LIGUE REIN ET SANTÉ 10 ANS DÉJÀ - Rein

publicité
SPÉCIAL ANNIVERSAIRE 10 ANS // NUMÉRO 1 // DÉCEMBRE 2016
LIGUE
REIN ET SANTÉ
10 ANS DÉJÀ
La Ligue Rein et Santé
Rein échos vous souhaite,
une heureuse
et bonne santé en 2017.
Prenez soin de vous !
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 2 #
D
epuis 2012, Pharmagest s’investit avec
la Ligue Rein et Santé auprès des pharmaciens en organisant des opérations
de sensibilisation sur l’insuffisance rénale
chronique en officine. Chaque année, durant
2 semaines en mars, les pharmaciens équipés
d’une solution Pharmagest proposent à leurs
patients diabétiques ou hypertendus de répondre
à un rapide questionnaire en ligne afin de les
sensibiliser sur leurs facteurs de risques de développer une Insuffisance Rénale Chronique. Le dialogue s’installe entre le professionnel de santé et
le patient qui peut repartir avec une fiche conseil
et prendre rendez-vous ultérieurement pour un
entretien pharmaceutique dans un espace confidentiel s’il le souhaite.
Le succès est au rendez-vous puisque plus de
3800 patients ont déjà été ainsi sensibilisés par
leur pharmacien et près de 1650 fiches conseils
ont été remises !
L’investissement de Pharmagest dans l’insuffisance rénale chronique ne s’arrête pas là puisque
le projet E-Nephro porté par Pharmagest à travers
sa filiale Diatelic a été sélectionné aux côtés de
13 autres projets pilotes de services numériques
dans le domaine de l’e-Santé. Ce projet est dédié
à la prise en charge par télémédecine de l’insuffisance rénale chronique. Le Groupe Pharmagest
en est le chef de file.
Le projet E-Nephro est une étude médico-économique qui se déroule dans trois régions françaises et qui a pour but d’évaluer l’impact d’un
système de télémédecine sur la prise en charge
de patients aux différents stades de la maladie
rénale chronique. Un logiciel partageable de
suivi longitudinal permet la télésurveillance de
patients Insuffisants Rénaux (Chroniques, Dialysés et Transplantés Rénaux) à leur domicile.
Ce logiciel embarque des systèmes experts,
qui à partir des données enregistrées à
domicile, génèrent des notifications aux professionnels de santé et donc permettent une
anticipation d’une aggravation de l’état de
santé des patients suivis. /////
Joëlle GENY
(Pharmacien responsable contenu Pharmagest division e-Santé)
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 3 #
ÉDITO
PR OLIVIER KOURILSKY, PARIS
AU SOMMAIRE
Bien comprendre l’IRCT
Les techniques de
référence pour traiter
l’insuffisance rénale
terminale
Suivi des patients avec
leurs maladies rénales et
diabétiques
C
’est avec grand plaisir que je rédige cette
brève introduction pour ce dernier numéro de
la revue Reins Echos. Cette revue, je l’avais
découverte autrefois dans les salles d’attente de consultation
de néphrologie, avant de la connaître de l’intérieur, voire de
participer à certains numéros grâce aux sollicitations amicales
de Michel Raoult.
J’ai pu apprécier, au cours de ces années de collaboration, la
grande honnêteté de l’équipe de la ligue Rein et Santé, dont le
but essentiel est d’informer les patients atteints de maladies
rénales sur tous les aspects de la néphrologie pour leur
permettre de mieux se prendre en charge. Cette information
bénévole aborde aussi bien le problème capital de la prévention
des maladies rénales, que les traitements qui peuvent en
ralentir l’évolution, et les techniques de substitution.
L’information sur ces dernières se veut toujours aussi objective
que possible, sans masquer les inconvénients potentiels de
l’une ou de l’autre, et ceci est à souligner dans l’ambiance
actuelle où on a parfois tendance à présenter la dialyse de
façon très négative.
Les progrès de la néphrologie ne sont bien sûr pas oubliés
dans les informations délivrées par la LRS.
Obtenir des subventions pour réaliser ces revues, trouver
de nouveaux sujets, récupérer des articles rédigés par des
spécialistes, tout ceci représente une énergie considérable et
un énorme travail qui ne peuvent que susciter l’admiration.
J’ajouterai que les discussions avec le président (inévitables
mais constructives) se sont toujours déroulées dans la plus
grande franchise et le respect mutuel, ce qui a permis une
collaboration fructueuse entre le corps médical et l’association :
tous partageaient le même but.
Encore un grand bravo à toute l’équipe de bénévoles, et
en particulier à son infatigable président Michel Raoult, et
souhaitons une longue vie à la LRS, dont, faut-il le rappeler, la
revue Reins Echos ne représente qu’un des multiples supports
d’information (newsletters, vidéos, livres, bandes dessinées…) !
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 4 #
INTRODUCTION
PR GABRIEL CHOUKROUN AMIENS
LA MALADIE RÉNALE
CHRONIQUE : AGIR,
AU-DELÀ DES
POLÉMIQUES ACTUELLES
La Maladie rénale chronique : Agir, au-delà des polémiques.
N
ous avons eu à le constater en 2014,
la dialyse La maladie rénale chronique
reste longtemps asymptomatique et
le diagnostic en est souvent tardif. Une prise
en charge néphrologique précoce permettrait
de ralentir la progression de la maladie. Lorsque
la fonction rénale ne permet plus d’assurer les
fonctions vitales nécessaires à la vie, la dialyse
ou la transplantation s’imposent, cette dernière
est le meilleur traitement à proposer lorsqu’il
est possible. Le traitement par dialyse (HD/
DP), qui permet à plus de 45 000 personnes de
vivre, a fait l’objet de polémiques « médiatiques
» récentes (1). Ce numéro de la Ligue Rein et
Santé permettra d’apporter, avec d’autres (2)
des éléments d’informations et de réflexion aux
patients et à leurs proches.
Les associations de patients comme la LRS et
de professionnels, souhaitent œuvrer ensemble,
dans la sérénité, le respect mutuel et l’indépendance, à l’amélioration de la prise en charge de
la maladie rénale chronique. Ce numéro anniversaire de la LRS va dans ce sens.
Dans une large majorité des pays, les patients
insuffisants rénaux décèdent faute de soins (3).
Au Royaume-Uni, pays riche et développé, (4)
environ 31 000 patients sont transplantés et le
nombre de patients dialysés est nettement inférieur à ce qu’il est en France (5) : 59 000 patients
traités pour IRC terminale contre plus de 79 000
en France pour une démographie assez compa-
rable. Ces comparaisons montrent la prudence
nécessaire dans l’interprétation des chiffres
brutes comme cela est fait parfois. Les comparaisons internationales montrent que la dialyse
en France est dans les meilleurs standards et que
la survie est dans notre pays une des plus élevées
des pays occidentaux. Enfin, rappelons qu’en
France, tous les patients dialysés ou greffés sont
recensés dans le registre REIN (6) réalisé avec la
participation volontaire des néphrologues, ce qui
n’est pas le cas partout en Europe ou les registres
n’existent pas toujours (Allemagne, Italie….). REIN
permet d’avoir des informations fiables sur la
dialyse ; son pilotage associe les professionnels
et les patients.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 5 #
Des progrès restent cependant nécessaires dans
le dépistage et la prise en charge de la maladie
rénale chronique. On peut les résumer en 3
points.
alable informé. Le maintien d’une bonne autonomie et des critères de qualité de vie doivent
être des éléments entrant dans le choix du traitement, au même titre que les aspects médicaux.
(1) Prévention des complications de la MRC
par une prise en charge néphrologique mais
aussi multidisciplinaire par des IDE d’éducation
thérapeutique, des psychologues, des diététiciens, des spécialistes d’activité physique, des
assistants sociaux. Un mode de tarification favorisant une prise en charge globale pourrait être
proposé avec pour objectifs le ralentissement ou
la stabilisation de la progression de la maladie ce
qui permettrait d’engendrer des économies dans
les dépenses de santé).
Un nouveau modèle de financement de la
maladie rénale chronique doit être envisagé
comme cela se fait déjà au Canada ou
Danemark par exemple. L’augmentation du
nombre de patients dialysés ou greffé est régulière (8) ; la baisse constante des tarifs de remboursement de la dialyse visent à contenir cette
augmentation mais a ses limites, pas d’influence
sur la prévention de la maladie, risque d’altérer la
qualité des soins à terme… notamment. D’autres
modèles de financements autres que la T2A (9)
sont souhaitables. Des stratégies préventives
c’est-à-dire de prise en charge optimisée et
précoce de la MRC, doivent être développées
et évaluées, c’est un des chalenges qui nous
attends dans le futur.
(2) Accès à la transplantation : 2 à 4 ans d’attente pour une greffe rénale pour les patients
inscrits sur la liste nationale, délai qui augmente
régulièrement. La greffe préemptive (7) à partir
de donneur vivant permettrait d’augmenter
significativement le nombre de transplantation.
Son développement indispensable nécessite un
accompagnement d’une autre dimension que
les dispositifs existants. Les centres non transplanteur devrait développer l’accompagnement
des patients et des donneurs potentiels par des
professionnels de l’éducation thérapeutique et
du soutien psychologique.
(3) Améliorer les performances de la dialyse
et l’accès à la dialyse autonome : la dialyse
est un traitement contraignant, mais indispensable pour vivre ou attendre une greffe rénale
qui ne sera pas possible pour tous (50% des
patients arrivant au stade l’EER ont plus de 70
ans). Au cours de sa vie, un patient atteint d’insuffisance rénale peut être traité par différentes
méthodes, complémentaires les unes des autres,
permettant de répondre aux besoins de chaque
patient à un moment précis de sa vie. Améliorer
la qualité de vie des patients traités par dialyse
doit être une priorité (autonomie, choix de la
méthode de dialyse, développement des techniques convectives, nouveaux appareils d’hémodialyse à domicile, recherche sur la mise au point
d’appareils de dialyse portables…). L’amélioration
de la qualité de la prise en charge des patients en
dialyse passe aussi par le soutien à la recherche.
Le choix de la technique de traitement de la MRC
avancé doit se faire en étroite concertation avec
le patient et son entourage qui auront été au pré-
Ce numéro de Reins Echos est nécessaire à tous
les intervenants, soignants et soignés, car il
propose une information claire et adaptée aux
patients et à leur entourage. /////
1. Journal Le Monde, 16 mai 2016 , « tribune libre » de
l’association Renaloo
2. Concours médical, T. 138, N° 8, Octobre 2016
3. Editorial. Live and let dialyse. Lancet 2016 May
14;387(10032):19693
4. 64 millions d’hab. , niveau de vie comparable
5. UK Renal Registry 18th Annual Report : Chap. 2,
Analyses 2016 Mar 30:1-28.
6. Réseau épidémiologie et information en néphrologie, géré par l’Agence de la biomédecine
7. avant le stade de la dialyse,
8. Selon la Cour des comptes le coût de la prise en
charge des patients insuffisants rénaux terminaux par
dialyse ou trans¬plantation a crû entre 2010 et 2012
« de 4,9 % en rythme annuel, soit environ le double
de la progression de l’Objectif national des dépenses
d’assurance maladie (Ondam), sous l’effet pour
l’essentiel de l’augmentation du nombre de patients ».
9. la Tarification des actes médicaux à l’acte (T2A) est
peu adaptée à la prise en charge de la maladie rénale
chronique car elle est centrée sur le paiement des
actes et non pas sur la prise en charge GLOBALE de
la maladie elle-même (Docteur, Infirmière, Education
thérapeutique, Diététique….).
10. éviter la MRC
11. éviter les complications de la MRC, éviter la
progression vers la dialyse et la greffe.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 6 #
BERNARD BAYLE DIRECTEUR DE L’AURA SANTÉ AUVERGNE, PRÉSIDENT DU COMITÉ MRC FEHAP
& STÉPHANIE ROUSVAL–AUVILLE, DIRECTRICE, ADJOINTE DU SECTEUR SANITAIRE DE LA FEHAP
LES DIFFÉRENTS PARCOURS DE LA POLITIQUE DE PRISE EN CHARGE
DU L’INSUFFISANT RÉNAL
DU POINT DE VUE DE LA FÉDÉRATION DES ETABLISSEMENTS HOSPITALIERS ET D’AIDE
À LA PERSONNE (FEHAP).
A l’heure où les sujets sur la dialyse en France interpellent
fortement des responsables du ministère de la santé,
les financeurs, et des associations de patients, le secteur associatif
au fil des échanges s’est doté d’une vision d’avenir.
L
es associations FEHAP dites de dialyse
prenant en charge des patients insuffisants rénaux souhaitent poursuivre une
politique tournée dans le strict intérêt des
malades pour une prise en charge globale.
Lors des Etats Généraux du Rein (EGR) il avait été
rappelé que les orientations politiques défendues
par l’ensemble des associations qui traitent des
patients en dialyse, sont plus que jamais d’actualité.
Les dirigeants de ces associations, en partenariat
historique avec les services de néphrologie
publics mais plus récemment aussi avec les des
établissements privés lucratifs, développent une
approche autour de 4 P.
Pas comme des Principes mais le P d’une Politique qui correspond à un ENGAGEMENT qui de
plus est désintéressé.
Le premier P c’est celui
de la PREVENTION
Retarder l’arrivée en dialyse c’est un premier
engagement en développant des organisations de consultations néphrologiques soit en
Centre de santé, soit au plus près des patients en
consultation avancée (par ex au sein des Centres
hospitaliers ou sont implantées des unités d’auto
dialyse de proximité)
Le second P
c’est la PROXIMITE
Le caractère répétitif de séances de dialyse
constitue une très importante contrainte. Traiter
le patient au plus près de son domicile fait partie
intégrante de son projet thérapeutique. L’organisation de séances en dialyse à domicile ou au
sein d’unités d’auto dialyse ou d’Unités de Dialyse
Médicalisée(UDM) de proximité est un engagement fort pour la qualité de vie des patients.
En réduisant ainsi les temps de transport, le
patient trouve aussi un bénéfice sur la fatigue
déjà générée par le traitement en lui-même.
Ainsi en évitant au patient de se « lever trop tôt
ou de rentrer trop tard », nous « soignons » encore
le patient et ses aidants.
S’agissant de la question de la gestion de la chaine
d’approvisionnement et des risques, pour un suivi
de qualité au domicile du patient, pour la FEHAP
celle-ci passe impérativement par un fonctionnement avec une pharmacie à usage intérieur(PUI),
des compétences pluridisciplinaires au service du
patient. La spécificité des produits, les changements de prescription pour adapter continuellement le traitement, et la relation régulière et personnalisée entre le patient et un service logistique
spécialisé nécessitent une expertise que seuls les
professionnels d’une PUI ont su construire au fil du
temps. Cette volonté de privilégier la PROXIMITE
c’est agir aussi sur la maitrise des dépenses de
transport.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 7 #
Le troisième P
c’est la Prise en charge
globale personnalisé
Enfin le dernier P
c’est la Préparation à la
transplantation
Chaque patient est unique et malheureusement
la maladie rénale s’accompagne aussi d’autres
pathologies. L’orientation vers la meilleure technique de soins appropriée à l’état du patient,
conduit les associations à veiller à deux questions fondamentales ;
- Quelle degré d’autonomie le patient dispose
t-il pour maitriser au mieux son traitement ? Et
à ce niveau toutes les actions d’orientation vers
des techniques de domicile ou d’auto dialyse
trouvent leur sens
- Comment compléter le traitement de base
d’une dialyse pour s’attacher à une prise en
charge plus personnalisée ? (accès aux soins de
support, ex des propositions d’activité sportives
adaptées, de solutions douces pour lutter contre
la douleur (à titre d’exemple l’hypnose), d’ateliers
nutrition, d’accompagnements de fin de vie mais
aussi les dialyses de nuit, longues….
Accompagner un patient vers une greffe nécessite
un investissement en temps par les équipes
néphrologiques. Au delà de l’approche simplement psychologique et du temps d’échange
lors des colloques singuliers, c’est aussi
contribuer à l’élaboration d’un dossier administratif et médial spécifique avec notamment des
examens et le bilan pré-greffe.
Les liens créés entre les patients et les équipes
soignantes, qui dépassent souvent le strict cadre
d’une dialyse et la réussite d’une transplantation,
représentent aussi pour les équipes une forme de
reconnaissance et de satisfaction.
Dans ce contexte, il convient de rappeler plusieurs publications récentes, publications qui
apportent des perspectives intéressantes sur
l’évolution de la prise en charge des patients
insuffisants rénaux en France.
Le rapport de la cour des comptes visant l’application des Lois de Financement de la Sécurité
Sociale publié le 16 septembre 2015 et plus
précisément son chapitre X portant sur l’insuffisance rénale chronique terminale « favoriser des
prises en charges plus efficientes » a dégagé un
certain nombre de propositions d’évolution pour
le secteur. Pour la Fédération ce rapport souligne
bien les problématiques de la prise en charge de
l’IRC telle qu’elle se présentent aujourd’hui avec
les activités de prévention très insuffisantes et
La FEHAP et la dialyse
Minoritaire dans l’offre de soins MCO
« conventionnel », le secteur associatif
ou Privé à but Non Lucratif (PNL) est
en revanche le plus présent concernant
les alternatives à l’hospitalisation :
Hospitalisation à Domicile ou alternatives
au centre lourd dans le domaine de la
dialyse. D’une façon générale, toutes
modalités de soins confondues, l’offre
associative représente 40 % de l’offre
nationale en dialyse. Le Privé Non
Lucratif est pour sa part majoritairement
présent sur la dialyse hors centre :
moins hospitalo-centré que le secteur
public mais désintéressé dans sa
gestion comme lui, d’où de nombreuses
coopérations, il bénéficie d’une grande
réactivité et d’une position moins captive
vis-à-vis des politiques tarifaires. Le PNL
représente plus de 60% des séances
en UDM et en reste donc l’acteur de
référence avec une augmentation de plus
de 20% par an en moyenne depuis 2004.
Le PNL représente un peu plus de 70%
des séances d’autodialyse.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 8 #
qui conduisent à des trop nombreuses prises en
charge médicale en urgence (40%), ainsi qu’à des
orientations excessives vers les modalités d’épuration extra-rénale les plus lourdes. Le rapport
indique à juste titre l’insuffisance du recours à la
greffe avec des inscriptions sur liste des greffes
encore perfectibles (délais, inégalités territoriales). Il relève d’autres points importants : des
Unités de Dialyse Médicalisée (UDM) accolées
aux centres de dialyse qui ne jouent pas leur
rôle de proximité, des marges brutes d’exploitation pour les centres du secteur lucratif à deux
chiffres alors même que l’activité de dialyse est
en constante croissance. Pour l’hôpital public,
la nécessité d’une orientation de son activité
de dialyse chronique vers des établissements
plus efficients et un recentrage sur ses missions
de dialyse aiguës ou de repli... C’est pourquoi
la FEHAP trouve ce chapitre X très révélateur,
mettant bien en lumière les principales problématiques du secteur de l’Insuffisance Rénale
Chronique.
L’enjeu pour les établissements de dialyse privés
à but non lucratif est à ce jour de plusieurs
ordres : il est impératif de mettre l’accent sur
la prévention de l’IRC terminale et le dépistage
précoce de la maladie rénale chronique, maladie
silencieuse dans la plupart des cas. Le registre
de la Prévention et de la réduction des arrivées
en urgence en dialyse (qui restent encore trop
élevées) est un axe majeur d’actions : il nous parait
souhaitable de réfléchir à la construction d’un
forfait dédié « prévention et détection précoce
», lié à l’activité des établissements, en lien avec
le nombre de patients suivis : ce forfait pourrait
comprendre les traitements conservateurs, les
consultations de suivi, les soins de support…).
Cette réflexion s’inscrit bien entendu dans les
prises en charge des « parcours des malades
chroniques ». Le Ministère pourrait très naturellement et légitimement recommander l’expérimentation régionale de cette action de santé
publique dans une approche territoriale et
populationnelle ; qui permet de réduire le taux
très élevé d’entrée en dialyse en urgence. Ces
arrivées en urgence sont des marqueurs de santé
publique faciles à objectiver en termes d’enjeux
et de mesures de résultat des efforts engagés à
l’échelle des territoires.
Du point de vue de la FEHAP, il convient aussi de
réfléchir aux prises en charge pouvant engendrer
un démarrage de la dialyse le plus tard possible
grâce à un suivi médical, paramédical et la déli-
vrance de soins de supports appropriés, voire
même supprimer l’arrivée en dialyse grâce à un
programme d’amélioration du taux de transplantation par donneur vivant. Concevoir un forfait,
pour la préparation et le « retardement de la
dialyse » est une approche que la FEHAP a déjà
proposée ; apportant satisfaction des patients et
source d’économies dans un contexte d’ONDAM
contraint. Il serait intéressant d’imaginer une
construction tarifaire, indexée sur la base d’objectifs de qualité et comportant des majorations
et minorations en fonction de l’état du patient
(âge, autonomie, …), afin de « favoriser la prise en
charge des patients par les structures les plus
efficientes ».
La question des compétences des personnels est
essentielle : la qualité de la prise en charge passe
aussi par des compétences humaines spécialisées en diététique, accompagnement social et
psychologie. L’évaluation et le suivi social, l’évaluation et le suivi diététique d’un patient insuffisant rénal relèvent d’une compétence et d’une
expérience dédiée.
Enfin, les enjeux des innovations technologies
en dialyse sont essentiels et doivent être soutenues en la télémédecine pour favoriser encore
d’avantage les prises en charge autonomes de
proximité et du domicile, autour des savoirs existants et des équipes de néphrologie.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 9 #
BIEN COMPRENDRE
L’IRCT
Témoignage d’un patient NephroCare de Tassin-Charcot
Je suis porteur d’une polykystose rénale, j’ai 48 ans
et je suis en dialyse depuis septembre 2015. Au
centre Nephrocare Tassin Charcot. Commencer les
dialyses a été un choix presque facile, mon insuffisance rénale était telle que je n’étais plus qu’un
fantôme de moi-même.
Mon néphrologue m’avait préparé à cette échéance.
J’avais déjà vu une salle de dialyse, déjà échangé
avec les infirmières. Ma fistule avait été faite au
début de l’été.
Dans mon cas, la dialyse est un passage en attendant
la greffe. Avec mon néphrologue, nous avons donc,
très vite mis en route le processus d’inscription sur
la liste de transplantation. Contrairement à ce que
je pensais, il s’agit d’un vrai parcours, semé de
points de passages, un peu à l’image d’une course
d’orientation où l’on doit valider le passage par un
point donné pour aller vers le point suivant. J’ai ainsi
découvert qu’à chaque étape, il existe la possibilité
de ne pas être inscrit sur cette liste. Jusqu’au point
final, matérialisé par un courrier anodin qui annonce
enfin cette inscription. Un courrier anodin porteur de
beaucoup d’espoirs.
talier, les autres patients, pas toujours sympathiques,
souvent âgés et atteints d’autres maladies. Mais le
bénéfice surpassait tout.
Très vite, les équipes du centre m’ont proposé de
rejoindre le groupe d’auto dialyse de nuit. La nuit,
c’est-à-dire un branchement entre 21h et 22h et un
débranchement à 5h du matin. Et j’ai commencé
la formation. Pour moi, être acteur de ma maladie
a toujours été important et comme j’ai choisi de
continuer à travailler à 100% (je n’ai pas un métier
physique), dialyser la nuit, en dormant m’est apparu
Parmi les points de passages importants vers la
liste de transplantation, il y a eu la néphrectomie.
La polykystose rénale a pour effet de faire grossir
les reins de façon disproportionnée, aussi, mes reins
prenant toute la place, et pour pouvoir accueillir un
greffon, il a fallu en enlever un. Il pesait environ 4 Kg
(un rein normal pèse environ 450 Gr).
Au tout début, donc, les dialyses m’ont permis de
retrouver un confort de vie que j’avais oublié. Très vite,
je me suis senti « revivre ». Certes, il y avait la douleur
des aiguilles que l’on me plantait dans le bras (et
malheureusement, c’est toujours le cas), le temps à
passer dans un lit à attendre, l’environnement hospi-
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 10 #
être la solution « idéale ». De plus, avec cette formation, je maitrise la machine, je sais la monter et
la démonter ; je sais en faire les réglages pour ma
séance de dialyse, je peux choisir des options en
fonction de mon état du jour. Je connais aussi les
alertes qui peuvent intervenir et agir en fonction,
je connais les paramètres et sais les interpréter. De
plus, cela permet des dialyses longues (7h) moins
agressives et plus efficaces pour l’ganisme.
Je me suis installé dans cette « routine », lundi, mercredi, vendredi, en dialyse.
Le poids est important, plus il faut en perdre, plus
la dialyse est dure. Perdre beaucoup de poids en
dialyse, peut induire de sortir avec une tension très
(parfois trop) basse. De plus, si le « poids de base »
n’est pas finement défini, on prend le risque d’être
trop sec, donc d’avoir des crampes, parfois à en
pleurer de douleur.
Avec le temps et les erreurs, j’ai appris à contrôler
du mieux possible cet aspect. Je suis très attentif à
ce que je bois et mange, à mon équilibre alimentaire. C’est une discipline de vie à mettre en place,
d’autant moins simple que, de par mon métier, je
mange souvent au restaurant. Mais désormais je
sais ce que les écarts me coûtent et je les évite le
plus possible.
Dialyser la nuit s’est avéré être un mauvais choix pour
moi car je n’arrivais pas à dormir, j’ai donc demandé
à changer d’horaire, désormais, je commence mes
dialyses à 18h pour finir vers 1h du matin au plus
tard. J’ai la grande chance d’habiter à 2 pas de mon
centre de dialyse, ce qui me permet d’être vite dans
mon lit en sortant. Mon autre chance est de dialyser dans un centre important, avec beaucoup de
machines et des équipes conséquentes, cela permet
une flexibilité dans les horaires qui n’est pas accessible à tous.
En sortie de dialyse, il se produit 2 phénomènes : J’ai
faim et au bout d’environ 30 minutes à 1h, je ressens
une grande fatigue, j’ai besoin de repos. Et ce, quel
que soit le poids que j’ai perdu.
Dans l’imaginaire collectif, la dialyse est très simple,
beaucoup en connaissent le principe. En revanche,
peu ont connaissance de la fréquence des dialyses,
ni même de l’importance de la notion de poids. J’ai
beaucoup expliqué à mon entourage plus ou moins
proche. Mes enfants, mon épouse, mes parents sont
venus me voir « branché » à ma machine, cela leur
a permis de se rendre compte par eux- mêmes et de
démystifier.
J’ai choisi de mener une vie la plus normale possible malgré la dialyse. Par exemple, je suis parti en
vacances l’hiver dernier et cet été. Il faut avoir un
centre de dialyse à proximité, donc choisir sa destination correctement et accepter de ne pas pouvoir
choisir les horaires (puisque dans ce centre, il y a des
« titulaires » et vous n’êtes que de passage) mais
tout est possible. C’est même une bonne chose de
changer un peu de cadre, pour dialyser.
La dialyse est une contrainte forte dans l’existence
mais elle n’empêche pas de vivre une vie décente et
proche de la normalité. Ce n’est pas non plus aussi
terrifiant qu’il peut paraitre. Chacun à sa propre
appréhension des choses et, en la matière, il n’y a
pas de jugement possible. Mais on peut vraiment
mener une existence satisfaisante. Pour cela, il faut
une discipline qu’un général de la légion étrangère
pourrait envier et une surveillance du régime alimentaire qu’un athlète de haut niveau pourrait nous
jalouser. Bien sûr, il arrive de déraper, personne n’est
infaillible. J’ai pris le parti de garder autant que faire
se peut, un moral à toutes épreuves, alors parfois, un
dérapage « contrôlé » est aussi bon pour le moral
qu’il est mauvais dans le cadre de la dialyse et je me
l’autorise. Pour autant, il y a des jours plus difficiles
que d’autres, des moments d’impatience, de lutte
contre moi-même.
L’entourage à son importance aussi, je suis tellement
entouré, il ne passe pas un jour sans un message,
un appel, une visite de quelqu’un, même inattendu
pour prendre de mes nouvelles ou me passer un
message d’espoir ou simplement se manifester. Ils
ne savent pas toujours combien cette bienveillance
est importante pour moi, mon moral et mon envie de
surpasser tout cela.
Au fond, pour moi la dialyse n’est qu’un chemin vers
la greffe, d’une certaine façon ce n’est qu’un passage
d’une vie à l’autre.
J’ai la chance de pouvoir être greffé, je suis en salle
d’attente, j’attends mon tour... /////
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 11 #
PR PHILIPPE LANG HÔPITAL CRÉTEIL (HENRI MONDOR)
LES TECHNIQUES DE
RÉFÉRENCE POUR
TRAITER L’INSUFFISANCE
RÉNALE TERMINALE
La transplantation rénale : de la petite
entreprise de luxe à la grande surface.
L
a transplantation rénale, quand elle est
indiquée et qu’elle est une réussite, est
le meilleur traitement de l’insuffisance
rénale dite terminale. Réussite ne veut pas
uniquement dire taux de succès à 1 an. Il faut
aussi tenir compte des différentes complications rénales et extra rénales qui ont pu émailler
l’évolution. On n’en parle pas souvent, mais
elles existent et peuvent largement annuler le
bénéfice potentiel d’une greffe. Ceci étant dit,
une transplantation rénale réussie améliore le
pronostic et la qualité de vie du patient. Malgré
tout, un certain nombre de patients à priori éligibles ne sont pas inscrits. Ce peut être un choix
délibéré mais pas toujours éclairé du patient ou
bien le résultat d’une discussion entre le patient
et le médecin, au cours de laquelle est évalué le
rapport bénéfice/risque. En cas de doute, et ceci
est vrai pour toutes les étapes du parcours du
candidat potentiel à la greffe, la prise d’un 2ème
avis par une équipe de transplantation d’un CHU
mériterait d’être instituée. Il est évident lors des
consultations pré-transplantation que tous les
patients ne mettent pas le même espoir dans
l’attente d’un greffon rénal. Dans un monde idéal,
il faudrait rajouter dans le score d’attribution
des greffons, une composante importante liée
à la motivation du patient. S’il est vraisemblable
qu’un certain nombre de patients non-inscrits
sur la liste d’attente bénéficieraient d’une trans-
plantation, la réciproque est également vraie, à
savoir qu’un certain nombre de patients inscrits
sont à haut risque de complications. Si la concurrence est une saine émulation, celle-ci ne doit
pas se traduire par une compétition pour faire le
plus grand nombre de greffes afin de satisfaire
son ego ou les autorités de tutelle ou encore la
T2A. Il faut savoir que pour de nombreux services de néphrologie des centres hospitalo-universitaires, la transplantation représente sinon
la principale, du moins une part très importante de leur activité. De même la course à la
performance technique doit rester raisonnable
et encadrée dans des protocoles si possible
Dans un monde idéal,
il faudrait rajouter dans
le score d’attribution des
greffons, une composante
importante liée à la
motivation du patient.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 12 #
nationaux, faute de quoi les résultats des greffes
iront en s’altérant, diminuant d’autant le pool de
greffons pour les autres receveurs. La greffe à
partir d’un donneur vivant a de nombreux avantages, d’abord pour le patient en raison d’une
durée d’attente courte, et de meilleurs résultats
mais aussi pour la société diminuant le coût
de la dialyse et augmentant la chance pour un
candidat à une greffe cadavérique d’obtenir un
greffon. Néanmoins, certaines études récentes
montrent qu’il est fondamental d’être très strict
sur la sélection du donneur et les critères du
don méritent sûrement au vu de ces études une
réunion nationale de consensus afin d’actualiser les contre- indications au don. Il faut savoir
raison garder et se méfier de la pensée unique
qui même si elle part de bons sentiments peut
être source d’excès et d’un effet boomerang.
Il est évident que la communication des
médecins auprès de leurs patients sur le bénéfice
de la transplantation a été remarquable. Certes,
le nombre d’insuffisants rénaux chroniques au
stade terminal augmente d’environ 4% par an,
mais le nombre d’inscrits a plus que doublé en
10 ans alors même que la population concernée
est de plus en plus vieillissante. Le ratio dialysés/
transplantés lui va en diminuant et aujourd’hui
l’insuffisance rénale terminale est, tous âges et
morbidités confondues, traitée à part égale par
la dialyse et la transplantation.
Ce succès de la greffe a ses revers et les centres
de transplantation doivent s’adapter. De petite
entreprise de luxe où le patient transplanté
était particulièrement choyé, les centres sont
devenus des grandes surfaces où la qualité du
service rendu n’est parfois pas à la hauteur de
l’investissement de chacun des professionnels
concernés. Les différentes cohortes : patients
à inscrire, patients inscrits et à suivre régulièrement avant la greffe, patients greffés et
à suivre après la greffe, et celle des couples
donneurs vivants receveurs deviennent très
importantes avec des ressources médicales qui
n’augmentent pas de façon proportionnelle. De
nouvelles organisations ont donc été rendues
nécessaires ou sont à l’étude.
Les enjeux du don et de la greffe doivent être
parfaitement compris. Les situations des
patients sont différentes les unes des autres,
et on aura beau leur donner différentes brochures informatives, rien ne remplacera le dialogue adapté à chaque cas. Les médecins (et les
secrétaires) ont longtemps été le seul interlocuteur des patients, mais actuellement le temps
médical est largement consacré aux problèmes
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 13 #
strictement médicaux d’où la nécessité de créer
des structures dédiées à l’information et à l’accompagnement du patient. L’éducation thérapeutique et la coordination de greffes ont donc
été créées pour répondre à ces besoins. L’éducation thérapeutique pose 2 problèmes, d’une
part elle n’est pas obligatoire créant des biais de
sélection, seuls les patients déjà les plus motivés
en profitent, et d’autre part elle nécessite du
personnel lui-même formé et qui actuellement
est pris sur la substantifique moelle du service
diminuant d’autant le personnel disponible
auprès du lit du patient. La valorisation de cette
activité est indispensable si on veut généraliser cette activité à l’ensemble des centres. La
coordination de greffes est supposée également
informer le patient ou le donneur et l’accompagner dans son parcours avant la transplantation. Cet encadrement qui est quantitativement insuffisant dans bon nombre de centres
l’est également qualitativement. Trop souvent
cette activité est embolisée par des tâches
administratives de secrétariat, dénaturant la
fonction première de la coordination qui doit
être l’accompagnement du donneur avant et
après le don et du receveur avant la greffe.
Le suivi post greffe est très chronophage, et les
consultations médicales sans doute souvent
trop courtes. C’est pourquoi il est envisagé
d’avoir recours à un corps d’infirmiers spécifiquement formés au suivi du patient greffé. Cette
délégation de tâches nécessite en effet une formation théorique et pratique validante et devra
se faire en étroite coordination avec le médecin
transplanteur. Seuls les patients volontaires et
si possible ayant reçu une éducation thérapeutique pourraient en bénéficier. Il s’agit en effet
d’un réel bénéfice, le patient ayant une prise
en charge plus globale et une meilleure écoute
vu la plus grande disponibilité de ce personnel
dédié. De même les réactualisations du bilan
pré greffe pourraient être suivies par ce personnel et validées ou non (mise en contre- indication temporaire, levée de la contre- indication,
examens à prescrire) par le médecin référent.
Les enjeux du don et
de la greffe doivent être
parfaitement compris.
Les situations des patients
sont différentes les
unes des autres, et on
aura beau leur donner
différentes brochures
informatives, rien ne
remplacera le dialogue
adapté à chaque cas.
ABM Don d’organes 2016 : À l’image des films
d’horreurs américains, le film 2016 met en scène de
manière parodique les mésaventures d’une jeune
femme qui va croiser le chemin d’un tueur en série.
De par son attitude et ses choix, on comprend très
vite qu’elle va mourir. Une mort qui ne semble ni
surprenante, ni utile au sein d’un film d’horreur. Et
pourtant, le film rappelle qu’elle est donneuse d’organes présumée ce qui n’aura pas rendu cette mort
totalement inutile.
Tout ceci n’a rien de révolutionnaire et est déjà
largement réalisé dans les pays anglo-saxons.
La greffe rénale est un acte médico-chirurgical mais aussi un changement de mode de
vie qu’elle soit faite en pré-emptif ou chez le
patient déjà dialysé. Ce changement de mode
de vie doit être facilité et accompagné au
long cours nécessitant une adaptation de
nos pratiques en tenant compte des moyens
humains potentiels. /////
Vous trouverez ci-après le lien Youtube pour
visionner le film
https://youtu.be/NkiQLc1D77Y
La transplantation rénale est expliquée sur
ce blog :
https://nephronurse.com/la-transplantation/
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 14 #
CHRISTOPHE LEGENDRE, HÔPITAL NECKER, PARIS
DES PROGRÈS DANS
LA COMPRÉHENSION
DES PERTES TARDIVES
DE GREFFONS
D
epuis une vingtaine d’années, nous
avons progressé considérablement
dans l’amélioration des résultats précoces des transplantations rénales puisque le
taux d’échec à un an, a été divisé par 3 environ,
grâce à une meilleure prévention à la fois du
rejet aigu et des infections.
Il n’en va pas de même en ce qui les résultats
à long terme, principalement en raison d’une
compréhension partiellement erronée des
phénomènes conduisant à la perte tardive des
greffons.
La néphrotoxicité des anticalcineurines a été
considérée comme la cause principale de perte
tardive des greffons principalement à cause d’une
vaste étude australienne sur des biopsies rénales
sériées pratiquées durant les 10 premières
années de suivi de greffés rein-pancréas. Cette
étude indiquait qu’à 10 ans de suivi, on retrouvait
des signes évocateurs de néphrotoxicité dans
environ 100% des cas. La conséquence logique
de cette découverte a été la mise ne place de différentes stratégies visant à diminuer voire à éliminer les anticalcineurines, soit au début de la
transplantation, soit secondairement.
Récemment, plusieurs études ont challengé le
bien fondé de ces stratégies.
Tout d’abord, les signes histologiques de toxicité
des anticalcineurines ne sont pas spécifiques
et on peut les retrouver, aussi et même très
souvent, chez des patients qui n’ont jamais reçu
un seul comprimé d’anticalcineurine !
En second lieu, grâce à de nouvelles méthodes
de dosage, plus sensibles, nous avons pu mieux
apprécier le rôle des anticorps spécifiquement
dirigés contre le donneur, anticorps appelés
DSA (donor specific antibody). Il s’est avéré que
la présence de ces DSA était délétère lorsqu’ils
étaient présents au moment de la transplantation mais également, lorsqu’ils apparaissaient
au cours du suivi de greffe.
Tout d’abord, les signes
histologiques de toxicité
des anticalcineurines
ne sont pas spécifiques
et on peut les retrouver,
aussi et même très
souvent, chez des
patients qui n’ont jamais
reçu un seul comprimé
d’anticalcineurine !
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 15 #
En outre, il est apparu que la première cause de
perte de greffons était le rejet chronique et plus
particulièrement le rejet liés aux DSA. Encore
une fois, c’est l’étude des biopsies rénales qui
a permis cette prise de conscience. La présence
des DSA, a quelque moment que ce soit, entraine
une activation du complément et des lésions de
l’endothélium qui ne sont visibles qu’en microscopie électronique au début. Puis les lésions
d’inflammation des petits vaisseaux du rein
deviennent visibles en microscopie optique et
se chronicisent par la suite pour entrainer une
élévation de la créatininémie, l’apparition d’une
protéinurie et finalement la perte plus ou moins
rapide du greffon.
Enfin, la constatation que l’observance des
patients était souvent insuffisante a permis
d’écrire l’histoire de la façon suivante. Pour différentes raisons et principalement en raison des
effets secondaires des anti-rejets, l’observance
thérapeutique est imparfaite ce qui induit un
état de sous-immunosuppression que fait le lit
de la synthèse des anticorps de type DSA. Ces
anticorps, qui n’ont pas tous le même potentiel
d’agressivité, vont entrainer les lésions de rejet
dit humoral puis la perte du greffon. On voit bien
que les stratégies de diminution ou d’élimination
des anticalcineurines ont pu et même du participer au développement de ce schéma global.
On voit donc que la façon d’aborder la perte
tardive des greffons a été bouleversée avec à la
clé plusieurs conséquences.
Tout d’abord un regain d’intérêt pour les immunosuppressions dirigées contre les lymphocytes
B avec pour l’instant des résultats limités par la
toxicité de ces traitements.
En second lieu la prise de conscience que la
baisse de l’immunosuppression, si elle logique
pour diminuer les effets secondaires des traitements, entraine aussi une diminution de
leur effet primaire, c’est-à-dire l’immunosuppression, d’où la nécessité de trouver de nouveaux traitements mieux tolérés par les patients
et donc mieux pris au quotidien !
En outre, la recherche de nouveaux médicaments passe par la mise au point de biomarqueurs et de modèles de prédiction individualisée qui permettront de ne pas attendre 10 ans
le résultat d’une étude, ce que les industries
pharmaceutiques ne peuvent se permettre.
Enfin, il nous faut développer des méthodes
qui permettent d’éviter l’apparition des anticorps de type DSA en particulier par un meilleur
appariement HLA entre donneur et receveur qui
repose sur de nouvelles approches plus fines
mais aussi plus complexes.
Les challenges pour les années futures sont
donc nombreux : éviter les DSA, éviter les
lésions de rejet lorsque malgré tout les DSA
apparaissent et enfin, si le rejet humoral est
constaté, bénéficier de traitements à la fois
plus efficaces et mieux tolérés. Nous n’en
sommes plus très loin ! /////
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 16 #
DR MARIE FRANCE MAMZER BRUNEEL HÔPITAL NECKER, PARIS
LA GREFFE À PARTIR
DE DONNEUR VIVANT
La loi relative à la bioéthique révisée en 2011 (1) élargit les possibilités
de don d’organes du vivant. Il s’agit d’une avancée majeure qui devrait
contribuer à développer ce type de don qui n’a été à l’origine que de
9,8% des transplantations rénales en 2010 dans notre pays.
I. Quels sont les avantages et les inconvénients d’une greffe à partir de donneur
vivant pour les donneurs et les receveurs ?
I.1 - Avantages et inconvénients
pour le receveur
La greffe à partir de donneur vivant est le
meilleur traitement de l’insuffisance rénale
« terminale », lorsqu’elle est possible. Elle ne
présente que des avantages pour le receveur.
La transplantation rénale améliore la qualité de
vie et la survie des patients insuffisants rénaux.
La transplantation à partir d’un donneur vivant
permet de maitriser le délai d’accès à la transplantation. Elle peut être organisée et réalisée
avant que le receveur ait dû débuter la dialyse
si le donneur s’est manifesté tôt. La transplantation est alors dite « préemptive ». Dans tous les
cas, l’intervention d’un donneur vivant permet
de programmer la greffe en tenant compte des
contraintes et disponibilités de toutes les personnes concernées (donneur, receveur, équipe
de greffe), contrairement aux transplantations à
partir de donneurs décédés qui ne peuvent être
réalisées qu’en urgence. Par ailleurs, les conditions du prélèvement sont très bonnes et le
délai entre le prélèvement et la greffe est réduit
au maximum, ce qui favorise la récupération
rapide d’une fonction rénale de bonne qualité.
Enfin, si le donneur est un frère ou une sœur
totalement compatible, ce qui arrive une fois sur
quatre au sein d’une fratrie, le besoin en traitement immunosuppresseur est plus faible et
les résultats à long terme meilleurs. Aujourd’hui,
environ 3/4 des greffons prélevés chez des donneurs vivants sont encore fonctionnels au bout
de 10 ans.
I.2 - Avantages et inconvénients
pour le donneur
Une personne en bonne santé peut vivre normalement avec un seul rein, ce qui permet de se
porter volontaire pour donner un rein à l’un de
ses proches. Le prélèvement est néanmoins un
acte chirurgical qui comporte des risques liés à
Les calculs rénaux, les
traumatisme ou les
tumeurs du rein ne sont
pas plus fréquents chez
les donneurs de rein, mais
ils sont plus complexes
à gérer après le don, en
situation de rein unique.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 17 #
l’anesthésie, à l’acte opératoire et à ses suites.
Ils sont limités et bien identifiés. Ce sont surtout
des douleurs de la cicatrice (22%), des infections
urinaires (4%), une hypertension artérielle nécessitant un traitement (2%), ou des complications
pulmonaires ou pleurales (1,2%). D’après les
données de suivi à long terme, publiées dans la
littérature médicale internationale, la recherche
d’albumine dans les urines devient positive chez
10 à 20% des donneurs, habituellement sans
conséquence pour le fonctionnement du rein
restant. L’hypertension artérielle est plus fréquente chez les donneurs les plus âgés, comparés aux personnes du même âge, sans incidence sur leur espérance de vie. Les calculs
rénaux, les traumatisme ou les tumeurs du rein
ne sont pas plus fréquents chez les donneurs de
rein, mais ils sont plus complexes à gérer après le
don, en situation de rein unique. Malgré ces possibles inconvénients, les donneurs témoignent
d’une bonne qualité de vie après le don, comme
en témoigne une enquête réalisée par l’Agence
de la biomédecine et le service d’épidémiologie
du CHU d’Angers récemment (2). Enfin depuis la
révision de la loi de bioéthique qui interdit toute
discrimination fondée sur la prise en compte d’un
don d’organe comme facteur dans le calcul des
primes et des prestations d’assurance, les donneurs vivants ne devraient plus être confrontés
à des refus d’assurance ou à des surprimes en
raison de leur don (1).
II. La greffe à partir de donneur vivant estelle toujours possible ?
II.1. Qui peut recevoir
La greffe de rein avec donneurs vivants concerne
des personnes atteintes d’insuffisance rénale
dite « terminale ». Il s’agit du dernier stade de
l’insuffisance rénale chronique, qui aboutit à la
perte de l’autonomie rénale et met en danger
la vie de la personne à court terme en l’absence
d’un traitement de suppléance rénale. Une
évaluation médicale rigoureuse est nécessaire
pour vérifier l’absence de contre-indication à la
greffe. Le patient doit ensuite obligatoirement
être inscrit sur la liste nationale d’attente gérée
par l’Agence de la biomédecine par le médecin
transplanteur, même si le projet de transplantation à partir d’un donneur vivant est certain.
II.2. Qui peut donner ?
Le don d’organes entre vivants est très encadré.
Il ne peut avoir lieu que dans le respect strict
des dispositions légales. En France, il est dirigé,
gratuit, et librement consenti. Cela signifie que
le don est destiné à un proche, qu’il ne peut
donner lieu à aucune rémunération ou avantage
en nature en échange, et que toute forme de
pression sur le donneur (financière, psycholo-
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 18 #
gique ou physique) est strictement interdite
par la loi. Tous les proches autorisés par la loi
peuvent être candidat (le père ou la mère du
receveur, l’un de ses frères ou sœurs, l’un de ses
fils ou filles, l’un de ses grands-parents, de ses
oncles ou tantes, de ses cousins ou cousines
germains, le conjoint de son père ou de sa mère,
toute personne pouvant justifier d’au moins
deux ans de vie commune ou pouvant apporter
la preuve d’un lien affectif étroit et stable depuis
au moins deux ans avec lui). Toutefois, seules
les personnes majeures et ne faisant l’objet
d’aucune mesure de protection légale sont
autorisées à donner. Depuis la révision de la loi
en 2011(1), le don croisé est autorisé, ce qui
signifie, qu’en cas d’incompatibilité il est possible pour le receveur d’un « couple » donneurreceveur A, de recevoir le rein du donneur d’un
couple B, également en situation d’incompatibilité. Le receveur du couple B reçoit alors le rein
du donneur du couple A. Les deux opérations
doivent être engagées simultanément en respectant l’anonymat entre couples.
II.3. Quelles sont les contre-indications à la
transplantation à partir de donneurs vivants
L’état de santé du donneur doit être compatible avec le don, et celui du receveur avec
une transplantation. Ainsi, certains problèmes
médicaux du donneur, tels que l’hypertension
artérielle sévère, certaines maladies rénales ou
certaines maladies transmissibles (tumorales
ou infectieuses notamment) peuvent contreindiquer un prélèvement susceptible de porter
préjudice au donneur ou de mettre en danger
le receveur. Toutes les pathologies contre indiquant l’anesthésie générale ou la chirurgie sont
des obstacles à la réalisation d’une transplantation à partir de donneur vivant. Une évaluation
médicale appropriée est donc nécessaire avant
de retenir les candidatures du donneur et du
receveur. A coté des contre-indications formelles, il existe des facteurs immunologiques
de nature à compromettre le succès de ces
greffes, en l’absence d’un traitement approprié
lourd et spécifique. C’est le cas des incompatibilités ABO entre donneur et receveur, ou encore
Références
1. Loi 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la
bioéthique. http://www.legifrance.gouv.fr
2. http://www.agence-biomedecine.fr/profes-
sionnels/donneur-vivant-rein-enquetes-qualite
des immunisations préalables des receveurs
spécifiquement dirigées contre les antigènes
HLA du donneur. Ces situations représentent
des facteurs de risques particuliers qui ne sont
plus toujours bloquants, au prix d’une augmentation des traitements immunosuppresseurs.
III. Comment parler à mes proches de la
possibilité qu’ils soient donneurs pour moi ?
Les informations sur la greffe à partir de donneur
vivants, ses avantages et ses inconvénients sont
peu diffusées en France. Les médecins sont réticents à prendre contact directement avec les
familles et beaucoup de malades éprouvent des
difficultés à solliciter eux même leurs proches.
Pourtant lorsque ces derniers disposent de l’information, il n’est pas rare qu’ils se proposent
spontanément. Cette information fait partie
intégrante de l’information que les médecins
doivent délivrer aux malades insuffisant rénaux
chroniques sur leur maladie et les traitements
disponibles. Elle doit être faite le plus précocement possible dans leur parcours de soins, le
cas échéant en présence des proches. Quelques
de supports sont désormais disponibles (affiches,
plaquettes, témoignages). Certains sont diffusés
par l’Agence de la biomédecine, d’autres par les
associations de patients. Des témoignages sont
disponibles, sous formes de films, ou de livres
qui peuvent être partagés, offerts ou prêtés. Les
associations de patients sont parties prenantes
dans cette information, via leurs revues, et leurs
sites internet (3, 4). Cette information est un
droit pour les proches et peut être abordée sans
prendre la forme d’une demande. Plus elle est
précoce, plus les proches pourront murir leur
choix de se porter candidat ou non. Par la suite,
les candidatures des donneurs sont soumises à
des comités dits « donneurs vivants » dont le
rôle est de s’assurer que la qualité de l’information reçue par les donneurs leur a permis de
bien comprendre les enjeux et les risques de
l’opération, mais aussi de s’assurer qu’il n’ont
pas subi de pression psychologique ou financière de l’entourage et qu’il sont bien libres de
leur choix. Le futur donneur devra dans tous
les cas exprimer son consentement devant
le président du tribunal de grande instance
ou la magistrat désigné par lui. Sa décision
reste révocable à tout moment jusqu’au prélèvement. /////
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 19 #
LAURELINE BERTHELOT, CHARGÉE DE RECHERCHE À L’INSERM U1149, HOP. BICHAT, CENTRE DE RECHERCHE SUR L’INFLAMMATION
SUIVI DES PATIENTS
AVEC LEURS MALADIES
RÉNALES ET DIABÉTIQUES
La néphropathie à IgA : bilan du 14ème symposium international sur la
néphropathie à IgA qui a eu lieu à Tours en septembre 2016.
L
’une des maladies rénales : l’une des
glomérulopnéphrites la plus répandue
dans le monde la maladie de Berger.
Depuis 1983 et le premier symposium international à Milan, Italie, dédié à la néphropathie à
IgA, les spécialistes mondiaux de la maladie de
Berger se retrouvent tous les trois ans environ
pour discuter de leurs résultats de recherche,
tests cliniques et avancées sur la maladie. Cette
année, nous avons réuni en France à Tours 125
chercheurs, cliniciens et représentants de com-
pagnies pharmaceutiques venant de toute
l’Europe, le Japon, la Chine, l’Inde, l’Argentine, les
Etats-Unis, le Canada et l’Australie. Le congrès a
abordé la physiopathologie de la maladie, le diagnostic, les biomarqueurs à potentiel pronostique
et les traitements. Cet article va décrire les principales avancées et conclusions du symposium.
Depuis la découverte et la publication en 1968
par le Professeur Jean Berger de l’hôpital Necker
à Paris décrivant pour la première fois la maladie,
de nombreuses équipes de recherche se sont
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 20 #
attachées à décrypter les mécanismes pathologiques de la maladie et à chercher de nouveaux
traitements. La caractéristique première de la
maladie est des dépôts anormaux d’anticorps
de type IgA au niveau du rein et plus particulièrement au niveau de l’unité de filtration rénale le
glomérule sur les cellules mésangiales (Figure
1, IgA représentées par les points noirs). Les IgA
déposées, associées à des dépôts de complément
C3 induisent une activation des cellules mésangiales qui vont proliférer de façon anormale et
produire des facteurs inflammatoires, conduisant
à l’insuffisance rénale dans environ 30% des cas
au bout de 20 à 30 ans de maladie.
Figure 1 : Dépôts d’IgA au
niveau des cellules mésangiales
Les immunoglobulines A anormales
Les IgA qui se déposent au niveau des cellules
mésangiales des patients présentent des anomalies au niveau de leur structure. Elles portent
en effet moins de galactose (un sucre) que
celles d’individus sains. Cette différence induit
une tendance à l’agrégation entre elles et également va induire une réponse immunitaire.
Des auto-anticorps de type IgG principalement
vont reconnaître ces IgA hypo-galactosylées
et formés des complexes de taille plus importante. Ces complexes induisent au niveau des
cellules circulantes immunitaires une sécrétion
du récepteur soluble aux IgA le récepteur CD89
qui se retrouve également dans ces complexes
moléculaires dans la circulation sanguine. Au
niveau du rein, ces complexes contenant les
IgA se collent aux cellules mésangiales. En
2003, note équipe de recherche a montré que le
récepteur à la transferrine était le récepteur sur
lequel les IgA se fixaient au niveau des cellules
mésangiales. Depuis d’autres récepteurs ont été
décrits comme pouvant participer à la formation
des dépôts d’IgA sur les cellules mésangiales.
Les autres cellules rénales (cellules endothéliales qui entourent les capillaires sanguins
et podocytes) ne semblent pas exprimer les
mêmes récepteurs, expliquant la préférence des
IgA à se déposer sur les cellules mésangiales lors
de la filtration du sang au niveau du glomérule.
Ces dépôts d’IgA induisent une activation des
cellules mésangiales qui a également un effet
délétère sur les cellules à proximité comme
montré par une équipe de Hong-Kong: sur les
podocytes conduisant à des problèmes de fil-
tration rénale et aussi sur les cellules tubulaires
épithéliales (responsables de la réabsorption
d’éléments). Les dépôts d’IgA très localisés au
départ ont donc des effets sur tout le rein.
La génétique et l’environnement
Plusieurs équipes ont montré que les patients
atteints de néphropathie à IgA et des membres
de leur famille non malades présentent ces anomalies d’IgA. Donc l’origine de ces IgA serait au
moins en partie d’origine génétique. De plus, de
nouvelles études mondiales (une américaine et
une chinoise) ont inclus un nombre important
de patients (plus de 1000) et se sont intéressées
à regarder le génome entiers des patients. Ces
études ont montré un polymorphisme particulier de certains gènes associé à la maladie,
en particulier des gènes codant des protéines impliquées dans l’immunité innée et les
défenses anti-microbiennes et parasitaires. Ces
études ont donc fait ressortir l’importance du
rôle, déjà fortement soupçonné, des infections
et du microbiote dans la survenue de la maladie.
Des épisodes d’infections des voies aériennes
supérieures précèdent souvent le diagnostic
de la maladie faisant suspecter les infections
dans le déclenchement de la maladie. Des
études récentes ont montrés également que
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 21 #
le microbiote intestinal présente des dysbiose,
c’est-à-dire des modifications des populations
de bactéries qui vivent dans nos intestins avec
des surreprésentations de certaines bactéries et
des sous-représentations d’autres populations.
Cette dysbiose a été également observée dans
le microbiote salivaire des patients. Le microbiote est fortement associé à la production d’IgA
par le corps. Des souris élevée sans microbiote
ne produisent pas ou peu d’IgA, plus l’environnement contient des bactéries plus les souris
produisent des IgA. La composante génétique et
la présence d’un microbiote ou d’une infection
semblent donc être à l’origine de la production
anormale des IgA chez les patients atteints de
la maladie.
Clinique : diagnostic et recherche de
marqueurs de la progression
Encore aujourd’hui, le seul moyen de diagnostiquer la maladie de Berger est de réaliser une
biopsie rénale afin de déterminer la présence
des dépôts d’IgA au niveau des glomérules. Une
fois le diagnostic posé, les médecins doivent
adapter le traitement en fonction de l’évolution
probable de la fonction rénale des patients qui
est très variable. Là réside toute la difficulté
actuelle, des traitements trop agressifs peuvent
avoir des effets secondaires très importants et
des traitements de bases
n’empêcheront pas la
dégradation de la fonction
rénale à long terme pour
les 30% de patients qui
auront une mauvaise progression de leur maladie.
Les cliniciens s’intéressent donc particulièrement à déterminer la
progression de la maladie
en fonction de paramètres
cliniques comme les
dosages urinaires. Ceux-ci
ont permis de mettre en
évidence qu’une protéinurie supérieure à 1g/jour persistante est un
facteur de mauvais de pronostic de la fonction
rénale. Depuis 2009, les anatomopathologistes
ont également établie une classification des
lésions histologiques observées sur les biopsies
rénales : la Classification d’Oxford. Celle-ci est
maintenant bien établie et confirmée par plusieurs études internationales et peut être, dans
certains cas de lésions, prédictive de la fonction
rénale dégradée. Une étude en cours à SaintEtienne semble montrer que des biopsies
répétées et leur analyse histologique selon la
classification d’Oxford améliore la prédiction.
De nombreuses études se sont attachées quant
à elles à éviter la biopsie en trouvant des marqueurs circulants ou urinaires de l’activité de la
maladie et nécessitent des confirmations.
Greffe et récurrence
Lorsque la fonction rénale est trop altérée, la
greffe devient obligatoire pour les patients
atteints de néphropathie à IgA. Cependant,
si les patients ne rejettent pas leur greffe, ils
peuvent présenter à nouveau une dégradation
de leur fonction rénale suite à la récurrence de
la maladie. En effet, environ 50% des malades
vont à nouveau présenter des dépôts d’IgA dans
leur greffon. Ce phénomène de récidive avait été
décrit par Jean Berger dès 1975. De rares cas
de greffons provenant de donneurs atteints de
néphropathie à IgA, découverts à postériori de
la greffe, transplantés chez des patients atteints
d’autres maladies rénales, ont montré la disparition de ces dépôts
dans les greffons chez
les receveurs renforçant l’idée que la
maladie a une origine
systémique et non pas
rénale. Deux études
françaises
récentes
ont donc analysé des
biomarqueurs
sanguins : la présence
d’IgA anormalement
galactosylées et des
complexes contenant
des IgG et le récepteur
CD89. Les patients qui
récidivent rapidement
leur maladie sur le
greffon présentent des taux plus élevés d’IgA
anormales et d’IgG ainsi que des modifications
des complexes contenant le CD89. Le monitoring de ces marqueurs pourrait aider à la prise
de décision thérapeutique.
Une étude en cours à
Saint-Etienne semble
montrer que des biopsies
répétées et leur analyse
histologique selon la
classification d’Oxford
améliore la prédiction.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 22 #
Traitements actuels et futurs
Les traitements à disposition des médecins
actuellement sont de deux grandes catégories :
pour la première : les inhibiteurs de l’enzyme de
conversion (IEC) et les antagonistes du système
rénine-angiotensine (ARA
II) qui maintiennent la
fonction rénale ; deuxième catégorie : les
immunosuppresseurs
qui inhibent le système
immunitaire et l’inflammation. L’utilisation de ces
derniers est controversée,
ils ont montré des effets
bénéfiques sur la protéinurie mais avec d’importants effets secondaires.
Une étude parue dans
le New England Journal
of Medicine en 2015
montre que, chez des
patients traités par IEC
ou ARA II, présentant
une protéinurie intermédiaire (ente 0,75 et
3,5 g/jour), la balance
bénéfice-risque semble
penchée en faveur d’une
non-utilisation des corticoïdes. Au contraire, pour
des patients avec une protéinurie très importante, une étude rétrospective de 2015 (VALIGA)
montre l’importance du traitement par corticoïde pour l’amélioration de la fonction rénale.
Tous ces traitements ne sont pas spécifiques
de la néphropathie à IgA et sont classiquement
utilisés pour toutes les maladies rénales inflammatoires. Ils n’empêchent pas à terme pour certains patients d’évoluer vers l’insuffisance rénale
et par conséquent la dialyse et la transplantation
rénale. En effet ces traitements ne ciblent pas les
IgA anormales. De nouvelles thérapies sont donc
envisagées. Il y a actuellement 11 tests prévus
ou en cours dans la néphropathie à IgA primitive
et 2 tests pour la transplantation pour des traitements déjà utilisés dans d’autres maladies. Afin
de bloquer la production anormale des IgA, un
corticoïde à effet uniquement local : au niveau
intestinal (Neficon) est en phase II d’essai thérapeutique chez les patients. D’autres thérapies
ciblant les lymphocytes B qui produisent les anticorps sont à l’essai : le Rituximab, qui détruit les
lymphocytes B ; l’Atacicept, Belimumab, Fostana-
tinib et l’Ibrutinik qui empêchent l’activation des
lymphocytes B. D’autres traitements potentiels
visent à bloquer l’activation des cellules mésangiales au niveau du rein ou l’inflammation et la
voie du complément. L’élaboration par note laboratoire d’un modèle de
souris humanisées pour
les molécules clés impliquées dans la néphropathie à IgA : les IgA et
leur récepteur CD89 a
permis le test in vivo
de certaines thérapies.
L’utilisation d’une protéase : l’IgA1 protéase
qui clive uniquement les
IgA impliquées dans la
maladie a montré la disparition des dépôts d’IgA
chez la souris humanisée et la résorption de
l’inflammation
rénale.
Une diète sans gluten a
également montré des
effets bénéfiques dans
ce modèle. Enfin, l’utilisation d’antibiotiques à
haute dose pour modifier
le microbiote intestinal à
également améliorer la pathologie chez les souris
(étude no publiée). Ces études restent cependant
à confirmer chez l’Homme en adaptant les protocoles et les doses.
Tous ces traitements ne
sont pas spécifiques de la
néphropathie à IgA et sont
classiquement utilisés
pour toutes les maladies
rénales inflammatoires.
Ils n’empêchent pas
à terme pour certains
patients d’évoluer vers
l’insuffisance rénale et par
conséquent la dialyse et la
transplantation rénale.
Conclusion
La néphropathie à IgA est une maladie complexe et
multifactorielle associant une composante génétique et environnementale. Elle est maintenant
considérée comme une maladie auto-immune
avec la production d’anticorps dirigés contre les
IgA anormales. De nombreuses questions restent
encore aujourd’hui en suspens : la cause exacte de
la maladie, comment sont produites les IgA anormales. Les cliniciens s’interrogent également sur le
fait que ce soit une seule maladie ou un groupe de
maladies apparentées. Comment prévoir l’insuffisance rénale ? Quel est le traitement le plus
adapté ? Générique ou spécifique pour chaque
malade ? Les tests de traitements ciblant la
production des IgA ouvrent enfin de nouvelles
perspectives thérapeutiques. /////
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 23 #
GRÉTELLE BERNADET PSYCHOLOGUE (HÔPITAL BORDEAUX NORD)
LES AFFECTS : TÉMOIN
DE LA RENCONTRE
AVEC LE RÉEL
D
epuis L’agacement, énervement, la
colère, tout cela dit quelque chose du
réel. Soigner quelqu’un en souffrance,
atteint d’une maladie grave et parfois incurable
suppose de pouvoir rencontrer la souffrance
de l’autre, cet autre qui, touché au plus vif de
son être, sombre alors dans un état des plus
régressifs, insu, inédit, étranger à lui-même. Il
s’affronte alors à la pulsion dans son versant
dévorant, bouffant… il est à chaque minute
menacé de disparaître. Qui est-il alors ? Un
corps ? Un organisme à étudier ? Une énigme
pour l’autre médecin ? Un nom ? Une étiquette, un numéro, une plainte, un symptôme,
un homme ou une femme regardée, passée au
peigne fin par les différents regards, ou bien par
l’œil de la machine ? L’emmerdeur du poste 1 ?
Celui qui ne rentre pas dans le cadre parce qu’il
ne sait pas être « patient » ou même le bon
« patient » ?
Être atteint d’une maladie chronique et grave,
se retrouver entre els mains du corps médical,
en étant ou pas atteint en plus d’une problématique psychique, entraîne toujours et systématiquement un état de souffrance qui ne
permet pas de rentrer dans un cadre. Il s’agit
bien au contraire de créer un cadre qui permette l’accueil de la souffrance du patient c’està-dire pouvoir l’accueillir dans sa dimension de
sujet, dans sa langue. Cela suppose de mettre
à distance sa propre souffrance ou bien d’en
connaître à minima les points d’insupportable,
c’est-à-dire d’être un peu au clair avec ses
points d’angoisse.
Bien loin du sujet dans sa dignité telle que
l’entend le psychologue orienté dans sa pratique par le discours analytique, le « patient »
accompagné de ses mécanismes de défenses
entre sur scène avec son cortège de symptôme ;
parfois à bas bruit, parfois à bruit assourdissant.
Etre en vie n’est pas obligatoirement vivre !
Aussi, c’est au soignant, professionnel de la
santé, de s’adapter à celui qui souffre dans son
corps et dans son être ; a celui qui est bouleversé par le réel rencontré, véritable tsunamis
dans son existence.
Lui qui est piqué, lui qui est condamné à venir
trois fois quatre heures de sa vie, un jour sur
deux, chaque semaine ; lui qui ne peut échapper
au réel dévoilé par la présence permanente de
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 24 #
cette machine dont sa vie dépend, lui qui est
obsédé par le moindre signal provenant de son
corps, en proie au « sans limite » de son imaginaire ; ne dit-on pas que la santé c’est le silence
des organes ? Lui qui voit sa vie brisée par une
maladie mortelle.
Même si la promesse de greffe, pour certains,
ouvre un possible horizon, il n’en reste pas moins
que, la aussi, il est question de vie et de mort.
En dialyse, il est donc question d’un corps
malmené par des soins invasifs, il est question
d’un corps amputé de bouts de jambes, d’orteils…, il est question de vaisseaux qui menacent
de lâcher à tout moment ; en dialyse, on y arrive
après un parcours souvent difficile, un diabète
qu’il a fallu tenter de gérer toute sa vie, un
cancer, une chirurgie qui a mal tournée, une
maladie héréditaire, le grand âge et la dégénérescence qui va avec.
Donc ce n’est pas parce que l’on est en vie que
l’on vit et ce n’est pas parce qu’il y a une solution
potentielle que c’est supportable.
En dialyse, il y a donc à faire avec un corps traversé
par des émotions, parfois violentes, témoins du fait
que l’on est bien vivant : on y éprouve de l’angoisse,
de la colère, de la résignation, de la dépression, de
la peur. Avoir peur, c’est déjà commencer à traiter
l’angoisse de périr tout entier dans cette rencontre
avec la maladie en prenant appui sur un point fixe,
« cette peur la bien précise, bien délimitée », afin
de tenter de poser sa question de sujet vivant,
désirant face à ce qui a fait effraction et stoppé le
fait de pouvoir penser.
Les patients ont besoin d’exprimer cela, à
l’image d’un enfant qui régresse parce qu’il n’a
pas encore toutes ses défenses psychiques à
disposition pour tisser un voile sur le scénario
d’horreur de ce qui s’est brutalement dévoilé.
Le soignant est alors un appui pour l’aider
à supporter et traverser ce moment. Par sa
plainte toujours singulière, il demande de l’aide.
En proie à une détresse inédite, impensable
et insupportable, cette demande est ici peu
civilisée et sera à accueillir et à traduire par le
soignant. Dans ce néant qui le submerge, le
patient ne sait pas ce qu’il demande parce que
déjà, il n’est plus le même. Il n’éprouve plus
son corps de la même façon, il n’est plus
regardé de la même façon, il ne se voit plus
de la même façon… il est bouleversé : rien
n’est plus comme avant. /////
En dialyse, il est donc
question d’un corps
malmené par des soins
invasifs, il est question
d’un corps amputé
de bouts de jambes,
d’orteils…, il est question de
vaisseaux qui menacent
de lâcher à tout moment ;
en dialyse, on y arrive
après un parcours souvent
difficile, un diabète qu’il
a fallu tenter de gérer
toute sa vie, un cancer,
une chirurgie qui a mal
tournée, une maladie
héréditaire, le grand âge
et la dégénérescence
qui va avec.
Europe 1 : De plus en plus de malades.
L’insuffisance rénale chronique terminale (IRCT)
affecte une part croissante de la population
française :en 2014, ils étaient 79.355 patients à
suivre un traitement dit de «suppléance» (greffe
du rein ou dialyse), soit 5% de plus par rapport
à 2013, après une augmentation de 4% entre
2013 et 2012, relève dans un rapport le HCAAM.
http://www.europe1.fr/mediacenter/emissions/
europe-1-sante/videos/l-insuffisance-renaleune-maladie-compliquee-2246385
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 25 #
EDUQUER, SOIGNER :
UN SAVOIR Y FAIRE AVEC
L’IMPOSSIBLE !
Ê
tre parent est une position impossible
au sens ou, il n’y a pas, malgré ce que
veulent nous faire croire les discours
éducatifs, une solution, unique et qui
vaille pour tous, d’être parent. « Parent mode
d’emploi » est une utopie ! Cela ne s’apprend pas,
il n’y a pas de protocole ni une bonne façon de
faire ; nous échouons tous à être parents pour le
pus grand bien de nos enfants. Chaque parent se
rencontre pour la première fois à l’instant même
où il rencontre son enfant.
Il suffit d’ailleurs, d’avoir deux enfants pour se
rendre compte que ce qui a marché avec l’un, ne
marche pas avec l’autre. Chacun de nos enfants
nous renvoie un reflet différent de nous-mêmes :
dans l’autre on se mire.
Eduquer, soigner sont donc des choses fondamentalement impossibles et il va s’agir, tout
comme avec un enfant, d’accompagner le bricolage, au cas par cas, pour chaque patient, d’une
solution de vie supportable pour lui à partir de
cette rencontre avec la maladie.
Pour cela, il faudra de part et d’autre y mettre du
sien, c’est-a-dire, que chacun connaisse l’opacité,
la tache sombre qui est en lui, ce point qui fait
qu’il ne peut pas tout entendre, pas tout supporter , pas tout recevoir. C’est ainsi, chacun de
nous porte en lui la marque d’où il s’origine en
tant que sujet, vestige de sa construction plus ou
moins réussie, plus ou moins stable mais toujours bricolée et singulière. Rencontrer l’autre
suppose toujours dans le même temps de se
rencontrer soi-même. Dans la rencontre avec une
personne atteinte d’une maladie grave, menacée
de mourir et aux prises avec une souffrance quotidienne, il est impossible de ne pas réagir, de ne
pas souffrir soi-même, il est impossible de ne pas
soigner avec un peu de soi… c’est comme cela
pour l’être humain et cela n’a rien à voir avec une
quelconque impuissance. il devient alors difficile
de penser. Quand une rencontre touche au réel,
il n’y a souvent pas de mots pour dire ce que l’on
éprouve mais bien souvent du corps, c’est-à-dire,
des affects, des pulsions - des regards, des manifestations vocales, des gestes, des mots égarés
tels des projectiles… le passage à l’acte n’est
parfois pas loin, témoin de l’indicible- difficile de
construire du sens, de dire sur le réel… L’illusion
est alors grande d’imaginer se mettre à la place
de l’autre qui souffre.
Mettre en fonction cet impossible là, suppose
alors de se faire responsable de ce que l’on
éprouve face à ce qui est insupportable afin de
tisser une trame de sens qui vienne voiler ce réel
en disant autour.
La question fondamentale dont le soignant et
le patient ont à se faire responsable est celle
de vouloir en savoir quelque chose de l’énigme
de sa souffrance liée à cette rencontre-là. /////
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 26 #
PROFESSEUR MICHÈLE KESSLER (NANCY)
COMMENT RENDRE
LE PATIENT ATTEINT
DE MALADIE RÉNALE
CHRONIQUE ACTEUR
DE SA MALADIE
D
epuis 50 ans, de très nombreuses
avancées technologiques et pharmaceutiques ont permis d’améliorer les
traitements par dialyse et greffe mais les
études scientifiques mesurant la qualité de vie
perçue par les patients ont clairement montré
qu’elle était impactée de façon importante et
significative par comparaison à la population
générale et que la maladie chronique transformait le quotidien des malades tant sur le
plan social, que familial et relationnel.
En France on estime à 3 millions le nombre
de personnes ayant une maladie rénale chronique (MRC). Compte tenu de la gravité de cette
pathologie, de son coût et de ses répercussions
psychologiques et sur la qualité de vie le législateur, la Haute Autorité de Santé et la Caisse
Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs
Salariés se sont focalisés sur sa phase terminale
qui touche dans notre pays près de 80000 personnes alors qu’il existe des moyens thérapeutiques permettant en amont de ralentir la progression de la MRC voire d’éviter la suppléance
et de faire la prévention secondaire des complications en particulier cardio-vasculaires.
L’expérience de la maladie acquise au cours du
temps a fait émerger chez les patients des besoins
de connaissance, une volonté d’acquérir des compétences relatives au suivi des traitements et de
participer aux choix qui s’offrent à eux.
Créé en 2002, le réseau régional NEPHROLOR a
souhaité offrir aux patients atteints de MRC un
accompagnement adapté, sans rupture et complémentaire de leur prise en charge médicale.
Pour qu’il soit adapté aux besoins des patients,
ceux-ci ont été associés à la construction des
programmes d’éducation thérapeutiques. Ils
ont également participé à leur évaluation et
certains d’entre eux motivés et disponibles ont
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 27 #
été formés à l’ETP et inclus dans l’animation des
ateliers en binômes avec des professionnels de
santé et sont ainsi devenus des patients qui ont
souhaités être appelés patients « ressources »
plutôt que patients « experts ».
NEPHROLOR a conçu 3 programmes d’ETP
couvrant la totalité du parcours des patients
depuis les stades précoces de la MRC jusqu’à la
suppléance (dialyse et greffe) (figure 1)
E’dire créé en 2010, est destiné au patient MRC à
des stades modérés (3 et 4). A travers un parcours
personnalisé défini lors du diagnostic éducatif, il
bénéficie de séances individuelles et collectives.
Différents thèmes sont abordés : connaissance
de la MRC, surveillance, prise en charge diététique et médicamenteuse, hygiène de vie et
activité physique et soutien psycho-social. Ce
programme est décliné hors des établissements
de santé à proximité du domicile des patients par
des professionnels de santé libéraux.
Althyse, lancé en 2012, accompagne les patients
en IRC sévère (DFGe <20 ml/min) dans le choix
de la 1ère méthode de suppléance. Il comprend
une consultation d’annonce faite par une infirmière après que le néphrologue ait annoncé la
sévérité de l’IRC puis un cycle de 4 ateliers étalés
sur un mois au cours desquels le patient accompagné d’un proche découvre ou approfondit de
façon interactive sa MRC, la transplantation
rénale avec un focus sur la greffe préemptive
avec donneur vivant, la dialyse péritonéale puis
l’hémodialyse. Une 2ème séance individuelle
permet de recueillir le choix du patient qui est
ensuite validé par le néphrologue et qui précède
la mise en route de la préparation à la ou les
méthodes choisies.
Edugreffe est proposé depuis 2010 à tout patient
transplanté rénal et est découpé en 2 temps :
des séances individuelles réalisées au cours
de l’hospitalisation pour greffe et destinées à
sécuriser la sortie, puis des séances collectives
et individuelles au cours de la première année
de greffe et reprises annuellement ensuite. Elles
apprennent au patient greffé à s’auto surveiller,
à reconnaitre les symptômes annonciateurs de
complications, à gérer son hygiène de vie et
ses traitements médicamenteux, à prendre en
compte les évènements intercurrents et in fine
à bâtir son projet de santé.
Figure 1 : Education thérapeutique dans le parcours
de soins de la maladie rénale chronique
Figure 2 Description de la plateforme de
télémédecine e-Nephro
Rendre le patient acteur c’est également lui permettre d’accéder facilement à ses données de
santé et de communiquer avec les différents professionnels de santé qui interviennent dans sa
prise en charge. Pour cela la télémédecine offre
aujourd’hui des outils très intéressants. Nous
nous intéressons à ces nouvelles technologies
depuis 2000 ce qui nous a permis de concevoir
avec un industriel (Pharmagest) un système de
télésurveillance du patient atteint de MRC à tous
les stades de sa maladie (e-Nephro) qui a été
retenu dans le cadre de l’appel à projet e-santé
2 des investissements d’avenir. Son objectif est
de faire émerger un modèle économique via
une étude médico-économique randomisée. Il
propose un ensemble de service et repose sur
un large partenariat (fig2). Construit à partir
de l’expérience lorraine, il se déploie depuis
décembre 2015 dans 3 régions (Hauts de
France, Grand est et Nouvelle Aquitaine) ; 234
patients ont déjà été inclus au 30/09/2016 et
l’étude devrait se terminer fin 2018. /////
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 28 #
NICOLE KUCHARSKI, DIÉTÉTICIENNE NUTRITIONNISTE HTTP://BALADE-EN-DIETETIQUE.WIFEO.COM/
L’ÉVOLUTION DE
LA DIÉTÉTIQUE
DES PATIENTS EN ALD
M
ichel Raoult m’a demandé de
rédiger un article sur l’évolution
de la diététique en néphrologie
et en diabétologie durant ces dix dernières
années ayant la double compétence dans ces
domaines. J’ai décidé de parler de mon expérience aux seins des réseaux de santé (RENIF et
PARIS DIABETE) et en dialyse.
J’ai connu, grâce à un courrier reçu en 2007,
le réseau NephronEst, l’un des trois réseaux
de néphrologie d’Ile-De-France qui se sont
regroupés pour devenir le réseau RENIF. Ce
réseau avait pour vocation de créer un lien entre
le milieu hospitalier et les diététiciens en libéral.
Courant 2008, j’ai suivi et validé la formation
obligatoire et théorique sur la nutrition de la
maladie rénale et j’ai pu réellement intégrer ce
réseau à cette période car il fallait être formé en
néphrologie pour avoir la possibilité de prendre
en charge les patients en insuffisance rénale en
consultations individuelles. A l’époque, les premiers ateliers que j’ai animés se présentaient
sous la forme d’un PowerPoint qu’on projetait
sur un mur ou un tableau blanc. Sur le diaporama
une série de questions était posée et les participants donnaient leurs réponses à l’aide de pancartes VRAI/FAUX, seule interactivité de l’époque.
De 2008 à 2009, nous avons élaboré un livret
de recettes « Les recettes du monde » encore
actuellement proposé, ce qui permet de montrer
que l’on peut manger et se faire plaisir avec une
maladie rénale.
En 2009, la coordination régionale d’ETP d’IleDe-France (réseau diabétologie FREDIF et de
néphrologie RENIF) m’a proposé de me former
en ETP (éducation thérapeutique du patient)
et j’ai eu l’honneur de faire partie des seize
premiers paramédicaux de ces réseaux à être
formée.
Depuis 2010 une nouvelle version des ateliers
a vu le jour avec les diététiciens formés en
ETP. Le diaporama ayant été supprimé au profit
d’échanges entre les patients et d’ateliers plus
ludiques.
Le réseau avait créé trois groupes de travail afin
de proposer aux patients une meilleure prise
en charge. Ainsi, a été mise en place un groupe
« pro » de diététiciennes hospitalières pour
former les diététiciens à la maladie rénale, un
groupe « recettes » pour l’élaboration du livret
et un groupe « ETP » pour construire et proposer
les ateliers diététiques liés à la maladie rénale.
De nouveaux ateliers ont vu le jour dont les
thèmes sont par exemple le potassium, le cho-
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 29 #
lestérol, la lecture d’étiquetages et les anciens
sont constamment remaniés selon les besoins
des patients.
Suite à ma formation en ETP, j’ai intégré le
réseau PARIS DIABETE qui me permet d’animer
des ateliers pour des patients diabétiques de
type 2 principalement, sous la condition d’assister chaque année à, au moins, un comité de
pilotage de l’ETP ou à une rencontre des animateurs de l’ETP.
Ce réseau propose des prises en charge diététique individuelle selon les besoins et des ateliers sur l’alimentation, les traitements, les soins
des pieds et tout récemment d’autres thèmes
comme par exemple les repas de fêtes, les
voyages… Depuis 2015, il est possible d’animer
dans des ateliers pluridisciplinaires, c’est-à-dire
constitué d’un animateur ayant une expertise
dans la thématique de l’atelier et d’un animateur
dont l’atelier est autre que celui en rapport avec
sa profession. Ainsi, j’ai pu animer des ateliers
de podologie avec une pédicure podologue et
même participer à une marche organisée par le
réseau avec un éducateur sportif formé en ETP.
Cette année, avec concertation des paramédicaux, le réseau souhaite proposer des ateliers
à la carte ainsi que la construction d’ateliers en
co-animation avec un patient intervenant.
J’interviens depuis 2013 dans un centre de
dialyse à Paris (ANDRA), et avec des collègues
infirmiers et la cadre de santé, nous avons créé
et développé depuis deux ans un programme
d’ateliers ETP lors des séances de dialyse. Nous
proposons à deux ou trois patients durant leur
séance des thèmes variés sur la nutrition, le
générateur, les traitements … Il n’est pas toujours facile d’aider les patients dialysés à comprendre la maladie et à acquérir ou maintenir
les compétences dont ils ont besoin pour gérer
au mieux leur vie, et cela d’autant plus pour les
personnes d’origine étrangère ne maîtrisant pas
la langue française.
Même si cela modifie profondément la relation
« soignant- soigné », j’encourage vivement mes
collègues diététiciens à se former et à développer des compétences en ETP aussi bien en
consultations individuelles qu’en ateliers pluridisciplinaires. Le développement de projets
d’éducation thérapeutique du patient malade
chronique favorisé par l’ARS Ile-de-France
permet d’aider le patient et ses proches à
comprendre la maladie et le traitement et a
réellement changé la prise en charge aussi
bien en néphrologie, en diabétologie que dans
toutes les maladies chroniques. /////
Le réseau avait créé trois
groupes de travail afin de
proposer aux patients
une meilleure prise en
charge. Ainsi, a été mise
en place un groupe
« pro » de diététiciennes
hospitalières pour
former les diététiciens
à la maladie rénale, un
groupe « recettes » pour
l’élaboration du livret et
un groupe « ETP » pour
construire et proposer les
ateliers diététiques liés
à la maladie rénale. De
nouveaux ateliers ont vu
le jour dont les thèmes
sont par exemple le
potassium, le cholestérol,
la lecture d’étiquetages
et les anciens sont
constamment remaniés
selon les besoins des
patients.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 30 #
ÉDITION ET GESTION PUBLICITAIRE
Association
La Ligue Rein et Santé
Tél.:06 87 93 21 54
www.rein-echos.fr
Adresse mail annonceurs
Écrire à la revue auprès de l’association
ou e-mail : [email protected]
ANNE CAROLINE NEYRAUD AGENCE LE BOUSCAT
2006-2016 : REIN ECHOS
AURA PASSÉ 10 ANS
AU SERVICE DES DIALYSÉS !
ISSN : 1958-3184, dépôt légal 2015
En 2006, après avoir effectué une première croisière avec dialyse à bord par notre biais, Michel
Raoult nous informait de son projet de revue et
le premier numéro de Rein Echos voyait le jour
en octobre 2006.
Comité de rédaction (bénévoles) :
Auteurs participants : remerciements aux auteurs
des différents articles pour ce numéro anniversaire (dernier Rein échos web mag)
L’éditorial de ce premier exemplaire affichait la
ligne de conduite de la revue : « Comment faire
avec… mon insuffisance rénale, mon diabète, ma
dialyse, ma transplantation ? Rein Echos, un portail
de réponses et de données accessible à tous ».
REIN ÉCHOS WEB MAG
Directeur de la publication Michel Raoult
Crédits photos LRS
Direction artistique et réalisation
Laurent de Sars
06 73 68 06 32 - [email protected]
Dans ce numéro et dans d’autres qui ont suivi,
nous avons voulu répondre à cette question dans
le cadre des loisirs et plus particulièrement des
voyages. En effet, spécialisé dans l’organisation
de voyages pour les personnes dialysées, Gérard
Pons Voyages propose entre autres un programme
Dialyses & Croisières depuis plus de 25 ans.
Certains de nos clients dialysés ont d’ailleurs
partagé leur expérience, que ce soit suite à des
séjours ou des croisières organisées par notre
agence.
Quoi de mieux qu’un dialysé ayant expérimenté ce
type de voyage pour en parler aux autres dialysés ?
Par le biais de Rein Echos ces 10 dernières
années, nous avons souhaité montrer que
Gérard Pons Voyages est aux côtés des dialysés,
transplantés, leurs familles et amis, dans l’organisation de leurs vacances.
Gérard Pons Voyages est fier d’avoir pu prendre
part, à son petit niveau, à ce projet. Nous remercions grandement Michel Raoult de nous y
avoir associé !
Nous saluons l’initiative de Michel Raoult et ses
10 ans d’investissement, au côté de son équipe,
dans la revue Rein Echos. Une implication de
tous les jours qui aura largement contribué
à œuvrer dans l’information des dialysés et
Gérard Pons Voyages
55 avenue de la Libération
33110 LE BOUSCAT
Tél : 05.56.42.49.01
Email : [email protected]
www.dialyses-et-voyages.fr
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 31 #
DEPUIS DIX ANS ET
SANS LEUR SOUTIEN,
LA LIGUE REIN ET SANTÉ
N’AURAIT PU RÉALISER ET
DISTRIBUER SES MÉDIAS GRATUITS
Mais également : G. Pons, Théradial, Genzyme
(SANOFI), Novartis, Roche, etc.
Sans oublier nos petits donateurs (mécénat).
Merci également aux professionnels de santé qui ont bien voulu
nous parrainer ou nous assister dans la réussite du challenge
des revues Rein échos pour expliquer l’insuffisance rénale et ses
conséquences.
REIN ECHOS WEB # 1 DÉCEMBRE 2016 # 32 #
Téléchargement