Comment améliorer l`observance chez le patient souffrant de

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Comment améliorer l’observance chez le patient
souffrant de schizophrénie ?
R. GOUREVITCH (1)
ÉTAT DES LIEUX
Le problème de la non-observance n’est pas spécifique
des maladies mentales (1, 3) : il se pose pour de nombreuses affections somatiques, et l’on estime à 20 à 50 %
le taux de mauvaise observance, toutes pratiques
confondues ; il est particulièrement élevé dans les pathologies chroniques. La fourchette des taux de non-observance évoquée pour les troubles schizophréniques varie
entre 11 et 90 %, selon les critères retenus ; il serait de
50 % un an après une hospitalisation inaugurale, et de
75 % deux ans après. L’étude CATIE a montré que même
les patients volontaires pour participer à une étude sur les
traitements médicamenteux interrompent celui-ci dans
des proportions très importantes (9).
Les conséquences de la mauvaise observance sont
surtout les rechutes et les réhospitalisations (phénomène
de la revolving door) : ainsi, la moitié à deux tiers des hospitalisations des sujets schizophrènes seraient liées à un
défaut d’observance, partiel ou total, et l’interruption du
traitement multiplierait le risque de rechute par 5. Outre
ces conséquences symptomatiques, il existe alors des
répercussions fonctionnelles, sociales, affectives et un
retentissement important sur la qualité de vie.
En psychiatrie, le concept d’observance s’applique à la
poursuite du traitement médicamenteux, mais aussi au
suivi thérapeutique, aux mesures socio-occupationnelles,
aux prises en charge psychothérapiques et à l’ensemble
des facteurs de morbimortalité.
Améliorer l’observance suppose donc, au préalable,
une bonne information des patients sur leur maladie, mais
aussi des équipes soignantes sur les enjeux de l’adhésion
aux soins. Une relation thérapeutique de qualité semble
également devoir être un facteur essentiel.
FACTEURS DE MAUVAISE OBSERVANCE
DU TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX
En phase aiguë, le facteur essentiel de mauvaise observance est l’intensité des symptômes positifs. Le niveau
d’insight (au sens restreint de la simple reconnaissance
du caractère pathologique des troubles) joue également
un rôle important (2, 4) ; il en est de même de l’abus
d’alcool ou d’autres toxiques, comme des éléments
dépressifs. Enfin, il faut souligner la place de la qualité de
la relation thérapeutique lors de la première hospitalisation. Le jeune âge pourrait être également un facteur de
mauvaise observance, mais il est difficile de différencier
ce facteur de celui lié à la longueur d’évolution des troubles, les patients devenant souvent plus compliants au fur
et à mesure des rechutes.
À plus long terme (10), à certains des facteurs déjà évoqués lors de la période aiguë s’en ajoutent d’autres,
comme la désinsertion ou la défaillance de l’environnement social ou familial. Les effets indésirables pourraient
avoir moins d’importance sur l’observance que ce que l’on
pensait il y a quelques années, et l’optimisme lié à l’apparition de produits réputés dépourvus d’effets neurologiques n’est plus de mise. L’importance des symptômes
négatifs, de la désorganisation, des symptômes cognitifs,
est également un facteur de mauvaise observance. Mais
c’est en fait l’inefficacité du traitement qui constitue sans
doute l’un des facteurs les plus prédictifs d’arrêt du traitement.
Enfin, on peut poser la question de l’éventuelle contribution de facteurs génétiques à l’observance, comme il
existe une pharmacogénétique de l’effet bénéfique ou des
effets indésirables des traitements chimiothérapiques.
(1) Hôpital Sainte-Anne, 7, rue Cabanis, 75014 Paris.
L’Encéphale, 2006 ; 32 : 929-30, cahier 4
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R. Gourevitch
COMMENT FAVORISER L’OBSERVANCE
À court terme, l’obtention de la meilleure rémission possible de l’épisode inaugural, dans les meilleures conditions, est l’un des meilleurs gages de bonne observance
ultérieure (7, 8).
L’utilisation de posologies minimales efficaces, la simplification des prises, la monothérapie antipsychotique, le
recours adapté aux traitements adjuvants (tranquillisants
en privilégiant les benzodiazépines, ou antidépresseurs),
l’implication et l’information du patient et de sa famille : en
fait le simple respect des bonnes pratiques cliniques favorise une bonne observance.
La réduction des symptômes associés (dépressifs,
anxieux) est également importante, tout comme l’est la
prise en charge des addictions associées.
Les antipsychotiques d’action prolongée peuvent aussi
faciliter l’observance, à condition de ne pas être utilisés
dans le but illusoire d’imposer celle-ci. L’utilisation d’autres
formes galéniques (solution buvable), la mesure des taux
plasmatiques des molécules prescrites, peuvent également avoir un effet positif.
La prise en compte des effets secondaires est importante, il convient de signifier au patient que ses difficultés
sont entendues ; et il faut retenir que toute question posée
sur l’observance… l’améliore.
À plus long terme (5, 6, 11), le suivi doit être pluridisciplinaire, impliquant le médecin généraliste, les soignants au
centre médico-psychologique, et – autant que possible – la
famille.
On peut proposer des techniques psycho-éducatives
(délivrance d’informations concernant la maladie et les
traitements) ou des techniques cognitives (en particulier
concernant les croyances des patients, ou leurs attitudes
par rapport au traitement). Les mesures dites
« affectives », ou « supportives », ou encore « empathiques », prenant en compte les émotions des patients, peuvent être associées aux précédentes. Les modalités
d’application de ces différentes techniques sont à discuter
en fonction des possibilités et des habitudes locales. Il
convient de les « panacher » afin d’en prolonger l’effet
dans le temps.
La formation des équipes soignantes et des médecins
constitue un enjeu fondamental, d’autant que les infirmiers
spécialisés en psychiatrie sont de plus en plus rares.
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L’Encéphale, 2006 ; 32 : 929-30, cahier 4
Enfin, un facteur pronostique qui paraît essentiel pour
une bonne observance en pratique quotidienne est sans
doute constitué par la qualité de l’implication des équipes
médicales : ainsi des mesures pragmatiques et faciles à
mettre en œuvre telles que l’envoi systématique d’une lettre de relance après un rendez-vous non honoré ont certainement une incidence positive majeure qui mériterait
d’être évaluée.
Références
1. BLONDIAUX I, ALAGILLE M, GINESTET D. Adhésion aux traitements biologiques en psychiatrie. Encycl Med Chir. Paris : Éditions
Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, tous droits réservés). Psychiatrie 37-860-A-50.
2. BYERLY MJ, FISHER R, CARMODY T et al. A trial of compliance
therapy in outpatients with schizophrenia or schizoaffective disorder.
J Clin Psychiatry 2005 ; 66 : 997-1001.
3. CORRUBLE E, HARDY P. Observance du traitement en psychiatrie.
Encycl Med Chir. Paris : Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier
SAS, tous droits réservés). Psychiatrie 37-860-A-60, 2003 : 6 p.
4. DROULOUT T, LIRAUD F, VERDOUX H. Influence de la conscience
du trouble et de la perception subjective du traitement sur l’observance médicamenteuse dans les troubles psychotiques. Encephale
2003 ; 29 : 430-7.
5. MISDRAHI D, LLORCA PM, LANCON C et al. L’observance dans
la schizophrénie : facteurs prédictifs, voies de recherches, implications thérapeutiques. Encephale 2002 ; 28 (3 Pt 1) : 266-72.
6. MISDRAHI D, VERDOUX H, LLORCA PM et al. Observance thérapeutique et schizophrénie : intérêt de la validation de la traduction
française du Medication Adherence Rating Scale (MARS). Encephale 2004 ; 30 : 409-10.
7. PERKINS DO. Predictors of non compliance in patients with schizophrenia. J Clin Psychiatry 2002 ; 63 : 1121-8.
8. PERKINS DO, JOHNSON JL, HAMER RM et al. Predictors of antipsychotic medication adherence in patients recovering from a first
psychotic episode. Schizophr Res 2006 ; 83 : 53-63.
9. STROUP TS, LIEBERMAN JA, McEVOY JP et al. Effectiveness of
olanzapine, quetiapine, risperidone, and ziprasidone in patients with
chronic schizophrenia following discontinuation of a previous atypical antipsychotic. Am J Psychiatry 2006 ; 163 : 611-22.
10. VALENSTEIN M, BLOW FC, COPELAND LA et al. Poor antipsychotic adherence among patients with schizophrenia : medication
and patient factors. Schizophr Bull 2004 ; 30 : 255-64.
11. ZYGMUNT A, OLFSON M, BOYER CA et al. Interventions to
improve medication adherence in schizophrenia. Am J Psychiatry
2002 ; 159 : 1653-64. Commentaire in Am J Psychiatry 2004 ; 161 :
581-2 ; réponse de l’auteur in 582-3.
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