Intrication et décohérence en gravité quantique

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Master Sciences de la matière
École Normale Supérieure de Lyon
Université Claude Bernard Lyon I
Stage 20132014
Alexandre
M2 Physique
Feller
Intrication et décohérence en gravité quantique
Résumé : L'information quantique s'avère être fructueuse pour révéler des aspects nouveaux de
la gravitation quantique. L'objectif de ce stage est de poursuivre dans cette voie et d'explorer le
phénomène de décohérence en gravité quantique à boucles. On s'intéresse plus particulièrement à
la dynamique d'une surface frontière d'une région de l'espace pour, à termes, mieux comprendre
les propriétés de l'horizon d'un trou noir.
Mots clefs : Mécanique quantique, information quantique, décohérence, gravité, gravitation quantique à boucles
Stage encadré par :
Etera Livine
[email protected] / tél. (+33) 4 72 72 85 78
Laboratoire de Physique de l'ENS de Lyon (UMR CNRS 5672)
46, allée d'Italie
F69007 Lyon, France
tel : +33 47272 8000
http://www.ens-lyon.fr/PHYSIQUE/
1er août 2014
Remerciements
Ahhh le stage s'achève, tout comme les années d'étude à l'ENS. La thèse va commencer. Toujours à l'ENS.
Ces trois années promettent d'être riches en rebondissements, et pas seulement scientiques...
Bref, à cet instant présent, ce n'est encore qu'un futur incertain. Ce qui est certain, c'est que ces quatre
mois de stage n'auraient pas pu se dérouler correctement sans l'apport considérable de mon maître de stage
Etera Livine. Il a su apporter à la fois conseils, directions et autonomie, dans la joie et la bonne humeur (en
ce moquant parfois de mes brouillons illisibles écrits au crayon). Ceci m'a donné une première impression du
travail de recherche, la manière d'aborder un problème, de le tordre et retordre pour voir la solution.
L'ambiance dans le laboratoire est toujours très sympathique, même si cette année je n'avais pas de bureau...
Étant un de ses cinq futurs thésards, Pascal Degiovanni ainsi qu'un des frères Dalton qui, bien que domicilié
ociellement à Grenoble pour ces mois de dur labeur, disposant lui d'un bureau confortable, venait rendre
régulièrement visite aux lyonnais, ont su apporté repos, calme et pause café pendant ces quelques mois. Ce fut
et ce sera toujours un plaisir. Nous avons beaucoup appris sur la vie de laboratoire, sur l'amour entre collègues
et collaborateurs, sur le monde de la recherche en général et la quête acharnée du chercheur donnant ses journées
et ses nuits pour comprendre quelques bribes du monde qui nous entoure. Un autre frère, en inltration à la
maison mère, a bien sûr participé à distance et en diéré à toutes ces conversations hautes en couleur. Dans les
hautes sphères de la science française, il ne faut pas croire, tout se passe comme en province.
Joe Dalton
2
Table des matières
Introduction
1
1 Décohérence
1.1
1.2
1.3
États pointeurs, einselection et décohérence
Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Systèmes quantiques ouverts . . . . . . . . .
1.3.1 Équation de Born-Markov . . . . . .
1.3.2 Équation de Lindblad . . . . . . . .
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et opérateurs . . . . . . . . . . . . . . . . .
de surface et déformations . . . . . . . . .
Géométrie d'une surface et quantication
Déformations . . . . . . . . . . . . . . . .
États cohérents . . . . . . . . . . . . . . .
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2 Gravité Quantique
2.1
2.2
États
États
2.2.1
2.2.2
2.2.3
3 Décohérence en Gravité Quantique
3.1
3.2
3.3
3.4
3.5
Décohérence d'une région de l'espace
3.1.1 Description générale . . . . .
3.1.2 Sur les états pointeurs . . . .
Approche de Lindblad . . . . . . . .
3.2.1 Modèle simplié . . . . . . .
3.2.2 Modèle de gravité . . . . . .
3.2.3 États cohérents de U(N) . . .
Approche de Born-Makov . . . . . .
Analyse exacte . . . . . . . . . . . .
3.4.1 Échauement . . . . . . . . .
3.4.2 Modèle simplié . . . . . . .
Discussion . . . . . . . . . . . . . . .
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Conclusion
A Spin Boson
A.1 Dynamique exacte . . . . . . . .
A.2 État du vide et thermique . . . .
A.2.1 Environnement dans l'état
A.2.2 Environnement thermique
B Quelques preuves
2
2
3
4
4
5
6
6
7
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8
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20
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vide
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25
B.1 Équation de Born-Markov . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
B.2 Approche de Lindblad . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
Introduction
Au cours du XXième siècle, la problématique de la gravité quantique, qui vise à construire une théorie
purement quantique de l'espace-temps, a reçu un éclairage fort grâce aux travaux de Bekenstein [1] et Hawking
[7] sur la thermodynamique des trous noirs fondée sur un corpus de lois conséquences de la relativité générale,
similaires à la thermodynamique habituelle. Bekenstein conjectura qu'une notion d'entropie pouvait être associée
à un trou noir et que cette dernière était proportionnelle à son aire. C'est ensuite que S. Hawking parvint à
établir rigoureusement cette idée d'entropie en étudiant la théorie quantique des champs en présence d'un champ
gravitationnel classique. La formule, maintenant célèbre, de Benkenstein-Hawking s'écrit, en notant A l'aire de
l'horizon et lp la longueur de Planck
SBH =
kB A
4`2P
Ces travaux, ainsi que ceux entre autres d'Unruh [13], ouvrirent non seulement une fenêtre sur la théorie
quantique de la gravitation, sur l'idée de principe holographique [2] qui stipule que des degrés de liberté de
volume sont encodés par des degrés de liberté de surface, mais illustre le lien profond qui doit exister entre
thermodynamique, théorie quantique et gravitation. Dit autrement, les concepts d'information quantique et de
gravitation ont probablement révélés des caractéristiques fondamentales de l'hypothétique théorie quantique de
l'espace-temps.
L'une des voies actuelles de recherche, proche de l'information quantique, est celle de la décohérence qui
grosso modo permet de comprendre comment le caractère quantique d'un système évolue vers un comportement
classique. Notablement développé par Zurek [14, 15], la prise en compte d'un environnement dont on ne peut
observer les degrés de liberté est la clé de voûte de ce phénomène qui permet de comprendre l'émergence d'états
pointeurs et la destruction des interférences quantiques. L'idée même d'avoir un comportement classique, plus
particulièrement la compréhension du consensus entre diérents observateurs, commence à être comprise grâce
aux travaux sur le darwinisme quantique [16] où l'environnement ne joue plus un simple rôle de spectateur.
Quoi qu'il en soit, l'environnement apparaît comme un acteur majeur de la dynamique.
Le sujet de ce stage explore le point de vue information quantique dans le cadre de la gravité quantique
à boucles [10, 11], théorie toujours en développement visant à répondre au problème de la construction d'une
théorie microscopique de l'espace-temps. Nous nous focaliserons sur la problématique de la décohérence d'une
région particulière de l'espace et plus particulièrement sur la dynamique de sa surface. Bien entendu, ce sujet
est motivé par les considérations précédentes autour des trous noirs, de la dynamique de leur horizon et du
principe holographique.
Bien que nous n'entrerons pas ici dans les détails, la dénition même de la notion de région, de surface et
d'environnement est en fait une question délicate et toujours ouverte puisque, a priori, aucune notion de distance
existe de manière intrinsèque dans un cadre invariant sous diéomorphisme. Une telle notion a d'ailleurs déjà
été proposée [9] et repose de nouveau sur les notions d'information, d'intrication et de corrélations.
Cela étant, le point de vue que nous adoptons ici est heuristique et vise à commencer à mettre à jour le
rôle de la décohérence dans cette théorie sans pour autant partir de la théorie mère elle-même. Après une brève
introduction à la décohérence, au traitement des systèmes quantiques ouverts, à la gravité quantique et à la
dynamique des états de surfaces, nous verrons comment la prise en compte d'un environnement dont on ne
peut observer les degrés de liberté permet de rendre compte de l'émergence de la notion classique de courbure
extrinsèque.
Cette approche particulière à la gravité quantique soulève de nombreuses questions et beaucoup de réponses
doivent encore être apportées. Ce stage ne fait que lever une inme partie du voile dissimulant ces réponses
fascinantes.
1
Partie 1
Décohérence
Dans l'interprétation de Copenhague, les appareils de mesure et les observateurs sont décrits par la physique
classique et ne sont pas sujets au principe de superposition. Partant du point de vue que la mécanique quantique
décrit toutes les échelles et donc aussi ces systèmes, trois problèmes se posent : comment un ensemble d'états
privilégiés émerge-t-il ? Comment les interférences quantiques entre ces états deviennent inobservables ? Et enn,
comment expliquer la réduction du paquet d'onde ?
La prise de conscience qu'un système quantique n'est jamais complètement isolé mais toujours en interaction
avec un environnement dont on n'observe pas les degrés de liberté a permis de répondre aux deux premiers
problèmes et de comprendre, dans un cadre purement quantique, l'émergence d'un monde classique, d'éclairer
le problème de la mesure et d'aner la notion même d'objectivité d'un état classique [16].
1.1
États pointeurs, einselection et décohérence
La décohérence est la manifestation de l'interaction entre un système S et un large environnement E dont
on ne peut observer les degrés de liberté. Elle correspond à l'atténuation, voir la destruction, des interférences
quantiques entre les états du système par la fuite d'information sur l'état de S dans les corrélations avec
E : le système aecte l'environnement. Cette interaction privilégie de plus un ensemble particulier d'états
du système, appelés états pointeurs, qui ont la caractéristique fondamentale d'être robuste à la décohérence,
indépendamment de l'état initial. Leur prédictibilité est la clé de l'émergence du monde classique. Le processus
dynamique d'émergence de ces états est appelé einselection [14, 12].
Plus formellement, une interaction du type HSE = S ⊗ E va privilégier les états propres de l'observable S
du système. En eet, si on prépare le système global dans l'état |ψi = |si i|E0 i où |si i est un état propre de S
et |E0 i un état quelconque de l'environnement, alors
|ψi = |si i|E0 i → |ψ(t)i = |si i|Ei (t)i
(1.1)
L'état reste donc factorisé au cours du temps, l'état du système n'étant même pas aecté par l'environnement.
C'est cette évolution robuste à l'interaction avec l'environnement qui singularise les états |si i parmi tous les
états possibles du système. L'état de l'environnement |Ei (t)i, quant à lui, évolue de manière conditionné à
l'état du système. C'est pourquoi, pour une superposition d'état, on obtient un état intriqué entre le système
et l'environnement
|ψi = (|si i + |sj i) |E0 i → |ψ(t)i = |si i|Ei (t)i + |sj i|Ej (t)i
(1.2)
La cohérence entre les états |si i et |sj i est modulée par le recouvrement hEj (t)|Ei (t)i. Le phénomène de
décohérence provient de l'évolution particulière des ces recouvrements
hEj (t)|Ei (t)i → δij
t→∞
(1.3)
Les états |Ei (t)i évoluent donc vers des états orthogonaux, détruisant ainsi les interférences entre les états
|si i. Les superpositions d'états pointeurs apparaissent donc très fragile à l'interaction avec l'environnement et
évoluent au cours du temps en un mélange statistique. Les états pointeurs sont donc les candidats idéaux pour
dénir l'idée de monde classique.
2
Intrication et décohérence en gravité quantique
Alexandre
Feller
Un critère naturel pour déterminer les états pointeurs exactes, donné par Zurek [REF], est [HSE , A] où
A est une observable du système. L'interprétation est claire : les états propres de A ne sont pas aectés par
l'interaction avec l'environnement. Cependant, dans le cas général, rien ne permet de savoir si ce critère est
vériable ! La méthode, appelée predicabiliy sieve par Zurek, consiste à exhiber les meilleurs candidats grâce à
un estimateur de l'intrication entre le système et l'environnement (une mesure de leur prédictibilité) comme
l'entropie linéaire (la pureté) ou de von Neumann. Les états minimisant l'entropie correspondent alors aux états
qui s'intriquent le moins avec l'environnement et sont donc des états pointeurs approximatifs 1 .
1.2
Exemples
On étudie dans la suite deux exemples simples permettant d'illustrer la einselection.
Regardons un spin couplé à un environnement constitué d'un seul oscillateur harmonique avec une dynamique
très simple donnée par H = gJ z ⊗ pz où g est une constante de couplage, pz l'impulsion de l'oscillateur et Jz la
composante du spin tous les deux dans la direction z . On néglige donc toute dynamique libre ; on se place dans
la limite de la mesure quantique. Dit autrement, l'environnement mesure la valeur de la projection du spin m
selon z . On s'attend donc à ce que les états pointeurs soient les états propres de Jz , à savoir les états à m xé.
Vérions cela.
P
On part de l'état initial factorisé |ψi = m αm |j, mi ⊗ |E0 i. On a donc à calculer
ρS (t) =
X
∗
αm
αn trE U (t)|j, nihj, n|U −1 (t)
(1.4)
m,n
Le calcul est ici très simple puisque U (t)|j, mi⊗|E0 i = |j, mi⊗|Em (t)i avec |Em (t)i = e−imgtpz |E0 i. Finalement,
ρS (t) =
X
∗
αm
αn |j, nihj, m|hE0 |e−ig(n−m)tpz |E0 i
(1.5)
m,n
La valeur moyenne sur l'état initial de l'environnement est appelé facteur de décohérence et contribue à atténuer les termes d'interférences des superposition d'états du système. Pour le voir, le mieux est de la calculer
explicitement pour un état particulier : on choisit dans un premier temps le vide |0i qui est un état gaussien
dans la base des impulsions. Pour plus de clarté, on regarde une cohérence particulière de l'opérateur densité
du système,
t2
∗
hj, m|ρS (t)|j, ni = αm
αn e− 4 g
2
(m−n)2
−
∗
) = αm
αn e
t2
τ2
D
(1.6)
On voit donc que pour m 6= n, la cohérence entre ces états tend vers zéro au temps long devant un temps
caractéristique τD appelé temps de décohérence. Ce temps est ici inversement proportionnel à la distance entre
les projections du spin.
Un autre exemple, qui servira de comparaison dans la suite, considère deux oscillateurs harmoniques couplés,
toujours dans la limite de la mesure, par H = g pS ⊗ pE . Un coup d'÷il rapide amènerait à conclure que les
états pointeurs sont les états d'impulsions pS donné. Bien que cela soit le cas comme nous allons le voir tout de
suite, il faut bien garder à l'esprit que ce n'est qu'un cas très particulier où chaque composantes de l'interaction
commutent entre-elles ! Déterminer les états pointeurs exactes pour une interaction générale est une tâche dicile
qui n'a pas nécessairement de solution. Seul des états pointeurs
approximatifs peuvent être trouvés.
R
On part encore une fois de l'état initial factorisé |ψi = ψS (p)|pi d3 p ⊗ |E0 i et on fait évoluer l'opérateur
densité au cours du temps
Z
ρS (t) =
ψS (p)ψS∗ (q)|pihq|hE0 |e−igt(p−q).pE |E0 i d3 p d3 q
(1.7)
On regarde encore une fois le facteur de décohérence sur l'état du vide sur une cohérence particulière. Comme
l'état du vide est un état gaussien dans les impulsions, on obtient un facteur de décohérence analogue au cas
précédent,
1. Les états sélectionnés par diérents estimateurs ne sont pas forcement identiques mais ne doivent pas grandement diérer
dans une bonne limite (thermodynamique).
3
Intrication et décohérence en gravité quantique
Alexandre
hp|ρS (t)|qi = ψS (p)ψS∗ (q)h0|e−
igt
~ (p−q).pE
t2
|0i = ψS (p)ψS∗ (q)e− 4 g
2
kp−qk2
Feller
(1.8)
On obtient donc bien une décohérence sur l'impulsion de l'oscillateur comme intuité au début de l'exemple. Ceci
ne marche que grâce à la forme très particulière de l'interaction. Nous verrons plus loin que pour une interaction
similaire entre un spin et un oscillateur, les dicultés physiques et mathématiques sont nettement plus grandes.
Le comportement gaussien est typique d'une dynamique dominée par le terme d'interaction comme le
montrent les exemples développés ci-dessus ainsi que le modèle spin-boson de l'annexe A. Ceci est à garder
en tête pour la discussion de la décohérence en gravité quantique.
1.3
Systèmes quantiques ouverts
L'étude des systèmes quantiques en interaction avec un environnement est en général assez complexe du
point de vue analytique. La méthode, comme l'illustre les exemples précédents, est de déterminer la matrice
densité réduite du système
ρS (t) = trE U (t)ρSE U −1 (t)
(1.9)
L'étude des états pointeurs se fait alors simplement en étudiant le comportement des cohérences de la matrice
densité réduite dans la bonne base. On rappel qu'une caractéristique fondamentale de ces états est qu'ils ne
dépendent pas des états initiaux du système et de l'environnement. Ces derniers inuent seulement sur le
comportement asymptotique. En pratique, les situations où l'environnement est initialement soit dans un état
pur soit dans un état thermique sont les plus étudiées. L'annexe A étudie la dynamique d'un spin 1/2 en
interaction avec un bain d'oscillateurs d'harmoniques et exhibe quels sont les états pointeurs, l'inuence de la
dynamique propre de l'environnement ainsi que celle de diérents états initiaux.
L'approche exacte la plus transparente physiquement est celle de Feynman-Vernon [3] qui repose sur une
formulation fonctionnelle de la dynamique. Tout l'eet de l'environnement est contenue dans une seule fonctionnelle nommée fonctionnelle d'inuence de Feynman-Vernon. Bien qu'elle ait l'avantage de l'exactitude, elle est
très peu maniable en pratique pour extraire le comportement du système et la plupart des traitements reposent
sur des approximations markoviennes.
1.3.1 Équation de Born-Markov
Une description approchée, très utilisée que ce soit en optique quantique ou en information quantique,
repose sur l'équation de Born-Markov. Cette équation régit la dynamique de l'opérateur densité réduit du
système ρS en interaction avec son environnement sous des approximations contrôlées à partir d'une formulation
hamiltonienne donnée. Nous verrons dans la suite une autre approche dite de Lindblad, plus heuristique mais
dont l'interprétation physique est transparente [12].
L'idée derrière l'approche de Born-Markov est de partir de la dynamique hamiltonienne exacte et de faire
un développement perturbatif de l'équation du mouvement. Deux approximations sont alors introduites dans la
dynamique rendant compte de fait que la plupart des environnements sont inniment plus larges que le système.
L'annexe B établit et discute sa dérivation.
L'idée est de considérer des environnements où les uctuations sont négligeables, c'est-à-dire ayant des temps
de relaxation τc courts devant le temps d'observation t. De façon générale,
ρSE (t) = ρS (t) ⊗ (ρE + δρE (t)) + δρSE (t)
L'interaction V entre le système et l'environnement induit une phase V τc /~. Pendant un temps t/τc , la dispersion
V 2τ 2t
2
de phase évolue comme [∆φ(t)] = ~2 τcc = t/Tr où l'échelle de temps Tr est celle de la dynamique. La condition
de Markov se traduit par τc Tr soit V τc /~ 1 : l'interaction induit une phase négligeable pendant le temps
de mémoire de l'environnement. L'évolution que l'on considère dans ce cadre est donc coarse-grained telle que
τc t Tr
Approximation de Born
: Le couplage entre le système et l'environnement est susamment faible et
l'environnement susamment large pour que l'opérateur densité de l'environnement n'évolue pas (il souvent
supposé à l'équilibre [HSE , ρE ] = 0) et que
4
Intrication et décohérence en gravité quantique
Alexandre
ρSE = ρS ⊗ ρE
Feller
(1.10)
Approximation de Markov
: L'environnement a une mémoire courte ; les corrélations système-environnement
sont amorties sur une échelle de temps beaucoup plus courte τc que la dynamique t : τc t.
P
En écrivant l'interaction sous la forme HSE = α Sα ⊗ Eα où les opérateurs Sα et Eα sont unitaires (mais
pas nécessairement hermitiens) et où les dépendances temporelles proviennent de la représentation d'interaction,
l'équation de Born-Makov s'écrit
X
d
ρS (t) = −i [HS , ρS (t)] −
[Sα , Bα ρS (t)] + [ρS (t)Cα , Sα ]
dt
α
Z ∞X
(I)
Bα =
Cαβ (τ )Sβ (−τ )dτ
0
Z
(1.11)
β
∞
Cα =
0
X
(I)
Cβα (τ )Sβ (−τ )dτ
β
Cαβ (τ ) = hEα (τ )Eβ iρE
Les fonctions d'auto-corrélation de l'environnement caractérisent l'eet de "la mesure de l'observable" Eβ dans
l'état ρE sur la mesure au temps τ de Eα . Informellement, elles quantient comment l'environnement retient
l'information de son interaction avec le système. L'approximation markovienne dit que ces corrélations s'amortissent vite devant les temps caractéristiques de la dynamique.
1.3.2 Équation de Lindblad
La description markovienne des systèmes quantiques ouverts repose sur deux hypothèses, la première étant
que le système et l'environnement sont initialement et restent toujours non intriqués au cours de l'évolution
et la seconde est que l'environnement possède un temps de mémoire court devant les temps d'évolution. En
revanche, les équations dérivées ont le désavantage de ne pas toujours donner un opérateur densité physique, à
savoir donnant des probabilités toujours positives ! L'approche de Lindblad est un ranement de celle de BornMarkov en cela qu'elle impose en plus des précédentes approximations la (complète) positivité de l'évolution.
L'équation de Lindblad régissant une telle dynamique markovienne physique s'écrit de façon générale comme
2
NX
−1
dρS (t)
i
1 †
= − [H, ρS (t)] +
Lµ ρS (t)L†µ −
Lµ Lµ ρS (t) + ρS (t)L†µ Lµ
dt
~
2
µ=1
(1.12)
Les opérateurs Lµ sont appelés opérateurs de Lindblad ou opérateurs de sauts et correspondent aux transitions
induites par l'environnement entre diérents états du système et sont au nombre de N 2 −1. Le hamiltonien H est
composé de deux contributions, l'une provenant de la dynamique du système HS et l'autre d'une renormalisation
de l'énergie induite par l'environnement appelée eet Lamb HLamb 2 .
L'équation de Lindblad peut être obtenue de bien des manières diérentes, par un raisonnement purement
d'information quantique ou encore par la méthode des trajectoires stochastiques [6].
L'interprétation physique simple des opérateurs de Lindblad permet en général de décrire de façon heuristique, c'est-à-dire à partir d'un raisonnement physique sans pour autant avoir la forme exacte de la dynamique,
l'inuence de l'environnement. C'est cette approche que nous utiliserons en premier lieu dans la suite et nous
discuterons de sa pertinence en gravité quantique.
2. C'est une contribution unitaire à la dynamique contrairement aux opérateurs de sauts.
5
Partie 2
Gravité Quantique
La gravitation est à l'heure actuelle comprise à travers la relativité générale d'Einstein qui décrit le champ
gravitationnel par la courbure même de l'espace-temps. L'espace-temps n'est plus vu comme un objet donné a
priori mais comme un objet dynamique qui répond à la présence de toute forme d'énergie. La relativité générale
est une théorie classique du champs gravitationnel. Or la matière et les champs ne peuvent être pleinement
compris que dans la cadre de la théorie quantique. Il apparaît alors nécessaire de comprendre la gravitation
dans ce cadre et donc de construire une théorie de la gravitation quantique.
Marier relativité générale et mécanique quantique n'est pas une tâche facile tant du point de vue conceptuel
que mathématique. Tout d'abord,
on s'attend à ce que le caractère quantique de l'espace-temps se manifeste à
q
−35
m. On peut comprendre ceci de la façon suivante. On souhaite
la longueur de Planck lP = G~
c3 = 1.6.10
mesurer un objet en x à la précision L, c'est-à-dire que l'on souhaite avoir une incertitude sur la position
telle que ∆x ≤ L. Le principe d'incertitude de Heisenberg impose ∆x∆p ≥ ~/2. L'impulsion vérie alors
~ 2
. Si on cherche donc à avoir une très grande précision sur le mesure, une impulsion et donc
p2 ≥ (∆p)2 ≥ 2L
une énergie (E = cp à la limite ultra-relativiste) très importante est nécessaire ce qui, en faisant maintenant
intervenir la relativité générale, modie la structure de l'espace-temps. La précision limite est donnée par le
rayon de Schwarzschild RS = 2GM
c2 . À cette limite,
L=
2M G
c2
=
E=mc2
2EG
c4
=
E=pc
2pG
c3
=
p'~/2L
~G
Lc3
(2.1)
On arrive donc à la longueur de Planck, vu comme la limite d'incertitude sur la mesure d'une position en
combinant mécanique quantique et relativité générale. Ce raisonnement a simplement un caractère heuristique
et montre plutôt qu'une des hypothèses utilisées doit être tout simplement fausse !
D'un point de vue mathématiques, les méthodes de théories quantiques des champs n'ont à ce jour pu aboutir
qu'au prix de l'introduction de structures supplémentaires (dimensions, symétries) à travers, par exemple, la
théorie des cordes. Une des diérences essentielles avec la gravité quantique à boucles est que ces théories sont
construites en quantiant non pas la métrique g de l'espace-temps mais les uctuations h autour de la métrique
plate de Minkowski η , c'est-à-dire en décomposant la métrique g = η + h. Cette approche est justiée par
l'exceptionnelle succès des théories quantiques des champs mais, du point de vue relativiste, cette méthode va
à l'encontre des avancées conceptuelles introduites par la relativité générale. Il n'est pas non plus à ce jours
certain que les structures additionnelles résolvent les dicultés mathématiques inhérentes à la théorie quantique
du champ gravitationnel (non-renormalisabilité).
La gravité quantique à boucle (loop quantum gravity, LQG) est une théorie quantique de la relativité générale
indépendante de la métrique de fond et invariante sous changement quelconque d'observateurs (invariante sous
diéomorphismes). Elle repose sur une quantication canonique d'une formulation 3+1 de la relativité générale
(qui prend la forme d'une théorie de jauge SU (2) contraintes).
2.1
États et opérateurs
Un état du champ gravitationnel tridimensionnel est décrit au niveau cinématique par un réseau de spin
[11]. Il décrit non seulement le nombre de quanta d'espace et leurs "tailles" (aires et volumes) mais aussi une
relation de contiguïté. Les opérateurs d'aire et de volume, associés au champs gravitationnel, sont quantiés
et donnent les résultats possibles d'une mesure sondant la structure de l'espace-temps. Ces états, décrivant
6
Intrication et décohérence en gravité quantique
Alexandre
Feller
le champ gravitationnel tridimensionnel et donc la géométrie de l'espace, donnent, au niveau semi-classique,
l'image d'une géométrie discrète (ce sont les graphes duaux d'une discrétisation de l'espace, voir gure 2.1).
Figure 2.1 Représentation d'un réseau de spin ainsi que de l'image semi-classique de la géométrie discrète
qui émerge après analyse spectrale des opérateurs d'aire et de volume. Figure extraite de [10].
Formellement, un réseau de spin |Γ, je , vn i est la donnée d'un graphe orienté Γ qui décrit qui est en relation
avec qui, de spin je attachés à chaque lien du graphe et d'intertwiners (tenseurs invariants sous rotations) vn
je
attachés à chaque n÷ud. Plus précisément, à chaque spin je est
N associé un espace des états V donnant les
états possibles de la face de normale e tandis que vn ∈ InvSU 2 ( e∈n V je ), où e ∈ n signie que l'on considère
tous les liens liés au n÷ud n.
L'omniprésence du groupe SU (2) dans la théorie se comprend physiquement de la façon suivante. Dans
l'espace 1 , un observateur décrit la physique en faisant un choix de référentiel. Or, ce choix n'a physiquement
aucun sens et n'importe quel autre système de référence obtenu par rotation (SO(3)) est légitime. L'information
physique pertinente est donc une information invariante sous rotation. Lors de la quantication, seul l'algèbre
de Lie importe et il est donc plus commode d'utiliser le groupe SU (2) (utile aussi pour la prise en compte des
fermions). La formulation d'Ashtekar, qui sert de base à la quantication canonique, montre que la relativité
générale est une théorie de jauge SU (2) contraintes. Trois contraintes sont à implémenter : la première est celle
de Gauss (d'invariance de jauge SU (2)), la seconde est celle des diéomorphismes spatiaux (trois contraintes)
et la troisième est la contrainte hamiltonienne.
Les réseaux de spin diagonalisent les opérateurs d'aires ASe (associé au lien e) et de volumes Vn (associé au
n÷ud n),
ASe |Γ, je , vn i = lp2 S(je )|Γ, je , vn i
Vn |Γ, je , vn i =
lp3 vn |Γ, je , vn i
(2.2)
(2.3)
p
où S(j) = j ou S(j) = j(j + 1) suivant le choix d'ordonnement des opérateurs que l'on fait. Le spin je est
donc une mesure directe de l'aire de la surface dual au lien e tandis que l'intertwiner vn encode l'information
de volume invariante de jauge. Ce sont ces résultats qui permettent d'interpréter les réseaux de spin comme des
géométries discrètes et non le fait que l'état soit décrit par un graphe.
Plusieurs remarques sont à faire après ce bref survol des états quantiques de la théorie. Tout d'abord, bien
qu'en général on représente (et on construit) l'état en plongeant le graphe dans l'espace, il faut bien comprendre
qu'après avoir imposé la contrainte d'invariance sous diéomorphisme spatiaux ce plongement n'a plus de sens.
Le réseau de spin devient un objet décrivant l'espace lui-même sans référence à un espace extérieur. Ces réseaux
de spin abstraits décrivent la cinématique de la théorie.
Enn, contrairement aux théories de jauge habituelles, la dynamique n'est pas encodée dans un hamiltonien
physique mais dans les contraintes de diéomorphismes spatiaux et hamiltonienne. Cette dernière n'est pas
encore bien implémentée en gravité quantique à boucles et fait l'objet de nombreuses recherches en cours.
2.2
États de surface et déformations
Dans cette section, nous allons discuter plus en détail des états de surface qui vont être au c÷ur des prochaines
discussions. Compte tenu de l'image semi-classique exposée plus haut, on s'attend à ce qu'une surface soit au
niveau quantique décrit par une collection de spin. Cependant, si on oubli le plongement du graphe, on doit
1. Et non l'espace-temps puisque on se base sur une formulation 3+1 (hamiltonienne de la relativité générale.
7
Intrication et décohérence en gravité quantique
Alexandre
Feller
dénir la surface comme une collection de spin 2.2. Cela étant, il faut bien comprendre que rien nous dit qu'une
collection arbitraire redonne après renormalisation l'image d'une surface classique. Dénir une région de l'espace
ou même une surface en gravité quantique est un vrai problème qui n'a pas encore de réponse claire et nécessite
de bien comprendre la renormalisation de la théorie [9].
Figure 2.2 Une région fermée de l'espace (en gris) est délimitée par une surface percée par un ensemble de
spin (en noir). Dans un cadre purement quantique où on oubli le plongement du graphe dans l'espace, cette
collection de spin dénie une surface quantique. Figure extraite de [10].
On expose rapidement dans la suite comment on décrit une surface au niveau classique, une idée de la
méthode de quantication, les opérateurs de déformations qui serviront à dénir une dynamique dans la suite
et enn une classe particulière d'états semi-classiques.
2.2.1 Géométrie d'une surface et quantication
Une surface (bidimensionnelle) S2d est un objet géométrique qui peut être vu de deux façons, soit d'un
point de vue intrinsèque qui décrit la surface qu'à l'aide des propriétés mesurées par des courbes tracées sur la
surface, soit d'un point de vue extrinsèque en la plongeant dans un espace de dimension supérieur (ici l'espace
tridimensionnel).
La géométrie intrinsèque de la surface est construite à partir de la métrique (aussi appelée première forme
(2d)
(2d)
(2d)
(2d)
fondamentale
qui permet de dénir ds2 = hxx dx2 + 2hxy dxdy + hyy dy 2
√ en géométrie diérentielle) h
et dA = det h(2d) dxdy , éléments de longueur et d'aire respectivement. De façon extrinsèque S2d ⊂ R3 et la
métrique h(2d) est vue comme la restriction à la surface de la métrique euclidienne de l'espace g (3d) . Autour
d'un point P donné de la surface, la distance euclidienne entre ce point et la projection sur son plan tangent
d'un autre point inniment proche de la surface P + dP se met sous la forme ds2 = edx2 + 2f dxdy + gdy 2 .
Cette expression dénie une forme bilinéaire symétrique appelée deuxième forme fondamentale f2 (P ). Ces deux
formes fondamentales permettent de dénir diérentes notions de courbures, celle de Gauss par exemple qui est
une propriété intrinsèque de la surface ou la courbure moyenne qui elle est extrinsèque.
La quantication que l'on va appliquer dans la suite repose sur une structure de Poisson dénie à partir de
la normale N à la surface en chaque point de la surface 2 : {Ni , Nj } ∝ ijk Nk . Cette structure est similaire à
celle de l'algèbre de SU (2).
L'approche de quantication de la gravité quantique à boucles consiste à ce donner une discrétisation de la
surface S2d par des surfaces élémentaires. Le vecteur normale à chacune de ces surfaces aura pour norme l'aire de
la surface. La structure de Poisson dénie plus haut est quantiée par l'approche standard de la quantication
canonique. Le vecteur normal N de chacune de ces surfaces devient alors un spin dont l'état est un élément de
la représentation j de SU (2) noté V j . La valeur précise j est, en unité de Planck, simplement l'aire de la surface
élémentaire considérée.
2.2.2 Déformations
Le problème qui va nous intéresser par la suite est la dynamique d'une surface à nombre de faces N xé et
aire totale A xée. Cette dynamique sera tout simplement constituée de déformations de cette surface qu'il faut
donc dénir.
Nous avons vu qu'en gravité quantique à boucles, une face est décrite par un spin j correspondant à l'aire de
cette face, son espace des états étant la représentation du groupe SU (2) associée. Étant donné qu'on s'intéresse
aux déformations de la surface complète, l'aire de chaque face est vouée à varier, donc le spin qui lui est associé
2. L'application N(P ) associant à chaque point sa normale est appelée application de Gauss. Sa diérentielle permet dénir
et nous renseigne à la fois sur la courbure intrinsèque (déterminant) et extrinsèque (trace)
l'opérateur de forme
8
Intrication et décohérence en gravité quantique
Alexandre
Feller
et son espace des états. Le formalisme habituel utilisant les opérateurs Jz , J± ne permet pas de décrire des
transitions entre spin j mais seulement entre valeurs de m. Mathématiquement, ces opérateurs permettent de
construire une représentation j donnée de SU (2) mais ne permettent de naviguer entre ces représentations. La
solution a ce problème, parfois utilisée en matière condensée, est d'utiliser la représentation de Schwinger qui
consiste à représenter un spin par deux oscillateurs harmoniques. Soit en eet deux oscillateurs harmoniques a
et b tels que
Jz =
1 †
(a a − b† b) J+ = a† b
2
J− = ab†
(2.4)
On vérie facilement qu'on obtient les bonnes relations de commutations. L'énergie totale des oscillateurs
E = Jz = 21 (a† a + b† b) permet de réécrire J2 = E(E + 1). Ainsi, le spin j correspond à l'énergie totale des
oscillateurs tandis que la projection m correspond à la diérence d'énergie,
|j, mi = |na , nb i
j=
1
1
(na + nb ) j = (na − nb )
2
2
(2.5)
Maintenant, pour une surface à N faces, on dispose d'une collection de N paires d'oscillateurs harmoniques
(ai , bi )i=1,...,N décrivant l'état de la surface. L'avantage des oscillateurs harmoniques est que l'on peut naturellement dénir un opérateur Eij détruisant un quanta d'aire de la face j et en crée un à la face i,
Eij = a†i aj + b†i bj
(2.6)
Clairement, l'action d'un tel opérateur déforme la surface complète tout en gardant l'aire totale constante et le
nombre de face. Ce sont ces opérateurs qui vont nous permettre dePdécrire les déformations
dynamiques de la
PN
N
surface ! L'aire totale de la surface est au passage donnée par A = p=1 jp = 21 p=1 Epp . Ces opérateurs sont
invariants sous SU (2) et vérie l'algèbre de U (N ),
[Eij , Ekl ] = δjk Eil − δil Ekj
(2.7)
C'est ainsi que le groupe U (N ) peut être vu comme le groupe des déformations d'une surface à aire et nombre
de face xés [4]. Une analyse détaillé de cette structure au niveau classique et quantique est donnée dans [8].
L'égalité la plus importante pour la suite est la suivante
C2 =
X
†
Eij
Eij = 2A(A + N − 2) + 2J.J
(2.8)
ij
PN
où J = p=1 Jp . Nous donnerons l'interprétation physique du spin associé à J.J, qui est au c÷ur de l'exposé
sur la décohérence, plus loin 3.1.2. Nous l'appellerons dans la suite de cette partie spin total.
2.2.3 États cohérents
Pour nir cette brève revue de la gravitation quantique à boucles, nous allons parler d'une classe particulière
d'états, les états cohérents. En électrodynamique quantique, ces états, dénis par Glauber, permettent de faire
le lien avec l'électromagnétisme de Maxwell, leur valeur moyenne sur les opérateurs champs électrique et magnétique redonnant les valeurs prédites par le théorie classique 3 . Il existe plusieurs manières de les dénir, toutes
équivalentes. Celle que l'on va utiliser dans la suite caractérise les états cohérents comme les états minimisant
des relations d'incertitudes.
Leur construction est très simple. Il sut d'exhiber un état particulier minimisant ces relations, par exemple
le vide en électrodynamique, et d'appliquer une transformation particulière. En optique, ces transformations
correspondent aux translations dans l'espace des phases et sont représentées par des opérateurs dits de déplacement. En gravité quantique, vu que la géométrie est décrite à l'aide de spin, les états cohérents qui vont être
utiles seront les états cohérents du groupe SU (2), encore appelés états cohérents de Bloch. Les incertitudes que
l'on cherche à minimiser sont celles sur les trois directions Ji . Il est aisé de trouver la borne minimale pour ces
incertitudes et de trouver un état qui les saturent. Cet état, encore appelé état de plus haut poids, est l'état |j, ji
3. Les états naturels de l'électrodynamique quantique, les états de Fock, ont une valeur moyenne nulle sur ces opérateurs et ne
peuvent donc être vu comme des états semi-classiques du champ.
9
Intrication et décohérence en gravité quantique
Alexandre
Feller
pour un spin donné j (joue le rôle de l'état du vide). Suivant la méthode décrite plus haut, les états cohérents
de SU (2) sont dénis par
|j, gi = g|j, ji, g ∈ SU (2)
(2.9)
Ces états semi-classiques minimisent les relations d'incertitude et décrivent en fait un vecteur de direction
donnée par la rotation g de norme j . Ces états permettent alors de dénir des états cohérents de surface, la
décrivant grâce à une collection de vecteur normaux de norme égale à l'aire de la face en question. L'une des
propriétés évidentes de ces états que l'on utilisera par la suite est
h|j, gi = |j, hgi, g, h ∈ SU (2)
(2.10)
Grâce à la représentation de Schwinger, nous avons vu que le groupe U (N ) permettait de décrire toutes
les déformations d'une surface à aire totale xée. Cette observation permet de dénir une autre classe d'états
cohérents, ceux du groupe U (N ) [5]. Cependant, seuls les états cohérents à spin total nul (invariant sous rotation)
ont été étudiés. Malheureusement, nous verrons qu'il est nécessaire dans la suite de ne pas se restreindre à ces
états uniquement, ce qui limite pour l'instant les conclusions que l'on peut tirer sur le modèle complet que l'on
étudiera.
10
Partie 3
Décohérence en Gravité Quantique
3.1
Décohérence d'une région de l'espace
3.1.1 Description générale
Dans ce qui suit, on s'intéresse à une région de l'espace tridimensionnelle délimitée par une surface S que
l'on supposera à aire total A xée. On rappel qu'en gravité quantique, l'état du champ gravitationnel est décrit
par un réseau de spin où à chaque lien p est associé un spin jp encodant, de façon semi-classique, l'aire de la
surface de normale p. Notre surface S sera construite à partir d'un nombre N xé de surface élémentaire, soit
A=
N
X
jp
p=1
Le reste de l'espace sera vu comme un environnement pour le système et nous allons tenter de comprendre
son inuence, à savoir comprendre la einselection et l'émergence de règles de superselection. Un tel système vise
bien sûr à apporter une première compréhension de la dynamique de l'horizon d'un trou noir qui n'a à l'heure
actuel était décrit que de façon cinématique. Notons tout de suite que ce modèle est encore naïf et ne prétend
pas modéliser en l'état un trou noir quantique, notion qui d'ailleurs n'a rien de clair.
L'espace des états de notre système, qui sera donc la surface S , parfois dénommée horizon, est
HHoriz =
N
O
M
P
A= N
p=1 jp
!
V
jp
(3.1)
p=1
Explicitement, V jp correspond à la représentation de spin jp de SU (2) et est l'espace des états de la face p. Le
produit tensoriel de tous ces espaces est donc l'espace des états d'une conguration particulière de la géométrie
de notre horizon. La dynamique de la surface que l'on va considérer est simple : on s'autorise la possibilité de
destruction d'un quanta d'aire en j et la création d'un autre quanta d'aire en i. Cette déformation préserve
l'aire totale de la surface. L'opérateur associé à une telle transition est, on l'a vu,
Eij = a†i aj + b†i bj
(3.2)
En faisant l'analogie avec l'oscillateur harmonique, la dynamique libre du système sera donnée par la somme du
nombre de quanta en chaque position i obtenu par Ei ≡ Eii . Géométriquement, ce nombre de quanta correspond
au double de l'aire de la surface élémentaire i. L'aire totale étant pour l'instant xée, un tel terme est constant
au cours du temps. En fait, on peut considérer des termes d'ordre supérieur en Ei , par exemple des termes
quadratiques en gEi (Ei + 1) où g est une constante de couplage. Une telle contribution se retrouve dans les
modèles de Bose-Hubbard. Finalement,
HS =
N
X
Ei + g
X
i=1
i
11
Ei (Ei + 1)
(3.3)
Intrication et décohérence en gravité quantique
Alexandre
Feller
Le reste de l'espace constitue l'environnement pour notre horizon. L'inuence de cet environnement sera
donnée par un opérateur Vij qui encode la façon dont l'environnement mesure la transition Eij . En clair,
l'interaction système-environnement sera de la forme
HSE =
N
X
Eij ⊗ Vij
(3.4)
i,j=1
Ces opérateurs Vij sont en fait déterminés par la structure générale du graphe qui correspond à l'état quantique
de l'espace dans son ensemble. N'ayant pas un accès direct à cette information, ils seront choisis de façon
eective, non à partir du modèle exact, mais par des arguments physiques simples. Cependant, pour que le
hamiltonien d'interaction soit un opérateur hermitien, on doit avoir Vij = Vji† .
3.1.2 Sur les états pointeurs
On discute dans cette section des propriétés émergente dûes à la présence d'un environnement. On rappel que
les états pointeurs sont les états robustes à la décohérence et sont sélectionnés de façon dynamique (einselection)
par l'interaction entre le système et l'environnement.
"Interaction with the environnement will typically single out a prefered set of states. These
pointers states remain untouched in spite of the environnement while their superposition lose phase
coherence and decohere. [...] Einselection is the decoherence-induced selection of the preferenced set
of pointer states that remain stable in presence of the environnement." [14]
Le critère de sélection des états pointeurs, dans la limite de la mesure, introduit par Zurek, est [HSE (Ŝ), Ŝ] où
Ŝ est une observable du système. Ceci traduit le fait qu'aucune corrélation entre le système et l'environnement
ne s'établit pour des états propres Ŝ .
"Pointer states preserve correlations in spite of decoherence, so that any observable Ŝ codiagonal
with the interaction hamiltonian will be pointer observable. [...] The dependance of the interaction
hamilonian on the observable is an obvious precondition for the monitoring of that observable by
the environnement." [14]
Quelles propriétés des états pointeurs de la surface attendons-nous à avoir ? Au niveau classique, on peut
dénir pour une surface plongée dans un espace de dimension plus élevée une notion de courbure extrinsèque
dénie à partir des variations de la normale à la surface en un point.
|j,m>, j aire
PN
Au niveau quantique, l'opérateur analogue à la courbure que l'on peut dénir dans ce cadre est J = p=1 Jp .
Intuitivement, on s'attend à avoir une décohérence sur cette observable, qu'une superposition d'état de courbures
diérentes évolue en un mélange statistique. Le point délicat provient du fait que l'environnement ne mesure
par directement cette observable : nous n'avons pas HSE (J) mais seulement HSE (Eij ) ! La seule chose que l'on
sache est que
C2 =
X
†
Eij
Eij = 2A(A + N − 2) + 2J.J
(3.5)
ij
La question est donc de savoir s'il y a toujours décohérence sur J contrairement à ce que Zurek annonce. Un tel
résultat serait intéressant en soi, en dehors de son intérêt pour la gravitation quantique, puisque cela voudrait
dire qu'une décohérence pourrait avoir lieu même si l'environnement ne mesure pas directement l'observable
associée.
12
Intrication et décohérence en gravité quantique
3.2
Alexandre
Feller
Approche de Lindblad
Nous allons tout d'abord analyser notre problème par une approche heuristique à l'aide de l'équation de
Linblad (qui correspond on le rappel à une dynamique markovienne) et nous verrons dans la suite l'apport
des approches hamiltonienne et exacte où on discutera du problème de la dynamique propre du système et
de l'environnement, du caractère markovien en général et leur pertinence en gravité quantique. Cette section
débute par une analyse détaillée du cas particulier d'une surface composée d'une seul face et généralisera ensuite
pour une surface à N faces.
3.2.1 Modèle simplié
On étudie dans un premier temps le modèle simplié où la surface est décrite par un seul et unique spin
représenté par deux oscillateurs harmoniques. On cherche donc à montrer s'il y a décohérence sur le valeur du
spin j . Pour cela nous allons partir d'une approche similaire à celle de l'optique quantique, à savoir que nous
allons donner directement l'équation d'évolution du système en intuitant la forme des opérateurs de Lindblad
qui correspondent aux sauts induits par l'environnement.
Dans le modèle qui suit, deux hypothèses sont faîtes : la première est que l'environnement mesure les trois
directions x, y, z du spin et le deuxième est que l'environnement
√ est homogène isotrope (aucune direction n'est
privilégiée). Du coup, les opérateurs de Lindblad seront Li = κJi , où on prendra la constante κ égale à un.
Dans la suite, on discutera de ces hypothèses, et on verra comment relaxer la seconde et ses conséquences
potentielles sur la décohérence. Ainsi, l'équation d'évolution est une équation de Lindblad,
X
X
dρS
1
1 2
=
J ρ S + ρ S J2
Ji ρS Ji − (Ji Ji ρS + ρS Ji Ji ) =
Ji ρS Ji −
dt
2
2
i=x,y,z
i=x,y,z
(3.6)
Le problème est donc de montrer s'il y a décohérence sur les valeurs du spin j , c'est-à-dire grosso modo sur
l'observable J.J quand bien même cette observable n'est pas directement observée par l'environnement. La
première remarque à faire est que J2 commute avec les opérateurs de sauts. Ceci veut dire que l'environnement
n'induit pas de transition entre des états de spin diérents., il n'y a pas de dissipation.
L'idée est ensuite de regarder la dynamique induite sur l'opérateur densité ρkl = Pk ρPl où Pk,l sont les
projections sur les sous-espaces respectivement à k et l xé. La grandeur que l'on va être amenée à regarder
dans la suite n'est pas ρkl directement mais sa norme tr ρkl ρ†kl ,
X
1
dρkl
=
Ji ρkl Ji − (k(k + 1) + l(l + 1)) ρkl
dt
2
i=x,y,z
X
d tr ρkl ρ†kl
=
2 tr Ji ρkl Ji ρlk − (k(k + 1) + l(l + 1)) tr ρkl ρlk
dt
i=x,y,z
(3.7)
Toute la diculté provient de l'analyse du premier terme du second membre de cette équation. Pour pouvoir
le traiter, il est nécessaire d'expliciter l'opérateur densité. L'annexe B prouve une majoration de ce terme qui
permet d'exhiber le comportement général des cohérences pour un état initial pur.
Avant d'exposer ce résultat, il est utile d'analyser deux cas particuliers importants d'états initiaux du système
autour de t = 0. Ceci va permette d'expliciter le contenu physique du résultat général. On considère d'abord la
1 . Or pour un tel état, tr J ρ J ρ = hk, k|J |k, kihl, l|J |l, li = kl tr ρ ρ†
√
superposition initiale |ψi = |k,ki+|l,li
i kl i lk
i
i
kl kl
2
pour i = z et zéro sinon.
d tr ρkl ρ†kl dt
h
i
2
= [2kl − (k(k + 1) + l(l + 1))] tr ρkl ρ†kl = − (k − l) + (k + l) tr ρkl ρ†kl
(3.8)
t=0
2
Deux contributions apparaissent dans l'évolution des cohérences. La première en (k − l) est celle attendue qui
a pour eet d'atténuer les cohérences entre des états de spin diérents et domine la dynamique. La seconde a
pour eet de projeter l'état du système sur l'état de spin nul, état invariant par rotation et qui est en fait l'état
qui s'intrique le moins avec l'environnement.
1. L' état de plus haut poids |j, ji permet, grâce à l'action des opérateurs de monté et de descente d'obtenir tous les états de
spin j donné. Des états analogues existent et seront étudiés pour le modèle de gravité.
13
Intrication et décohérence en gravité quantique
Alexandre
Un autre état intéressant est une superposition d'états cohérents |ψi =
précédent, on montre que
d tr ρkl ρ†kl dt
|k,n̂i+|l,m̂i
√
.
2
Feller
De façon analogue au cas
= [2kln̂.m̂ − (k(k + 1) + l(l + 1))] tr ρkl ρ†kl = − kkn̂ − lm̂k2 + (k + l) tr ρkl ρ†kl
(3.9)
t=0
On tire de cette dynamique une chose supplémentaire par rapport au cas précédent : outre la double décohérence
sur la valeur du spin et celle de spin zéro, il apparait une décohérence supplémentaire sur les directions des états
cohérents qui tendent à s'aligner. En eet, même pour k = l, on aura toujours la norme kn̂ − m̂k2 qui intervient.
L'annexe B étudie le cas général d'un état initial pur quelconque et permet d'établir le résultat suivant
d tr ρkl ρ†kl dt
h
i
2
≤ − (k − l) + (k + l) tr ρkl ρ†kl
(3.10)
t=0
On a donc trouver un comportement enveloppe de la norme des cohérences qui nous permet de conclure,
dans le cas markovien, à une double décohérence sur le spin. Les cohérences entre des états de spin diérents
sont atténuées, de même ensuite pour les populations des états de spin non nul. Les états les plus robustes à
l'action de l'environnement sont les états invariants par rotation, de spin nul.
Eet des constantes de couplage
Jusqu'à présent, nous avons considéré un environnement homogène et isotrope qui mesurait les trois directions du spin. En relaxant le caractère isotrope, les opérateurs de Lindblad naturels sont alors de la forme
√
Li = κi Ji où les constantes κ caractérisent l'état de l'environnement.
Une remarque cruciale que l'on peut faire est qu'il est nécessaire que l'environnement accède aux trois
composantes du spin dans cette approche pour obtenir une décohérence sur j . La dynamique initiale pour
√
|ψi = |k,ki+|l,li
est modiée par les constantes κ comme
2
d tr ρkl ρ†kl dt
"
=−
κ2z
2
(k − l) +
t=0
κ2x + κ2y
2
!
#
(k + l) tr ρkl ρ†kl
(3.11)
On voit donc bien que pour cette état, si l'environnement ne mesure par la composante z , soit κz = 0, la
décohérence sur la valeur du spin est absente.
Si on considère donc que toutes les composantes sont vues par l'environnement, on peut obtenir une majoration similaire à celle obtenue précédemment qui, en notant κ2min = mini∈x,y,z κi , s'écrit
d tr ρkl ρ†kl dt
i
h
2
≤ −κ2min (k − l) + (k + l) tr ρkl ρ†kl
(3.12)
t=0
La présence de κ2min se comprend aisément en la considérant comme caractérisant le couplage le plus faible entre
le système et l'environnement ou encore comme le temps de mesure le plus long.
La nécessité que l'environnement observe les trois composantes du spin par l'approche de Lindbald soulève
un point intéressant. En eet, on sait que grâce à la structure du groupe SU (2) nous avons [Ji , Jj ] = iijk Jk et
donc qu'à partir de deux composantes nous pouvons obtenir la troisième. Sachant cela, on aurait pu s'attendre
à ce qu'il ne soit pas nécessaire que l'environnement observe les trois composantes mais seulement deux d'entreelles. Ceci nous fait donc penser que le caractère markovien de la dynamique ne permet pas à l'environnement
d'explorer toute la structure du groupe (comme par exemple sa compacité). Cette armation est toujours à
l'état de conjecture mais sera mise en lumière par l'approche exacte dans la suite.
3.2.2 Modèle de gravité
Après avoir étudié un modèle simplié, nous retournons maintenant au cas plus général de la dynamique
d'une surface à N faces.
L'établissement de la dynamique d'un horizon en interaction avec un environnement par l'approche de
Lindblad est clair : la présence de l'environnement déforme la surface. En se restreignant à une aire totale xée,
14
Intrication et décohérence en gravité quantique
Alexandre
Feller
nous avons déjà vu que les déformations sont obtenues par l'action des opérateurs Eij . Il est donc naturel de
considérer ces opérateurs comme opérateurs de saut. On considère donc que Lij = κEij où κ sera toujours prise
égale à un. Finalement,
N
N
X
X
1 2
1 †
dρS
†
†
†
Eij =
−
Eij ρS Eij
Eij Eij ρS + ρS Eij
C ρS + ρS C 2
=
−
Eij ρS Eij
dt
2
2
i,j=1
i,j=1
(3.13)
où C 2 est déni en 2.8. Comme pour le modèle simplié, l'objet que nous allons étudier est la norme de la
projection de cet opérateur densité sur diérentes valeurs du Casimir ρJJ 0 . L'équation diérentielle que l'on
doit étudier est donc


X
d


tr ρJJ 0 ρJ 0 J =
2 tr Eij ρJJ 0 Eji ρJ 0 J − 4A(A + N − 2) +2J(J + 1) + 2J 0 (J 0 + 1) tr ρJJ 0 ρJ 0 J
{z
}
|
dt
ij
(3.14)
2A2N
considère comme
exemple
une nouvelle
fois le cas
de
l'état initial de plus haut poids ψJA vériant
On
E1 ψJA = (A + J)ψJA , E2 ψJA = (A − J)ψJA et Eki ψJA = 0 pour tout k < i. Du coup, on a simplement
P
2
0
0
0
ij 2 tr Eij ρJJ Eji ρJ J = 2(A + JJ ). La dynamique autour de l'instant initial se réduit donc à
d
0
0
tr ρJJ ρJ J = −2 A(N − 2) + J + J 0 + (J − J 0 )2 tr ρJJ 0 ρJ 0 J
dt
t=0
(3.15)
On obtient donc bien une décohérence sur la courbure extrinsèque J comme on pouvait intuitivement si attendre.
Tout comme le modèle simplié, une observe une décohérence supplémentaire qui tend à favoriser les états
invariants par rotation (les états de spin J nul). Une terme additionnel est de plus apparu, proportionnel à l'aire
totale A et au nombre de faces N . Ceci traduit que, quoi qu'il en soit, le système et l'environnement évoluent
toujours vers un état intriqué.
3.2.3 États cohérents de U(N)
Pour poursuivre comme pour le modèle simplié l'analyse dans le cas général de ce modèle, il est nécessaire
au préalable de construire un éventail d'outils mathématiques relatif au états cohérents de U (N ). Comme exposé
précédemment, seul un type d'états cohérents particulier a déjà été étudié, les états invariant sous rotation [5].
Or, notre problème nécessite de dénir des états cohérents à spin total quelconque pour ensuite prouver qu'il y
a bien décohérence dessus.
Ce travail, toujours en cours, part une nouvelle fois de l'idée d'agir par une transformation du groupe U (N )
sur un état particulier, l'état
haut poids.
Avec A l'aire totale et J la valeur du spin totale (valeur propre
de plus
A−J
de J.J), ce dernier s'écrit A+J
,
,
0,
.
.
.
.
Le
mieux
est ensuite d'utiliser la représentation de Schwinger pour
2
2
en déduire l'ensemble des propriétés exhibées dans le papier précédemment cité. Une fois ce travail terminé, il
sera possible d'adapter le résultat et les méthodes exposés pour le modèle simplié au cas gravitationnel général.
A priori, aucun problème ne semble apparaître empêchant d'armer que l'on obtiendra bien une décohérence
sur la courbure extrinsèque. Ceci reste à ce stade bien sûr toujours une hypothèse.
3.3
Approche de Born-Makov
Nous avons dans le chapitre 1 sur la décohérence vu que l'analyse des systèmes ouverts pouvant être faite
par une approche hamiltonienne via l'équation de Born-Markov. Nous allons commencer dans cette section par
aborder ce problème de façon assez générale en utilisant la forme du hamiltonien 3.4 justiée en début de partie.
On va se concentrer sur l'étude du cas où on néglige le terme quadratique dans la dynamique libre du système
ce qui pour le modèle de Bose-Hubbard correspond à la limite superuide,
H=
N
X
Ei + HE +
i=1
N
X
i,j=1
15
Eij ⊗ Vij
(3.16)
Intrication et décohérence en gravité quantique
Alexandre
Feller
On rappel que les quantités importantes caractérisant l'inuence de l'environnement sur le système sont données
par des fonctions de corrélations des opérateurs Vij . L'analyse qui suit est générale et ne nécessite pas de spécier
la forme de ces opérateurs Vij . Compte tenu du fait que l'aire total est xée,
X
d
ρS (t) = −
[Eij , Bij ρS (t)] + [ρS (t)Cij , Eij ]
dt
ij
Z ∞X
Bij =
Cijkl (τ )Ekl dτ
0
Z
(3.17)
kl
∞
Cij =
0
X
Cklij (τ )Ekl dτ
kl
Cijkl = hVij (τ )Vkl iρE
L'idée est ensuite, après introduction de la forme explicite des opérateurs ci-dessus dans l'équation pilote,
d'utiliser les relations de commutation [Eij , Ekl ] = δjk Eil − δil Ekj . On arrive alors à une forme développée de
l'équation
d
ρS (t) = −
dt
Z
0
∞
X
Eij ρS (t) (Cikkj (τ ) − Ckijk (τ )) + ρS (t)Eij (Cikkj (−τ ) − Ckijk (−τ )) +
(3.18)
ijk
X
Ekl [Eij , ρS (t)] Cijkl (τ ) + [ρS (t), Eij ] Ekl Cklij (−τ ) dτ
ijkl
En se rappelant que Vji = Vij† , la seconde ligne de l'équation précédente nous donne une contribution de la
forme de Lindblad que nous avons déjà vu et s'interprète comme "la mesure par l'environnement" de l'opérateur
Eij . Toutes les autres contributions qui apparaissent caractérisent des phénomènes dissipatifs. Ces derniers se
retrouvent dans la plupart des modèles classiques de décohérence analysés par l'équation de Born-Markov [12].
Une question, que l'on motivera dans la suite, est de savoir qu'est-ce qui se passe lorsque ni le système ni
l'environnement n'ont de dynamique propre et que seul le terme d'interaction subsiste. La première remarque est
que l'approche de Born-Markov utilisée ci-dessus n'est plus valable puisque on ne peut plus dire que l'environnement à un temps de mémoire court (que les fonctions de corrélations sont piquées autour de zéro puisqu'elles
sont dorénavant constantes). L'approche de Redeld, voir annexe B, que l'on peut qualier de pré-markovienne,
permet d'établir une équation pilote à coecients dépendants du temps pour la dynamique du système. Tous
les opérateurs de Lindblad que nous avons déni jusqu'alors deviennent linéairement dépendant du temps :
Lij (t) = tLij . Les décroissances exponentielles qu'on obtenait deviennent donc des décroissances gaussiennes
caractéristiques de l'absence de dynamique propre (voir chapitre 1).
3.4
Analyse exacte
Nous allons dans cette section exposer le début de l'analyse exacte d'une version simpliée de l'interaction
entre la surface et son environnement. Les problèmes que l'on va étudier sont les suivants : retrouver la décohérence sur le spin et, sinon, comprendre qu'elles sont les diérences et les limites de l'approche de Lindblad.
Sous peine de briser le suspens, ce modèle, qui sera sans aucune dynamique propre ni pour le système ni pour
l'environnement, n'aboutit pas à une décohérence sur le spin, bien au contraire. Les raisons de l'absence de dynamique seront explicitées plus loin. Dans tous les cas, le rôle du temps de mémoire de l'environnement apparaît
crucial pour obtenir la décohérence sur la courbure extrinsèque, contrairement à ce qu'aurait pu laisser penser
les exemples simples analysés dans le chapitre 1.
3.4.1 Échauement
Pour illustrer la méthode d'analyse, on va se concentrer, dans un premier temps, sur la dynamique d'un
spin 1/2 en interaction avec un oscillateur harmonique dans la limite de la mesure quantique (on prendra les
constantes de couplage toutes égales entre-elles à un). L'opérateur d'évolution s'écrit explicitement de façon
simple pour ce modèle
H=
X
σi ⊗ p i = σ ⊗ p
U (t) = 1 ⊗ cos(p) − i
i
16
σ⊗p
(1 ⊗ sin(p))
p
(3.19)
Intrication et décohérence en gravité quantique
Alexandre
Feller
L'opérateur densité s'écrit, pour un état initial factorisé |ψi ⊗ |0i, comme
ρS (t) = |ψihψ|hcos2 (pt)i +
X
σ i |ψihψ|σ i h
i
p2i
sin2 (pt)i
p2
(3.20)
Le calcul des valeurs moyennes sur l'état du vide ainsi que leur valeur au temps long permettent d'obtenir la
forme asymptotique du l'opérateur densité. Notons que les moyennes à calculer sont des transformées de Fourier
de la gaussienne (ou plus généralement pour un état autre que le vide pour l'environnement des transformées
de Fourier cet l'état) que l'on retrouvera pour le modèle qui suit. Asymptotiquement, nous avons donc
ρS (t)
=
t→+∞
X1
1
|ψihψ| +
σ i |ψihψ|σ i
2
6
i
(3.21)
La question est maintenant d'expliciter les états pointeurs. On utilise pour cela un estimateur de l'intrication
entre le système et l'environnement : on choisit ici l'entropie linéaire. La pureté de l'état nal est donc
tr(ρ2S )
1
=
3
!
X
1+
hσi i2
(3.22)
i
Un état pointeur est un état qui reste la plus pur possible au court de l'évolution, ce qui est une autre manière
de dire qu'il s'intrique peu avec l'environnement. Or ici, tr(ρ2S ) < 2/3, et cette borne est atteinte pour tous
les états purs, par toute la sphère de Bloch. En clair, il n'y a pas d'états privilégiés par l'interaction avec
l'environnement ! On aurait pu s'y attendre en faisait le même raisonnement que dans le chapitre 1, à savoir
que les états pointeurs seront les états ayant une direction σ bien dénie puisque c'est cet objet qui est "mesuré
par l'environnement". Ces états sont en fait les états cohérents de SU (2) qui pour un spin 1/2 correspondent à
tous les états purs.
3.4.2 Modèle simplié
Nous pouvons maintenant nous attaquer à un modèle plus proche du cadre général 3.1.1 de la dynamique
d'une surface en interaction avec un environnement. Toute la dynamique sera donné par le hamiltonien d'interaction H = J⊗p ; l'environnement, un oscillateur harmonique, mesure les trois composantes d'un spin décrivant
une face de la surface. Bien sûr, une constante de couplage devrait être ajoutée (par homogénéité) mais pour plus
de clarté nous l'avons omise. Cette fois, le spin j n'est plus xé et la notation J cache en fait la représentation
de Schwinger en terme de deux oscillateurs harmoniques.
Le but est donc d'étudier si une telle dynamique nous donne bien une décohérence sur la courbure extrinsèque
(le spin j ). Pour cela, on étudie l'évolution de l'état initial
|ψi = (|j, gi + |j 0 , g 0 i) ⊗ |0i
(3.23)
où les états |j, gi sont des états cohérents 2.2.3 et |0i est l'état du vide pour
l'oscillateur. L'opérateur d'évolution
s'écrit U (t) = e−itJ⊗p . On remarque que U (t)|ψS i ⊗ |pi = e−itJ.p |ψS i ⊗ |pi. Du coup, pour un état cohérent
qui vérie la propriété 2.10,
E
σ.p
U (t)|j, gi ⊗ |pi = j, e−it 2 g ⊗ |pi
(3.24)
L'idée est donc de développer l'état initial de l'environnement sur la base des impulsions, encodant toute la dyna
mique dans une rotation de l'état du système. On regarde l'opérateur densité réduit ρS (t) = trE U (t)ρSE U −1 (t) .
Comme on s'intéresse au problème des cohérences entre diérentes valeurs du spin total j , nous allons étudier
0
dans la suite l'opérateur densité projetté ρjj
S (t) = Pj ρS (t)Pj 0 où les opérateurs Pi sont les projections sur le
sous-espace à spin i donné. Cet opérateur contient toute l'information sur les cohérences entre les états du
système de spin diérents. Déjà 2
2. Il est à noter que cette démarche ne rend pas bien compte de façon explicite de l'inuence du système sur l'environnement
qui est à la base de la décohénrece. Néanmoins, elle evite de trop encombrer les calculs. On pourrait la rendre plus explicite en
développant les états cohérents sur la base (|j, mi) :
U (t)|j, gi ⊗ |0i =
j
X
|j, mi ⊗ |Ejm (t)i
|Ejm (t)i =
m=−j
17
2j 1/2 Z
2
z0j+m (p, t)z1j−m (p, t)e−p |pi d3 p
m+j
Intrication et décohérence en gravité quantique
0
ρjj
S (t)
Alexandre
Z ED
−it σ.p
−(p2 +q 2 ) 3
3
0 −it σ.q
0
2
2
d pd q
g j ,e
g ⊗ |pihq|e
= trE
j, e
Z ED
σ.p
σ.p
2
= j, e−it 2 g j 0 , e−it 2 g 0 e−2p d3 p
Feller
(3.25)
0 †
0
jj
On étudie la norme de cette opérateur densité réduit tr ρjj
(t) et on souhaite connaître son comporS (t) ρS
tement au temps long. On conclura à une décohérence sur la spin si cette norme tend vers zéro pour j 6= j 0 .
0
j0j
tr ρjj
S (t)ρS (t)
Z
hj, D(q, t)g|j, D(p, t)gihj 0 , D(p, t)g 0 |j 0 , D(q, t)g 0 ie−2(p
Z
hD(q, t)g|D(p, t)gi2j hD(p, t)g 0 |D(q, t)g 0 i2j e−2(p
=
=
0
2
+q 2 )
2
+q 2 )
d3 pd3 q
d3 pd3 q
(3.26)
σ.p
où on a noté D(p, t) = e−it 2 et où les produits scalaires de la deuxième égalité sont calculés dans la représentation fondamentale de SU (2). La première chose que nous allons montrer est que nous retrouvons bien le même
comportement au temps court que par l'approche Redeld-Lindbald, c'est-à-dire une décohérence gaussienne
sur le spin (voir remarque nale de la section 3.3). En faisant un développement limité de la forme exacte 3.26,
nous avons
t2
0
j0j
00 00
0
0 2
+ o(t3 )
tr ρjj
(t)ρ
(t)
=
tr
ρ
ρ
1
−
j
+
j
(j
−
j
)
S
S
S
S
4
(3.27)
On retrouve bien le même comportement au temps court que l'approche de Redeld-Lindblad qui donnait
simplement une décroissance gaussienne similaire 3 . Peut-on en conclure à une décohérence sur le spin comme
on le souhaite ?
La réponse à cette question est contrairement à ce qu'on pouvait espérer négative. Il sut pour le voir de
regarder quelques cas particuliers de valeurs de spin. Prenons j 0 = 0. Alors, nous avons par exemple
1
01
0
tr ρS2 (t)ρS2 (t)
2
− t8
=e
10
tr ρ01
S (t)ρS (t) →
t→∞
t2
1−
16
2
00
tr ρ00
→ 0
S ρS
4
9
t→∞
(3.28)
Nous voyons donc que même pour des valeurs de spin diérentes, la norme des cohérences ne tend pas vers zéro !
Le calcul exact montre que nous ne pouvons pas conclure à une décohérence sur le spin. La raison probable de
cette diérence signicative avec les approches (pré)-markoviennes est qu'on ne tient pas compte du caractère
compact du groupe SU (2). Dit autrement, on ne tient pas compte de la possibilité que l'état du système puisse
revenir à son état initial.
La seule décohérence exacte qui sort de ce modèle est sur les superpositions d'états à spin de parité diérente
comme illustré par le premier exemple ci-dessus. Dit de manière informelle, on a une décohérence pour des
superpositions boson/fermion.
Le fait qu'au temps court les diérentes approches peuvent concorder permet de conclure qu'un temps de
mémoire de l'environnement très court devant les temps de la dynamique est crucial et indispensable. L'environnement "oubli" alors quel était l'état initial et seul les premiers termes de la dynamique exacte compte. Ceci
amène donc à se poser la question de l'intérêt de ne pas considérer de dynamique propre pour le système et
l'environnement, hypothèse conduisant aux conclusions diérentes de cette section.
3.5
Discussion
En relativité générale, l'analyse hamiltonienne montre que le hamiltonien est toujours nul sur les états
physiques : c'est une contrainte hamiltonienne. C'est cette contrainte qui dénie toute la dynamique de la
3. La valeur explicite du pré-facteur est
00
2
tr ρ00
S (t)ρS (t) = (4π)
Ce terme ne dépend donc pas du temps.
18
r 2
1 π
8 2
Intrication et décohérence en gravité quantique
Alexandre
Feller
théorie. En gravité quantique à boucles, l'implémentation correcte de cette contrainte fait d'ailleurs toujours
défaut.
Tout d'abord, dénir la dynamique d'un système nécessite de xer une jauge i.e de dénir un référentiel. En
présence de matière, dénir un référentiel est assez facile. Cependant, en son absence, un référentiel doit être
déni par rapport au champ gravitationnel lui-même. Comment déni-t-on alors une région de l'espace ou une
surface ? Cette question est déjà non triviale en relativité générale du fait de l'invariance par diéomorphisme.
Quoi qu'il en soit, supposons que ce problème soit réglé et que l'on sache dénir proprement dans ce cadre
la notion de surface (et de région). L'environnement est alors déni relativement à cette surface. Chacun de ces
sous-systèmes n'a pas de dynamique propre puisque, comme dit plus haut, le hamiltonien d'un système isolé en
relativité générale est nul. La dynamique ne peut être qu'une dynamique d'interaction !
Ces observations soulèvent plus de questions qu'elles n'apportent de réponses. Elles remettent en question
les approches markoviennes et pose la question de comprendre si la dynamique entre un système et son environnement n'est pas fondamentalement non markovienne en gravité quantique.
19
Conclusion
L'approche par l'information quantique appliquée au problème de la gravitation quantique s'est révélée être
fructueuse ces dernières années et les résultats de Bekenstein-Hawking servent de test à toute tentative de
construction d'une théorie quantique de l'espace-temps.
Voulant poursuivre dans cette approche, le sujet de ce stage était d'explorer une branche particulièrement
importante de la physique quantique en lien direct avec la physique de l'information qu'est la décohérence.
L'objectif était de commencer à explorer les conséquences de la présence d'un environnement sur la dynamique
d'une région de l'espace et plus particulièrement sur la dynamique de sa surface. Nous avons montré par
l'approche de Lindblad, en détails sur un exemple simplié, qu'il existe bien en eet une décohérence induite
par l'environnement sur une grandeur que l'on peut assimilé de façon semi-classique à la courbure extrinsèque
de la surface. Ceci permet d'intuiter le résultat pour le modèle plus général, bien qu'il semble nécessaire de
développer quelques outils mathématiques supplémentaires pour pouvoir établir la preuve. Les premiers résultats
analytiques exactes pointent vers des subtilités, comme par exemple l'absence de décohérence dans un cadre
non markovien causée vraisemblablement par la structure particulière du groupe des rotations. Ces modèles,
physiquement très simples, pointent de doigt la nécessité cruciale d'avoir un environnement large avec une
dynamique propre permettant d'avoir des temps de mémoire très courts pour que les résultats markoviens
puissent être valables. Cependant, la nature particulière de la relativité général questionne le bien-fondé de
l'approche markovienne et pose la question de la nature fondamentalement non-markovienne de la dynamique
entre un système et son environnement.
Comme expliqué précédemment, notre point de vue n'a été jusque-là qu' heuristique et de nombreuses
questions entre information quantique et gravitation restent à être explorées. Dénir la notion de région et son
environnement dans un cadre de gravité quantique en est une, ce qui revient à dénir la notion de localité et
donc de distance.
En gravité quantique à boucles, seules les relations entre les objets sont naturelles, du fait de l'invariance
sous diéomorphismes, et sont caractérisées par la structure du graphe de l'état. La notion de distance doit être
dénie, le sens physique de celle de longueur doit être clariée (nécessite de xer un référentiel). N'ayant pas de
métrique de fond à notre disposition, la géométrie doit être redénie à partir de l'état quantique lui-même.
Une idée à développer, proposée entre autres dans [9] par E. Livine et D. Terno, est de dénir la distance
grâce à l'intrication, aux corrélations entre diérentes parties du réseau de spin. Le raisonnement est donc
inversé par rapport à la théorie quantique des champs ou la matière condensée où les corrélations sont dénies
à partir de la géométrie sous-jacente.
Une telle compréhension peut se faire à travers l'étude d'états simples dont la géométrie émergentes est
bien connue. Ceci permettrait ensuite d'avoir une meilleur compréhension de l'horizon d'un trou noir. On sait
aussi en physique statistique que le comportement des corrélations dépend de la phase dans lequel le système
se trouve. On pourra donc être amené à explorer l'existence de phases et de transitions pour un trou noir.
Cela étant, il serait alors possible d'éclaircir la problématique au c÷ur de ce sujet de stage, comprendre
qu'est-ce qui agit comme un environnement et d'étudier la décohérence qu'il induit pour, nalement, boucler la
boucle.
20
Annexe A
Spin Boson
Dans cette annexe, nous allons analyser en détail un système à deux niveaux en interaction avec un environnement d'oscillateurs. Ce modèle, communément appelé spin-boson, est générique et s'applique à de nombreux
systèmes physiques (en optique quantique, en matière condensée). Une discussion introductive détaillé est faîte
dans [12].
A.1
Dynamique exacte
On considère un spin 1/2 en interaction avec un bain d'oscillateurs harmoniques.
H=
X
X
1
ω0 σz +
~ωi a†i ai + σz ⊗
gi a†i + gi∗ ai
2
i
i
(A.1)
La première remarque est que [σz , H] = 0, il n'y a donc pas de transitions induites par l'environnement entre les
diérents niveaux. Avec l'aide de la fonctionnelle d'inuence, il est possible d'étudier ce modèle où le système
a une dynamique propre non triviale avec un couplage tunnel en σx (qui correspond à un champ magnétique
transverse par exemple).
Avant de considérer l'ensemble du bain, on va regarder le cas d'un seul oscillateur H = 21 ω0 σz + ~ωa† a +
σz ⊗ λ(t)a† + λ(t)∗ a. On a donc spin couplé avec un oscillateur dans un champ classique λ(t).
Un bon moyen d'obtenir l'opérateur d'évolution de ce modèle est de résoudre les équations de Heisenberg.
Leurs solutions s'écrivent de la forme
a(t) = ae−iωt + α(t),
Z
t
α(t) = −iσz ⊗
ω
λ(τ )e−i
(t−s)
dτ
(A.2)
0
Cette évolution est très similaire à l'action d'un opérateur déplacement D† aD(α)a = a + α déni par D(α) =
†
∗
eαa −α a . Du coup, on peut vérier qu'ici nous avons bien
a(t) = D† α(t)e−iωt ae−iωt D α(t)e−iωt = D† ae−iωt U0 (t)aU0−1 (t)D α(t)e−iωt
(A.3)
où U0 est l'opérateur d'évolution libre. On obtient donc explicitement l'opérateur d'évolution en représentation
d'interaction. À une phase θ(t) près,
U (t) = eiθ(t) D α(t)e−iωt
(A.4)
Cette phase peut être déterminer à l'aide des propriétés de l'opérateur d'évolution. Son origine provient du fait
que les opérateurs déplacement forment une représentation projective des translations dans l'espace de phase.
Elle n'interviendra pas dans la suite.
Pour le problème qui nous intéresse où on a une simple constante de couplage et non un champ classique,
on a
α(t) = −σz ⊗
g
1 − e−iωt
ω
21
(A.5)
Intrication et décohérence en gravité quantique
Alexandre
Feller
Au nal, l'opérateur d'évolution sera
U (t) = eiθ(t) eσz ⊗
P
i
λi (t)a†i −λ∗
i (t)ai
λi (t) =
gi
1 − e−iωi t
ωi
(A.6)
On considère un état initialement factorisé où l'état du système est une superposition d'états et celui de
l'environnement est quelconque |ψ0 i = (α|0i + β|1i) ⊗ |E0 i. À l'instant t, cet état aura évolué en
(A.7)
|ψ(t)i = α|0i|E+ (t)i + β|1i|E− (t)i
Y
|E± i =
D (±λi (t)) |E0 i
(A.8)
i
D (±λi (t)) = exp λi (t)a†i − λ∗i (t)ai
(A.9)
Cet état n'est donc plus un état factorisé mais un état intriqué. Chaque oscillateur de l'environnement évolue
au cours du temps par un opérateur déplacement de paramètre dépendant du couplage et de la fréquence de
l'oscillateur. Le facteur de décohérence entre les états |0i et |1i est donc donné par le recouvrement hE+ (t)|E− (t)i.
A.2
État du vide et thermique
A.2.1 Environnement dans l'état vide
On regarde en premier lieu l'état du vide. Chaque
N oscillateur de l'environnement évolue alors dans un état
cohérent |λi (t)i = D (±λi (t)) |0i. Soit alors |E± i = i |λi (t)i ou encore pour le facteur de décohérence
hE+ (t)|E− (t)i =
Y
hλi (t)| − λi (t)i
(A.10)
i
Or pour des états cohérents hα|βi = e− 2 |α−β| eiIm(β
1
2
∗
α)
, ce qui permet de conclure que
|hE+ (t)|E− (t)i| = exp −4
X |gi |2
i
wi2
!
(1 − cos(ωi t))
(A.11)
La première conclusion que l'on peut en tirer est que dans la limite où la dynamique propre de l'environnement
est négligeable, c'est-à-dire tωi 1, on a une décohérence gaussienne
!
|hE+ (t)|E− (t)i| = exp −4
X
|gi |2 t2
i
Seuls les constantes de couplage interviennent dans ce comportement au temps courts devant les temps de
l'environnement. En revanche, sur une échelle de temps de l'ordre des ωi−1 , la dynamique propre joue un rôle
crucial pour un environnement à nombre ni de degré de liberté puisque dans ce cas on a un phénomène de
recohérence qui se produit. En eet, puisque l'argument de l'exponentielle ne tend pas vers l'inni au temps long
(somme nie de cosinus, donc terme borné) le terme de cohérence ne peut s'annuler bien que le comportement
au temps court suggère le contraire ! Néanmoins, le temps de recohérence peut être arbitrairement grand et ce
n'est que dans le cas d'un nombre inni de degré de liberté environnementaux que l'on peut espérer avoir une
vraie décohérence. Ce cas sera étudié dans la suite dans le cadre d'un environnement thermique.
A.2.2 Environnement thermique
Nous allons maintenant regarder la dynamique induite par un environnement thermique, où chaque oscil†
lateur est dans un état initial caractérisé par ρEi = Z1i e−β~ωi ai ai où Zi = tr ρEi est la fonction de partition.
Quant à l'état initial du système, nous choisirons la même superposition que précédemment. Au nal, l'état
initial global est donné par l'opérateur densité ρ(0) = ρS ⊗i ρEi . Au temps t, les cohérences vont être données
par l'opérateur densité ρS (t) = trE U (t)ρSE U −1 (t) . Tout d'abord, comme [σz , H] = 0, les populations ne vont
pas évoluer et resteront égales aux populations initiales. En d'autres termes, l'environnement n'induit pas de
transition entre les états |0i et |1i. Concernant les cohérences entres ces états
22
Intrication et décohérence en gravité quantique
Alexandre
h0|ρS(t) |1i = h0|ρS(0) |1i trE
Y
D (−λi (t))ρEi D (λ∗i (t))
Feller
(A.12)
i
= h0|ρS(0) |1i
Y
hD (2λi (t))iρEi
(A.13)
i
Reste donc à calculer la valeur moyenne d'un opérateur déplacement sur un état thermique hD (α)iρth . Pour
cela on développe sur la base des états cohérents (on omet dans ce calcul la normalisation)
βωa† a
βωa† a
d2 γ
hγ|e− 2 |D(α)|e− 2 |γi
π
Z 2
βω
2
−βω
d γ − βω γ
=
he 2 |D(α)|e− 2 γ |γie−|γ| (1−e )
π
Z 2
2
βω
d z
hz|D(α)|zie−|z| (e −1)
= eβω
π
Z
hD (α)iρth =
(A.14)
2
, on arrive à une intégrale gaussienne (pour les
En utilisant la formule hz|D(α)|zi = exp(αz ∗ − α∗ z) exp − |α|
2
parties réelle et imaginaire de z ) que l'on peut directement intégrer. En réinsérant le facteur de normalisation,
on obtient pour la valeur moyenne d'un opérateur déplacement sur un état thermique,
hD (α)iρth = e−
|α|2
2
coth( βω
2 )
(A.15)
Finalement, le facteur de décohérence, que l'on notera d(t), pour un environnement thermique à la forme
d(t) = exp −4
X |gi |2
i
wi2
(1 − cos(ωi t))coth
Z
1 − cos(ωt)
βω
= exp −4 J(ω)
coth
2
ω
2
βωi
2
!
dω
(A.16)
où on introduit la densité spectrale de l'environnement J(ω) qui, dans le cas d'un environnement à nombre ni
de degrés de liberté, se lit directement sur le formule précédente.
La plupart du temps, on considère que la gamme de modes environnementaux est tellement vaste que l'on
peut la décrire par une densité spectrale continue : cela revient à voir l'environnement non plus comme une
collection nie d'oscillateurs harmoniques mais comme un champ bosonique. Tout l'eet de l'environnement
est contenu dans cette densité spectrale ! Le temps de décohérence ne dépend alors que de J(ω) pour l'état
initial vide ou de J(ω) et de la température pour un état thermique. Reste à voir quelle forme à ce temps de
décohérence pour une densité donnée. Nous allons regarder qu'une seule forme (pour d'autres voir [12]) de J(ω).
On supposera le comportement linéaire à basse fréquence et exponentiellement décroissant au-delà d'un cut-o
ω
Λ : J(ω) = J0 ωe− Λ .
On regarde dans un premier temps le cas de l'état vide. On doit donc calculer l'exposant Γ0 (t) qui vaut
R ∞ − ω 1−cos(ωt
dω . Cette intégrale se calcule en voyant qu'elle obéit une équation diérentielle en Λ. On arrive
e Λ
ω
0
au nal à Γ0 (t) = 21 ln(1 + Λ2 t2 ). Le facteur de décohérence est donc pour l'état initial du vide,
2 2
d(t) = exp −2J0 ln(1 + Λ2 t2 ) ' e−2J0 Λ t
tΛ1
(A.17)
Le cas le plus intéressant, qui fait apparaître diérents temps caractéristiques,
est celui d'un environnement
R∞ ω
βω
thermique. On doit donc calculer Γ(t) = 0 e− Λ 1−cos(ωt
coth
dω
.
On
se
place
dans la limite kB T Λ,
ω
2
limite où l'énergie thermique est très petite devant le cut-o de l'environnement. Le résultat peut être décomposé
comme Γ(t) = Γ0 (t) + Γtherm (t) où le premier terme correspond à la contribution des uctuations quantiques
pures (ne dépend pas de la température) et calculé ci-dessus, tandis que le second correspond aux uctuations
thermiques. Dans la limite imposée,
23
Intrication et décohérence en gravité quantique
Alexandre
Γtherm (t) = − ln
sinh(πkB T t)
πkB T t
Feller
(A.18)
On peut alors distinguer trois échelles de temps. La première, t Λ−1 , (kB T )−1 , donne Γ(t) ' − 12 Λ2 t2 et
provient des seules uctuations quantiques. On a donc une décroissance gaussienne des cohérences au temps
courts. L'échelle intermédiaire, Λ−1 t (kB T )−1 , donne Γ(t) = − ln(Λt). On a donc une décroissance
polynomiale, ne provenant toujours pas des uctuations thermiques. Enn pour Λ−1 , (kB T )−1 t, Γ(t) =
−πkB T t, ce qui nous donne une décroissance exponentielle contrôlé cette fois purement par la température de
l'environnement.
24
Annexe B
Quelques preuves
B.1
Équation de Born-Markov
−1
1
On regarde ρS (t)
h = trE U (t)ρSE
i U (t) en représentation d'interaction . La dynamique globale est donnée
d (I)
dt ρSE (t)
(I)
= −i Hint (t), ρSE (t) L'idée est de réinjecter la forme intégrée de cette équation dans l'équation
h
ii
Rth
(I)
d (I)
elle-même pour obtenir, dt
ρ (t) = −i Hint (t), ρ(I) (0) +(−i)2 0 Hint (t), Hint (t0 ), ρSE (t0 ) dt0 , ce qui donne,
après avoir pris la trace sur l'environnement, l'équation exacte
par
Z t
h
i
h
h
ii
d (I)
(I)
ρS (t) = −i trE Hint (t), ρ(I) (0) + (−i)2
trE Hint (t), Hint (t0 ), ρSE (t0 ) dt0
dt
0
(B.1)
Le premier terme peut être supposé nul par une redénition de la dynamique. Cette équation, bien qu'exacte,
a le désavantage de dépendre explicitement de l'opérateur densité globale ainsi que de toute l'histoire de la
(I)
dynamique ρSE (t0 ). On a une équation intégro-diérentielle. Or nous voudrions une équation locale en temps et
(I)
ne dépendant que de l'opérateur densité du système ρS (t).
L'approximation de couplage faible et de large environnement de Born résout le premier point puisque elle
suppose qu'à tout instant la dynamique du système et de l'environnement reste factorisée ρSE (t0 ) = ρS (t0 ) ⊗ ρE .
Soit alors
d (I)
ρ (t) = (−i)2
dt S
Z
0
t
trE [Hint (t), [Hint (t0 ), ρS (t0 ) ⊗ ρE ]] dt0
(B.2)
Avant de résoudre le second point, nous allons réécrire cette équation pour faire apparaître
P les fonctions de
corrélations de l'environnement Cαβ (t, t0 ) = hEα (t)Eβ (t0 )iρE obtenues à partir de HSE = α Sα ⊗ Eα . L'environnement étant supposé à l'équilibre Cαβ (t, t0 ) = Cαβ (t − t0 ). Du coup,
d (I)
ρ (t) = (−i)2
dt S
= (−i)2
Z tX
0
αβ
Z tX
0
trE [Sα (t) ⊗ Eα (t), [Sβ (t0 ) ⊗ Eβ (t0 ), ρS (t0 ) ⊗ ρE ]] dt0
(I)
(I)
Cαβ (t − t0 ) Sα (t)Sβ (t0 )ρS (t0 ) − Sβ (t0 )ρS (t0 )Sα (t)
αβ
(I)
(I)
+ Cβα (t − t) ρS (t0 )Sβ (t0 )Sα (t) − Sα (t)ρS (t0 )Sβ (t)
0
L'approximation de Markov rentre maintenant en compte en deux étapes. L'hypothèse que l'environnement a
une mémoire courte se traduit par le fait que les fonctions de corrélations ont des valeurs non nulles qu'autour
de zéro, sur un temps τc appelé temps de mémoire,
Cβα (τ ) ' 0
τc τ
1. Toutes les dépendances temporelles des opérateurs qui vont suivre sont issues de la représentation d'interaction.
25
(B.3)
Intrication et décohérence en gravité quantique
Alexandre
(I)
Feller
(I)
La première approximation que l'on fait est donc ρS (t0 ) ' ρS (t). L'équation obtenue est donc maintenant
une équation diérentielle (locale en temps) à coecients non constants. Cette équation est appelée équation de
Redeld. Elle peut elle aussi être utilisée pour analyser les systèmes quantiques ouverts, donnant d'ailleurs de
meilleurs résultats que l'équation de Born-Markov qui va suivre. Les dicultés qui lui sont associées sont d'ordre
mathématique puisque il faut résoudre une équation diérentielle à coecients non constants. L'approximation
markovienne
R t permet
R +∞ d'aller plus loin en approximant justement les intégrations au temps t par leurs valeurs à
l'inni : 0 ' 0 .
La dernière étape à faire est de revenir en représentation de Schrödinger, la seule chose à faire étant de voir
(I)
(I)
(I)
(I)
que e−iHS t Sα (t)Sβ (t − τ )ρS (t)eiHS t = Sα Sβ (−τ )ρS (t)
Ceci termine la dérivation de l'équation pilote régissant la dynamique d'un système quantique en contact
avec un large environnement faiblement couplé (approximation de Born) à temps de mémoire court devant les
temps dynamiques et d'observation (approximation de Markov).
B.2
Approche de Lindblad
On peut maintenant étudier le cas général d'un état pur quelconque |ψi que l'on développe sur la base
des états cohérents. Dans ce qui suit, on ne va pas chercher à faire un calcul explicite du terme pathologique
mais simplement obtenir une majoration de sa contribution. On établit ensuite une inéquation diérentielle qui
permet d'avoir le comportement enveloppe de la norme des cohérences tr ρkl ρ†kl .
ρS = |ψihψ|
|ψi =
X
j
Z
αj
ψj (n̂)|j, n̂i d2 n
S2
Avec cette décomposition, nous pouvons directement obtenir l'expression développée de l'opérateur densité
projeté puis du terme qui nous intéresse,
ρkl = αk αl∗
tr Ji ρkl Ji ρlk
Z
ψk (n̂)ψl∗ (m̂)|k, n̂ihl, m̂| d2 nd2 m
Z
2
2
= |αk | |αl |
ψk (n̂)ψl∗ (m̂)ψl (m̂0 )ψk∗ (n̂0 )hk, n̂0 |Ji |k, n̂ihl, m̂|Ji |l, m̂0 i d2 nd2 md2 n0 d2 m0
S2
(B.4)
S2
Les recouvrements de l'opérateur Ji peuvent être exprimés à partir de ceux pour un spin 1/2
hk, n̂0 |Ji |k, n̂i = khn̂0 |σi |n̂ihn̂0 |n̂i2k−1
via la formule 2
(B.6)
On peut donc réécrire l'équation d'évolution de la norme où on va isoler la contribution qui nous intéresse pour
établir la décohérence sur le spin de celle que l'on souhaite éliminer par majoration.
Z
h
i
d tr ρkl ρ†kl
2
†
2
2
= − (k − l) + (k + l) tr ρkl ρkl + 2|αk | |αl | kl
ψk (n̂)ψl∗ (m̂)ψl (m̂0 )ψk∗ (n̂0 )hn̂0 |n̂i2k−1 hm̂|m̂0 i2l−1
dt
S2


X

hn̂0 |σi |n̂ihm̂|σi |m̂0 i − hn̂0 |n̂ihm̂|m̂0 i d2 nd2 md2 n0 d2 m0
(B.7)
i=x,y,z
On veut montrer que l'intégrale est toujours négative pour pouvoir majorer le second membre par son premier
terme est obtenir une inéquation diérentielle soluble aisément.
Cette intégrale est d'abord réelle, résultat qu'on obtient en regardant son conjugué et en renommant les
variables
muettes d'intégration. Ensuite, nous devons calculer la somme sur les coordonnées avec la formule
P
tr
σp Aσp B = 2 tr A tr B − tr AB où A et B sont deux matrices de tailles deux 3 :
p=x,y,z
2. L'étude similaire avec les constantes κi nécessite d'utiliser une formule analogue
hk, n̂0 |Ji2 |k, n̂i =
k 0 2k−1
1
k
hn̂ |n̂i
+k k−
hn̂0 |σi |n̂i2 hn̂0 |n̂i2k−2
2
2
2
(B.5)
3. On vérie cette formule en l'évaluant sur les bases (Id, σx , σy , σz ). On peut l'intuite aux facteurs près en voyant que la somme
sur les matrices de Pauli est une applications bilinéaire en A et B .
26
Intrication et décohérence en gravité quantique
X
Alexandre
hn̂0 |σi |n̂ihm̂|σi |m̂0 i = 2hn0 |mihm|ni − hn̂0 |n̂ihm̂|m̂0 i
Feller
(B.8)
i=x,y,z
L'intégrale se réécrit sous la forme
Z
2
S2
ψk (n̂)ψl∗ (m̂)ψl (m̂0 )ψk∗ (n̂0 )hn̂0 |n̂i2k−1 hm̂|m̂0 i2l−1 (hn0 |mihm|ni − hn̂0 |n̂ihm̂|m̂0 i) d2 nd2 md2 n0 d2 m0
(B.9)
L'argument qui va permettre de conclure est l'inégalité de Cauchy-Schwarz. Pour voir cela, on réécrit le premier
terme de l'intégrale B.9 comme une trace,
Z
ψk (n̂)ψl∗ (m̂)ψl (m̂0 )ψk∗ (n̂0 )hn̂0 |n̂i2k−1 hm̂|m̂0 i2l−1 (hn0 |mihm|ni) d2 nd2 md2 n0 d2 m0
Z
Z
= tr
ψk (n̂)ψk∗ (n̂0 )hn̂0 |n̂i2k−1 |nihn0 |d2 n0 d2 n
ψl (m̂0 )ψl∗ (m̂)hm̂|m̂0 i2l−1 |m0 ihm|d2 md2 m0
S2
S2
|
{z
}|
{z
}
S2
Ok
(B.10)
Ol
Les deux opérateurs Ok et Ol sont hermitiens et positifs. L'inégalité de Cauchy-Schwarz permet d'obtenir
0 ≤ tr Ok Ol ≤ tr Ol tr Ok , soit ici
Z
tr Ok Ol ≤
S2
ψk (n̂)ψk∗ (n̂0 )hn̂0 |n̂i2k
Z
S2
ψl (m̂0 )ψl∗ (m̂)hm̂|m̂0 i2l
Ceci termine la preuve que l'intégrale présente dans B.7 est toujours négative.
27
(B.11)
Bibliographie
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28
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