Contrôle optimal pour la nage à bas Reynolds J.-F. Scheid Institut Elie Cartan, Nancy-Universités INRIA, Projet CORIDA Travail en collaboration avec J. Lohéac, M. Tucsnak (Nancy) GDR MACS/ GDR ”Contrôle des décollements” 25 novembre 2011 - ENS Cachan 1 Motivations Comprendre la nage à l’échelle microscopique. Corps microscopique déformable immergé dans un fluide. Déplacement par changement de forme ñ mouvements auto-propulsés (amibe, globule blanc, cilié, spermatozoı̈de, ...) globule blanc vs bactérie (Staphylococcus aureus) (David Rogers, Vanderbilt University, 1950) 2 Projet de réalisation d’une plateforme expérimentale à l’échelle macroscopique (CRAN). Sphère déformable ∅ ' 10cm dans de la glycérine. Déformations par piézo-électriques. Applications médicales (endoscopie, dépôt non-invasif de médicaments,...) 3 Plan de l’exposé 1 Introduction et contexte. 2 Modélisation fluide/structure, couplage EDP/EDO. 3 Controllabilité par changement de forme. 4 Contrôle en temps minimal pour un problème simplifié. 4 1. Introduction Couplage fluide/structure Quel fluide choisir ? Fluide visqueux incompressible décrit par les équations de Navier-Stokes Nombre de Reynolds (sans dimension): Re = ρ LU . µ L : longueur caractéristique; U : vitesse caractéristique; ρ : densité µ : viscosité (dynamique); Re << 1 : équation de Stokes, forces de viscosité dominantes Re >> 1 : équation d’Euler (fluide parfait), forces d’inertie dominantes 5 bactérie protozoaire (amibe) petit poisson (zebra danio) sardine poisson (saumon) automobile avion (airbus A330) U 100 µm/s 10−2 cm/s 1 cm/s 50cm/s 12.5 m/s (45km/h) 100 km/h 860 km/h L 0.1 µm 10−2 cm 5 cm 10 cm 1m 3m 60 m Re 10−5 10−2 500 5 · 104 107 5 · 106 ' 109 Pour une bactérie/protozoaire : nage à bas Reynolds ñ équations de Stokes A l’échelle macroscopique, équations de Stokes pour des écoulements très visqueux. Une sphère de diamètre 10cm se déplaçant à la vitesse de 1.5cm/s dans de la glycérine : Re = 10−3 6 Quelles déformations choisir ? Avec les équations de Stokes, toutes les déformations ne sont pas permises. Théorème de la coquille Saint-Jacques (Purcell, 1977) Un corps animé d’un mouvement périodique et symétrique en temps (mouvement réciproque S(t) = S(T − t)), ne peut pas se déplacer (globalement) dans un fluide de Stokes. 7 Quelles déformations choisir ? Avec les équations de Stokes, toutes les déformations ne sont pas permises. Théorème de la coquille Saint-Jacques (Purcell, 1977) Un corps animé d’un mouvement périodique et symétrique en temps (mouvement réciproque S(t) = S(T − t)), ne peut pas se déplacer (globalement) dans un fluide de Stokes. Mouvements sans déplacement global dans Stokes: Ê scallop Ë flapping tail 7 Mouvements avec déplacement global dans Stokes: 1 Nageur de Purcell 2 mouvement hélicoı̈dal (flagelle) 3 Nageur à 3 spheres (Najafi et Golestanian, 2001) c ξ1 ξ2 8 2. Modélisation EDP/EDO Corps déformable S(t) ⊂ R3 Centre de masse h = h(t), matrice de rotation R(t). Equations de Stokes dans le fluide Ω(t) = R3 \ S(t) u vitesse, p pression −µ∆u + ∇p = 0 in Ω(t) div u = 0 in Ω(t) lim u(x) = 0 n S(t) Ω(t) |x|→∞ Condition limite sur le bord ∂S(t) u(t, ·) = vS (t, ·) sur ∂S(t) vS vitesse du nageur. 9 Lois de Newton A chaque instant, le nageur est en équilibre sous l’action des forces exercées par le fluide. Z σn dΓ (force) 0 = ∂S(t) Z 0 = (x − h) × σn dΓ (moment) ∂S(t) Tenseur des contraintes σ = σ(u, p) = µ ∇u + ∇uT − pI3 Inconnues : h, R, u, p. 10 Cinématique du nageur Déformation imposée de la sphère S0 : X ∗ (t, ·) périodique en temps. Déplacement global inconnu : X (t, y) = h(t) + R(t)X ∗ (t, y). ñ nageur à l’instant t : S(t) = X (t, ·)S0 . X(t,.) h (t)+R(t) I 3 X*(t,.) h (t) x S(t) x* y 0 0 S0 0 S* 11 Déformations radiales Au repos, le nageur est une sphère S0 de R3 . Avec les coordonnées sphériques (r , θ, φ), on considère le cas de déformations radiales : X ∗ (t, y) = (1 + r ∗ (t, y)) y (y ∈ S0 ) et on choisit ∗ r (t, y)y = L X αi Di (y) avec Di (y) = Pi+1 (cos θ(y)) y i=1 où les (Pi ) sont les polynômes de Legendre. Ainsi, ∗ X (t, y) = y + L X αi (t)Di (y) i=1 12 Système EDP/EDO 0 On impose un déplacement vertical : h(t) = 0 = h(t)ez h(t) et sans rotation : R(t) = Id . 13 Système EDP/EDO 0 On impose un déplacement vertical : h(t) = 0 = h(t)ez h(t) et sans rotation : R(t) = Id . Dans ces conditions, X (t, ·) = h(t)ez + X ∗ (t, ·) On note S ∗ (α) la sphère S0 déformée par X ∗ : ! L X S ∗ (α) = Id + αi Di (S0 ) i=1 avec α = (α1 , · · · , αL )> les modes de déformations selon les polynômes de Legendre. 13 On introduit F(S ∗ , v0 ) la force dans la direction verticale ez exercée par le fluide sur S ∗ , due à la vitesse v0 sur le bord: Z ∗ F(S , v0 ) = σ (u(v0 ), p(v0 )) n · ez dΓ ∂S ∗ où (u(v0 ), p(v0 )) est la solution du problème de Stokes dans R3 \ S ∗ avec u(v0 ) = v0 sur le bord ∂S ∗ . Pour α suffisamment petit, on définit le vecteur f(α) = (fi (α))1≤i≤L avec fi (α) = F(S ∗ (α), Di ) F(S ∗ (α), ez ) Système EDP/EDO ḣ = hf(α), βi α̇ = β h(0) = 0, α(0) = 0. 14 3. Contrôlabilité ḣ = hf(α), βi (P) α̇ = β h(0) = 0, α(0) = 0. Proposition Soit L ≥ 2, h1 ∈ R et c > 0. Il existe un temps T > 0 et un contrôle β régulier tels que la solution (h, α) de (P) vérifie : h(T ) = h1 , α(T ) = 0 |β|2 ≤ 1 (contrainte sur le contrôle) |α|2 ≤ c (contrainte sur l’état) Remarque : la constante c doit être suffisamment petite pour que S ∗ (α) soit bijective. 15 Pour la preuve, on considère la déformation X ∗ = Id + α1 D1 + α2 D2 i.e. un système avec 2 contrôles. Deux modes de déformations sont donc suffisants pour contrôler le nageur dans la direction verticale ez . Par le théorème de la coquille Saint-Jacques, 2 contrôles sont nécessaires. Avec 6 contrôles, on peut amener la sphère à une position h1 ∈ R3 . 16 4. Contrôle en temps minimal pour un problème simplifié [Shapere & Wilczek (1989)] f(α) = εM SW α + o(ε) et M SW est une matrice L × L, (i+1)2 (2i+1)(2i+3) SW −i 2 +2i+5 Mi,j = (2i+3)(2i+5) 0 si j = i − 1, si j = i + 1, sinon Problème simplifié : on remplace f(α) par la matrice M SW . 17 a) Contrôle en temps minimal sans contrainte d’état Pour une matrice M non-symétrique et une position (verticale) h1 donnés, on cherche un temps minimal T ∗ et un contrôle β tels que ḣ = hMα, βi α̇ = β (C) h(0) = 0, α(0) = 0. h(T ∗ ) = h1 , α(T ∗ ) = 0. |β|2 ≤ 1 Remarque : on impose la contrainte |β|2 ≤ 1 car sinon on peut contrôler le système en un temps aussi petit qu’on veut... 18 Proposition 1 (temps minimal) Le temps minimal pour le problème de contrôle (C) sans contrainte sur l’état, est s 2π|h1 | T∗ = |λ∗ | où λ∗ est la plus grande valeur propre en module de (M − M > )/2. Le contrôle optimal est donné par s ! >) 2π (M − M β ∗ (t) = exp sign(h1 ) t β0 (t ∈ [0, T ∗ ]) |λ∗ ||h1 | 2 avec un contrôle initial |β 0 |2 = 1 et β 0 appartient au plan engendré par les deux vecteurs u1 , u2 qui sont respectivement la partie réelle et imaginaire du vecteur propre u de (M − M > )/2 associé à λ∗ . Preuve : Principe du maximum de Pontryagin. Remarque : On a |β ∗ |2 = 1 (contrôle ”bang-bang”) 19 Caractérisation des trajectoires optimales Dans le cas sans contrainte sur l’état, les trajectoires optimales décrivent des cercles. Proposition 2 (trajectoires optimales) Soit L ≥ 2 et (h, α) une solution optimale (en temps minimal T ) du problème de contrôle (C) sans contrainte sur l’état. Alors la courbe t 7→ α(t) décrit un cercle pour t ∈ [0, T ], dont le rayon vaut s |h1 | r= . 2π|λ∗ | Le cercle se situe dans le plan (de RL ) engendré par les deux vecteurs orthonormés u1 , u2 qui sont respectivement la partie réelle et imaginaire du vecteur propre u de (M − M > )/2 associé à λ∗ . 20 Comportement du temps minimal vs. L Dans le cas où M = M SW , on peut décrire le comportement du temps minimal par rapport au nombre de modes de déformations L. Proposition 3 Pour le problème de contrôle (C) sans contrainte sur l’état, avec la matrice M = M SW , le temps minimal TL∗ est une fonction décroissante de L et p lim TL∗ = 2 π|h1 | . L→+∞ 21 Temps minimal vs. nombre de modes (h1=1) 13 12 11 10 TL 9 8 7 6 5 1/2 4 2π 3 0 10 20 30 40 50 60 70 80 L 22 time t=0 time t=0.40754 time t=1.3132 2 2 2 1.5 1.5 1.5 1 1 1 0.5 0.5 0.5 0 0 0 −0.5 −0.5 −0.5 −1 −1 −2 −1 0 1 2 −1 −2 −1 time t=3.1245 0 1 2 −2 time t=4.0302 2 2 1.5 1.5 1.5 1 1 1 0.5 0.5 0.5 0 0 0 −0.5 −0.5 −0.5 −1 −1 −1 0 1 2 0 1 2 1 2 time t=4.483 2 −2 −1 −1 −2 −1 0 1 2 −2 −1 Contrôle en temps minimal sans contrainte d’état, L = 10 et 0 T∗ ' 4.483. 23 b) Contrôle optimal avec contrainte d’état Pour une matrice M non-symétrique et une position (verticale) h1 donnés, on cherche un temps minimal T ∗ et un contrôle β tels que ḣ = hMα, βi α̇ = β h(0) = 0, α(0) = 0. (E) h(T ∗ ) = h1 , α(T ∗ ) = 0. |β|2 ≤ 1 |α|2 ≤ c : contrainte sur l’état La constante c > 0 est fixée (suffisamment petite). 24 Le contrôle β est borné mais il n’est plus nécessairement continu. En revanche α est continu. En appliquant un principe du maximum de Pontryagin avec contrainte sur l’état, on peut établir les propriétés suivantes : Proposition 4 (formule de saut) Soit (T , h, α, β) une solution optimale de (E). β est de classe C ∞ sur l’ensemble {t ∈ [0, T ], |α|2 < c}. Si la contrainte d’état est atteinte en un temps τ ∈ (0, T ], alors β(τ + ) = β(τ − ) − 2 hβ(τ − ), α(τ )iα(τ ) c2 25 Dans le cas où L = 2, on peut décrire complètement les trajectoires optimales. On note r ∗ le rayon des cercles des trajectoires optimales du problème (C) sans contrainte d’état. Proposition 4 Le problème (E) admet la solution optimale (T ∗ , h, α, β) suivante: 1 2 si c ≥ 2r ∗ , on retrouve le cas sans contrainte d’état: les trajectoires optimales sont des cercles de rayon r ∗ . si c < 2r ∗ , la trajectoire optimale t 7→ α(t) pour t ∈ [0, T ∗ ], est composée d’arcs de cercle. Le premier arc de cercle correspond à la trajectoire partant de α(0) = 0 et atteignant tangentiellement la contrainte d’état au temps τ = cπ 2 . La trajectoire reste ensuite sur la contrainte : |α(t)|2 = c pour t ∈ [τ, T ∗ − τ ]. Enfin, la trajectoire optimale quitte tangentiellement la contrainte d’état au temps t = T ∗ − τ et décrit un arc de cercle pour attendre l’état final α(T ) = 0. 26 Trajectoire optimale t 7→ α(t) dans le cas c < 2r ∗ α2 α(τ ) contrainte d’état |α|2 = c α1 0 β(0) α(T − τ ) 27 Exemple avec L = 2 et c = 0.2 0.2 1 0.15 0.1 0.5 α2 0.05 0 0 -0.05 -0.5 -0.1 -0.15 -1 -0.2 -0.2 -0.15 -0.1 -0.05 -1 -0.5 0 0.5 1 Déformations (coupe axisymétrique) 0 0.05 0.1 0.15 0.2 α1 trajectoire t 7→ α(t) 28 1.2 0.016 h = h(t) 0.014 1 0.012 0.8 0.01 0.6 h h 0.008 0.006 0.4 0.004 0.2 0.002 0 0 −0.2 -0.002 0 20 40 60 t 80 trajectoire t 7→ h(t) 100 120 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 t (zoom) 29 Perspectives Trajectoires optimales pour L ≥ 2. Conjecture : les trajectoires optimales sont des arcs de cercles dans le plan engendré par les vecteurs u1 , u2 . Retour au problème non-linéarisé : f (α) au lieu de Mα. Cas d’un domaine non-borné. Utilisation d’un solveur de Stokes 3D 30