Facteurs criminogènes des maladies mentales F. Régis COUSIN Saint-Germain-en-Laye ENM Paris 20 septembre 2005 La très grande majorité des crimes sont commis par des délinquants ne présentant pas de pathologie Ψ Opposition du XIX° siècle Normaux Criminels Aliénés La très grande majorité des crimes sont commis par des délinquants ne présentant pas de pathologie Ψ Situation actuelle Névrosés Sociopathes Criminels Troubles de la personnalité Malades mentaux Situations d’expertise Incendie volontaire de l’entreprise par le salarié licencié Viol de la jeune fille qui a éconduit le danseur entreprenant et éméché Inceste de la promiscuité et de la précarité Homicide de la victime cambriolée qui a surpris le voleur… Psychopathologie ¾ ¾ ¾ Terrain, pathologie sous-jacente, antécédents Action criminelle précipitée, favorisée, aggravée, recommandée Histoire de victime –agresseur, enfant abusé-violeur, enfant battu- parent batteur… Traits de personnalité immaturité affective mauvais contrôle pulsionnel rôle favorisant de l’alcool La violence psychotique DU de criminologie appliquée à l’expertise Université René Descartes Angers 12 Mai 2005 Lausanne 11 Mars 2005 La violence psychotique 1. 2. 3. 4. Qu’est ce que la violence ? La psychose est une maladie violente La violence du psychotique Violences faites au psychotique Qu’est ce que la violence ? Une force brutale, intense et destructrice Attila, roi des Huns Barbare primitif, cruel et expansionniste L’herbe ne repoussait plus là où le sol avait été foulé par son cheval Gernica 26 avril 1937 Unité aérienne allemande Légion Condor 1er utilisation de bombes incendiaires Village basque de G(u)ernica constitué de maisons de bois, attaqué un jour de marché 2000 morts Dresde 13 et 14 février 1945 650 forteresses volantes pour porter un coup mortel au moral des populations 2978 tonnes de bombes explosives puis incendiaires Quadrillage systématique Symbole de l’atrocité de la guerre contre des objectifs purement civils La violence humaine La violence, indifférente à elle-même, pourvu qu’elle nuise à autrui, se précipite sur ses propres armes, avide d’une vengeance qui entraînera avec elle le vengeur. Sénèque La colère La violence appelle la violence Nick Berg exécuté le 11 mai 2004 Un détenu irakien de la prison d’Abu Graib Dans toute évaluation médico-légale il convient de considérer le couple agresseur - agressé Le bourreau et sa victime L’escroc et son pigeon Le violeur et la personne violée L’assassin et l’assassiné Le malade mental et sa victime Parent (parricide), proche, entourage Relation professionnelle (harcèlement, paranoïa…) Inconnu (mère et nourrisson) Inconnu célèbre (érotomanie) La psychose est violente Biologie Clinique Evolutions Cas clinique HyperDA hypoDA Biologie des circuits dopaminergiques chez les schizophrènes Modèle de Kandel Hypoactivité dopaminergique du cortex préfrontal Levée de l’inhibition sur les structures sous jacentes :Système limbique Firing amygdalien Concept de violence et psychoses Brutalité Rapidité d’apparition Soudaineté Intensité à la mesure de nos faibles moyens thérapeutiques Destructivité dimension déficitaire Bouffée délirante aiguë Coup de tonnerre dans un ciel serein ≠ schizophrénies débutantes Schizophrénies résistantes définies / symptômes productifs Marginalisation, isolement, sous citoyenneté SDF (= 30% de psychotiques?) Evolution chronologique des symptômes dd’une ’une schizophr énie ddébutante ébutante schizophrénie Phase Prodromique Phase Psychotique Initiale 5 ans 1.1 ans 1er symptôme (négatif ou non spécifique) 1er symptôme positif 0.2 ans Intensité maximale des Symptômes positifs 1ère admission ETUDE ABC : FORMES DE DEBUT DE LA SCHIZOPHRENIE 70 % Symptômes négatifs 20 % Symptômes négatifs et positifs 10% Symptômes positifs Soudain non, intense et destructeur oui Hafner Les Schizophrénies Epidémiologie 1% de la population générale > 50 Millions de personnes dans le monde SDF = 30 % de schizophrènes (Graig 1995) Biologie = Voies Dopaminergiques (glutamate…) Clinique = Troubles chroniques nécessitant un traitement au long cours Classifications = Multiples formes cliniques Evolutions et pronostics difficiles à déterminer Aspect dimensionnel des schizophrénies - Symptômes productifs (positifs : délire, hallucination…) - Symptômes négatifs (émoussement, apathie, pauvreté) : - - - Primaires (liés aux symptômes positifs ou déficitaires…) Secondaires (iatrogènes : SEP, dépression….) Symptômes dépressifs (25%, 9 à 13% suicide) Altération des fonctions cognitives (attention, mémoire, fonctions exécutives) Qualité de vie (QLS, EAPS, Vécu intrinsèque) Aspect dimensionnel Syndrome productif Syndrome négatif Délire Hallucinations TROUBLES ANXIEUX ADAPTATION SOCIALE QUALITE DE VIE Altérations cognitives Primaires Secondaires Secondaires au Tt Primaire Secondaire TROUBLES DEPRESSIFS associés ou inhérents Syndrome de désorganisation AUTRES COMORBIDITES toxicomanies; alcoolisme…. Distorsion Tr de communication Bizarreries Tr de la pensée Modalités évolutives des Schizophrénies Shephered 1998 Groupe 1 Un épisode seulement Pas de déficit 22% Plusieurs épisodes Déficit absent ou minime 35% Handicap à l’issue du 1er épisode avec exacerbation manifeste sans retour à la normale 8% Groupe 2 Groupe 3 Groupe 4 Handicap croissant après chaque épisode sans retour à la normale 35% La rémission dans les troubles psychiatriques 100 ¨ À 6 mois de suivi, 90 % de rémission syndromique ¨ Rémission syndromique : EDM + BDA 80 • • • • 70 60 Trouble schizo-affectif 50 81% 74% 70% 36% des EDM des BDA des schizoaffectifs des schizophrènes ¨ Rémission fonctionnelle 40 (recovery) : 30 • • • • Trouble schizophrénique 20 10 0 0 4 8 12 16 20 24 32% des EDM 24% des BDA 0% des schizoaffectifs 15% des schizophrènes 28 Semaines après hospitalisation Tohen et al. Biol Psychiat 2000;48:467-476. Modalités évolutives des Schizophrénies Rechutes après le 1er épisode Kane 2000 Étude Kane, 1982 Rabiner, 1986 Crow, 1986 Prudo et Blum, 1987 McCreadie, 1992 Rajkumar, 1989 Zhang, 1994 Linszen, 1994 Robinson, 1999 Années de suivi 3.5 1 2 5 5 3 1.5 1.5 5 % de rechutes 69 29 55 80 70 59 35 17 82 La démence précoce de Benedict Augustin Morel et Emil Kraepelin « immobilisation soudaine de toutes les facultés » Traité des maladies mentales 1860 « aliénés jeunes qui se présentent à l’observateur avec toutes les chances de guérison. Mais après un examen attentif on reste convaincu que la terminaison par l’idiotisme et la démence est le triste couronnement de l’évolution » Études cliniques 1851-1852 L’envahissement hallucinatoire de Joëlle Mon corps fut envahi par une étrange sensation de fourmillements progressant des jambes vers la tête. J’étais « plaqué » avec la peur de ne plus avoir la maîtrise de mon corps. J’entendis une voix d’un timbre différent du mien. J’avais peur d’une présence, sans trouver d’explications rationnelles à ce phénomène étrange. J’avais l’appréhension d’être manipulée ou de disparaître. Je me souviens d’avoir lutter contre cet envahisseur. Je hurlais « j’en ai assez » et me sentis soulagée. Le psy m’écouta et m’informa que ces phénomènes étaient d’origine hallucinatoire, que je ne pourrai jamais en trouver la cause et que si je ressentais le besoin de le revoir je pouvais prendre un rendez-vous. Avant la violence criminelle il y a eu des antécédents de violences et de réponses inadéquates Sociologie de la délinquance = abandon du terrain Réactions familiales d’adaptation à une situation inacceptable (menaces de mort…) Réactions inadéquates de la société et de l’interlocuteur interpellé (policier, médecin, avocat, procureur…) Dans la plus part des cas des symptômes avant coureurs ont précédé le passage à l’acte criminel La violence du psychotique Aspects criminogènes Suicides La monomanie homicide d’Esquirol « Les passions arment une main homicide. Les aliénés attentent à la vie de leurs semblables. Les uns devenus très susceptibles, très irritables, dans un accès de colère, frappent, tuent les personnes qui les contrarient, tuent les personnes qu’ils prennent à tort ou à raison pour des ennemis dont il faut se défendre ou se venger. Les autres trompés par des illusions des sens ou des hallucinations, obéissent à l’impulsion de leur délire » Prévalence de la violence chez des patients schizophrènes Etudes transversales Prévalence = 20% avant (Volavka 1997) et pendant l’hospitalisation (très liés aux conditions d’hospitalisation) (Karson 1987, Walker 1994) Prévalence = 9% après l’hospitalisation (Monahan & Applebaum 2000) < abus de substance, trouble de la personnalité, autres… Etudes rétrospectives Violence X 2 à 4 (8%) / population générale (2%) Etude prospective Facteur de risques X 8 (si homme) X 6,5 (si femme) en cas de schizophrénie (Odds Ratios, Eronen, Hakola, Tiihonen 1997) Senon J-L. Congrès de l’Encéphale 2004 Plusieurs études épidémiologiques en milieu pénitentiaire 9 millions de détenus dans le monde 1423 homicides Étude de la prévalence des troubles 93 par des schizophrènes mentaux dans 62 publications de 12 risque X 10 / pop générale pays occidentaux 22790 détenus Alcool (X17) 3,7% hommes présentaient des Marginalisation troubles psychotiques 4 % femmes… Eronen, Hakola, Tiihonen (Finlande) Schizophrènes auteurs d’homicide dont 70% intrafamiliaux Fazel S. & Danesh J. (The Lancet UK 2002) B. Gravier Service de Médecine et de Psychiatrie Pénitentiaires du canton de Vaud 2,15% < psychotiques < 3,3% Taux > population générale Constatation identique dans les 26 SMPR français Tendance à la responsabilisation Décompensation post-incarcération Désinstitutionnalisation Homicide inaugural de la psychose 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 Parricide Conjoints Inconnus Autres 19 homicides + 3 tentatives = 22 Forme insidieuse de début +++ Diagnostic postérieur à l’acte 15 schizophrénies Homicides d’un proche (81,8%) 7 parricides dont 2 doubles 6 épouses, 1 filicide, 1 fratricide, 1 tante, 1 cousin 3 étrangers dont 2 doubles meurtres Tentative (personne connue, membres du parlement…) Bourget D. & al Ottawa, 2004 Homicide inaugural de la psychose n = 22 25 20 15 10 5 0 Délire Hallu Atcd Violence Atcd Alcool Atcd Alcool Toxique Toxique Facteurs criminogènes Homicides intrafamiliaux (50 à 70%) Parricide Exaspération, fureur dans une relation symbiotique avec la mère ou conflictuel avec le père Homicide du conjoint Jalousie, persécution Puericide Délire démonopathique le parent tue l’enfant habité par le diable (culturel : le psychotique vient annihiler le mal) Fratricide Jalousie délirante Tueur de masse Type Pierre Rivière Homicides Pathologiques Psychoses criminelles - Forme inaugurale de la schizophrénie (30% révélés par délits ou crimes) - Héboïdophrénie (Kahlbaum 1889) - Forme pseudo-psychopathique – État limite - Schizophrène non traité, marginalisé, abusant de substances Paranoïas, Psychoses passionnelles - Human bomb (Concept de paranoïa disparu aux USA) - Les sœurs Papin (paranoïa sensitive Kretchmer) - Délire de jalousie Erotomanie Crimes sexuels Irresponsabilité pénale stable 0,5 % mise en examen Scène criminelle psychotique Absence de préméditation Absence de profit Absence de complice Absence de fuite ou de dissimulation Absence d’émotions Acharnement Facteurs criminogènes Conviction délirante Persécution + Toute puissance Mystique + Manichéisme Injonction hallucinatoire Symbiose affective avec la victime – inconnu Impulsions Dépression (suicide altruiste) Altération cognitive Dangerosité psychiatrique Désocialisation ou marginalisation Absence ou arrêt de traitement psychiatrique Recours épisodique ou continu à l’alcool ou aux toxiques Recrudescence symptomatique Antécédents de passages à l’acte médico-légaux (50% de récidive à 6 ans chez schizophrènes, Teplin 1994) Schizophrènes caractériels (héboïdophrènes à impulsivité maligne) Bertrand abusé La police intervient au domicile pour une agression physique commise par un jeune adulte sur ses parents. Dans les jours précédents il avait menacé sa mère de mort. Il est conduit aux urgences avec un arrêté municipal de placement. Il est réticent, fermé au dialogue, dissocié, sthénique quand on évoque un comportement pathologique; il refuse les soins. Il exprime trois thématiques délirantes intriquées Dieu l’a choisi au sein d’un groupe de prières et lui parle Sa mère a abusé de lui à l’âge de 2ans Il est surdoué et peut devenir Président de la République Cette conviction d’avoir été abusé par sa mère et maltraité par son père il l’a depuis un an. Son agressivité dans le milieu familial a conduit ses parents à prendre des mesures : Bernard ne reste jamais seul avec sa mère. Homicides Pathologiques Sadisme - Pervers narcissique : Cas de Julien, de Jérome Passé de carences, de traumatismes, d’actes pervers, de cruauté / animaux, antécédent = masque psychopathique Envahissement par des fantasmes crus et archaïques « Agir sur autrui la dévitalisation qu’il percevait, revendiquer la déshumanisation comme choix d’existence » « Je l’ai fait mais ce n’est pas moi » Monstre pour les autres, innocent pour lui-même Zagury D. Les Serial killers sont-ils des tueurs sadiques RFP 2002, Entre psychose et perversion narcissique. Une clinique de l’horreur : les tueurs en série. Ev Ψ 1996. Entre psychose et perversion 1er meurtre improvisé, utilitaire Eprouvé « subjuguant » Soi grandiose « Folie d’emprise » sur le passage de la vie à la mort Crimes ultérieurs « gratuits » = gain pour l’appareil psychique menacé Défense contre la psychose Pseudo-normalité (adaptation en prison, pas de perversion sexuel avec partenaire antérieur) Ce n’est pas un crime à but sexuel Passé psychopathique (idéalisation maternelle – crime = matricide déplacé) Perversion narcissique Déni de l’altérité Omnipotence Orgie narcissique (T. de coït postmortem) Absence de culpabilité Psychose Angoisse de néantisation Clivage du moi Rationalisations secondaires Envahissement délirant Suicide et schizophrénies Epidémiologie 9 à 12% Notion de suicidalité (H. Meltzer) 7 facteurs de suicide - Sévérité des symptômes schizophréniques (= résistance) - Antécédents de TS - Abus de substances - Symptômes dépressifs surajoutés (25%) - Récente hospitalisation - Rechutes et ré hospitalisations Suicide social Sylvain est habité par un martien Sylvain vient spontanément dans le service de psychiatrie pour demander l’euthanasie. Il porte une bouteille d’alcool à brûler et menace de s’immoler, il affirme : « J’ai un martien dans le cul » Aux urgences il se dit habité et possédé par une bête qui contrôle et dirige ses pensées et ses actes. Il veut se tuer pour tuer la bête. Ce délire de possession animale ou extraterrestre présente plusieurs mécanismes sous jacents intuition, interprétation, hallucination. La conviction délirante est totale, l’anxiété majeure. Abus de substances et schizophrénie (Prévalence 6,8%)* Alcool = 1ère substance consommée (3,8%) *, (27%)** Cannabis = drogue dure (6%)*, (26%)** Pharmacopsychose = psychose induite Facteur déclenchant, aggravant = violence Consommation de cannabis facteur de risque de développer une schizophrénie (Andreasson 1987, Zammit BMJ 2002) Autres substances Ecstasy, cocaïne (16,7%)*, LSD, opiacés (11,4%)*, (7%)**, psychotropes, solvants * ECA Jama; 1990** Dervaux & al Encéphale 2003 Conclusion Le schizophrène dangereux ? 1 % pop générale, 3 % pop pénitentiaire, 0,5 % Art 122 – 1 Formes inaugurales des schizophrénies Critères criminologiques de crime immotivé Critères cliniques = schizophrène non traité, sdf, abusant de substances Début insidieux mais presque toujours appel avant l’acte criminel – prévention ?