Pédiatrie: Améliorer le dépistage et la prise en charge des

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HIGHLIGHTS 2005
Forum Med Suisse 2006;6:31–32
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Pédiatrie: Améliorer le dépistage et la prise
en charge des cardiopathies congénitales!
René Tabin
Département Médico-chirurgical de Pédiatrie, Centre Hospitalier du Centre du Valais, Sion
Avec une prévalence moyenne enregistrée entre
1989 et 2003 dans le canton de Vaud – dont
le registre appartient au réseau EUROCAT1 –
d’environ 13 pour mille (pour les naissances
vivantes, les mort-nés et les interruptions médicales de grossesse après diagnostic prénatal) [1],
les cardiopathies constituent les malformations
congénitales les plus fréquentes.
Des progrès importants ont été enregistrés au
cours de ces dernières années pour le diagnostic
anténatal, le diagnostic néonatal et le traitement
des cardiopathies congénitales.
Dans un précédent article [2] retraçant les nouveautés dans le domaine de la pédiatrie survenues en 2004, j’avais déjà cité les importants
progrès obtenus dans le diagnostic prénatal
grâce aux échographies prénatales et dans la
prise en charge des hypertensions pulmonaires
de l’enfant.
J’aimerais cette année souligner l’aide majeure
apportée à un diagnostic rapide d’une cardiopathie congénitale cyanogène par l’utilisation
chez le nouveau-né de l’oxymétrie de pouls pour
la mesure de la saturation en oxygène du sang
capillaire (SaO2), qui a amené les Sociétés Suisses de Néonatologie et de Cardiologie pédiatrique à recommander l’utilisation de cet examen
chez tous les nouveau-nés [3].
Comme l’atteste le tableau 1 p, l’échographie
prénatale ne permet malheureusement pas encore un dépistage prénatal de toutes les cardiopathies sévères. Alors que les mères dont les
Tableau 1. Diagnostic prénatal de certaines
malformations cardiaques.*
Tronc artériel commun
23%
Canal atrioventriculaire
22%
Tétralogie de Fallot
8%
Coarctation de l’aorte
17%
Hypoplasie du cœur gauche
71%
Total
24%
* Dans le registre du canton de Vaud (1989–2003)
(d’après Addor [1]).
fœtus présentent de telles malformations seront
adressées pour leur accouchement à des centres
spécialisés tertiaires, disposant de soins intensifs
de néonatologie et de cardiologues pédiatres,
les nouveau-nés chez qui ces diagnostics n’au1 European Registration Of Congenital Anomalies.
ront pas été posés dans la période prénatale naîtront dans des hôpitaux non sélectionnés. Il est
donc capital de pouvoir identifier précocement
les nouveau-nés atteints de cardiopathie cyanogène. S’il s’agit d’une cardiopathie canal-dépendante, la survenue d’une décompensation cardiaque lors de la fermeture du canal peut
être fatale. Avec le raccourcissement du séjour à
l’hôpital et un retour à domicile avant 48 heures,
les premiers symptômes peuvent ne survenir
qu’à domicile!
Dans la littérature [4], durant la première année
de vie, un enfant sur dix meurt d’une cardiopathie congénitale sans que celle-ci n’ait été
diagnostiquée au préalable alors qu’un sur quatre meurt durant la première semaine de vie
d’une cardiopathie congénitale sans que celle-ci
n’ait été diagnostiquée au préalable!
L’examen clinique [3] du nouveau-né peut permettre de poser un diagnostic dans 50 à 75%
des cas. Une cyanose centrale peut être décelée
si la SaO2 est inférieure à 80–85% et nécessite
toujours des investigations complémentaires.
Elle peut cependant être facilement manquée. La
palpation d’un précordium hyperactif constitue
un signe évocateur. L’auscultation recherchera la
présence d’un B2 unique et accentué, caractéristique de la plupart des cardiopathies congénitales; la présence d’un souffle cardiaque n’est
par contre que peu spécifique, puisque ce signe
clinique est présent chez près de 60% des nouveau-nés et correspond dans la majorité des cas
à un souffle fonctionnel! La palpation de pouls
fémoraux diminués peut faire suspecter une cardiopathie congénitale canal-dépendante, mais
des pouls fémoraux normaux n’infirment pas ce
diagnostic, car tant que le canal est largement
ouvert, les pouls peuvent être conservés. Les
signes d’une insuffisance cardiaque seront recherchés (tachycardie, hépatomégalie, œdèmes
périphériques). La radiographie thoracique et
l’ECG ont une mauvaise sensibilité et spécificité
et n’excluent pas, s’ils sont normaux, une cardiopathie cyanogène. L’échocardiographie bidimentionnelle avec doppler couleur et doppler
pulsé est un examen hautement spécifique et
sensible, mais a des exigences importantes de
matériel et de qualification pour son exécution,
avec un coût important et ne peut pas être utilisée comme méthode de dépistage.
L’oxymètre de pouls est un moyen largement
répandu dans tous les hôpitaux, très fiable et peu
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onéreux. Plusieurs études récentes ont montré
l’intérêt de son utilisation pour le dépistage des
cardiopathies congénitales cyanogènes [5–7]. En
2005, une étude analogue a été réalisée à Zurich
chez 3262 nouveau-nés [8]. En raison d’une SaO2
anormale, 24 enfants ont eu une échocardiographie: 17 présentaient une cardiopathie congénitale, cinq une hypertension pulmonaire primaire, deux avaient un cœur normal – ce qui
donne pour la SaO2 utilisée en dépistage une sensibilité de 100%, une spécificité de 99,7% et une
valeur prédictive positive de 63%.
Ces études ont amené les Sociétés Suisses de
Néonatologie, de Cardiologie pédiatrique et de
Gynécologie-Obstetrique à recommander [3]
d’effectuer avec un oxymètre de pouls une mesure systématique de la SaO2 postductale en plus
de l’examen clinique de routine du nouveau-né.
Cette mesure doit être effectuée à un pied, au
premier jour de vie, de préférence lorsque le
bébé dort ou est tranquille. Dès que l’onde pulsatile est bonne, la valeur maximale de saturation est notée. La mesure se fait pendant deux
minutes au maximum. Une valeur de SaO2 095%
est considérée comme normale. En cas de valeurs comprises entre 90 et 94% et si l’examen
clinique ne laisse pas suspecter de cardiopathie
congénitale, la SaO2 peut être répétée après quelques heures. Une deuxième valeur également in-
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férieure à 95% pose l’indication à un contrôle
échocardiographique. En cas de valeurs inférieures à 90% ou si des signes cliniques évocateurs d’une lésion cardiaque sont présents, une
échocardiographie doit être pratiquée rapidement et, le cas échéant, le nouveau-né doit être
transféré en urgence dans un service de néonatologie avec consultation de cardiologie pédiatrique.
Si la SaO2 est normale, les indications supplémentaires à montrer l’enfant à un cardiologue
pédiatre sont les suivantes: une anamnèse familiale positive, un examen clinique évocateur de
cardiopathie congénitale, ou une anxiété parentale importante.
L’hypoplasie du cœur gauche est l’une des malformations qui pourraient être décelées par ce
type de dépistage; elle représente environ 15 cas
par année en Suisse. Des progrès importants [9]
ont été obtenus dans le traitement de cette malformation par les opérations de Norwood 1, 2 et
3, ce qui a permis d’améliorer nettement le pronostic de cette affection.
Nous espérons qu’une large diffusion de ces nouvelles méthodes et traitements permettra d’améliorer le dépistage et la prise en charge des nouveau-nés atteints de cardiopathies congénitales
cyanogènes.
Références
Correspondance:
Dr René Tabin
Département
Médico-chirurgical de Pédiatrie
Centre Hospitalier
du Centre du Valais
Avenue du Grand Champsec
CH-1951 Sion
[email protected]
1 Addor MC. Prévalence des cardiopathies congénitales dans
le canton de Vaud et dans le réseau européen durant la période 1989–2003. Paediatrica 2005;16:19.
2 Tabin R. Pédiatrie en 2004: vous êtes-vous posé les bonnes
questions? Forum Med Suisse 2004;4:1304–5.
3 Arlettaz R, Bauersfeld U. Recommandations concernant le
screening néonatal des cardiopathies congénitales. Paediatrica 2005;16:38–41.
4 Kuehl KS, Loffredo CA, Ferencz C. Failure to diagnose congenital herat disease in infancy. Pediatrics 1999;103:743–7.
5 Koppel RI, Druschle CM, Carter T, et al. Effectiveness of pulse
oximetry screening for congenital heart disease in asymptomatic newborns. Pediatrics 2002;111:451–5.
6 Richmond S, Reay G, Au Harb M. Routine pulse oximetry in
the asymptomatic newborn. Arch Dis Child Fetal Neonatol
Ed 2002;87:F83–8.
7 Reich JD, Miller S, Brogdon P, et al. The use of pulse oxymetry to detect congenital heart disease. J Pediatr 2003;142:
268–72.
8 Arlettaz R, Bauschatz AS, Mönkhoff M, Essers B, Bauersfeld U. The contribution of pulse oximetry to early detection
of congenital heart disease in newborns. Eur J Pediatr 2006
(en cours de publication).
9 Beghetti M., Ghisla R. Hypoplasie du cœur gauche: diagnostic, traitement et pronostic. Paediatrica 2005;16:26–9.
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