Traitement axé sur la médecine factuelle après une

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– l’un provenant d’un groupe d’associations américaines
et l’autre, un exposé conjoint de la Société canadienne de
cardiologie et de l’Association canadienne de cardiologie
interventionnelle – ont souligné l’importance de renseigner
les patients sur les risques et les bienfaits possibles des EÉM.
Ils recommandent également de poursuivre la bithérapie
antiplaquettaire pendant au moins 1 an après l’implantation
d’une EÉM. Par ailleurs, les articles émettent tous deux une
mise en garde quant au retrait prématuré de l’un ou l’autre
des agents antiplaquettaires, suivant lequel le risque de décès
ou d’infarctus du myocarde pourrait atteindre 65 %7. Cela
dit, le risque absolu semble plus faible (supérieur de 0,2 %/
année à celui d’une endoprothèse en métal nu)8.
À l’heure actuelle, on n’arrive pas à apaiser les
préoccupations relatives à l’emploi d’EÉM. Cela dit, il
ne faut pas oublier que de nombreux patients ont tiré
profit de cette technologie, sans laquelle on aurait observé
une morbidité et une mortalité significatives chez cette
population. L’avenir nous réserve peut-être de nouveaux
médicaments pour l’enrobage des endoprothèses (Abbott
Vascular et Medtronic étudient actuellement des dérivés du
sirolimus). Ou peut-être mettra-t-on au point de meilleurs
antiplaquettaires. Quoi qu’il en soit, nous devons continuer
à surveiller nos patients de près pour assurer leur prise en
charge optimale.
Références :
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2. Pfisterer M, Brunner-La Rocca HP, Buser PT et al., for the BASKETLATE Investigators. Late clinical events after clopidogrel discontinuation
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7. Grines CL, Bonow RO, Casey DE Jr. et al. Prevention of premature
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artery stents: A science advisory from the American Heart Association,
American College of Cardiology, Society for Cardiovascular
Angiography and Interventions, American College of Surgeons, and
American Dental Association, with representation from the American
College of Physicians. J Am Coll Cardiol 2007;49:734-39.
8. Love MP, Schampaert E, Cohen EA et al. The Canadian Association
of Interventional Cardiology and the Canadian Cardiovascular Society
joint statement on drug-eluting stents. Can J Cardiol 2007;23:121-23.
Traitement axé sur la médecine factuelle après une
hospitalisation consécutive à un infarctus aigu du
myocarde, en Colombie-Britannique
Karin H. Humphries†, M. Sc., M.B.A., D. Sc., Min GaoΔ, Ph. D., Auhua Pu†, M. Sc.
†Division de cardiologie, University of British Columbia et Centre for Health Evaluation & Outcomes Sciences, Vancouver (C.-B.)
ΔProvincial Health Services Authority, Vancouver (C.-B.)
Le contexte
Depuis une vingtaine d’années, les éléments de preuve
s’accumulent en faveur de l’emploi de bêtabloquants1,
d’antiplaquettaires (AAS)2,3, d’inhibiteurs de l’enzyme de
conversion de l’angiotensine (ECA)4 et d’hypolipidémiants,
notamment les inhibiteurs de l’HMG-CoA réductase
(statines)5-7 pour réduire le risque de manifestations
cardiovasculaires chez les patients atteints d’une
maladie coronarienne objectivée. En 2003, la Canadian
Cardiovascular Outcomes Research Team, de concert avec
la Société canadienne de cardiologie, a déclaré que la
prescription de ces 4 classes de médicaments au moment
du congé témoignait de la qualité des soins administrés
aux patients hospitalisés en raison d’un infarctus aigu du
myocarde8. D’après un examen réalisé par Salim Yusuf,
les répercussions cumulatives de la prise simultanée de ces
4 agents se traduisent par une réduction d’environ 75 %
du risque de mortalité cardiovasculaire, d’infarctus du
myocarde et d’AVC (tableau 1)9.
Les données laissent donc présager que ces médicaments
procurent des bienfaits considérables aux porteurs d’une
maladie cardiovasculaire objectivée. Nous nous sommes
donc proposé d’évaluer leur utilisation par suite d’une
hospitalisation consécutive à un infarctus aigu du myocarde
en Colombie-Britannique, puis d’examiner le devenir des
patients après 1 an de traitement par ces agents.
Tableau 1 : Réduction cumulative du risque
de manifestations CV par la prise de
médicaments d’usage courant9
Traitement
Aucun
AAS
+ Bêtabloquants
+ ↓ lipémie de 1,5 mmol/L
+ inhibiteurs de l’ECA
Réduction du
risque relatif
Fréquence des
manifestations
CV après 2 ans
–
25 %
43,75 %
62,5 %
71,25 %
8%
6%
4,5 %
3%
2,3 %
Actualités de réadaptation cardiaque et de prévention de la maladie cardiovasculaire
Notre étude
Notre évaluation repose sur une liaison entre plusieurs bases
de données : base de données des hospitalisations en C.B. (victimes d’infarctus aigu du myocarde), statistiques de
l’état civil (tous décès confondus) et PharmaCare (registre
d’utilisation des médicaments chez les 65 ans et plus en
Colombie-Britannique). L’étude s’est déroulée de 1997 à
2002.
La population à l’étude regroupait tous les résidents de la
C.-B. âgés de 65 ans et plus, vivants au moment de leur congé
après une hospitalisation consécutive à un infarctus aigu du
myocarde. Ont été exclus les patients qu’on a transférés à
un centre de soins de longue durée, ceux qui sont décédés
dans les 120 jours suivant l’obtention du congé et ceux
qui n’adhéraient pas au régime d’assurance-médicaments
PharmaCare au cours des 120 jours suivant l’obtention du
congé. La cohorte finale comptait donc 7 487 patients.
Comme l’AAS est couramment obtenu sans ordonnance,
son utilisation n’est pas représentée fidèlement dans le
registre PharmaCare. Notre analyse s’est donc concentrée
sur les bêtabloquants, les statines et les inhibiteurs de
l’ECA. Aux fins de notre analyse, la prise de médicaments
avant l’hospitalisation correspondait à l’exécution de toute
ordonnance au cours des 120 jours précédant l’admission.
De même, la prise de médicaments après l’hospitalisation
correspondait à l’exécution de toute ordonnance au cours
des 120 jours suivant l’obtention du congé.
Les facteurs, cliniques et autres, pouvant être associés à
l’exécution d’une ordonnance ont été examinés d’abord au
moyen d’une analyse unidimensionnelle, puis à l’aide d’un
modèle de régression logistique multivariable. Les patients
étaient jugés admissibles à la prise des 3 médicaments s’ils
n’avaient pas présenté d’hépatopathie (non admissibles aux
statines) ni de MPOC (non admissibles aux bêtabloquants)
pendant leur séjour à l’hôpital. Ainsi, chez le patient
souffrant à la fois d’hépatopathie et de MPOC, le traitement
médicamenteux optimal n’inclurait qu’un seul des 3 agents
possibles (soit l’inhibiteur de l’ECA), tandis que chez le patient
qui ne présente aucune de ces affections, il comprendrait les
3 agents. On a également examiné le lien entre la prise de
médicaments éprouvés en médecine factuelle et le taux de
mortalité ou d’infarctus aigu du myocarde à 1 an.
Nos observations
D’après notre évaluation des contre-indications, 92 % des
sujets étaient admissibles à la prise des 3 médicaments et les
8 % restants, à la prise de 2 médicaments. Après 120 jours,
seuls 20 % des sujets avaient fait exécuter les ordonnances
des 3 médicaments; 34,5 % en avaient fait exécuter 2, et
30 %, une seule. Mais le plus inquiétant, c’est que 15,5 %
des sujets n’avaient fait exécuter aucune des 3 ordonnances.
La bonne nouvelle, c’est qu’on a observé une
augmentation significative de l’utilisation de ces agents entre
1997 et 2001. L’emploi des inhibiteurs de l’ECA est passé de
10
51,5 à 71,2 %; celui des bêtabloquants, de 54,4 à 66,1 % et
celui des statines, de 35,2 à 52,7 %; le taux d’emploi optimal
des médicaments est passé de 14,7 à 35,4 %.
« … on a observé une augmentation
significative de l’utilisation de ces agents
entre 1997 et 2001. »
Fait intéressant, l’utilisation des bêtabloquants et des
statines chutait significativement avec l’âge, tandis que
l’utilisation des inhibiteurs de l’ECA n’était pas affectée par
ce facteur. Par exemple, on a prescrit des statines à 57 % des
65 à 74 ans, mais à seulement 10,7 % des sujets de 85 ans et
plus. On a également remarqué des différences relatives au
sexe; les femmes étaient significativement plus susceptibles
que les hommes de recevoir des inhibiteurs de l’ECA (60,4 %
vs 56,1 %), mais moins susceptibles de se faire prescrire des
statines (39,1 % vs 43,5 %). Quant à l’emploi optimal des
médicaments, le taux d’utilisation était, quoique légèrement,
significativement plus élevé chez les hommes que chez les
femmes (22,6 % vs 20,1 %).
Outre l’augmentation significative de la prise de
médicaments au fil du temps, la prise antérieure de
bêtabloquants, d’inhibiteurs de l’ECA ou de statines a été
le facteur ayant influé le plus fortement sur les traitements
médicamenteux subséquents. Chez les patients qui avaient
déjà été traités par les agents éprouvés en médecine factuelle,
la prescription de ces derniers après l’obtention du congé
ne variait pas selon la spécialité du médecin prodiguant les
soins cardiaques. Cependant, l’instauration d’un traitement
chez les patients qui n’avaient jamais reçu ces agents
dépendait fortement de la spécialité du médecin traitant.
Cette corrélation, qui a été observée avec les 3 agents, a été
la plus étroite avec les statines (figure 1). Comparativement
aux cardiologues, les internistes et les omnipraticiens étaient
moins susceptibles de prescrire les agents éprouvés aux
patients qui n’en avaient jamais pris.
La présence d’insuffisance cardiaque s’est également
révélée un facteur prédictif indépendant de l’utilisation
d’inhibiteurs de l’ECA (rapport de cotes [odds ratio] de 2,25
comparativement à l’absence d’insuffisance cardiaque).
Comme l’illustrent les courbes de Kaplan-Meier
(figure 2), le devenir des patients à qui l’on a prescrit le
traitement optimal a été significativement plus favorable
que celui des patients qui prenaient moins de médicaments
ou des agents non éprouvés en médecine factuelle. Dans
un modèle de hasards proportionnels multivariable,
les traitements sous-optimaux et à base d’agents non
éprouvés ont été associés à une augmentation du risque
de mortalité et d’infarctus aigu du myocarde de 38 et de
52 %, respectivement, comparativement au traitement
médicamenteux optimal. Ces données ont été corrigées
pour tenir compte des affections concomitantes (diabète,
insuffisance cardiaque, MPOC, insuffisance rénale et AVC),
de l’âge et du sexe.
Actualités de réadaptation cardiaque et de prévention de la maladie cardiovasculaire
L’utilisation de 4 médicaments éprouvés en médecine factuelle
pourrait réduire de près de 75 % le risque de morbidité et
de mortalité. Notre analyse, qui a porté sur 3 de ces agents
– à savoir les bêtabloquants, les inhibiteurs de l’ECA et les
statines – a révélé que le risque était réduit de 52 % après
1 an chez les patients recevant ces derniers, par rapport à
ceux qui n’en recevaient aucun. La littérature porte à penser
que l’association d’un tel traitement médicamenteux et
d’interventions relatives au mode de vie – abandon du tabac10,
exercice et saine alimentation – permettrait de réduire le
risque de plus de 80 %9. Or, malgré les éventuels avantages de
l’association de diverses stratégies préventives, il n’en est pas
ainsi dans la réalité. Entre 1997 et 2001, 92 % des patients
de plus de 65 ans ayant subi un infarctus du myocarde ont
été jugés admissibles à l’utilisation de bêtabloquants, de
statines et d’inhibiteurs de l’ECA, mais seuls 20 % d’entre
eux ont fait exécuter leurs trois ordonnances, et près de
16 % d’entre eux n’en ont fait exécuter aucune. Il va sans dire
qu’il y a place à l’amélioration. Même si l’on ne regarde que
les données de la dernière année comprise dans l’analyse, soit
2001, seuls 35,4 % des victimes d’un infarctus du myocarde
ont fait exécuter leurs 3 ordonnances. L’abandon du tabac,
l’augmentation de l’activité physique au quotidien et
l’adoption d’une saine alimentation représentent également
des défis, et l’adhésion thérapeutique à grande échelle est
peu probable.
Nos analyses n’expliquent pas ce taux d’adhésion sousoptimal. Serait-ce que les médecins ne prescrivent pas
les médicaments appropriés, ou que les patients ne font
pas exécuter leurs ordonnances? Il s’agit sans doute d’une
combinaison de ces deux facteurs. Cependant, les données
font état d’une variabilité considérable d’un hôpital à l’autre.
Le taux d’utilisation optimale des médicaments s’inscrivait
entre 3 et 40 % au cours des 4 années de l’étude, ce qui laisse
présager que le système de santé et le personnel soignant
jouent un rôle important sur ce plan. Il serait intéressant
de comparer les systèmes et les processus en vigueur dans
les hôpitaux affichant le taux de prescription le plus élevé
à ceux des hôpitaux où ce taux a été le plus faible. Une
telle analyse pourrait nous éclairer sur les mesures à prendre
pour améliorer l’utilisation des médicaments éprouvés en
médecine factuelle, ce qui est fort souhaitable étant donné
l’envergure des avantages qu’elle peut apporter.
« … 92 % des patients de plus de 65 ans ayant
subi un infarctus du myocarde ont été jugés
admissibles à l’utilisation de bêtabloquants, de
statines et d’inhibiteurs de l’ECA, mais seuls
20 % d’entre eux ont fait exécuter leurs trois
ordonnances... »
Références:
2. Collaborative meta-analysis of randomised trials of antiplatelet therapy
for prevention of death, myocardial infarction, and stroke in high risk
patients. BMJ Jan 12 2002;324(7329):71-86.
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Am Coll Cardiol Feb 19 2003;41(4 Suppl S):79S-88S.
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Investigators. N Engl J Med Jan 20 2000;342(3):145-53.
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cardiology London: BMJ Books; 1998:165-78.
Figure 1. Rapports de cotes (odds ratio) de l’utilisation
des médicaments après le congé chez les patients n’ayant
jamais reçu ces derniers, en fonction de la spécialité du
médecin traitant. Catégorie de référence : cardiologie
Inhibiteur de l’ECA
Interniste
Gén. / MF
Bêtabloquant
Interniste
Gén. / MF
Statine
Interniste
Gén. / MF
0
1
Rapport de cotes (OR)
2
Figure 2. Courbes de Kaplan-Meier de la prévention du décès
ou d’un nouvel infarctus du myocarde grâce à la prise des
médicaments éprouvés en médecine factuelle. L’utilisation
optimale des médicaments correspond à l’utilisation de
tous les médicaments NON contre-indiqués. Chez 92 %
des patients, le traitement optimal comprenait les 3 agents
– statine, bêtabloquant et inhibiteur de l’ECA.
100
valeur p < 0,0001
Sans manifestation (%)
Les répercussions
95
90
Traitement optimal
Traitement sous-optimal
85
Aucun traitement
1. Yusuf S, Peto R, Lewis J et al. Beta blockade during and after myocardial
infarction: an overview of the randomized trials. Prog Cardiovasc Dis
Mar-Apr 1985;27(5):335-71.
80
120
170
220
270
320
370
Jours après renvoi
Actualités de réadaptation cardiaque et de prévention de la maladie cardiovasculaire
11
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