Greffe d`un rein avec donneur vivant - URPS Pharmaciens Hauts

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CAHIER SPÉCIAL
VENDREDI 7 MARS 2014
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SEMAINE DU REIN
DU 8 AU 15 MARS
Greffe d’un rein avec donneur vivant :
un « cadeau » qui n’a que des avantages
’’
« En dehors du bon samaritain,
tout le monde peut donner ’’
Professeur Christian Noël, néphrologue
Dialyse à domicile :
bientôt une réalité
« Dès le début je me suis dit que, si j’étais compatible, je le ferais », fait remarquer Chantal Mazereel.
PHOTO PATRICK JAMES
L’avenir de la greffe du rein passe par le don d’une
personne vivante plutôt que décédée, en raison
notamment des garanties pour l’avenir. Une bonne
nouvelle d’autant que la loi bioéthique de 2011
offre aussi plus de possibilités pour les dons. Mais
encore faut-il que ce soit mieux connu…
C’est une belle histoire. Chantal Mazereel, 64 ans, a
donné un de ses reins à son mari, Claude, 65 ans, il y a
tout juste un peu plus d’un an. Comme une évidence :
« Dès le début je me suis dit que, si j’étais compatible, je le
ferai » fait remarquer Chantal. Une preuve d’amour, une
de plus, après quarante-cinq ans d’union, quelques mois
tout juste avant que Claude ne doive « entrer » en dialyse. Une issue inéluctable pour lui après une dégradation subite du fonctionnement de ses reins. « J’avais été
dépisté en 1989, explique-t-il, c’était stable, mais soudain le taux de créatinine a monté, et on m’a dit à l’hôpital qu’il faudrait penser à la greffe ». Un temps, il fut inscrit sur la liste d’attente, mais c’était avant qu’on ne
parle au couple du don entre personnes vivantes. Bien
sûr, le mari eut une petite réticence : « J’avais un peu
peur pour elle évidemment ». Mais, finalement, rien n’a
arrêté cette belle aventure, d’autant qu’il y a eu une année d’analyses pour balayer les problèmes… « Quand elle
a été opérée, j’ai vu que ça s’était bien passé alors, j’ai pu
à mon tour y aller tranquillement » se souvient
aujourd’hui Claude, encore ému. Aujourd’hui, ce couple
de Lys-lez-Lannoy se porte très bien. « On a eu beaucoup
de chance » résume-t-il. Avec forcément une expérience
pas banale qui ne peut que renforcer leur chemin en
duo.
Des cas comme ça, le professeur Christian Noël, néphrologue et chef du service de néphrologie et de transplantation au CHRU de Lille, seul établissement de la région à
greffer des reins, aimerait en connaître plus souvent. « Il
faut privilégier la greffe avec donneur vivant » souligne-t-il, avançant notamment de meilleurs résultats :
85 % de survie de greffon à dix ans en moyenne, alors
qu’avec un donneur décédé, l’espérance de vie, à dix
ans, n’est que de 70 %. La raison est simple : on est notamment sûr que « la personne qui donne est en bonne
santé ». Et il n’y a pas d’âge pour donner : une personne
de 80 ans peut donner un rein pour un homme de vingt
ans.
Trop de réticences
dans la région
La loi bioéthique de 2011 offre aussi des opportunités en
ouvrant la possibilité de donner à un cercle plus large :
la famille, bien sûr, mais aussi « toute personne ayant
une relation étroite, stable et avérée avec le receveur ».
« En dehors du bon samaritain, tout le monde peut donner » résume le professeur Christian Noël. D’autant que
les conséquences sont bénéfiques, forcément, pour le receveur, et nulles pour le donneur à condition qu’il garde
une bonne hygiène de vie.
Mais alors pourquoi la France stagne à 10 % de greffes
avec donneur vivant, contre 50 % aux USA par exemple ? « Les néphrologues dialyseurs ne le proposent pas assez » pointe du doigt le professeur Christian Noël. Ainsi,
au CHRU de Lille, sur cent quarante greffes par an, seules treize ont été faites avec un donneur vivant. Une nécessité, d’autant plus que le nombre de greffons, après accidents sur la voie publique – ils sont moins nombreux,
ce qui reste une bonne nouvelle – a baissé en vingt ans,
passant de 60 % à 8 % aujourd’hui. Et que les réticences
pour le don sont toujours importantes, surtout dans la
région où les habitants refusent à 40 % de donner leurs
organes (contre 30 % au niveau national). Autant de raisons, effectivement, de privilégier le vivant. Surtout
quand cela peut donner aussi de très belles histoires.
B. Vi.
La dialyse reste incontournable pour les patients qui ne peuvent
pas, pour diverses raisons, bénéficier d’une greffe. Sachant que
nous ne sommes pas – comme pour le cœur et le foie par exemple – dans le cas d’une transplantation indispensable, vitale. Certains malades peuvent ainsi bénéficier de la dialyse chaque semaine et vivre très longtemps. Comme Régis Hubiche de Saillysur-la-Lys qui vient trois fois par semaine dans le centre de dialyse
du CHRU de Lille pour des séances de quatre heures environ. Auparavant, il était sous dialyse péritonéale (via une poche au niveau
de l’abdomen), chez lui, huit heures toutes les nuits, mais il a dû
évoluer vers une dialyse à l’extérieur pour raisons médicales.
« Au départ d’ailleurs, les malades ont le choix entre plusieurs techniques, explique Nathalie Decoopman, cadre de santé, mais après il
faut forcément évoluer vers des formules plus ou moins lourdes,
avec une surveillance médicale adaptée… ». Sachant qu’il y a aussi,
à l’extérieur des hôpitaux, également des unités médicalisées.
Mais, la grande nouveauté dans le domaine de la dialyse – il faudra encore patienter quelques semaines (a priori courant mai) –
est l’apparition dans la région de la technique – classique si l’on
peut dire – à domicile. Une vraie avancée puisque la dialyse doit
alors se faire deux heures au quotidien (cinq jours sur sept). Le malade est déjà choisi pour l’expérimentation, mais il doit auparavant
en passer par l’éducation thérapeutique pour être en mesure de
bien gérer ce soin quotidien.
B. Vi.
Régis Hubiche, dialysé depuis six ans, actuellement dans
PHOTO PATRICK JAMES
un service d’hémodialyse chronique.
RÉDACTION : BERNARD VIREL – PHOTOS : PATRICK JAMES, JEAN-PIERRE BRUNET – MISE EN PAGES : BRUNO de WITTE – ÉDITEUR : OLIVIER FACON
GV04.
CAHIER SPÉCIAL
VENDREDI 7 MARS 2014
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SEMAINE DU REIN
CAHIER SPÉCIAL
VENDREDI 7 MARS 2014
DU 8 AU 15 MARS
DU 8 AU 15 MARS
« 40 % des malades arrivent
très tardivement chez le néphrologue »
Le docteur Franck Bourdon, néphrologue,
responsable de la commission prévention
de Néphronor (1), nous explique l’intérêt
fondamental du dépistage pour lutter
contre les maladies rénales qui touchent
beaucoup plus la région que les autres,
en France.
Pourquoi, selon vous est-il si important qu’il y
ait une semaine (du 8 au 15 mars) et même
une journée mondiale (le 13 mars) consacrées
au rein ?
« Tout simplement parce que les gens ne
connaissent pas les maladies rénales. Il faut
savoir que 40 % des malades arrivent très
tardivement chez un néphrologue. Il faut
leur annoncer que la semaine suivante, ils
doivent commencer la dialyse. Alors qu’on
pouvait faire autrement… Mais le problème
est que l’insuffisance rénale est un mal silencieux. On peut même vivre très bien avec
une maladie rénale chronique. Les signes,
eux-mêmes, sont assez banals (crampes, fatigue) qui n’amènent pas forcément à s’inquiéter plus que ça. Et pourtant… C’est quelque chose qui peut arriver à n’importe qui.
Il faut aussi savoir que les douleurs aux
reins n’ont rien à voir. »
Comment peut-on dépister la maladie rénale ?
« Cela passe par une prise de sang pour la recherche de créatinine par la recherche d’albumine dans les urines. Il est indispensable
de faire les deux tests pour établir le diagnostic avec certitude. Une partie de la population est plus dite “à risques” : les personnes
âgées de plus de soixante ans, les hypertendus, les diabétiques, et ceux qui ont des antécédents familiaux ou personnels. Un seul facteur de risque suffit. Donc, ça vaut vraiment
Le rein :
VRAI
ou
FAUX
le coup de faire un dépistage. D’autant
qu’avec l’âge, la perte est, quoi qu’on fasse,
de 1 % de fonction rénale par an, et que la
baisse s’accélère avec une de ces maladies
(hypertension, diabète, etc.), de l’ordre de 6
à 8 % par an. Il faut freiner cette dégradation. »
Avec le dépistage ?
« Tout passe par là. Le dépistage permet de
faire le diagnostic de la maladie et ce qui en
est la cause. Autre intérêt : freiner l’insuffisance rénale pour garantir un bon fonctionnement le plus longtemps possible. Cela permet d’éviter que la personne ne se retrouve
en insuffisance rénale terminale (10 % de
fonction des reins), sachant qu’au bout du
compte, il ne reste plus que la dialyse ou la
greffe, notamment avec donneur vivant. »
La région est-elle plus touchée ?
« Il y a 3 300 patients en dialyse dans la région (40 000 en France). L’incidence est donc
plus forte avec 200 patients par million d’habitants dans la région, contre 150 en
France. Cinquante personnes en plus font de
nous la région la plus touchée en métropole.
Il faut rappeler quelques règles de base pour
éviter la maladie rénale : avoir une activité
physique et une bonne hygiène de vie (ne
pas abuser du sel notamment). Il ne faut pas
oublier non plus que cette maladie est un facteur de risque cardio-vasculaire (AVC, infarctus). Le rein est un organe extrêmement important, il ne sert pas uniquement à la filtration des déchets (régulation de la tension artérielle, stimulation de la production des gloB. Vi.
bules rouges. »
(1) Néphronor est un réseau qui regroupe tous
les établissements publics et privés de la
région disposant d’une structure et d’une
équipe spécialisée dans le domaine
de l’insuffisance rénale chronique.
Les reins sont situés
dans le bas du dos.
FAUX
Et pourtant huit Français
sur dix pensent qu’ils
sont situés à cet endroit.
En fait, les deux reins
sont situés de part et
d’autre de la colonne
vertébrale, en dessous
du diaphragme.
Il faut contrôler son
alimentation pour
préserver ses reins.
VRAI
Il convient notamment
de ne pas manger trop
salé, et de ne pas avoir
une alimentation trop riche en protéines (viandes, poissons, œufs,
etc.).
« J’ai mal aux reins »,
est-ce un signe ?
FAUX
Et pourtant, là encore de
nombreuses personnes
le pensent (80 %). C’est
plus souvent le signe
d’une douleur à la colonne vertébrale au niveau des lombaires.
Boire de l’eau est bon
pour les reins.
VRAI
Mais si l’on évoque couramment la nécessité de
boire une quantité d’eau
adaptée à ses besoins
(au moins un litre et
demi par jour), le docteur Franck Bourdon précise qu’il faut en fait
« boire à sa soif ».
GV02.
Le docteur Franck Bourdon rappelle l’importance du dépistage.
Les médicaments
peuvent être toxiques
pour les reins.
VRAI
Certains anti-inflammatoires non stéroïdiens, y
compris les aspirines,
peuvent être toxiques
pour les reins, tout
comme certains analgésiques ou le paracétamol quand ils sont utilisés à fortes doses ou à
long terme.
PHOTO ARCHIVES PATRICK JAMES
Une
semaine
de dépistage
5
Les greffés de retour à l’hôpital
pour… prendre les bons conseils
Ce matin, ils sont une dizaine de
patients au CHRU de Lille. Ils ont en
commun d’avoir été greffés
récemment et de suivre un des
ateliers du programme d’éducation
thérapeutique. Une nouveauté.
« Notre but est de permettre aux patients
d’être autonomes et de préserver le greffon
le plus longtemps possible, même s’il a une
durée de vie de dix à quinze ans en
moyenne. » En animant un des sept ateliers du programme d’éducation thérapeutique – ce matin-là, « Savoir reconnaître les manifestations cliniques pour prévenir les complications » – Bénédicte Mignot
et Nathalie Billaud, infirmières, fixent
l’ambition. Alors, pêle-mêle, avec la dizaine de patients présents, elles balaient
tout ce qui fait partie des suites d’une
greffe, et peuvent apparaître au domicile
quand le patient est seul ou presque. Des
effets secondaires des médicaments (vomissements, diarrhées, voire tremblements) à la surveillance du greffon
(« pour le surveiller mais aussi se l’approprier ») en passant par celle de la peau et
l’indispensable vigilance avec le soleil (en
cause : la prise des immunosuppresseurs), sans oublier les mesures d’hygiène.
Tout est passé au crible avec les deux professionnels qui ne laissent rien au hasard, comme pour la diarrhée qui n’est
« pas un signe anodin, mais peut être lié à
une infection » ou, au contraire, la tension avec une hausse qu’il importe de « signaler au médecin » mais pas forcément
en urgence, sous certaines conditions. « Il
faut faire la part des choses » précisent les
infirmières qui ne veulent rien laisser au
hasard, tout en se gardant bien d’inquiéter les patients qui se retrouvent vraiment
acteurs de leur santé.
Bénédicte Mignot et Nathalie Billaud, infirmières, suivent un protocole qui prévoit sept ateliers d’éducation thérapeutique sur six mois.
PHOTO PATRICK JAMES
« Les mêmes expériences
que nous »
Nicolas, 35 ans, venu de Valenciennes, apprécie : « J’ai été opéré le 13 février dernier. Ces réunions permettent d’avoir des
réponses aux questions qu’on se pose, de
manière très pratique. En plus, nous avons
des échanges avec d’autres greffés qui forcément partagent les mêmes expériences que
nous. C’est très intéressant ». D’autant
plus que, rappellent les infirmières,
« après trois mois de greffe, vous êtes encore convalescents ».
Visiblement, ces réunions d’éducation thérapeutique – mises en place depuis octobre 2013 – apportent beaucoup, à raison
de deux fois par semaine dans un premier
temps avant que progressivement le pro-
gramme ne s’allège pour finalement permettre au patient d’être suivi par un néphrologue proche de chez lui.
En attendant, Bénédicte Mignot et Nathalie Billaud apprécient : « On connaît bien
les malades et on a vraiment l’impression
d’être à la source de notre boulot, en leur
apportant vraiment quelque chose. J’ai
l’impression que c’est profitable des deux
B. Vi.
côtés. »
Les pharmaciens engagés dans la prévention
pour montrer qu'ils sont de vrais acteurs de santé
Des dépistages sont organisés dans les pharmacies (lire
ci-contre), avec la contribution de Nephronor, l'URPS
pharmaciens, le groupement GIPHAR, mais aussi
avec la participation de plus
de cent stagiaires en sixième
année à la faculté de pharmacie de Lille.
Jean-Marc Lebecque, président de l’Union
régionale des professions de santé (URPS)
pharmaciens, créée avec la loi hôpital,
patients, santé et territoires (HPST), pour porter
les projets et de nouvelles missions des
professionnels, évoque son engagement et
celui de certains de ses confrères pour assurer
le dépistage des maladies rénales, dans le
cadre de la Semaine du rein.
Par ailleurs, des centres hospitaliers s'associent à l'opération :
– le centre hospitalier de Douai
(hall) avec un dépistage le
jeudi 13 mars de 10 h à 18 h.
– le centre hospitalier de la région de Saint-Omer (Hall
d'entrée) le jeudi 13 mars également de 9 h 30 à 17 h 30, en
collaboration avec la clinique
néphrologique de l'Audomarois.
Pour plus d'informations :
www.semainedurein.fr
SEMAINE DU REIN
Jean-Marc Lebecque, installé à Marck-en-Calaisis, apprécie cette
opération : « C’est valorisant ».
PHOTO JEAN-PIERRE BRUNET
En quoi consiste cette opération
de dépistage menée par les pharmaciens ?
« Les pharmaciens GIPHAR (Groupement indépendant de pharmaciens indépendants) ont été promoteurs du repérage en officine. L’an dernier, ils
m’avaient contacté mais l’URPS n’était pas en
mesure, alors, d’accompagner le mouvement.
Cette fois-ci, c’est possible, avec plus de cent pharmaciens engagés dans cette opération. Il s’agit
pour nous de repérer précocement des personnes
susceptibles d’être dans une phase de développement d’une maladie rénale. Cela concerne notamment des personnes qui fréquentent les officines mais qui ne sont pas suivies régulièrement
par un médecin et que l’on doit remettre dans le
parcours de soins. C’est d’ailleurs vers un médecin traitant que l’on va renvoyer la personne
après avoir établi un premier indicateur (recherche d’une protéinurie par bandelette urinaire). »
Comment prenez-vous cette action ?
« C’est valorisant. Les pharmaciens sont impatients de participer aux nouvelles missions promises par la loi HPST. Là, c’est particulièrement intéressant car les personnes en début de
maladies rénales ne s’en aperçoivent pas. Et
comme la région est malheureusement à la
traîne en matière de repérage, l’action a son importance. Si ce que nous faisons pour la Semaine du rein tient du domaine de l’expérimentation, nous voulons montrer que nous sommes capables d’avoir des résultats tangibles,
tout cela bénévolement. Les pharmaciens sont
acteurs de premier recours pas assez utilisés et
pas uniquement des vendeurs de boîtes. »
Avez-vous d’autres actions
de dépistage prévues ?
« Nous avons une action de dépistage de la
broncho-pneumopathie chronique obstructive
(BPCO), en lien avec la Mutualité française pour
ses adhérents. Mais plus largement, un protocole de coopération est en train de se construire
entre les médecins et les kinés, les médecins et
les pharmaciens, les médecins et les infirmiers. Tous les professionnels de santé pourront
le suivre- pour organiser un dépistage plus important. Autant d’actions efficaces pour la santé
publique qui vont faire naître des économies
considérables via un dépistage précoce. » B. Vi.
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