GRAND ANGLE La vie d’une perturbation Sous les latitudes tempérées, notre climat est caractérisé en hiver par une alternance de perturbations – périodes marquées par du vent, des précipitations plus ou moins soutenues, des changements rapides des températures et de l’état du ciel – et de périodes de temps calme, tantôt brumeux, tantôt ensoleillé. Ouest C es perturbations du temps, souvent à l’origine des tempêtes, sont indissociables de dépressions d’échelle synoptique, dont la taille caractéristique atteint quelques milliers de kilomètres. Les mouvements cycloniques – dans le sens inverse de celui des aiguilles d’une montre (hémisphère nord) – des masses nuageuses autour de la dépression vont former les enroulements nuageux caractéristiques sur les images satellites. À l’intérieur de la dépression, l’ascendance de la masse d’air est accompagnée de condensation donc de formation de nuages et de pluie. Ouest Est Front chaud Est Front froid Suivant la latitude, l’atmosphère est réchauffée différemment par le rayonnement solaire. Son état stable se caractérise par la présence d’air chaud vers l’équateur et d’air froid vers les pôles. Résultant de ce contraste de température (le gradient de température) et de la rotation de la Terre vers 10 kilomètres d’altitude, un puissant courant – les vents vont de 100 à 400 kilomètres/heure – s’écoule d’ouest en est à nos latitudes, c’est le « courant-jet ». Mais l’état stable n’est jamais durable… 8 Avril 2007 ATMOSPHÉRIQUES Sous l’influence conjuguée d’une anomalie du courant jet (variation de vitesse ou de direction du vent) et d’une anomalie chaude au sol (maximum d’air chaud), une dépression commence à apparaître en surface. Cette zone de basse pression relative va générer des vents cycloniques autour d’elle. Ce mouvement va avoir pour conséquence de déformer le champ de température en créant deux zones où les contrastes de température se renforcent. L’une à l’avant, le front chaud, où l’air chaud pousse l’air frais antérieur et l’autre à l’arrière, le front froid, où l’air froid postérieur pousse l’air chaud. En météorologie, le terme « perturbation » est très souvent utilisé. Il désigne toute rupture d’un état d’équilibre de l’atmosphère mais est aussi couramment employé, notamment par les médias, pour désigner une zone de mauvais temps : zone orageuse, dépressions… à nos latitudes A Michaël Kreitz Responsable Kiosque à Météo-France Sources : « Techniguide de la météo » de Jean-Louis Vallée (Nathan). Grand angle: « Qui sème le vent récolte la tempête » de Philippe Arbogast (Atmosphériques n° 25) Le secret de la dépression réside dans l’interaction entre la perturbation de courant jet en altitude et, à l’avant, la dynamique de basse couche (onde chaude). Ouest Ouest Est Est Les vents cycloniques amènent l’air chaud à s’enrouler progressivement autour de la dépression, jusqu’au nord de celle-ci, dans un mouvement ascendant. L’interaction de cette « onde chaude » avec l’anomalie du courant jet renforce la dépression. Cette dernière sera d’autant plus vigoureuse que le courant jet qui la surplombe est intense. Le renforcement du système va augmenter les contrastes de température. Les mouvements verticaux au niveau des fronts vont en être amplifiés d’autant. L’air chaud va poursuivre son mouvement ascendant tout en s’enroulant autour de la dépression. Les ascendances continuent de provoquer la condensation des masses d’air (formation de nuages et de pluies). Ainsi, dans la partie nord de la perturbation, l’air chaud est rejeté en altitude. On parle alors d’occlusion (front présent seulement en altitude). ATMOSPHÉRIQUES Avril 2007 Illustrations François Poulain Cette condensation participera elle-même au développement de la dépression. Une dépression vit généralement quelques jours, pendant lesquels elle parcourt plusieurs milliers de kilomètres dans le flux souvent de secteur ouest. Quand la situation est propice, la France et l’ouest de l’Europe sont atteints par une nouvelle perturbation tous les un à deux jours. ■ Représentation d’une coupe verticale de l’atmosphère au temps 3 du graphique ci-dessous. Pour une personne située au point A, qui observe le ciel, cinq types de temps vont se succéder : • La « tête » de la perturbation : de fins nuages élevés arrivent dans le ciel (cirrus), puis les nuages s’épaississent peu à peu (cirrostratus). Le vent s’oriente au secteur sud en se renforçant. • Le front chaud : le ciel devient de plus en plus gris et bas (altostratus puis nimbostratus), il pleut généralement une ou deux heures de façon continue, avec une intensité faible à modérée. Le vent, très régulier, est assez fort de secteur sud-ouest avant l’arrivée des pluies. • Le secteur chaud : le temps est maussade et humide sans trop d’activité. Le plafond nuageux est bas et gris (stratus et stratocumulus), notre observateur est désormais dans une masse d’air très humide avec quelques bruines ou pluies éparses. Le secteur n’est pas pour autant synonyme de chaleur car il n’y pas de soleil. Ce temps gris peut durer de longues heures. Le vent est souvent d’ouest modéré. • Le front froid : à son approche le temps s’agite brusquement. Il pleut à nouveau, mais beaucoup plus irrégulièrement et parfois fortement, mais moins longtemps que sous le front chaud (les nuages sont encore des altostratus et des nimbostratus, voire des cumulonimbus). De fortes rafales de vent sont possibles, de même que quelques coups de tonnerre sous les averses. Après le passage du front froid, des éclaircies apparaissent, la perturbation a achevé son passage. • La traîne : après la perturbation, c’est le « fameux » temps instable où nuages (cumulus et cumulonimbus), éclaircies et averses alternent très rapidement. Suivant l’activité de la traîne, les averses sont rares ou fréquentes, de pluie voire de grésil ou de grêle et même ponctuées de coups de tonnerre. Le vent est froid et rafaleux de nord-ouest à nord. Le mistral et la tramontane peuvent se lever. Les meilleures illustrations d’une traîne active sont les giboulées de mars. 9