise l’utilité des consommateurs en
vérifiant :
p = w + Φ(s)
⇒ Ce n’est pas le niveau d’effort que choisirait le monopole intégré.
L’utilisation d’un contrat de franchise ne suffit pas à
rétablir le profit de la structure intégrée :
p = w ⇒ Πdistrib = F = 0
Solutions pour le producteur :
1) prix de revente imposé = pM et
w = pM − Φ(sM )
⇒ concurrence seulement en termes de services.
2) Solution équivalente : quotas + w = pM − Φ(sM )
3) Territoires exclusifs + franchise avec w = c.
2-b) Externalités et free riding
Problème des biens publics : la concurrence entre les
détaillants les incite à ne pas fournir un effort qui avantagera
leurs concurrents :
Bertrand : w = p ∀s, donc s = 0.
Si un magasin propose s > 0, les consommateurs profitent du service et achètent ensuite dans le magasin le moins
cher (qui a proposé s = 0).
Conséquence : la demande globale est sous-optimale.
Restrictions verticales adaptées :
a) territoires exclusifs ⇒ chaque détaillant est un monopole local.
⇒ droit de propriété sur le service fourni.
b) prix-plancher : chaque distributeur fournit alors le
niveau d’effort le plus élevé possible.
3) Problèmes informationnels : incertitude sur la
demande.
Information symétrique à la date du contrat, absence
d’effort.
Ex : meilleure information du détaillant sur les caractéristiques de la demande, ou sur les coûts de distribution ⇒
le producteur n’a plus forcément intérêt à fixer lui-même le
prix de vente.
Modèle (Rey et Tirole, 86) : un producteur, deux détaillants de coûts γ, pas d’aversion au risque.
Hypothèses :
D(d, p) = d − p
d : [d, d], espérance de, variance σ 2d
γ : [γ, γ], espérance γ e, variance σ 2γ
d > c + γ : structure verticale viable.
les densités sont connues du monopole et des détaillants.
Le jeu :
1) le monopole propose un contrat, les détaillants acceptent ou refusent (fin du jeu).
2) les détaillants apprennent la réalisation de d et γ.
3) concurrence à la Bertrand entre les détaillants.
Equilibre :
- libre concurrence des détaillants :
p = w+γ
1
w∗ = (de + c − γ e)
2
3 e
1 2
c
e 2
W = (d − c − γ ) + (σ d + σ 2γ )
8
2
- territoires exclusifs : chaque détaillant est un monopole local.
w = c
1
1
M
A = E(Π (d, c, γ)) = (d − c − γ)2
2
8
p = pM
3 e
3 2
TE
e 2
W
= (d − c − γ ) + (σ d + σ 2γ ) < W c
8
8
La pratique des territoires exclusifs améliore le profit
du producteur mais amoindrit le surplus social.
Autre problème : aversion au risque : les contrats doivent
non seulement être incitatifs, mais aussi assurer un bon partage
du risque au sein de la structure verticale.
C) Les restrictions verticales avec concurrence entre les producteurs : la concurrence inter-marques.
En général, les distributeurs vendent plusieurs marques
substituables : concurrence entre producteurs.
- les producteurs ont intérêt à diminuer la concurrence
en amont ;
- les distributeurs ont intérêt à exacerber la concurrence
entre producteurs pour obtenir de meilleures conditions d’approvisionnement ;
- les distributeurs peuvent influencer les consommateurs dans le choix de leurs produits, et donc ont une influence importante sur les profits des producteurs (moyen de
pression).
⇒ concurrence sur deux niveaux : amont et aval.
Les restrictions verticales peuvent favoriser la collusion , soit en amont, soit en aval.
1) Exemple : le modèle de Rey et Stiglitz (95).
P
D D
P
D
D
...
D
D
D
Deux producteurs en concurrence imparfaite
Des distributeurs en concurrence à la Bertrand
Les producteurs peuvent assigner des territoires exclusifs
aux distributeurs (plus de concurrence intra-marque).
1) D en conc. parfaite : si w augmente, cette augmentation est totalement répercutée sur p ;
2) D en monopole local : si w augmente, arbitrage pour
les distributeurs : augmenter p et conserver la même marge,
ou ne pas augmenter p et conserver la même quantité vendue? ⇒ absorbent une partie de l’augmentation du prix de
gros.
⇒ Effet stratégique des TE : encouragent les producteurs à augmenter w, et diminuent la concurrence en amont.
2) Exemple : les primes de référencement.
Marché d’un bien homogène avec fournisseurs en concurrence parfaite : Shaffer (91).
P
P
P
P
D
...
P
P
P
D
Effet stratégique inversé :
les producteurs sont en concurrence parfaite pour être
référencés : ils donnent la totalité du profit aux distributeurs.
- en tarif linéaire : w = c
- en tarif binôme : w > c et F < 0 améliore le profit
des distributeurs en diminuant la concurrence sur le marché
aval.
⇒ Equilibre avec primes de référencement.
Conclusion
- dans de nombreuses situations, le simple tarif linéaire
ne suffit pas à assurer une bonne coordination entre un producteur et son réseau de distributeurs ;
- diverses restrictions verticales permettent de remédier
(partiellement ou en totalité) à ce problème de coordination ;
- ces restrictions verticales améliorent le profit total des
firmes, mais peuvent nuire aux consommateurs (éventuellement diminuer le surplus social) et déséquilibrer le partage
du profit entre les producteurs et les distributeurs.
- juridiquement : il faudrait juger au cas par cas, mais
c’est très coûteux (expertise à chaque cas).
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