La Suisse doit-elle adhérer à l’Union européenne ? La jeunesse débat Rue de la Tour 16 1004 Lausanne Fiches argumentaires juin 2014 Axel Marion +41 21 311 28 05 [email protected] www.lajeunessedebat.ch La Suisse est entourée par l’Union européenne (UE), et celle-ci est le principal partenaire économique de notre pays. La Confédération participe depuis des années à des programmes européens et applique volontairement la législation de l’UE dans de nombreux domaines. Pourtant, la Suisse n’a jamais adhéré à l’Union. Pour quelle raison ? Quels seraient les avantages et les inconvénients de cette adhésion ? Quelles conséquences cela entraînerait-il pour la Suisse et son fonctionnement ? Brève présentation de l’Union européenne : L’Union européenne est une association réunissant actuellement 28 Etats sur le territoire européen. Elle a été fondée au début des années 1950 par six pays, afin de garantir la paix en Europe et la prospérité économique de ses habitants (France, Allemagne, Italie, Belgique, Luxembourg et Pays-Bas). L’idée de base de cette union était de créer un vaste marché commun, dans lequel les frontières disparaîtraient et les économies nationales fonctionneraient de manière coordonnée. Cette union a constamment évolué au cours de son histoire, en s’élargissant régulièrement – notamment auprès des pays ex-communistes après la chute du mur de Berlin – et en gagnant de nouvelles compétences – comme par exemple la monnaie unique (« Euro »). Ses institutions la placent aujourd’hui à mi-chemin entre une organisation internationale classique type ONU et un Etat fédératif comme la Suisse (ce qui explique que notre pays est souvent pris comme exemple pour évoquer l’avenir de l’UE). Les défis actuels de l’Europe : Aujourd’hui l’UE est dans une situation délicate. L’UE manque de compétences en matière de politique étrangère et de défense, l’empêchant d’être considérée comme un acteur de premier plan par rapport aux Etats-Unis ou à la Chine, bien qu’elle soit la première puissance économique mondiale. Surtout, de nombreux citoyens européens considèrent que l’Union est trop peu démocratique et pas assez sociale. Les élections européennes de mai 2014 ont permis aux mouvements europhobes de gagner des sièges au Parlement, ce qui illustre les difficultés actuelles de l’UE. Ce contexte difficile a bien sûr une influence sur la façon dont elle est perçue en Suisse et ailleurs. © 2014 - La jeunesse débat Les relations entre l’UE et la Suisse La Suisse a toujours entretenu des relations étroites avec l’Union européenne et a envisagé de se rapprocher d’elle au début des années 1990. Le 6 décembre 1992, les citoyens ont cependant refusé que la Suisse adhère à l’Espace économique européen (EEE), qui donnait accès au marché intérieur. De ce fait, la demande d’adhésion de la Suisse à l’Union elle-même, déposée en mai 1992 par le Conseil fédéral, a été « gelée ». Une initiative populaire demandant l’ouverture rapide de négociations d’adhésion avec l’UE a ensuite été largement refusée en mars 2001, par 76,8% des votants. La Suisse a cependant conclu deux séries d’accords dits « bilatéraux » avec l’UE en 1999 et 2004, afin d’obtenir un accès à certains secteurs du marché européen. Parmi les éléments les plus importants de ces accords se trouvent la participation de la Suisse aux accords Schengen (ouverture des frontières intérieures) et Dublin (accueil des requérants d’asile), ainsi que la mise en œuvre de la libre circulation des personnes (droit d’établissement et de travail dans un autre pays membre). La remise en cause de cette liberté par la votation populaire du 9 février 2014 contre « l’immigration de masse » va entraîner des négociations difficiles avec l’Union européenne. © Le Temps, 3 mai 2014 PAGE 1 La Suisse doit-elle adhérer à l’Union européenne ? Les destins sont liés Neutralité La Suisse est intrinsèquement liée à l’Union européenne, qui l’entoure complètement. Sur le plan économique, cette dernière représente environ 80% des importations et près de 60% des exportations helvétiques. Dans une multitude de domaines, la Suisse applique les mêmes standards que l’UE. En d’autres termes, la Suisse ne peut fonctionner aujourd’hui sans l’Union européenne et l’adhésion serait donc une conséquence logique de cette évolution. L’adhésion de la Suisse à l’Union européenne entraînerait de fait son entrée dans une « alliance » dans laquelle elle ne serait plus seule maître de son destin. Une partie de sa souveraineté serait déléguée aux organes de l’UE. Cela signifierait donc la fin de la neutralité classique. Par ailleurs, elle pourrait moins facilement pratiquer sa diplomatie des « bons offices » qui nécessite théoriquement une neutralité absolue. Démocratie directe Faire entendre la voix démocratique suisse Les Suisses sont attachés à la démocratie directe, notamment aux droits d’initiative populaire et de référendum. Dans le cas d’une adhésion à l’UE, ces outils institutionnels devraient être abandonnés sur un certain nombre de sujets liés aux questions européennes. Ce serait donc l’abandon d’une particularité du système politique helvétique et des droits étendus des citoyens. POUR « En tant que membre passif, la Suisse n’a rien à dire lorsque les Européens décident. Cela n’est pas démocratique. Pour que cela change, nous devons obtenir le droit de vote européen. Le moment est venu de devenir membre actif de l’Union européenne! » Nouveau mouvement européen suisse - NOMES, site web, juin 2014 « Je pense que ceux qui, après le vote du 9 février, voulaient fermer portes et fenêtres se trompent (…) (à propos de l’adhésion à l’UE :) nous ne devons exclure aucune option. » Christian Levrat, Président du parti socialiste suisse, émission Forum, RTS, mars 2014 « Avoir le moins de liens possibles avec l’UE, ne rien savoir de ce qui s’y passe, n’envoyer aucun représentant dans ses instances, cette crainte permanente de Bruxelles conduit finalement à la soumission. » François Cherix, politologue, Blog L’Hebdo, mai 2014 PAGE 2 La Suisse applique de nombreuses lois européennes, mais n’a pas la possibilité de participer aux décisions au moment de leur création. Une présence au sein de la Commission ou du Parlement européen permettrait aux représentants suisses d’avoir une véritable influence. Cela donnerait aux citoyens suisses des droits démocratiques supérieurs à aujourd’hui sur de nombreux sujets qui les concernent quotidiennement. La Suisse doit-elle adhérer « Pour parer toutes les menaces réelles et non fantasmées, l’adhésion à l’UE constitue une assurance plus crédible que des initiatives xénophobes, le refus des OGM ou l’achat d’une escadrille d’avions militaires. » Jacques Neirynck, Conseiller national PDC, Blog L’Hebdo, mai 2014 « Malgré toute la difficulté qu’a connue la zone euro, on peut tout-à-fait imaginer qu’à un moment ou à un autre, la Suisse va se retrouver obligée d’adhérer à l’Union européenne (…) ce sera la logique économique qui va primer » Myret Zaki, rédactrice en cheffe adjointe, Bilan (vidéo), 21 février 2014 « Le fait de plaider pour adhérer à l’Union européenne ne signifie pas qu’on approuve ses choix économiques ou politiques. » Raphaël Mahaim, Député Verts VD, émission Infrarouge du 21 juin 2011, RTS © 2014 - La jeunesse débat Fiche La Suisse, un exemple pour l’Europe Des intérêts mieux défendus L’Union européenne réunit des Etats très différents au niveau de leur taille, de leur culture ou de leur économie – comme la Suisse avec ses cantons. La Confédération pourrait donc amener une expertise très importante au niveau de la création d’une Europe plus fédérale et plus démocratique. Ce rôle spécifique, associé à une économie florissante, ferait de la Suisse un pays important dans l’Union, sans commune mesure avec sa taille géographique ou démographique. La Suisse s’est retrouvée souvent isolée sur la scène internationale ces dernières années, notamment sur les questions financières. Si elle adhérait à l’Union européenne, elle serait défendue également par les autres pays membres. Elle serait donc plus forte face à des pays comme les EtatsUnis ou la Chine. Une Europe peu attirante L’Union européenne est en crise, économiquement et politiquement : elle ne semble plus savoir où elle va. Dans ce contexte, les milieux économiques considèrent que des accords spécifiques avec l’UE suffisent. Sur le plan social également, les syndicats considèrent que l’UE ne protège pas assez efficacement les intérêts des travailleurs. La Suisse n’a aucune raison d’adhérer dans ce contexte, car son économie florissante serait mise en danger, le taux de chômage augmenterait et les équilibres sociaux seraient menacés. à l’Union européenne ? Un vaste coût à payer En cas d’adhésion à l’Union européenne, la Suisse devrait contribuer largement au budget européen, puisque les pays riches paient davantage que les moins fortunés. Cet argent serait dépensé sans tenir compte des intérêts propres de notre pays et au détriment des investissements directs pour les résidents suisses. CONTRE « La Suisse est un espace de liberté en Europe: Non à l’adhésion à l’Union Européenne (…) les accords bilatéraux doivent servir les intérêts de la Suisse et non l’adhésion de la Suisse à l’UE » Association pour une Suisse indépendante et neutre – ASIN, site web, juin 2014 « La voie bilatérale doit être développée davantage, c’est la meilleure façon d’empêcher une entrée de la Suisse dans l’UE, sachant que cette dernière option est totalement rejetée par le PLR. » Parti libéral radical – PLR, papier de position « Garantir et développer la voie bilatérale », octobre 2013 « Si la Suisse n’est pas membre de l’UE aujourd’hui, elle ne doit certainement pas cet avantage aux dites élites de la politique, de l’économie, de la société et des médias, mais uniquement à son ‘cas particulier’, en l’occurrence à la démocratie directe qui offre aux peuples des droits de participation exceptionnels. » Union démocratique du Centre – UDC, programme politique 2011-2015 « Les syndicats ne sont pas favorables à l’adhésion les yeux fermés à l’Union européenne (…) on doit se battre pour que l’intégration européenne se fasse dans un cadre de répartition des richesses. » Aldo Ferrari, syndicaliste, émission Infrarouge du 21 juin 2011, RTS © 2014 - La jeunesse débat « Vous voulez une adhésion à l’UE, donc vous voulez les salaires européens? » Raymond Clottu, Conseiller national UDC, débat au Conseil national le 20 mars 2014. PAGE 3 La Suisse doit-elle adhérer à l’Union européenne ? La Suisse et l’Union européenne, quel avenir ? La votation du 9 février 2014 a remis en question la politique européenne de la Suisse. Depuis la fin des années 1990, la « voie bilatérale » s’était imposée comme la solution la plus pratique aux yeux d’une majorité de la classe politique et de la population. Elle est aujourd’hui fragilisée. Le rejet de la libre circulation des personnes va entraîner des discussions complexes avec les partenaires européens de la Suisse, dont l’issue est incertaine. C’est pourquoi des voix s’élèvent à nouveau pour demander l’adhésion à moyen terme de la Suisse dans l’Union européenne. Plusieurs mouvements et partis en ont fait la proposition après le 9 février. D’autres groupements, au contraire, considèrent que la Confédération devrait saisir cette occasion pour prendre de la distance avec l’UE. Ce débat va certainement gagner en importance à l’approche des élections fédérales d’octobre 2015. Nul, cependant, n’envisage que la Suisse et l’Europe n’ait plus de relations dans le futur, tant leurs liens sont étroits et importants. Fiche Lexique Diplomatie des « bons offices » : Rôle de la Suisse comme intermédiaire entre pays qui n’ont pas de relations diplomatiques (p.ex. l’Iran et les Etats-Unis). Commission européenne : instance (gouvernement) de l’Union européenne. exécutive Conseil de l’Europe : une organisation fondée en 1948 et dont la mission est de promouvoir la démocratie et les droits de l’Homme sur le continent. La Suisse en est membre. Etat fédératif : pays composé de différentes entités territoriales qui ont une large autonomie dans leur fonctionnement et la gestion des politiques publiques (p.ex. les cantons en Suisse, ou les 50 Etats composant les USA). Europhobes : individus ou mouvements qui expriment un rejet de l’Union Européenne, tout du moins sous sa forme actuelle. Marché intérieur : l’ensemble des systèmes économiques des pays membres de l’UE ainsi que de certains Etats partenaires, régis par des règles de fonctionnement qui permettent aux produits d’être vendus et aux travailleurs de pouvoir se déplacer librement dans cet espace. Parlement européen : organe législatif représentant la population des Etats membres de l’UE. Il comprend 751 députés élus au suffrage universel tous les 5 ans. « Voie bilatérale » : politique poursuivie depuis le milieu des années 1990 par les autorités helvétiques, visant à obtenir un accès élargi au marché intérieur par la signature d’accords sectoriels avec l’UE. Neutralité : statut d’un Etat qui décide de ne participer à aucune alliance militaire et de ne pas prendre parti dans un conflit entre pays tiers. La Suisse est officiellement neutre depuis 1815 Liens internet: Association pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN): www.asin.ch Nouveau mouvement européen suisse (NOMES) : www.europa.ch Département fédéral des affaires étrangères, page « Politique européenne de la Suisse » : www.europa.admin.ch Relations Suisse-UE vue par l’Union européenne : http://eeas.europa.eu/switzerland/ Le site officiel de l’Union européenne : www.europa.eu © 2014 - La jeunesse débat PAGE 4