10 Congrès hebdo LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN Lundi 26 mai 2014 – n° 9330 PRINTEMPS DE LA CARDIOLOGIE Strasbourg 24 au 25 avril 2014. Organisé par le Groupe de réflexion pour la recherche cardiovasculaire (GRRC) et la Société française de cardiologie (SFC), le Printemps de la cardiologie a, comme de coutume, conjugué recherche fondamentale, recherche clinique et pratique, se faisant le reflet, à travers tables rondes, séances de posters, conférences et plus de 400 travaux présentés des innovations en recherche cardiovasculaire. Infarctus du myocarde Le no-reflow, un facteur péjoratif à court et long terme À la phase aiguë de l’infarctus du myocarde, malgré la désobstruction coronaire un certain nombre de patients ont des anomalies de la microcirculation. Ce phénomène appelé no-reflow est un facteur de mauvais pronostic à court et long terme. Quels sont les outils disponibles ? La classification TIMI (Thrombo- La cardioprotection via la vasculoprotection PHANIE ●●Dans l’infarctus du myocarde, le but de l’angioplastie est de désobstruer le plus vite possible la coronaire responsable de l’ischémie et de la souffrance tissulaire en aval. Mais malgré la récupération d’une reperfusion, il peut y avoir des anomalies de la microcirculation et donc une perfusion myocardique inadéquate. C’est ce qui définit le no-reflow, phénomène décrit initialement dans l’ischémie cérébrale, puis dans l’ischémie coronaire. Il découle de plusieurs mécanismes physiopathologiques : inflammation, altération de la perméabilité vasculaire avec œdème qui réduit la lumière des vaisseaux, microemboles. Le no-reflow est un facteur de mauvais pronostic à la phase aiguë comme à plus long terme (réduction de la fraction d’éjection ventriculaire gauche, nouvel événement cardiovasculaire). Il est donc important de le diagnostiquer. Si le score de Blush et l’ECG sont contributifs, ils restent des outils imparfaits et les recherches menées ces dernières années soulignent l’intérêt dans ce contexte de l’IRM myocardique. En cas de no-reflow, la prise de contraste est ralentie et il y a un hyposignal précoce qui peut persister sur les séquences tardives. Le no-reflow est un phénomène dyna- L’existence après angioplastie d’anomalies de la microcirculation est un facteur de mauvais pronostic lysis in myocardial infarction) juge la qualité de la reperfusion en salle de cathétérisme, mais le flux épicardique n’est que la partie émergée de l’iceberg. Ainsi, l’évolution peut être défavorable malgré un TIMI 3. Le score de Blush est mieux adapté à l’évaluation de la reperfusion et le no-reflow est défini par l’absence de Blush de grade 3. En pratique clinique, sur 100 patients ayant une angioplastie primaire, 93 ont un TIMI 3 mais seulement 44 un Blush à 0 ou 1. Ainsi, chez un patient TIMI 3 avec un score de Blush à 0 ou 1, le pronostic à court et long terme est très péjoratif. À côté du score de Blush, un outil simple est l’électrocardiogramme. Une bonne reperfusion se traduit par une résolution du segment ST de plus de 70 % 90 minutes après la procédure. Et l’absence de résolution de ST est un facteur de mauvais pronostic. La physiopathologie de l’établissement du no-reflow et de sa cinétique reste mal comprise. Il existe une destruction endothéliale et des embolies de plaquettes et de fibrine ; l’hypoxie entraîne une expression précoce du VEGF (Vascular endothelial growth factor) qui participe aux dégâts vasculaires. Ceci aboutit à une augmentation de la perméabilité vasculaire et à la survenue d’un œdème. Les recherches se portent aujourd’hui notamment sur la prévention de l’hyperperméabilité vasculaire, afin d’obtenir une cardioprotection via une vasculoprotection. Parmi les différentes pistes mique et progressif et il ne faut donc pas réaliser l’IRM trop précocement, mais attendre environ 48 heures. Dr Isabelle Hoppenot D’après les communications de Claire Bouleti, hôpital Bichat, Paris, Mathieu Kerneis, hôpital Pitié Salpêtrière, Paris et Benoît Lattuca, CHU de Montpellier, (groupe des cardiologues en formation). étudiées, celle du gène ANGPTL4, qui est fortement exprimé dans la zone ischémique par les cellules endothéliales qui bordent les vaisseaux et par les cardiomyocytes en souffrance. Des travaux expérimentaux menés chez la souris ont montré que les animaux dépourvus de ce gène ont un infarctus plus étendu. L’apport exogène de la protéine ANGPTL4 protège des altérations vasculaires post-ischémiques et de la perte d’intégrité vasculaire. La reperfusion est accrue, l’inflammation limitée et la taille de l’infarctus réduite. Un nouveau champ de recherche s’ouvre vers des molécules capables de protéger l’intégrité vasculaire au moment de la reperfusion. Dr I. H. D’après la communication de Stéphane Germain, Inserm, Paris Mort subite cardiaque Malgré des progrès certains, le pronostic des morts subites cardiaques reste très péjoratif. Les efforts doivent porter sur l’ensemble des mesures à toutes les étapes de la prise en charge, l’accent devant être mis auprès du public sur le message simple « appeler, masser, défibriller ». ●●L’arrêt cardiaque inopiné ou mort subite cardiaque est un problème de santé publique, « mais sa réalité en France reste mal connue, a rappelé le Pr Laurent Argaud. Il concernerait de 35 000 (en extrapolant les données du grand Paris) à 50 000 personnes par an, dont seulement 15 000 arriveraient vivants à l’hôpital et 1 000 seraient encore vivants sans séquelles un an après ». Si des progrès ont été réalisés, notamment depuis l’introduction du concept de chaîne de survie au début des années 1990, le pronostic des arrêts cardiaques reste très sombre. Deux grands facteurs pronostiques sont reconnus : le rythme cardiaque initial, le pronostic étant meilleur en cas de rythme chocable, et le délai du no-flow ou low-flow. Les taux de survie sont meilleurs lorsque le no-flow est inférieur à 5 minutes et le low-flow inférieur à 15 minutes. La prise en charge préhospitalière doit ainsi être active dès les premières minutes, le principe de la réanimation cardiopulmonaire étant de pousser vite et fort, à raison d’au moins 100 battements par minute, avec une dépression de 5 à 6 cm. Malgré de nombreuses controverses, l’adrénaline, administrée toutes les 3 à 5 minutes, reste la drogue indiquée dans la prise en charge préhospitalière. Les études réalisées versus vasopressine n’ont pas démontré de bénéfices pour ce dernier vasopresseur. « L’adrénaline n’est pas un médicament miracle, mais elle fait partie des recommandations, estime le Pr Argaud. Une étude (1) suggère toutefois que la qualité de la réanimation semble plus importante, en termes hémodynamiques, que l’adrénaline ». Deuxième drogue utilisée chez les patients réfractaires : l’amiodarone. Syndrome post-arrêt À l’hôpital, les progrès tech- SEBASTIEN TOUBON Appeler, masser, défibriller,un message simple niques sont nets, mais on déplore de nombreux décès par syndrome postarrêt cardiaque, qui associe lésions cérébrales, dysfonction myocardique, syndrome d’ischémie-reperfusion systémique et persistance de la pathologie causale. La moitié des décès sont dus à des lésions neurologiques et un quart sont la conséquence de l’état de choc cardiogénique. « Les lésions cérébrales apparaissent rapidement, puis évoluent au cours des sept premiers jours, ce qui laisse la place à des mesures protectrices », a indiqué le Pr Argaud. Pour le clinicien, toute L’arrêt cardiaque concernerait 50 000 personnes par an en France la difficulté est de déterminer quels patients vont se réveiller, en s’appuyant sur des critères cliniques, électro-encéphalographiques et sur les potentiels évoqués somesthésiques. Au niveau cardiaque, on observe une sidération post-arrêt, facteur de surmortalité, tout comme le nombre de chocs et la dose d’adrénaline. Plus de trois-quarts des patients ont une lésion coronaire, qui implique de réaliser très vite une angioplastie. L’arrêt cardiaque est un modèle de syndrome d’ischémie-reperfusion systémique et tous les organes le subissent. 30 % des décès surviennent par défaillance multiviscérale. De ce fait, la réanimation des défaillances d’organes est essentielle dans la prise en charge post-arrêt cardiaque. Il faut enfin noter l’effet délétère de l’hyperthermie. Le pronostic est meilleur chez les patients qui n’ont pas d’hypothermie précoce ni à 48 heures. Toutefois, plusieurs questions restent en suspens quant à l’application de l’hypothermie : pour quels patients, dans quels délais et pour quelle cible : 32°C, 34°C ou, selon une étude récente 36°C. «Améliorer la prise en charge de l’arrêt cardiaque repose sur un ensemble de petites choses. "Appeler, masser, défibriller" est un message simple qui peut être mieux appliqué », a conclu le Pr Argaud. Dr I. H. D’après la communication du Pr Laurent Argaud, CHU de Lyon (1) Pytte M et al, Resuscitation 2006;71(3) :369–78