Responsabilité Sociale de l`Entreprise et Publicité

publicité
Responsabilité Sociale
de l’Entreprise et Publicité
Stéphanie HERAULT1
Résumé
Les préoccupations des consommateurs à l’égard des pratiques éthiques des entreprises conduisent ces dernières à intégrer au sein de leurs publicités des arguments en faveur de leur engagement dans des démarches socialement responsables. Mais certaines dérives ont suscité une grande méfiance dans l’opinion
publique. Mesurer aujourd’hui l’efficacité de publicités « éco-responsables »
nécessite donc d’évaluer le niveau de confiance suscité. Les données quantitatives issues de l’exposition d’un échantillon de 172 individus à une publicité pour
une marque automobile montrent l’importance du rôle joué par les croyances du
caractère socialement responsable de l’entreprise au sein du processus de persuasion publicitaire, celles-ci influençant positivement confiance et opinion envers la
marque. Ces deux facteurs constituant des antécédents de la satisfaction et de la
fidélisation, ces résultats suggèrent l’impératif pour les annonceurs de vérifier que
leurs publicités renforcent bien la confiance envers la marque communicante sous
peine de résistance voire de rejet de la part des publics-cibles.
Mots clés
Responsabilité sociale de l’entreprise, Publicité, Efficacité, Confiance.
Abstract
Consumer concerns with regard to ethical practices lead firms to communicate
about their involvement in CSR actions. But some “green washing” advertising
aroused great suspicion. Effectiveness measure of this sort of ads needs therefore
to consider the level of brand trust generated through exposure to the ad. Quantitative data providing from an online survey on 172 individuals show that beliefs
about CSR of the firm influence positively brand trust and attitude toward the
brand. These two constructs contribute to customers’ satisfaction and loyalty. So,
these results suggest to advertisers to ensure their ads generate high level of brand
trust in order to avoid consumers resistance or even rejection.
Keywords
Social responsability, Advertising, Effectiveness, Trust.
1-Maître de Conférences, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Chercheure au Laboratoire Prism
Sorbonne - [email protected]
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Responsabilité Sociale de l’Entreprise et Publicité - Stéphanie HERAULT
Introduction
La méfiance des consommateurs à l’égard des pratiques du Marketing
avec des comportements de résistance à la consommation en général et
de scepticisme vis-à-vis de la publicité en particulier obligent les entreprises à s’interroger sur l’efficacité de leurs publicités. S’inscrivant au sein
d’une démarche relationnelle car impliquant la Responsabilité Sociale de
l’Entreprise à plus long terme, les publicités dites « éco-responsables » au
sens de l’ARPP (2010) pourraient être les plus directement concernées par
cette nécessité. Cet article a pour objectif de proposer de mesurer l’impact
d’une publicité sur l’annonce et la marque communicante en s’appuyant
sur une modélisation traditionnelle en situation de test publicitaire (Lutz,
1985 ; Mac Kenzie et Lutz, 1989). Après une synthèse des travaux sur
la problématique spécifique de la mesure de l’efficacité publicitaire en
général et sous l’angle d’une communication socialement responsable en
particulier, nous présenterons les résultats obtenus à la suite de l’exposition publicitaire d’un échantillon de 172 individus à une annonce pour une
marque automobile. Un modèle d’équations structurelles permettra d’une
part de vérifier la fiabilité de nos instruments de mesure et d’autre part de
valider nos hypothèses de recherche. Seront enfin présentées limites et
voies de recherches de cette contribution.
1. Revue de la littérature
Selon Pariente, Pesqueux et Simon (2009), l’éthique se décline à 2 niveaux : à un niveau individuel « par la recherche du bien être et du meilleur
respect possible des différentes parties prenantes concernées » et à un niveau organisationnel avec « le respect des valeurs liées à la Responsabilité
Sociale de l’Entreprise et plus généralement du développement durable ».
C’est sous cette deuxième perspective que se place cette contribution.
1.1 Éthique et Responsabilité Sociale de l’Entreprise
Les préoccupations environnementales et sociales prennent une place de
plus en plus importante dans la société. Selon Lapeyre (2009), le concept
multidimensionnel de développement durable s’appuie sur trois composantes : « la composante économique (meilleure coopération avec les pays
en voie de développement en modifiant leurs modes de production et de
consommation), une composante environnementale (diminution des rejets
polluants de l’atmosphère, la promotion d’une agriculture raisonnée, la
préservation des ressources naturelles), une composante sociale (la lutte
contre la pauvreté et la faim dans le monde, contre le travail des enfants) ».
RSE et développement durable sont des concepts liés car la responsabilité
sociale et environnementale, souvent désignée sous le terme de responsabilité sociétale peut être considérée comme la « résultante et l’expression
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du paradigme du développement durable » (Joras, 2002 cité par Lapeyre,
2009). Le gouvernement précise que le développement durable correspond à « un développement qui répond au besoin du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Pour y
parvenir, les entreprises, les pouvoirs publics et la société civile devront
travailler ensemble afin de réconcilier trois mondes qui se sont longtemps
ignorés : l’économie, l’écologie et le social. La RSE apparaît comme le
soulignent Ben Yedder et Zaddem (2009) comme « une concrétisation
de l’intégration de repères éthiques dans le domaine de l’entreprise ». La
RSE consisterait donc pour l’entreprise à diffuser des données relatives
aux activités sociales et environnementales effectuées, rendant ainsi plus
crédible son engagement sur la voie de la responsabilité sociale (Igalens,
2004 ; Akremi, Dhaoudi et Igalens, 2008). En Marketing, la notion de RSE
intègre de manière plus forte l’idée de communication envers les différentes parties prenantes (Maignan, Ferrell et Ferrell, 2005 ; Smith, Palazzo et
Bhattacharya, 2010).
1.2 Les pratiques marketing et les consommateurs-citoyens
Parmi les différentes fonctions de l’entreprise, le marketing est probablement celle qui suscite le plus de débats en matière d’éthique et de responsabilité sociale (Jahdi et Acikdilli, 2009). Le consommateur est de plus en
plus soucieux d’une consommation socialement responsable prenant ainsi
en compte les conséquences de ses choix personnels sur la société dans son
ensemble. Aujourd’hui, on assiste donc à une critique du discours marketing qui se concrétise notamment par la place de la marque dans l’acte
d’achat (Sansolini, 2005). Une consommation dite « engagée » se développe. Les Français ont ainsi pris conscience de l’importance d’adopter
« une consommation plus sobre, soucieuse de limiter le gaspillage (46 %),
une consommation de produits plus respectueux de l’environnement
(44 %) et une consommation de produits fabriqués localement (38 %2) »,
cette posture se propageant au sein de tous les groupes sociaux3. Ces 2
dimensions environnementale et sociétale étaient déjà présentes dans la
définition de Roberts (1995) de la consommation dite « responsable ». Les
chercheurs en marketing insistent aujourd’hui sur l’importance qu’il y a
à considérer l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise (Maignan et
Ferrell, 2004).
Les entreprises ont compris l’obligation de communiquer de manière plus
précise sur leur responsabilité sociale, soit par réelle conviction, soit de
manière plus opportuniste. Cet opportunisme a pu conduire à certaines
dérives en matière notamment de publicité (dérives « épinglées » par
2 - Evocations spontanées
3 - Etude CREDOC (novembre 2010)
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l’ARPP4 ayant sanctionné des campagnes « d’éco-blanchiment ») qui
n’ont fait que renforcer ce sentiment de défiance au sein de l’opinion publique. De manière plus générale, la publicité est taxée de différents maux
dans notre société comme celui par exemple d’être intrusive (Laczniak et
Laczniak, 1985). La réponse des consommateurs se concrétise dans ce cas
par un mécanisme défensif de résistance voire de rejet. Depuis plusieurs
années la résistance à la consommation en général (Roux, 2007) mais
aussi à des variables d’actions marketing comme la publicité se fait donc
ressentir dans notre société. La communication « sociétale » n’échappe
pas à la règle (Gabriel, 2003).
1.3 Effets d’une publicité éco-responsable : quel impact d’un point de vue
relationnel ?
Chercheurs et praticiens sont unanimes pour reconnaître qu’une publicité
est efficace si elle conduit l’individu à évaluer favorablement la marque
communicante et à exprimer une intention d’achat positive à son égard.
Une approche cognitive des processus de décision a longtemps été offerte
par les chercheurs tant en comportement du consommateur qu’en persuasion publicitaire comme la seule explication possible aux mécanismes de
formation du comportement. Les recherches ont dans un premier temps
postulé que l’action était initiée par un processus de traitement de l’information actif, suivi par l’évaluation de cette information, la formation
d’une attitude pour conduire aux étapes d’intention et d’action. L’ordre
séquentiel unique cognitif/affectif/conatif ainsi posé et constitutif du paradigme cognitif a en effet sous tendu :
- L’ensemble des modélisations générales fournissant une description simplifiée des facteurs et étapes à l’origine de l’action ainsi que les modèles
traditionnels de hiérarchie des effets de la communication (Lavidge et
Steiner, 1961 ; McGuire, 1968) ;
- Les explications avancées aux ressorts psychologiques mis en œuvre au
cours de ces processus multi-étapes (théories de l’apprentissage) ;
- Les théories explicatives des processus de formation des déterminants
du comportement : le modèle de réponse cognitive, le modèle de structure
cognitive ainsi que le modèle combinant les 2 approches ont ainsi posé
les rôles des réponses cognitives et des croyances au sein des processus
persuasifs (Greenwald, 1968 ; Fishbein, 1963 ; Lutz et Swazy, 1977).
Cependant, une absence de consensus concernant la validation de ces médiations5 ainsi que les critiques relatives aux hypothèses sous-jacentes à
ces modélisations ont conduit certains chercheurs à l’instar de Krugman
(1965) ou de Ray et al. (1973) à postuler l’existence de séquences alter4 - Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité.
5 - Olson, Toy et Dover (1982) valident une médiation modeste des réponses cognitives sur les croyances
alors que Hastak et Olson (1989) obtiennent de fortes relations causales entre ces variables.
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natives à un ordre séquentiel unique et à impulser d’autres cadres intégrateurs fondateurs de la modélisation de l’efficacité publicitaire. Ainsi,
sans pour autant remettre en cause la réalité des médiateurs précédemment
identifiés, les chercheurs arguent néanmoins du fait que la « démarche cognitiviste » (Bourgeon et Filser, 1995) n’offre qu’une explication partielle
aux mécanismes mentaux susceptibles d’opérer. De ce constat ont émergé
trois avancées majeures qui structurent les connaissances au sein de ce
champ de Recherche :
- A la suite des travaux de Petty et Cacioppo (1981) ou de Chaiken (1980),
certains mécanismes ne découlant pas du traitement des informations portant sur les caractéristiques du produit ont été mis à jour : l’annonce publicitaire devient alors un élément central dont l’évaluation plus ou moins
favorable peut contribuer à l’explication de l’efficacité d’une publicité.
Des « routes » théoriques de persuasion incluant également un mécanisme
d’ordre affectif sont proposées ainsi que 3 médiateurs aujourd’hui unanimement reconnus : Aad (Attitude envers l’annonce6), Ab (attitude envers la
marque) et Ib (intention d’achat) (Brown et Stayman, 1992).
-La validation de la suprématie de l’hypothèse de médiation duale de Lutz
(1985) dans un contexte de pré-test publicitaire enrichie des contributions
de MacKenzie, Lutz et Belch (1986) et des travaux intégrant le rôle fondamental des émotions et des réactions affectives déclenchées par l’annonce
(RADA) (Holbrook et Batra, 1987 ; Derbaix, 1995).
-L’identification et la mesure des influences modératrices de variables7 se
situant la plupart du temps en amont du processus persuasif et qui permettent de « dessiner » des « routes » différentes de persuasion en renforçant
versus inhibant les rôles respectifs des médiateurs au sein du processus de
persuasion (MacKenzie et Spreng, 1992).
En effectuant une synthèse de la littérature des travaux qui étudient les
conditions d’efficacité d’annonces publicitaires basées sur des engagements sociétaux pris par des entreprises, Swaen et Vanhamme (2003) mettent en évidence que celles se présentant comme « citoyennes » dans leurs
communications sont perçues plus positivement par les consommateurs
et sont plus dignes de confiance selon eux. Nan et Neo (2010) montrent
l’impact positif de messages de ce type sur les attitudes et intentions, et en
particulier pour les individus qui montrent de forts degrés de conscience
de la marque8. Selon Parguel et Benoit-Moreau (2007) au sein d’une revue
6 - Ou agrément publicitaire.
7 - Il peut s’agir de variables individuelles liées à la situation d’exposition ou au produit (implication
dans la catégorie de produit, degré de connaissance préalable, implication publicitaire, etc.) ou encore
des variables de nature plus stable constituant par exemple certaines caractéristiques de personnalité de
l’individu (besoin de cognition, confiance en soi, OSL, etc.)
8 - Les 3 items de consciences de la marque (mesurés via échelles de Likert en 5 points) sont : « Je fais
attention aux marques des produits que j’achète » ; « Parfois, j’accepte de payer plus cher un produit en
raison de sa marque » ; « Je pense que les marques que j’achète sont un reflet de qui je suis ».
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de la littérature sur le sujet, les travaux sur les effets des annonces publicitaires « responsables » ne donnent néanmoins pas véritablement lieu à un
consensus. Plus précisément, si les effets négatifs de l’annonce d’un acte
non socialement responsable sont prouvés, les effets positifs des engagements sociétaux sur les perceptions des consommateurs sont plus mitigés
(Swaen et Vanhamme, 2003 ; Mohr et Webb, 2005). Certains mettent en
évidence par exemple que les attitudes et intentions des consommateurs
vont être influencées par des initiatives de l’entreprise en matière de RSE
uniquement si les consommateurs en ont conscience (Pomering et Dolnicar, 2009). Quelques travaux en marketing intègrent en outre une approche
relationnelle pour étudier les effets sur les consommateurs d’actions ou
d’annonces éco-responsables (Walsh et Beatty, 2007 ; N’Goala, 2008 ; Lapeyre et Bonnefont, 2005 ; Lapeyre, 2009 ; Lacey et Kenett-Hensel, 2010).
D’après Maignan et Ferrell (2004). Les activités citoyennes de l’entreprise
s’accompagneraient ainsi d’un plus grand respect de ses clients (attention
à l’égard de leur satisfaction, respect des normes de sécurité des produits,
informations accrues sur leurs compositions, etc.). Largement étudié en
psychologie sociale depuis les années 1950, le concept de confiance est
apparu comme central dans la compréhension de l’échange entre deux
partenaires (Morgan et Hunt, 1994). Défini comme « l’attribution par le
client d’un ensemble de présomptions accumulées sur l’entreprise (ou la
marque) quant à sa crédibilité, son intégrité et sa bienveillance » (Gurviez
et Korchia, 2002), la confiance serait à l’origine d’un plus fort engagement
avec la marque, condition nécessaire à une plus grande fidélité (Sirieix et
Dubois, 1999 ; Caroll et Ahuvia, 2006). L’un des antécédents importants
de la confiance est la communication perçue par le client (De Wulf, Oedekerten-Schröder et Iacobucci, 2001). Le rôle du discours sociétal d’une
entreprise ou d’une marque se révèle donc majeur. A l’instar de Chaudhuri
et Holbrook (2001), la confiance est appréhendée comme un élément clé
de la fidélité parce qu’elle crée un échange relationnel de forte valeur. A
l’heure où les entreprises sont de plus en plus soucieuses d’établir des
relations pérennes avec leurs clients, il apparaît incontournable d’intégrer
la confiance envers la marque en tant que variable d’efficacité publicitaire
au même titre que le sont une évaluation favorable et/ou une intention
d’achat positive. Cette contribution a pour objectif de mesurer les effets
d’une annonce publicitaire intégrant des arguments de responsabilité sociale de l’entreprise sur les perceptions de l’annonce et la confiance envers
la marque.
1.4 Cadre conceptuel et hypothèses de recherche
A l’instar de plusieurs chercheurs en marketing, nous proposons d’intégrer
la confiance comme variable d’efficacité de communications socialement
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responsables (N’Goala, 2008 ; Lapeyre, 2009 ; Lacey et Kennett-Hensel,
2010 ; Sirieix, Pontier et Schaer, 2004) et de considérer ainsi les effets de
la publicité dans une perspective relationnelle. Cette contribution propose
de tester les relations entre le caractère socialement responsable perçu de
l’entreprise à la suite d’une exposition publicitaire et les construits d’attitude envers la marque et de confiance envers la marque. Il est postulé que
l’attitude envers la marque est médiatrice des effets du caractère socialement responsable de l’entreprise sur la confiance envers la marque (H1 et
H2). En outre, nous postulons l’existence d’une relation positive et directe
entre le caractère socialement responsable de l’entreprise et la confiance
envers la marque (H2). De manière congruente avec les travaux antérieurs,
nous postulons enfin l’existence d’une influence positive de l’attitude envers l’annonce sur d’une part, le caractère socialement responsable perçu
de l’entreprise (H4) et sur d’autre part l’attitude envers la marque (H5).
H1 : Le caractère socialement responsable de l’entreprise exerce une influence positive sur l’attitude envers la marque.
H2 : La confiance envers la marque exerce une influence positive sur l’attitude envers la marque.
H3 : Le caractère socialement responsable de l’entreprise exerce une influence positive sur la confiance envers la marque.
H4 : L’évaluation de l’annonce publicitaire exerce une influence positive
sur le caractère socialement responsable de l’entreprise (hypothèse de
transfert affectif de Lutz (1975)).
H5 : L’attitude envers l’annonce exerce une influence positive sur l’attitude envers la marque. Hypothèse largement validée depuis près d’un
demi-siècle par les travaux en communication persuasive et qui sous-tend
l’hypothèse de médiation duale de Lutz (1985) en contexte de pré-test
publicitaire.
2. Partie empirique
2.1 Méthodologie de recherche
Il n’existe que peu d’échelles relatives à la perception de Responsabilité
Sociale de l’Entreprise. A noter le PRESOR (Perceived Role of Ethics
and SOcial Responsibility) particulièrement développée à l’attention des
CEO (Singhapakdi et al., 1996) ou celle de Lai et al. (2010). Nous avons
repris 3 items de responsabilité sociale de la marque (Eisingerich et Rubeira, 2010) ainsi que des items du caractère socialement responsable de
l’entreprise (Walsh et Beatty, 2007 ; Godos-Diez et al., 2011). Par ailleurs,
les construits de confiance envers la marque ou d’attitude envers la marque proviennent d’échelles validées antérieurement (Gurviez et Korchia,
2002 ; Bagozzi, 1978).
Une procédure de type pré-test publicitaire a été mise en place avec une
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publicité télévisée « test » : la publicité Volkswagen pour la Golf tdi Blue
Motion diffusée sur les écrans en France en janvier 2011. Le questionnaire
a été administré en ligne et les données récoltées traitées sous SPSS et
AMOS. 172 questionnaires ont pu être exploités (ont en effet été éliminés
de l’analyse des questionnaires partiellement remplis, ceux remplis par
des enseignants-chercheurs ou des praticiens du marketing, soit au total
32 répondants ôtés de l’échantillon final).
2.2 Résultats
L’échantillon de convenance de 172 individus se compose très majoritairement de femmes (66,9 %) et est réparti de manière homogène au sein
des différentes classes d’âge de la population9. Les échelles mobilisées
satisfont aux exigences en matière de qualité psychométrique avec dans la
plupart des cas d’excellents indicateurs de fiabilité10 (annexe 1).
Schéma 1 : Résultats du modèle testé
Nos résultats concernent d’une part la validation de nos instruments de
mesure et d’autre part, la validation de nos hypothèses H1 à H5. Conformément aux travaux de Godos-Diez (2011), l’échelle de caractère socialement responsable de l’entreprise possède des qualités psychométriques
satisfaisantes en terme notamment de fiabilité. De manière congruente
avec le positionnement conceptuel relatif au caractère socialement responsable, la structure unidimensionnelle du construit suggère que les répondants perçoivent bien que le caractère socialement responsable de l’entreprise intègre des préoccupations de l’entreprise à l’égard des différentes
9 - (<18 ans : 0 % ; [18 ; 24] : 19,8 % ; [25 ; 34] : 29,1 % ; [35 ; 49] : 36 % ; [50 ; 64] : 14 % ; >65 ans : 1,2 %).
10 - Nous obtenons néanmoins un résultat divergent par rapport aux travaux antérieurs relatifs à la
validation de l’échelle de confiance envers la marque puisque le construit (pourtant très fiable) semble
ici unidimensionnel.
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parties prenantes (ses propres salariés, l’environnement, les consommateurs/clients de l’entreprise). Bien que méritant des investigations complémentaires compte tenu d’indicateurs généraux d’adéquation de notre
modèle aux données perfectibles11, il est à noter la très forte significativité
(t student très supérieur à 1,96) de chacune des relations de causalité du
modèle général proposé. Ainsi, de manière congruente avec l’hypothèse
de médiation duale de Lutz bien connue en communication persuasive
depuis le début des années 80, ce résultat confirme la nécessité qu’il y a à
communiquer de manière efficace sur l’entreprise en matière de responsabilité sociale, les arguments communiqués perçus comme convaincants
venant renforcer la relation du consommateur avec la marque en terme
d’évaluation d’une part (attitude envers la marque) et de confiance d’autre
part. Cette contribution présente néanmoins plusieurs limites. En premier
lieu, il conviendrait de poursuivre les travaux dans ce domaine en renforçant la validité externe et ce, de 2 manières : d’une part, en validant nos
hypothèses sur plusieurs publicités éco-responsables. La publicité choisie
(publicité Golf tdi Blue Motion de Volkswagen) ne saurait en effet être
représentative des publicités éco-responsables diffusées sur les écrans nationaux. En deuxième lieu, inclure un programme préalable permettrait
de s’affranchir d’une situation dite « de laboratoire » et de se rapprocher
ainsi de conditions réelles d’exposition publicitaire. Plusieurs voies de recherche sont enfin suscitées par cette contribution. Les travaux dans le
domaine rendent impérieux le besoin de pouvoir disposer d’échelles validées en marketing et qui mesureraient respectivement les croyances publicitaires à l’égard de publicités éco-responsables, le caractère socialement
responsable d’une marque ainsi que le caractère socialement responsable
d’une entreprise. En outre, et conformément à une approche périphérique
au sens du modèle ELM (Petty et Cacioppo, 1981), un examen minutieux
des conditions de persuasion sous implication minimale du récepteur (telle
que le suggère par exemple l’exposition à une publicité télévisée) permettrait de hiérarchiser les contributions respectives d’éléments d’exécution
publicitaire spécifiques à des annonces orientées RSE à l’explication de la
persuasion globale de la dite annonce publicitaire.
Conclusion
Cette contribution examine les effets d’une publicité éco-responsable sur
l’évaluation de la marque et la confiance envers celle-ci. Ainsi, les arguments communiqués en faveur d’un comportement socialement responsable de l’entreprise influencent positivement les évaluations de la marque
communiquée qui à son tour impacte positivement la confiance envers
11 - Il est à noter en effet une relative faiblesse des GFI et AGFI respectivement de 0,8 et 0,8 ceci pouvant
trouver une explication dans la sensibilité de ces indicateurs à la taille de l’échantillon, les chercheurs
leurs préférant pour cette raison les indices gamma 1 et gamma 2 de Tanaka et Huba.
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celle-ci. Les 2 variables d’attitude et de confiance entrant directement
dans la construction de la satisfaction des consommateurs, les entreprises communiquant sur des comportements socialement responsables ont
donc tout intérêt à renforcer la perception des consommateurs sur ces 2
volets. La publicité, longtemps adulée puis tant décriée depuis quelques
années, se doit de redorer son image. La profession toute entière dont les
agences en communication doivent ainsi poursuivre leurs efforts sous le
pilotage des recommandations de l’ARPP en matière de créations de publicités réellement perçues comme de confiance par les consommateurs,
sous peine de méfiance vis-à-vis de la marque (voire de détournement) et
donc, de manière directement liée, à une relation moins pérenne entre le
consommateur et la marque.
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