LES TROUBLES DE L’HUMEUR I. DÉFINITION Ainsi nommés à cause de l’implication d’affects persistants positifs ou négatifs d’intensité suffisamment intenses pour engendrer des comportements mal adaptés. La dépression se présente donc comme un désordre émotionnel lors duquel les émotions sont vécues de façon très intense alors que dans les désordres psychotiques, il s’agit de désordres reliés à la pensée. Il peut cependant arriver que l’intensité des émotions amène des désordres au niveau de la pensée. II. LES STATS Un Nord-Américain sur six souffre de dépression. C’est ce que révèle un sondage Ipsos Reid qui précise que 14 % des répondants canadiens et 20 % des répondants américains reconnaissent avoir reçu un diagnostic de dépression. Mais les proportions augmentent quand on demande aux répondants s'ils pensent souffrir de cette maladie, sans qu'un diagnostic ait été établi: le taux passe alors à 22 % chez les Canadiens et à 21 % chez les Américains. Cette maladie affecte 2 fois plus les femmes que les hommes. Ce sont les femmes entre 18 et 45ans qui sont les plus atteintes de dépression majeure. Les troubles de l’humeur font parties des 10 causes les plus handicapantes et ce partout au monde. Selon 84 % des répondants, aider les employés souffrant de dépression devrait être une priorité pour les entreprises. III. COMPLICATION ET COMORBIDITÉ Deux complications importantes : i. Le suicide : 10 à 15% des patients hospitalisés avec une dépression se suicident. Les troubles dépressifs majeurs comptent pour 25 à 35% de toutes les morts par suicide. Au cours des dernières décennies, le phénomène du suicide a pris beaucoup d’ampleur au Québec. Le taux de suicide des Québécois est passé de 14,8 par 100 000 habitants pour la période de 1976-1978 à 19,1 pour celle de 1999-2001 (figure 1). Chez les hommes, ce taux qui était de 22,0 pour 100 000 habitants a augmenté à 30,7 pour les mêmes périodes tandis que chez les femmes, il est passé de 7,9 à 7,8 par 100 000 habitants. La première caractéristique de la population québécoise à l’égard du suicide est l’importance de la surmortalité par suicide chez les hommes et que cette surmortalité s’est accrue dans le temps. En 1999-2001, les hommes affichaient un excès de mortalité par suicide par rapport aux femmes de près de 300 % alors qu’en 1976-1978, cet excès était de 200 %. En 2001, parmi les 1 334 Québécois qui se sont suicidés, on retrouvait 1 055 hommes et 279 femmes. Si l’on regarde de plus près l’évolution de la mortalité par suicide, période après période, de 1976-1978 à 1999-2001 (figure 1), la période entre 1976-1978 et 1983-1985 est marquée par une progression rapide chez les hommes, ensuite on observe une relative stabilité jusqu’au début des années ‘90. Par la suite, les taux chez les hommes continuent leur croissance pour se situer autour de 30 par 100 000 habitants pour la période de 1999-2001. Chez les femmes, pour la période de 1976-1978 à 1983-1985, les taux de mortalité par suicide demeurent stables pour ensuite connaître une décroissance qui s’interrompt au début des années ‘90. Depuis, les taux de mortalité chez les femmes ont eu tendance à s’accroître, mais rien de comparable avec la croissance des taux de suicide observée chez les hommes On constate que la progression des taux de suicide dans l’ensemble de la population est expliquée exclusivement par l’augmentation fulgurante des taux de mortalité chez les hommes. Cet écart important noté au Québec entre les hommes et les femmes s’observe également dans les pays industrialisés qui présentent les taux de suicide les plus élevés, soit l’Autriche et la Finlande. ii. Les individus atteints de dépression augmentent leur risque de mourir d’une crise cardiaque (Glassman &Shapiro 1998) iii. Comorbidité : Les troubles de l’humeur sont souvent accompagnés d’autres troubles. On parle alors de comorbidité. Plus de la moitié de ceux qui auront un diagnostic de dépression souffrent également de troubles anxieux. Les autres types de comorbidité susceptibles d’être présents sont : les troubles de la personnalité et L’hypertension et l’arthrite. IV. LA DÉPRESSION CLINIQUE VERSUS LA DÉPRESSION NORMALE a. « La dépression normale » La tristesse, le découragement, le pessimisme et une sensation d’incapacité d’améliorer sa condition sont des états familiers pour ceux qui sont atteints de troubles de l’humeur. Il peut cependant arriver que ces états ne soient que passagers et qu’ils permettent de remettre la personne en question et de découvrir des solutions plus adaptées pour son avenir. On peut alors parles de « dépression normale ». Tel est le cas lors d’évènements particulièrement douloureux comme la perte d’un être aimée par exemple (décès, séparation divorce). Perte qui semble plus difficile à gérer pour les hommes que pour les femmes (Stroebe & Stroebe, 1983). Un processus de deuil implique une période dépressive, période lors de laquelle l’individu se désinvesti du monde extérieur jusqu’au moment il réintègrera l’autre en lui-même et pourra ainsi se réinvestir dans le monde extérieur. La dépression post-partum, ainsi que le sentiment de dépression vécus par certains à la fin d’un processus créatif se retrouve dans ce type de dépression. On note également des sentiments dépressifs chez les étudiants autant masculins que féminins. Trois variables semblent être responsables de ces sentiments (D’Affliti & Quinlan, 1976) : o La dépendance : besoin de support affectif o o Auto-critique : exagération de sa responsabilité Sentiment d’être inefficace b. Troubles dépressifs majeurs : les troubles de l’humeur sont caractérisés par des épisodes. Ces épisodes peuvent être dépressif majeur, maniaque, mixte ou hypomaniaque. i. Épisode dépressif majeur : Il faut au moins 5 critères, dont humeur déprimée ou perte de l'intérêt ou du plaisir. Les symptômes doivent durer depuis plus de 2 semaines. Humeur dépressive Diminution de l'intérêt ou du plaisir Changement de poids ou d'appétit Troubles du sommeil. Troubles psycho-moteurs (agitation ou retard) Fatigue ou perte d'énergie Sentiment d'inutilité ou de culpabilité Diminution de la concentration Pensées de mort ii. Épisode maniaque Période de plus d'une semaine, au cours de laquelle l'humeur du patient est anormalement élevée ou irritable, et où au moins 3 critères sont présents (4 s'il n'y a que l'irritabilité). Estime de soi augmentée Diminution du besoin de sommeil Plus bavard Fuite des idées Distraction Agitation psycho-motrice Augmentation des activités conduisant à un plaisir iii. Épisode mixte Les critères sont réunis à la fois pour un épisode maniaque et pour un épisode dépressif majeur et cela presque tous les jours pendant au moins une semaine La perturbation de l’humeur est suffisamment élevée pour marquer un changement marqué ans les relations interpersonneles ou pour nécessiter une hospitalisation afine de prévenir les risques pour soi et pour autrui. iv. Épisode hypomanique L'humeur est élevée, pendant plus de 4 jours, et le patient présente plus de 3 critères d'un épisode maniaque. Les symptômes ne provoquent pas de retentissements sur la vie sociale ou professionnelle, et ne nécessitent pas une hospitalisation. c. Classification troubles dépressifs i. Trouble dépressif majeur (dépression majeure) : présenter au moins cinq symptômes sur neuf qui durent depuis au moins deux semaines : 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. Humeur dépressive, diminution de l’intérêt et du plaisir, perte d’appétit et de poids d’au moins 5 % par mois, insomnie ou hypersomnie (plus rare), agitation ou retard au niveau psychomoteur, fatigue et perte d’énergie, sentiment de culpabilité ou manque de valorisation de soi, trouble de concentration, pensée de mort et de suicide. ces symptômes provoquent une détresse chez la personne ou une diminution du fonctionnement au niveau social ou au travail, ces symptômes ne sont pas reliés à l’utilisation de médicaments ou d’une substance ni à un problème médical, les symptômes ne sont pas le résultat d’un deuil. ii. Trouble dysthymique : le trouble dysthymique est une forme de dépression moins sévère mais à plus long terme. Cependant, le nombre de symptômes requis pour le diagnostiquer n’est que de deux. Il est en relation avec le sentiment d’identité de la personne. Cette identité fragile comporte très souvent des traits de caractère tel que l’évitement et la dépendance ainsi que la passivité. Il est possible de passer de la dysthymie à une dépression majeure. Selon les critères du DSM-IV, le diagnostic de dysthymie peut être porté si une humeur dépressive est présente pratiquement toute la journée, plus d'un jour sur deux pendant au moins deux ans (sans répit de plus de deux mois) avec présence d'au moins deux symptômes parmi ceux-ci : 1. 2. 3. 4. 5. Anorexie ou boulimie Insomnie ou hypersomnie Baisse d'énergie ou asthénie Faible estime de soi Difficultés de concentration ou difficultés à prendre des décisions 6. Sentiments de perte d'espoir 7. Un sentiment de “ tête vide ”, a l’impression d'avoir du mal à organiser ses idées (bradypsychie). Les troubles ne sont pas secondaires à : o o o o Une affection médicale (comme une hypothyroïdie) Ni aux effets physiologiques directs d'une substance Ni à un deuil Les troubles produisent une souffrance significative ou une altération du fonctionnement du sujet. iii. Troubles bipolaires : Le trouble bipolaire est caractérisé pendant des changements radicaux de l’humeur. On estime que 20% des TB I et TB II décèdent par suicide. On passe d’un état dépressif à un état d’exaltation intense (high). Il existe trois types de troubles bipolaires : 1. le trouble bipolaire 1 se caractérise par un ou plusieurs épisodes maniaques ou mixtes et des épisodes dépressifs d’intensité variable (le diagnostic peut être posé même en l’absence de trouble dépressif). 2. Le trouble bipolaire 2 se définit par l’existence d’un ou plusieurs épisodes hypomaniaques et un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs. 3. Dans la cyclothymie, qui débute souvent à l’adolescence, on retrouve de nombreuses périodes d’hypomanie de quelques jours à quelques semaines. Isolé par Kahlbaum en 1882, le trouble cyclothymique constitue une forme atténuée de trouble bipolaire. V. TRAITEMENTS : au moins quatre traitements peuvent être envisagés pour les troubles de l’humeur. a. Les antidépresseurs : la dépression est associée à certains problèmes au niveau de la recapturation de certains neurotransmetteurs, principalement la sérotonine et la dopamine. Une certaine fragilité génétique est associée aux troubles dépressifs majeurs. Cependant certaines expériences pénibles seront les déclencheurs des troubles. On dit souvent que personne n’est à l’abri d’une dépression ! Rien ne semble prouver le contraire ! De plus en plus de recherches démontrent que les anti dépresseurs sont utiles seulement pour la dépression majeure. La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) semble avoir des effets aussi efficaces que les antidépresseurs. Dans le cas de dépression majeure, la combinaison des deux semble l’idéal. Le principal problème des antidépresseurs c’est le temps qu’ils prennent avant de faire effet; de 15 jours à trois semaines. b. La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) : nous avons déjà vu (je vous renvoie à vos notes sur l’approche cognitive) le type de schéma dépressif. La thérapie consiste à prendre conscience de se schéma d’impuissance et de changer les processus qui y sont associés ; tout ceci accompagné d’une réinsertion graduelle dans le milieu. c. Electro convulsion : communément appelé électrochocs. Que l’on emploie que dans des cas graves. On n’en comprend pas vraiment le principe mais on sait que cette stimulation électrique apporte un réconfort important pour ceux qui le subissent pendant plusieurs mois. d. Le sel de lithium : ce médicament est employé pour les personnes en épisode maniaque. VI. Peut-on se protéger contre un trouble de l’humeur? Comme nous l’avons déjà vu, personne n’est à l’abri d’une « dépression normale ». La perte d’un être cher, la perte d’un emploi, un échec de vie peuvent plonger un individu pendant un certain temps dans un état de tristesse, de découragement et d’épuisement. Ces états font partie de la vie. Ils sont là en quelque sorte pour nous prévenir que certaines émotions sont présentes dans notre corps et qu’il est important de leur porter attention. Il est important dans ces moments de pouvoir se confier, exprimer ces émotions; il est important de conserver des activités physiques et ses liens interpersonnels. Si les choses s’aggravent, il devient important de consulter.