LA N° 545 - Septembre 2008 SBT feuille rouge inac.cea.fr I SCIB I SPINTEC I Spram I SPSMS I SP2M spintronique NANOPILIERS MAGNéTIQUES MADE IN PTA Contact : Ricardo Sousa – SPINTEC – [email protected] Au sein de la PTA (Plateforme Technologique Amont), nous maîtrisons désormais de bout en bout toutes les étapes de réalisation de nano piliers magnétiques. Une autonomie qui fait de cette filière de fabrication dédiée un outil de choix à l’échelle grenobloise dans l’étude de ces structures, briques de base de la spintronique. Celles-ci se présentent sous forme de piliers dont la résistance électrique varie avec leur état magnétique. La mise au point de ces dispositifs nécessite une vingtaine d’étapes de réalisation et de caractérisation. La PTA offre une grande souplesse puisqu’elle permet de travailler avec un masqueur sur des échantillons de petite taille avec un temps de réalisation inférieur à deux semaines. Grâce à cela, la PTA a permis à Spintec, au Leti et à Crocus-Technology de développer en collaboration et en moins de quatre mois une filière complète standard en 200 mm, dédiée à la fabrication et la caractérisation de ces nanopiliers. Les principales difficultés techniques surmontées ont été : la conservation d’un profil de gravure régulier sur toute la hauteur du pilier et la prise de contacts sur les plots. En effet, un nouveau procédé planarisant, dont l’efficacité est d’autant meilleure que la taille des échantillons diminue, a remplacé la technique standard qui devenait difficile pour de petits échantillons. aimant MOLECULAIRE et CALCUL QUANTIQUE : c’est COHERENT ! de plots (figure de gauche) dont les caractérisations électriques ont révélé un niveau de signal correspondent parfaitement à la valeur attendue : 140% de variation de Prenez 15 atomes de vanadium, résistance entre deux états. La figure formez une petite boule, épicez de droite montre les plots contactés électriquement pour la caractérisad’arsenic, enrobez… tion. L’optimisation des étapes de Au verso lithographie et de gravure permettra à très court terme de lancer de nouveaux lots avec des tailles de piliers inférieures à 50 nm. Un premier lot vient ainsi d’être fabriqué, embarquant des réseaux magnétisme CeRh 2Si 2 SOUS PRESSION : QUEL ORDRE ? Contact : Alain Villaume – SPSMS – [email protected] Nous venons de développer un dispositif capable de mesurer à basse température la dilatation thermique d’un échantillon sous des pressions pouvant atteindre 3 GPa soit 30000 fois la pression atmosphérique. Sa résolution (5×10 -7) dépasse d’un ordre de grandeur celle des meilleurs diffractomètres de rayonnement synchrotron. Les composés magnétiques à fortes corrélations électroniques nous donnent l’opportunité d’étudier de nouveaux états de la matière dans lesquels les fluctuations quantiques dominent l’agitation thermique. Grâce à la faiblesse des énergies mises en jeu, appliquer une pression permet d’abaisser leur température de transition magnétique jusque vers le zéro absolu et donc de limiter les fluctuations thermiques. Caractériser l’ordre de la transition de phase magnétique et son évolution avec la pression est alors essentiel. C’est ce que permet la mesure de la dilatation thermique que nous tirons de la variation de résistance d’un conducteur collé à l’échantillon. Une transition du premier ordre est généralement associée à une discontinuité de volume, donc à un saut dans la mesure de la dilatation, qui n’existe pas pour une transition du second ordre. Le cas du composé CeRh2Si2 est particulièrement révélateur: il présente une transition paramagnétique-antiferromagnétique (PM-AF) à 36 K sous pression atmosphérique, mais l’ordre de la transition était inconnu au-dessus de 1 GPa. L’encart de la figure montre que l’ordre de la transition change vers 1,15 GPa. Cette technique est aisément incorporable dans d’autres expériences. Nous l’avons récemment mise en oeuvre en diffusion de neutrons. Diagramme de phase pression-température de Néel (TN) du composé CeRh2Si2. La température de la transition PM- AF est déduite des mesures de dilatation thermique montrées en encart. Les points verts (noirs) indiquent une transition de phase du premier (second) ordre. information quantique AIMANT MOLéCULAIRE et CALCUL QUANTIQUE : c’est COHéRENT ! Contact : Serge Gambarelli – SCIB – [email protected] La compréhension des phénomènes gouvernant la réalisation d’un ordinateur quantique en est aujourd’hui à ces balbutiements. Un des obstacles fondamentaux pour réaliser un tel calculateur quantique s’appelle la décohérence : en quelque sorte se tromper dans le calcul parce qu’un courant d’air ou un visiteur inopportun a perturbé le travail collectif et harmonieux des neurones quantiques. Le SCIB et ses partenaires à l’Institut Néel, en Allemagne et en Israël ont repoussé l’obstacle par deux pas décisifs : ils ont montré qu’un aimant moléculaire à base d’ions vanadium présentait une oscillation de Rabi (signature de la cohérence du système) sur environ 1 microseconde. Ils ont aussi démontré pour la première fois que les visiteurs les plus dérangeants dans ce système sont les spins nucléaires puisqu’ils sont principalement responsables de la décohérence. Ceci permet d’envisager des solutions pour s’en affranchir et atteindre des temps de cohérence suffisamment longs pour le calcul quantique. L’unité de calcul et de stockage de l’information quantique s’appelle qubit (voir encart). Sa matérialisation est l’objet de recherche de nombreux groupes. Dans le cadre de cette étude, le qubit utilisé est un aimant moléculaire. Une telle molécule est composée d’ions magnétiques fortement couplés qui se comportent comme un spin collectif. Avantage par rapport à d’autre qubits : les molécules sont toutes rigoureusement identiques. Cette molécule aimant (Fig.1) est un dérivé contenant 15 atomes de vanadium en interaction magnétique. Dans notre cas, seuls les états de spin de plus basses énergies (S=1/2 et S=3/2) sont étudiés. Le point fort de notre molécule aimant est qu’elle est isolée des interactions avec le monde extérieur par une « coque » de surfactant spécialement conçue pour l’occasion, ce qui permet d’aller sonder des phénomènes aussi fugaces que les oscillations de Rabi (voir encart). En effet, la décohérence est due aux interactions avec l’environnement. Elles peuvent provenir de différentes sources (interaction entre spins électroniques par exemple), mais à basse température, ce sont les interactions spin électronique – spin nucléaire qui prédominent. C’est ce qu’a montré quantitativement l’équipe en calculant l’influence des 15 spins nucléaires (7/2) des atomes de vanadium sur le temps de décohérence et le résultat obtenu est en bon accord avec l’observation réalisée à 4K. dans notre expérience, il suffisait de disperser les molécules dans le solvant. Mais dans un vrai système d’autres solutions doivent être envisagées. On peut ainsi imaginer travailler sur une molécule unique, ou alors organiser ces objets selon un réseau particulier. A l’heure actuelle, le laboratoire envisage d’étudier ces deux pistes, mais quelle que soit la solution retenue, il devrait être possible d’obtenir des temps de cohérence de l’ordre de 100 microsecondes. Oscillations de Rabi Lorsque l’on place des spins dans un champ magnétique, ils s’alignent parallèlement à celui-ci. En « éclairant » ce système avec des photons d’énergie bien précise, l’orientation des spins oscille (en fonction du temps d’excitation) entre plusieurs positions (équivalent d’un pulse en RMN). Le physicien mesure la projection de ces positions selon l’axe du champ magnétique en fonction du temps, et il observe une courbe sinusoïdale. Pour un système totalement isolé, ces oscillations devraient perdurer indéfiniment ; dans les systèmes « réels » les spins cessent progressivement de travailler collectivement et perdent leur cohérence. Ceci ce traduit sur la courbe par une diminution de l’intensité du signal en fonction du temps. Qubit Un qubit peut être composé de n’importe quel objet physique de taille suffisamment faible pour que ses propriétés (optiques, électroniques, magnétiques etc.…) soit gérées selon les lois de la mécanique quantique. Plusieurs de ces qubits en interaction devraient permettre de réaliser un ordinateur quantique, c’est-à-dire un ordinateur où les opérations et les données seraient effectuées et stockées en utilisant les propriétés particulaires liés à des objets quantiques. Par exemple de tels objets peuvent exister simultanément dans deux états différents, comme le fameux chat de Schrödinger, à la fois vivant et mort. Couplé à des algorithmes de calcul adaptés, de tels ordinateurs devraient (il n’en existe encore aucun à l’heure actuelle) être capables de réaliser certaines opérations beaucoup plus rapidement que les ordinateurs non quantiques (factorisation en nombres premiers…). La perturbation s’éloigne Pour remédier à cette décohérence, il «suffit» ainsi de se débarrasser des spins nucléaires par sélection isotopique ou utiliser un autre aimant moléculaire dont le spin nucléaire de ses constituants serait nul. Une autre difficulté pour réaliser un dispositif quantique est d’arriver à minimiser les interactions dipolaires et leur longue portée. Ces interactions font que les molécules aimants utilisées s’influencent mutuellement avec pour conséquence une perturbation des différents états du système. Pour résoudre ce problème, Fig.1 : La molécule aimant est précisement l’anion [V15As6O42(H2O)]6-. Sur cette représentation, le vanadium est en vert, l’arsenic en orange, l’oxygène en rouge. La molécule d’eau encapsulée est représentée par le point rose au centre. LA FEUILLE ROUGE - N° 545 Septembre 2008 Comité de rédaction : E. Molva, J. Planès (DIR), P. Dalmas de Réotier (SPSMS), L. Dubois (SCIB), H. Mendil-Jakani (SPRAM), G. Prenat (SPINTEC), R. Vallcorba (SBT), P. Warin (SP2M) - Mise en page : M. Benini (DIR) tél. 04 38 78 36 33 Institut Nanosciences et Cryogénie Commissariat à l’Énergie Atomique - Direction des Sciences de la Matière - Centre de Grenoble - inac.cea.fr