Entrevue Gaetan Barrette (20 janvier 2017)

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Entrevue Gaétan barrette
Le 20 janvier 2017
Gravel le matin – ICI Radio-Canada
Ecouter l’archive :
http://ici.radio-canada.ca/emissions/gravel_le_matin/2016-2017/archives.asp?date=2017-01-20
Alain Gravel : alors J’essaie de comprendre ce qu’il se passe, je le disais avec Michel David, ce
matin je pense que je suis pas le seul à pas trop comprendre le contexte dans lequel on vit , toute
cette négociation, ce bras de fer, cette nouvelle crise entre vous et les médecins spécialistes et
pendant ce temps là y a des gens qui essaient d’obtenir des RV pour des échographies, qui en ont
besoin et qui se buttent à des gens qui leur disent : « téléphonez après le 26 janvier».
Gaétan Barrette : ça s’appelle une prise d’otage. Ce qui est en jeu, et je pense que les gens l’ont
bien compris, c’est la couverture publique des échographies faites en cabinet et l’objet de la
négociation c’est simplement une question d’argent.
Les MD radiologues qui dans le passé faisaient ça au privé, le vrai privé – on charge au patient
pour la totalité de l’examen - faisaient des profits substantiels. Maintenant, à partir du moment où
on tombe dans le régime public, et bien ça change parce que l’état n’a pas les moyens de générer
des profits substantiels.
L’autre partie en face de nous veut, dans cette négociation, avoir la plus grande marge possible.
Nous notre objectif est de couvrir « le prix coutant et un peu plus » pour laisser de la marge aux
radiologues, et là c’est une question de marge. Ce qui est déplorable c’est la prise d’otage en ne
donnant pas les rendez-vous parce que le Pdt de l’association l’a dit lui-même « oui c’est vrai que
nos règles permettent d’avoir un paiement rétroactif » … mais malgré tout le sachant, il ne dit pas
à ses membres de donner des RV quand même pour faire de la pression … et là vous vous
m’interviewer en me disant qu’il y a une crise : c’est pas moi qui la crée la crise, c’est eux autres.
Alain Gravel : le pdt de l’Association des radiologistes écrit ce matin dans une lettre ouverte
entre autres dans La presse que c’est pas la première fois qu’on discute de ça et que tous les
ministres qui vous ont précédé ont compris qu’on ne peut pas imposer la gratuité du jour au
lendemain sans l’accompagner de « mesures de transition». Hier, on l’a vu des gens qui disent
«on ne peut pas assumer ces couts, on ferme nos cliniques» ou encore « on se désaffilie
complètement du réseau public » ; et là au final on va revenir au même point : c’est que les gens
vont devoir payer!
Gaétan Barrette : oui mais si l’objectif c’est de faire en sorte que plus jamais personne ne paie
pour quoique ce soit en santé, ça veut dire qu’il faut que je nationalise toute. Ce qui est dans le
journal ce matin, les cliniques de gastro-entérologues qui disent qu’ils vont se désaffilier : alors
d’abord y a pas de perte d’accès, ils vont pouvoir charger aux patients et opérer .. Et ils vont
charger au complet aux patients. Qu’est ce qu’ils faisaient avant, ces gens là? Ils facturaient d’un
coté la RAMQ, à peu près le 5ième des couts de la procédure, et les 4 autres cinquièmes au privé…
ben là ils vont pouvoir continuer à opérer comme ils le veulent mais ils vont charger la totalité au
privé et le service va être rendu accessible pour ceux qui acceptent de payer.
Alain Gravel : donc on n’est pas plus avancé si ces MD se désaffilient?
Gaétan Barrette : sur le plan de l’accès, y a des gens qui étaient prêts à payer avant. Sont encore
là ces gens là. Sont encore prêts à payer pis ils vont payer.
Alain Gravel : ben justement est-ce que ça n’est pas l’objectif de vos mesures d’éviter que des
gens aient à payer même s’ils le veulent dans un système public comme celui qu’on connait?
Gaétan Barrette : Si les gens sont prêts à payer pour aller là, moi je suis, on est dans un pays libre.
Prenons l’exemple de l’endoscopie qui est l’exemple le plus frappant actuellement, on sait le
nombre exact d’endoscopies et de colonoscopies qui se faisaient en clinique, on sait le nombre
précis 9379. On vient d’augmenter la capacité de nos salles, elles sont opérantes au moment où
on se parle, on vient d’augmenter les budgets le personnel d’ouverture de salle, pis on est prêts à
les ouvrir encore plus… On va avoir une capacité additionnelle de plus de 20000 colonoscopies,
clairement on peut absorber les 9000 qui étaient au privé et on va en faire encore plus… savez,
les gens qui s’en vont au privé comme ça, qui se désaffilient, ils ont le droit de faire ça , j’ai pas
de problème avec ça. Mais ils prennent un risque. Si jamais il y a plus d’attente dans le public, ils
vont tous revenir en courant dans le public. Mais permettez moi de faire le lien avec le budget du
Québec : ça n’est pas un budget sans fin. On ne peut pas constamment ajouter de l’argent, nous
on veut que les services soient données, on veut baisser les attentes. C’est pour ça qu’on a investit
en endoscopie en imagerie médicale chez les radiologues, on augmente la capacité des services à
donner à nos gens à la population, des services on veut qu’il s’en donne plus mais au juste prix et
c’est ce qui se passe. Alors quand les gens, les radiologues en clinique qui font de l’échographie
nous disent ils peuvent pas le faire. Ben, d’un coté ils veulent garder une partie de l’activité
privée lucrative… vous savez le radiologue quand il fait une échographie privée il est pas dans le
public… ben là on va le rendre dans le public et ça se peut qu’au bout de la ligne il y ait encore
des échographies privées, c’est possible mais ce sera dans un contexte où les médecins
choisissent de se désaffilier.
Alain Gravel : mais la très, très grande majorité des gens n’ont pas les moyens de se payer ces
services dans le privé. Et là ce qu’il se passe dans ce contexte de crise, la résultante, c’est qu’on
risque de se retrouver comme à l’époque quand Mme Marois était ministre de la santé où il y a
eut des 100aines, des milliers de personnes qui ont du aller se faire soigner aux Etats-Unis pour
des cancers notamment.
Gaétan Barrette : monsieur Gravel, monsieur Gravel.
Moi je suis en contact avec plusieurs radiologues, à tous les jours et ils savent très bien les prix
qui sont négociés sur la table à la table des négociations et ils savent très bien que le montant que
l’on propose excède largement le cout de leur opération et ils le disent eux-mêmes et ils vont
faire les échographies.
Là y a une négociation classique Monsieur Gravel et dans ce type de négociation c’est un rapport
de force mais nous notre objectif c’est de le rendre couvert par le régime de l’assurance maladie
pour augmenter le nombre de services gratuits offerts aux points de services à la population. Et ça
va arriver dans toutes les régions. Là actuellement y a un discours…. C’est quand même
impressionnant c’est comme si le discours public, la conversation qu’on a, Monsieur Gravel,
nous amenait à « Développons le privé » ! C’est un peu ça la résultante de ce que vous me
dites… ou encore, et là je vais vous poser la question dans l’autre sens, vous la poserez aux
radiologues : si le tarif était plus élevé au public, est-ce que ça poserait un problème d’accès ?
Parce que l’enjeu ici c’est la marge bénéficiaire, le profit. Alors si je mettais… ils me l’ont
demandé ils m’ont demandé de mettre 80 $ par examen, faites le calcul 80$ par 4000 examens
par année plus l’honoraire professionnel … On se demande si, à ce tarif là, ils seraient pas prêt à
se mettre à 4 pattes pour faire des échographies…
C’est un enjeu pécuniaire monsieur Gravel, et nous comme gvt on n’a pas le choix de gérer
correctement les impôts, les taxes des gens qui nous écoutent donc de payer un prix raisonnable
qui couvre les frais d’opération et de rendre ça gratuit à la population.
Alain Gravel : vous parlez d’une négociation classique. Ce qui n’est pas classique, c’est qu’une
des deux parties, et c’est pas la première fois qu’on l’entend, demande le changement
d’interlocuteur. Dans la négociation, ça, c’est pas classique.
Gaétan Barrette : au contraire c’est classique… Monsieur Gravel, je vous arrête tout de suite là.
J’en ai fait moi des négociations tout le monde le sait quand j’étais de l’autre bord là et j’ai
toujours réussis à passer par dessus le ministre de la santé pour aller directement au trésor, tout le
temps.
Alain Gravel : donc vous êtes en train de me dire que les MD spécialistes vont devoir passer au
dessus de votre tête pour régler le problème?
Gaétan Barrette : ben nonnnn… Je vais vous expliquer la tactique. C’est pas compliqué. Là,
quand on a quelqu’un… quand moi j’avais Philippe Couillard, comme premier ministre en face
de moi, il connaît la santé je peux pas, je pouvais pas lui faire accroire du personnel, euh accroire
du Père Noël… C’est sur que quand on va avec un interlocuteur qui est moins familier avec la
santé, ou qui ne l’est pas du tout et bien on a l’avantage quelque part de l’argumentaire, quand on
a quelqu’un en face de nous qui est - j’aime bien l’expression, qui est bilingue en santé et bien on
ne peut pas se faire «empire» [pas clair au son].
Alain Gravel : mais pour le bien public ce serait pas opportun de vous tasser pour hâter un
règlement avec les MD spécialistes ?
Gaétan Barrette : ben monsieur Gravel, je vais vous répondre bien directement… le bien public
c’est de ne pas payer au delà de ce qui est raisonnable et que les services soient couverts par la
RAMQ et c’est à ça que je travaille.., je pense qu’on va arriver à destination c’est certain… est-ce
que les radiologues vont oser continuer à prendre les patients en otage? Y a pas une semaine chez
vous où on ne critique pas la rémunération des médecins et vous savez les MD spécialistes, on
parle d’un groupe qui a une enveloppe de rémunération de 4, 6 milliars de dollars, et la troisième
spécialité la mieux rémunérée chez les spécialistes c’est la radiologie. ..
Écoutez là à un moment donné je dis toujours, je le disais avant : le rattrapage il est fait, à partir
du moment où le rattrapage il est fait, faut s’occuper de l’organisation des soins. Et vous savez
une chose ; dans l’organisation des soins avec la FMSQ et la FMOQ on travaille très bien, c’est
pas parfait mais on travaille très bien et on va avoir des résultats pis on va y arriver c’est juste que
là il y a un enjeu pécuniaire ponctuel mais faut choisir le patient, l’accès à des services couverts à
un prix raisonnable, ce que l’ont fait.
Alain Gravel : en espérant que ça se fasse au plus grand bénéfice des patients qui se frappent à un
mur pour obtenir des services qu’ils payent.
Gaétan Barrette : le collège de médecins invitaient même les patients qui se sentent lésés parce
que le collège des MD a beaucoup critiqué l’attitude des radiologues, ils ont le droit de se
plaindre.
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