La Dépression

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Depression
(Trouble unipolaire)
Dans sa pleine expression syndromique, la dépression clinique se manifeste comme un trouble
dépressif majeur, avec évolution épisodique et des degrés variés de manifestations résiduelles entre les
épisodes.
Symptomatologie et diagnostic
L'humeur est typiquement dépressive, irritable et/ou anxieuse. Le patient peut apparaître triste, avec
le front ridé, les coins de la bouche tombant, le dos voûté, le contact visuel pauvre, et le discours
monosyllabique (ou absent). L'humeur pathologique peut s'accompagner d'idées de culpabilité, d'autodépréciation, d'une diminution des capacités de concentration, d'une indécision, d'une perte d'intérêt
pour les activités habituelles, d'un retrait social, d'un sentiment d'impuissance, de l'impression que la
vie est sans espoir et d'idées récurrentes de mort et de suicide. Les troubles du sommeil sont
fréquents. Chez certains, l'humeur pathologique est tellement intense que le patient ne peut plus
pleurer ; le patient se plaint de ne pas ressentir les émotions habituelles, telles que le chagrin, la joie
et le plaisir, et trouve que le monde a perdu sa couleur, est sans vie, mort. Pour ces patients, le retour
de la possibilité de pleurer est habituellement un signe d'amélioration.
La mélancolie (anciennement dépression endogène) a un tableau clinique qualitativement différent,
caractérisé par un ralentissement psychomoteur marqué (de la pensée et de l'activité) ou une
agitation (p. ex. agitation, se tordre les mains, tension de la parole), une perte de poids, un sens de la
culpabilité irrationnel et une perte de la capacité à éprouver du plaisir. L'humeur et l'activité ont des
variations diurnes, avec un nadir le matin. La plupart des patients mélancoliques se plaignent de
difficultés d'endormissement, de réveils fréquents et d'insomnie de moitié de nuit et du petit matin. Le
désir sexuel est souvent diminué ou perdu. Une aménorrhée peut être observée. L'anorexie et la perte
de poids peuvent provoquer un amaigrissement important et des troubles électrolytiques secondaires.
Certains experts considèrent les manifestations psychotiques, qu'on retrouve chez 15 % des patients
mélancoliques, comme la marque d'un sous-type dépressif délirant ou psychotique. Les patients ont des
fantasmes d'avoir commis des péchés ou des crimes impardonnables ; ils entendent des voix qui les
accusent de méfaits divers ou les condamnent à la mort. On retrouve des hallucinations visuelles
(p. ex. de cercueils ou de proches décédés), mais elles sont inhabituelles. Du fait de leurs sentiments
d'insécurité et d'indignité, les patients se croient observés, surveillés, persécutés. D'autres pensent
qu'ils ont une maladie incurable et honteuse (le cancer ou une maladie sexuellement transmise), et
qu'ils vont contaminer d'autres personnes. Rarement, il peut arriver qu'un patient tue toute sa famille,
y compris les enfants, pour la « sauver » du malheur avant de se donner lui-même la mort (suicide
altruiste). Les tests de suppression à la dexaméthasone sont continuellement positifs chez les patients
souffrant de dépression psychotique.
Dans les dépressions atypiques, les caractéristiques végétatives inversées dominent la présentation
clinique ; elles comprennent des symptômes anxiophobiques, une aggravation vespérale, une
insomnie initiale, une hypersomnie qui dure souvent pendant la journée et une hyperphagie avec prise
de poids. A l'opposé des patients mélancoliques, ceux souffrant de dépression atypique montrent une
amélioration de l'humeur grâce à des événements potentiellement positifs, mais souvent s'écroulent
dans une dépression paralysante sous l'effet d'une adversité négligeable. La dépression atypique et
les troubles bipolaires de type II se superposent largement.
Le diagnostic de dépression clinique est habituellement facile, mais reconnaître des symptômes plus
légers peut être difficile. Par exemple, dans le trouble dépressif majeur avec rémission complète, les
symptômes dépressifs classiques disparaissent et sont substitués par des préoccupations
hypocondriaques subaiguës ou chroniques, une morosité irritable et des problèmes conjugaux
secondaires. Chez d'autres patients, considérés comme déprimés masqués, la dépression peut ne pas
être vécue de manière consciente. A la place, les patients mettent en avant des plaintes somatiques
et peuvent présenter un masque d'apparente gaieté (dépression souriante). D'autres se plaignent de
fatigue, d'algies diverses, de peur de désastres et de peur de devenir fou. La latence REM chez ces
patients est abrégée, en faveur de la nature thymique de la présentation clinique.
Le diagnostic est basé sur l'ensemble de la symptomatologie décrite ci-dessus et doit être envisagé
chez tous les patients, particulièrement ceux qui disent qu'ils ne méritent pas d'être traités ou refusent
de coopérer avec les procédures médicales nécessaires ou les tt.
Traitement
: la plupart des sujets souffrant de dépression sont traités en ambulatoire. Le tt
médicamenteux, appliqué dans le contexte d'un tt de soutien et d'une intervention psycho-éducative
(v. plus loin), est le tt de choix pour la dépression modérée à grave ; la dépression plus légère peut
être traitée avec la psychothérapie. Tous les patients souffrant de dépression doivent être interrogés
avec tact mais directement sur leurs idéations suicidaires, leurs plans, ou leurs actions. Toutes les
communications à contenu autodestructeur doivent être prises au sérieux.
Principes généraux
Au début, le médecin voit les patients souffrant de dépression 1 à 2 fois/semaine pour fournir un
soutien et des informations sur le trouble et pour contrôler les progrès. Pendant les phases précoces
du tt, garder le contact avec le patient et sa famille via des appels téléphoniques peut aider. Comme
de nombreuses personnes éprouvent de l'embarras et sont démoralisées par le fait d'avoir un trouble
mental, le patient, sa famille et son employeur (quand cela est approprié et après consentement
éclairé du patient [aux USA]) doit être informé que bien souvent, la dépression est un trouble médical
autolimité de bon pronostic. Certains patients peuvent trouver inacceptable le diagnostic de
dépression, et le médecin doit les rassurer sur le fait que la dépression ne reflète pas une anomalie de
caractère, donnant quelques explications sur les modifications biologiques de la dépression. Les
patients préoccupés par le fait de « prendre des médicaments » peuvent être rassurés car les
antidépresseurs ne créent pas d'accoutumance. Dire aux patients que le parcours vers la guérison est
souvent oscillant aide à réduire la démoralisation et assure la compliance. Le tt des épisodes
dépressifs par des médicaments doit être poursuivi pendant au moins la durée naturelle d'un épisode
(c.-à-d. 6 mois).
Des conseils spécifiques sont souvent utiles aux patients. Comme leur dire d'être le plus actif
possible, mais sans entreprendre des tâches insurmontables ; d'essayer de ne pas rester seul ; de ne
pas se blâmer d'être déprimé ; et de se rappeler que les idées noires font partie de la maladie et
disparaîtront. Les proches du patient doivent être informés que la dépression est une maladie grave
qui nécessite un tt spécifique ; que les patients souffrant de dépression ne sont pas paresseux ; que la
perte de la personne aimée ou du travail est souvent le résultat, et non la cause de la dépression ;
que la religion peut réconforter mais pas guérir ; que l'activité physique n'est pas un tt spécifique de la
dépression ; et que les vacances peuvent aggraver la dépression.
: les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) comprennent la fluoxétine, la
sertraline, la paroxétine et la fluvoxamine (v. TAB. 189-6).
Antidépresseurs
Les principes suivants aident à comprendre comment les ISRS et les autres antidépresseurs de
nouvelle génération influencent le système sérotoninergique (5-hydroxytryptamine, 5-HT). Le blocage
présynaptique de la 5-HT entraîne une augmentation de la quantité de 5-HT qui stimule les nombreux
récepteurs 5-HT post-synaptiques. La stimulation des récepteurs 5-HT1 est associée à des effets
antidépresseurs et anxiolytiques. La stimulation des récepteurs 5-HT2 entraîne nervosité, insomnie et
dysfonctionnement sexuel, et leur blocage est associé à l'amélioration de la dépression. La stimulation
des récepteurs 5-HT3 est associée à des nausées et des céphalées, et leur blocage élimine la nausée.
En empêchant la recapture présynaptique de la 5-HT, les ISRS conduisent finalement à une fonction
sérotoninergique centrale plus efficace. Ils n'ont pas d'effets anti-cholinergiques, anti-adrénergiques, ni
sur la conduction cardiaque. Bien qu'ils soient sélectifs du système sérotoninergique, les ISRS ne sont
pas spécifiques dans leurs actions sur les différents récepteurs de la 5-HT. Ainsi, quand la stimulation
de la 5-HT1 permet des effets antidépresseurs et anxiolytiques, la 5-HT2 et la stimulation de la 5-HT3
provoque les effets secondaires habituels des ISRS : nausées, anxiété, insomnie, céphalées,
nervosité et dysfonctionnement sexuel. Ainsi, paradoxalement, les ISRS peuvent soulager ou
provoquer de l'anxiété. Dans les premiers mois peut se manifester une anorexie, préférentiellement
avec la fluoxétine ; la perte de poids peut être utile chez les patients présentant du surpoids et étant
boulimiques. La sédation est minime ou inexistante, mais certains patients ont tendance à une
somnolence diurne pendant les premières semaines de tt. L'agitation peut rendre l'arrêt nécessaire
pour 3 à 4 % des patients. Rarement, l'akathisie apparaît (faible activité dopaminergique ?). Les effets
secondaires les plus fréquents sont sexuels (p. ex. diminution de la libido, orgasme difficile) qui touche
jusqu'à 1/3 des patients. Certains patients acceptent ces effets comme le prix de l'amélioration de la
dépression, mais 1 patient sur 10 demande ou nécessite le changement pour une autre classe
d'antidépresseur. D'autres effets secondaires sont diarrhée et céphalées. Les interactions
pharmacologiques sont rares. Les ISRS sont sûrs en cas de surdosage, ils ont une large marge
thérapeutique, et sont relativement faciles à administrer, avec peu de besoin d'ajustements
posologiques (en dehors de la fluvoxamine). Le succès de ces médicaments a contribué à la large
acceptation par les patients du tt de la dépression par les antidépresseurs.
Les ISRS sont indiqués également dans les troubles corrélés à la dépression pour lesquels les
antidépresseurs tricycliques ne sont pas efficaces, incluant le trouble dysthymique, la dépression
atypique, la dépression saisonnière, le trouble obsessionnelcompulsif, la phobie sociale, la boulimie,
le syndrome prémenstruel et peutêtre le trouble de personnalité borderline.
La néfazodone bloque en premier lieu les récepteurs 5-HT2, et inhibe aussi la recapture de la 5-HT et de
la noradrénaline. Le résultat est une action antidépressive et anxiolytique sans dysfonctionnements
sexuels ; et il n'y a pas de problème de nausées puisque la néfazodone bloque aussi les récepteurs 5HT3. A la différence de la plupart des antidépresseurs, la néfazodone ne supprime pas le sommeil
REM et produit un sommeil reposant. Cependant, de graves arythmies cardiaques peuvent se
développer en cas d'utilisation concomitante de terfénadine ou d'astémizole.
La trazodone [n.d.t. : non commercialisée en France], un antidépresseur semblable à la néfazodone,
bloque les récepteurs 5-HT2, mais sans inhiber la recapture présynaptique de la 5-HT. Elle peut
causer un priapisme (dans 1 cas sur 1 000), ce qui n'est pas rapporté avec la néfazodone. A la
différence de la néfazodone, la trazodone est un -1bloqueur noradrénergique et est associée à une
hypotension posturale. La trazodone est extrêmement sédative, son utilisation à des doses
antidépressives (> 400 mg/j) est limitée. Elle est plus souvent utilisée à faible dose (de 50 à 100 mg
au coucher) pour traiter l'insomnie due aux ISRS.
La mirtazapine bloque les autorécepteurs -2adrénergiques ainsi que les récepteurs 5-HT2 et 5-HT3. Le
résultat est une fonction sérotoninergique plus efficace sans dysfonctionnement sexuel, ni nausées.
Elle n'a pas d'effets secondaires sur la fonction cardiaque, a une interaction minime avec les enzymes
hépatiques qui métabolisent les médicaments, et est généralement bien tolérée, sauf pour la sédation
et la prise de poids dues au blocage de l'H1 (histamine).
Les antidépresseurs hétérocycliques, tt standard de la dépression avant 1990, comprennent les
tricycliques (les amines tertiaires amitriptyline et imipramine et leurs métabolites amines secondaires
nortriptyline et désipramine), les tricycliques modifiés et les antidépresseurs tétracycliques. En aigu,
ces médicaments augmentent principalement la biodisponibilité de la noradrénaline et à un certain
point de la sérotonine, bloquant leur recapture dans l'espace synaptique. L'administration chronique
désensibilise les récepteurs -1adrénergiques sur la membrane post-synaptique (la possibilité d'une
voie finale commune de leur activité antidépressive). Comme les ISRS, les antidépresseurs
hétérocycliques sont efficaces chez 65 % des patients cliniquement déprimés. Bien que les données
disponibles soient incertaines, de nombreux médecins retiennent que ces médicaments sont
supérieurs aux ISRS dans le tt des patients mélancoliques et des sujets hospitalisés pour dépression.
Les effets secondaires les plus fréquents des antidépresseurs hétérocycliques proviennent de leur
effet de bloc muscarinique et de leur action -1anti-adrénergique. La plupart de ces antidépresseurs
sont donc inutilisables chez les patients souffrant d'une maladie cardiaque. Même de faibles doses
peuvent provoquer une tachycardie et des effets quinidinelike sur la conduction cardiaque. La
désipramine peut induire une arythmie grave chez l'enfant. Comme les antidépresseurs
hétérocycliques peuvent provoquer une hypotension posturale, ils sont contre-indiqués chez les
patients présentant de l'ostéoporose, de l'artériosclérose cérébrale ou une cardiopathie ischémique.
D'autres effets secondaires fréquents sont la vision floue, la xérostomie, la tachycardie, la constipation
et la dysurie (plus modérément avec les antidépresseurs tricycliques à structure amine secondaire).
La sédation, en fonction du besoin d'induire et de maintenir le sommeil, peut être considérée, ou pas,
comme un effet secondaire, et résulte principalement du blocage des récepteurs 5-HT2 et H1. Une
prise de poids excessive est retrouvée chez certains patients. Les antidépresseurs hétérocycliques,
sauf l'amoxapine, ne bloquent pas de manière importante les récepteurs D 2 (dopaminergiques). Une
intoxication sur le plan du comportement (excitation, confusion, hallucinations ou sédation excessive)
est particulièrement probable chez les personnes âgées présentant une pathologie cérébrale
organique. Tous les antidépresseurs hétérocycliques, en particulier la maprotiline et la clomipramine,
abaissent le seuil épileptogène.
La venlafaxine a un double mécanisme d'action sérotoninergique et adrénergique, comme les
antidépresseurs tricycliques, mais le profil des effets secondaires est plus bénin, plus ou moins celui
des ISRS ; la nausée est le problème majeur pendant les 2 premières semaines. Quand la dose est
augmentée progressivement (tout d'abord par une augmentation de 37,5 mg/j), la venlafaxine est bien
tolérée, spécialement quand la forme à libération prolongée est utilisée. La venlafaxine peut parfois
agir plus rapidement (en moins de 1 semaine) que d'autres antidépresseurs. La surveillance de la PA
est conseillée car la PA diastolique augmente chez 3-5 % des patients recevant des doses > 225 mg/j.
La venlafaxine a certains avantages par rapport aux ISRS : elle semble mieux fonctionner chez les
patients souffrant de dépressions graves ou résistantes, et puisqu'elle n'est pas hautement liée aux
protéines et n'a pratiquement aucune interaction avec les enzymes hépatiques qui métabolisent les
médicaments, elle pose peu de problèmes quand on l'administre avec d'autres médicaments.
Le bupropion [n.d.t. : non commercialisé en France] n'a pas d'effets sur le système sérotoninergique.
Par des mécanismes qui ne sont pas clairement compris, il influence favorablement les fonctions
catécholaminergiques, dopaminergiques et noradrénergiques. Le bupropion n'a relativement pas
d'effet de cycle sur la dépression bipolaire. Il peut être utile aux patients déprimés présentant un
trouble du déficit de l'attention avec hyperactivité associée, ou dépendance à la cocaïne, et ceux qui
essayent d'arrêter de fumer. Le bupropion n'a pas d'effet sur le système cardiovasculaire mais peut
causer des convulsions (chez 0,4 % des patients présentant des doses > 450 mg/j) ; le risque est
majeur chez les patients souffrant de boulimie. Il n'entraîne pas d'effets secondaires sexuels et a peu
d'interactions avec des médicaments coadministrés. Un effet secondaire fréquent est l'agitation, qui
est très atténuée avec la forme à libération prolongée, ce qui le rend plus facile à tolérer.
Les inhibiteurs des mono-amine-oxydases (IMAO) inhibent la désamination oxydative des 3 classes
d'amines biogènes (noradrénaline, dopamine et 5-HT) et des autres phényléthamines. Les inhibiteurs
des mono-amine-oxydases (IMAO) ont peu ou pas d'effets sur l'humeur normale, et bien que la
tranylcypromine ait certaines actions directes amphétamineslike, en général ils ne sont pas dangereux
en cas d'abus. Leur principale valeur est leur efficacité quand d'autres antidépresseurs ont échoué.
Les IMAO sont indiqués également dans la dépression atypique.
Les IMAO actuellement sur le marché comme antidépresseurs aux USA (p. ex. la phénelzine et la
tranylcypromine [n.d.t. : non commercialisée en France]) sont irréversibles et non sélectifs (inhibent
les MAOA et MAOB). Ils peuvent être cause de crises hypertensives si on administre simultanément un
médicament sympathomimétique ou un aliment contenant de la tyramine ou de la dopamine. Cet effet
est appelé « effet fromage », parce que le fromage bien fait a un contenu élevé en tyramine. Les
IMAO sont peu utilisés à cause de la crainte de cette réaction. Les IMAO plus sélectifs et réversibles
(p. ex. le moclobémide et le béfloxatone [n.d.t. : non commercialisé en France], qui inhibent les
MAOA) ne sont pas encore disponibles aux USA ; ils n'ont quasiment pas d'interactions.
Pour prévenir les crises hypertensives des IMAO, le patient doit éviter les médicaments
sympathomimétiques (incluant la phénylpropanolamine et le dextrométhorphan, composants de
nombreux décongestionnants nasaux et d'anti-tussifs), la réserpine et la mépéridine, ainsi que les
bières de Malte, le Chianti, le Cherry, les liqueurs et les aliments trop mûrs et vieillis qui contiennent
de la tyramine ou de la dopamine (p. ex bananes, fèves, extraits de levures, figues sèches, raisins
secs, yaourts, fromage, crème aigre, sauce de soja, harengs à l'huile, caviar, foie et aliments
excessivement élaborés).
La crise hypertensive se manifeste par de graves céphalées pulsatiles ; la PA peut atteindre 240/140 mm Hg. Les patients
doivent avoir sur eux des comprimés de chlorpromazine à 25 mg, en prendre 1 ou 2 dès
qu'apparaissent les signes de cette réponse et se rendre dans le service des urgences le plus proche.
Bien que la nifédipine sublinguale à la dose de 10 à 20 mg soit souvent prescrite pour les crises
hypertensives, la chlorpromazine est plus sûre et calme le patient. Ce tt baisse souvent la PA lorsque
le patient arrive aux urgences.
Bien que redoutable, la crise hypertensive est relativement rare. Les problèmes les plus fréquents
sont l'hypotension posturale et les vertiges. Un patient dépressif faiblement hypertendu candidat à la
prise d'un IMAO peut bénéficier de son action sur la dépression et sur la PA. Les IMAO peuvent être
utiles chez les patients qui prennent du lithium, et chez qui les diurétiques sont généralement contreindiqués. D'autres effets indésirables fréquents des IMAO comprennent des difficultés d'érection
(moins fréquentes avec la tranylcypromine), l'anxiété, les nausées, les vertiges, l'insomnie, les
oedèmes et une prise de poids. Les effets indésirables cardiotoxiques et anti-cholinergiques sont peu
fréquents. L'hépatotoxicité (la raison pour laquelle le premier IMAO, l'iproniazide, a été retiré du
commerce) est rare lors de l'utilisation courante des IMAO.
Les IMAO ne doivent pas être utilisés avec d'autres types d'antidépresseurs, et on doit laisser au
moins 2 semaines (5 avec la fluoxétine, qui a une tentre l'utilisation des 2 types de médicaments. Les
IMAO, utilisés avec des antidépresseurs ayant un effet sur le système sérotoninergique (p. ex. ISRS,
néfazodone) peuvent produire un syndrome caractérisé par une hyperthermie maligne, de graves
lésions musculaires, une insuffisance rénale, des convulsions et éventuellement le décès. Les patients
prenant des IMAO et qui auraient besoin d'un tt anti-asthmatique, antiallergique, ou d'anesthésiques
locaux ou généraux, devront être traités sous le contrôle d'un psychiatre, d'un interniste, d'un dentiste
ou d'un anesthésiste ayant l'expérience nécessaire en neuropsychopharmacologie.
Le méthylphénidate, à la dose de 5 mg 1 fois/j ou 2 fois/j, peut être utile chez les patients âgés souffrant
de dépression chronique et d'asthénie liées aux conséquences de pathologies infectieuses
prolongées ou à des interventions chirurgicales. [n.d.t. : la substance n'a pas cette indication en
France.]
: un
antécédent de réponse à un antidépresseur spécifique (soit par le patient soit par un membre de sa
famille) guide le choix du médicament. Sinon, débuter avec un ISRS est le meilleur choix car il est
facile et sûr à administrer. Bien que les différents ISRS aient une efficacité semblable pour la
moyenne des cas de dépression, de nombreux médecins utilisent la fluoxétine chez les patients
léthargiques, et la fluvoxamine et la paroxétine chez les plus anxieux ; la sertraline est efficace pour
chaque type. L'insomnie, un effet secondaire fréquent des ISRS, est traitée en réduisant la dose ou en
ajoutant une faible dose d'un antidépresseur hétérocyclique sédatif. Une tolérance à la nausée et à la
diarrhée qui se produit pendant la phase précoce du tt par ISRS se développe. Cependant, les
céphalées pulsatiles ne disparaissent pas toujours, rendant nécessaire l'arrêt de l'ISRS. Un ISRS doit
être arrêté s'il provoque une agitation (plus fréquente avec la fluoxétine). Quand au cours d'un tt par
ISRS apparaissent une diminution de la libido, une impuissance ou une anorgasmie, on recommande
la réduction de la dose, ou un arrêt de l'ISRS en fin de semaine peut parfois aider ; dans de nombreux
cas, il est nécessaire de changer de classe d'antidépresseurs.
Les recommandations pour le tt antidépresseur dans les différents types de dépression sont les suivantes
La néfazodone est particulièrement efficace chez les patients souffrant d'anxiété et d'insomnie, et ne
cause pas d'effets secondaires sexuels. Le bupropion et la mirtazapine n'ont pas non plus d'effets
secondaires sexuels. La fluoxétine et le bupropion sont les médicaments de choix chez les patients
qui prennent du poids pendant une dépression ; par contre ceux présentant une perte de poids
significative peuvent tirer bénéfice de la mirtazapine.
La dose unique d'antidépresseurs hétérocycliques au moment du coucher rend les hypnotiques
inutiles, diminue les effets indésirables pendant la journée et améliore la compliance (v. TAB. 189-6).
Les ISRS qui sont stimulants pour nombre de dépressifs doivent être administrés le matin. Les IMAO
et le bupropion sont habituellement administrés 2 fois/j (le matin et en début d'aprèsmidi) pour éviter
une stimulation excessive. A cause de leurs t la venlafaxine s'administrent de préférence 2 fois/j (le
matin et au coucher), mais chez beaucoup de patients une prise unique est possible.
La réponse thérapeutique apparaît pour la plupart des différentes classes d'antidépresseurs en
environ 2 à 3 semaines (ou précocement en 4 j, ou plus tardivement en 5 à 6 semaines). Quatre à
6 mois après la réponse clinique, la dose est réduite à environ 2/3 de la dose thérapeutique efficace,
puis réduite graduellement sur 2 à 3 mois puis arrêtée. Eviter un arrêt brutal des antidépresseurs sert
à prévenir un rebond cholinergique (avec cauchemars, nausées et coliques) avec les antidépresseurs
hétérocycliques, et des symptômes de sevrage (p. ex. vertiges, paresthésies, rêves colorés) avec les
ISRS ; de tels symptômes sont moins fréquents avec la fluoxétine. Pour la dépression hautement
récidivante, grave ou chronique, la dose d'antidépresseur utilisée en phase aiguë doit être maintenue
en entretien.
Les nouvelles classes d'antidépresseurs sont généralement préférées par la plupart des patients âgés,
car les antidépresseurs hétérocycliques peuvent être cardiotoxiques, aggraver un glaucome à angle
fermé et une hypertrophie prostatique, et peuvent déclencher un état confusionnel. Cependant, les
effets anti-cholinergiques d'antidépresseurs hétérocycliques à faible dose peuvent parfois être utiles
pour les patients déprimés ayant des symptômes de côlon irritable, des symptômes douloureux
importants (même des migraines), ou des douleurs neuropathiques dues au diabète. Cette utilisation
peut rendre superflus les analgésiques ou permettre une réduction de leur dose. Cependant, la
plupart des antidépresseurs anti-cholinergiques (amitriptyline et dotiépine [n.d.t. : non commercialisée
en France]) sont à éviter chez les personnes âgées. Parmi les antidépresseurs récents, la venlafaxine
n'a pas d'interactions néfastes avec la plupart des autres médicaments, et peut être utilisée pour la
douleur.
Les patients déprimés souffrant d'anxiété généralisée (c.-à-d. préoccupation, tension, inconfort gastrointestinal) répondent bien mais typiquement lentement (cela peut prendre au moins 3 mois) aux
hétérocycliques sédatifs (amitriptyline, imipramine, dotiépine) et aux antidépresseurs de nouvelle
génération (néfazodone, paroxétine, mirtazapine) ; la buspirone à 10 à 30 mg 2 fois/j ne semble
efficace que chez les patients qui n'ont jamais utilisé de benzodiazépines.
Quand une anxiété de type panique est prévalente, la réponse à un antidépresseur hétérocyclique peut
ne pas être optimale, et on peut ajouter une benzodiazépine (p. ex. lorazépam de 1 à 2 mg per os 2
ou 3 fois/j) pendant 1 à 3 semaines. Certains experts considèrent que l'alprazolam, une
benzodiazépine ayant une structure à anneau tricyclique, à des doses de 0,5 à 4 mg per os 2 fois/j
peut être efficace aussi en monothérapie, pour contrôler tant l'anxiété que la dépression. A cause du
potentiel de dépendance aux benzodiazépines, les ISRS avec des propriétés moins stimulantes
(p. ex. paroxétine, fluvoxamine, sertraline) sont préférables pour les patients souffrant de panique et
de dépression. L'IMAO phénelzine (jusqu'à 75 mg/j), quand on l'administre avec les précautions
diététiques et pharmacologiques nécessaires, est probablement le médicament le plus fiable pour les
patients souffrant de panique ou de symptômes anxiophobiques, et de signes végétatifs inversés. Les
patients souffrant de caractéristiques obsessionnellescompulsives marquées peuvent tirer bénéfice d'un
ISRS ou de clomipramine.
: si un ISRS est inefficace, il peut être substitué par un autre, mais un
antidépresseur d'une autre classe (p. ex. la venlafaxine ou le bupropion) a plus de probabilité d'être
utile. La tranylcypromine (de 20 à 30 mg per os 2 fois/j) est souvent efficace dans la dépression
résistante aux tt séquentiels par d'autres antidépresseurs ; elle doit être administrée par des médecins
experts dans l'utilisation des IMAO. Le tt par électroconvulsivothérapie est le tt le plus efficace pour la
Dépression résistante
dépression grave résistant aux médicaments. Le soutien psychologique du patient et de ces proches
est particulièrement important dans les cas résistants.
Des stratégies de potentialisation (de combinaison) sont souvent utilisées. La thyroxine à 25-50 mg/j peut
potentialiser la réponse aux tricycliques chez les femmes présentant des indices thyroïdiens aux
limites physiologiques (p. ex. un taux élevé de niveau basal de TSH, une réponse excessive au test
au TRH), mais cette méthode peut ne pas fonctionner si le trouble est unipolaire pur. Une association
de lithium et d'antidépresseurs est plus fiable chez les patients déprimés ayant un tempérament
hyperthymique (énergique, ambitieux, compétitif) ou avec une anamnèse familiale de troubles
bipolaires. D'autres stratégies comprennent l'association d'un médicament sérotoninergique (p. ex. un
ISRS à doses moyennes) et d'un antidépresseur avec des propriétés noradrénergiques (p. ex.
désipramine de 50 à 75 mg/j) ; l'utilisation de doses élevées de venlafaxine, qui combine les 2
propriétés ; l'association d'un antidépresseur tricyclique sédatif (p. ex. amitriptyline de 75 à 100 mg au
coucher) et d'un IMAO (p. ex. phénelzine de 30 à 45 mg le matin) ; et l'association d'un IMAO avec un
stimulant (p. ex. dextroamphétamine, méthylphénidate). Les 2 dernières stratégies ne doivent être
utilisées que par un spécialiste des troubles de l'humeur, car leurs sécurités et efficacités sont
problématiques en des mains inexpérimentées. Le pindolol, un bloquant -adrénergique, est considéré
comme un potentialisateur de l'action des ISRS et du néfazodone par l'intermédiaire d'une action 5HT1A ; ce paradigme expérimental n'a pas eu de résultats positifs de manière significative.
: les idées suicidaires persistantes (en particulier en cas d'absence de soutien familial),
la stupeur, la dépression agitée délirante et l'altération de l'état somatique ou l'association d'une
maladie cardiovasculaire sévère exigent une hospitalisation et souvent des électrochocs. Une
dépression retardée pendant la grossesse, avec risque suicidaire, ou agitation, est mieux traitée par
l'électroconvulsivothérapie. La réponse après 6 à 10 séances d'électrochocs est souvent spectaculaire
et peut sauver la vie. Pour la dépression psychotique qui ne constitue pas une urgence, on peut
administrer pendant 3 à 6 semaines des doses max de venlafaxine ou d'un antidépresseur
hétérocyclique (p. ex. nortriptyline) ; si besoin, un anti-psychotique (p. ex. thiothixène jusqu'à 20 mg/j
per os ou IM en 2 ou 3 fois) peut être ajouté. Afin d'éviter les risques de dyskinésie tardive, le
neuroleptique doit être administré à la dose minimale efficace et interrompu dès que possible. Les
anti-psychotiques atypiques (p. ex. la rispéridone de 4 à 8 mg/j, l'olanzapine jusqu'à 10 mg/j) semblent
relativement sans risque, et leur utilisation est en augmentation. La poursuite du tt par un AHC
pendant 6 à 12 mois (et jusqu'à 2 ans chez les patients de > 50 ans) en ambulatoire est en général
nécessaire pour prévenir les récidives chez les patients traités par sismothérapie ou chimiothérapie.
Hospitalisation
: le tt de la dépression récurrente sporadique est analogue à celui de l'épisode
isolé. Cependant, la dépression récidive chez 80 % des patients, qui doivent par conséquent recevoir
un tt antidépresseur au long cours (et probablement à vie). Le dosage souvent est ajusté sur la base
du niveau de l'humeur et des effets secondaires. Cependant, chez la plupart des patients, les
récidives sont prévenues le plus efficacement en maintenant la dose thérapeutique complète. Il
n'existe aucune preuve définitive montrant que les antidépresseurs ont des effets tératogènes. Si une
femme enceinte a une dépression grave qui requiert un tt d'entretien, elle peut prendre un
antidépresseur, mais doit être contrôlée avec soin par un obstétricien.
Traitement d'entretien
Les patients présentant une histoire familiale de troubles bipolaire doivent être surveillés dans
l'éventualité de développer une hypomanie ; chez ces patients, le tt d'entretien par le carbonate de
lithium seul est probablement également efficace. Des récidives peuvent se produire même avec un tt
d'entretien rigoureux, et les patients doivent être vus au moins tous les 2 à 3 mois.
: le tt de soutien et les interventions de psycho-éducation, formalisés comme des
psychothérapies spécifiques de la dépression, sont habituellement suffisants en augmentant le tt
pharmacologique. La psychothérapie individuelle brève (avec focalisation interpersonnelle) ou la
thérapie cognitivo-comportementale (individuelle ou de groupe) seule sont efficaces dans les formes
légères de dépression. Quand elles sont utilisées en association aux antidépresseurs, ces thérapies
sont plus utiles après que les antidépresseurs ont contrôlé les signes mélancoliques. Apportant
soutien et conseils, éliminant les distorsions cognitives qui empêchent les actions d'adaptation, et
encourageant les patients à reprendre graduellement leurs occupations professionnelles ou sociales,
ces thérapies peuvent améliorer la capacité à gérer les difficultés et renforcer les progrès faits avec le
tt pharmacologique. La thérapie de couple peut aider à réduire les tensions et la dysharmonie
Psychothérapie
conjugale. La psychothérapie au long cours n'est pas nécessaire, à l'exception des patients qui ont
des conflits interpersonnels de longue date dans de nombreux domaines de fonctionnement, ou qui
ne répondent pas au tt bref.
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