Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Biodiversités marines Compilation des contributions écrites 1 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Contributions Document Stratégique National "Biodiversités Marines " CS IFB Stratégie SUJET Axe Modéliser et scénariser les changements de la biodiversité Axe Acquisition de connaissances (documenter & caractériser les biodiversités) Axe CONTRIBUTEURS (en gras, le nom du coordinateur) Les apports de la biodiversité marine à l’humanité Quelle biodiversité pour demain ? Un défi pour la recherche, un rôle central pour la biologie moléculaire et de la génétique G. Bœuf et S. Arnaud-Haond Microbiologie marine J. Querellou, P. Lebaron et M.A. Cambon-Bonavita Cartographie des habitats J. Populus, J.F. Bourillet, D. Desbruyères et S. Sartoretto Séries temporelles et observatoires P. Le Mao Aspect phytoplancton Espèces invasives et remédiation C. Belin G. Bachelet, N. Desroy, D. Masson, L. Miossec, S. Sartoretto et P.G. Sauriau Tableau de bord des eaux marines françaises P. Watremez, O. Laroussinie et O. Thébaud Sophie Arnaud-Haond Caractériser les processus écologiques et socio-économiques associés à la réduction de la biodiversité Toxicologie-écotoxicologie (impact sur la biodiversité) Dynamique et fonctionnalités des écosystèmes « remarquables » et "ordinaires" en relation avec les pressions anthropiques T. Burgeot P. Lorance, M.J. Rochet, B. Mesnil et F. Blanchard Côtier (interface terre-mer) C. Bacher 2 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Axe Soutenir l'innovation technologique et sociale Système d’Information sur la Nature et les paysages (SINP) R. Kantin, J.F. Bourillet et J. Populus Développement d’outils d’aide à la décision & à la gestion. Cas des Aires Marines Protégées Dominique Pelletier Propositions concernant les indicateurs socio-économiques relatifs aux Aires Marimes Protégées Frédérique Alban et Jean Boncoeur Le Génie Ecologique au service de la restauration des écosystèmes côtiers L. Hamm et S. Ledoux Récifs artificiels Le millénium ecosystem assessment (MEA). Quelles perspectives pour le domaine marin et côtier ? A. Gérard Evaluation des politiques publiques de protection de la biodiversité O. Thébaud, R. Mongruel et H. Levrel H. Levrel, R. Mongruel et O. Thébaud 3 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 AXE Acquisition de connaissances (documenter & caractériser les biodiversités) 4 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Les apports de la biodiversité marine à l’humanité G. Bœuf1 et S. Arnaud-Haond2 1 2 Laboratoire Arago Banyuls-sur-mer, Ifremer Brest L’océan représente aujourd’hui près de 71 % de la surface de la planète Terre (2,42 fois plus de mer que de terre) et le milieu majeur de vie en volume. La diversité spécifique marine actuelle est estimée à 275 000 espèces dont 93 000 pour le seul écosystème corallien. Ceci représente environ 15 % de toute la diversité actuellement répertoriée sur la planète. Cela peut paraître peu mais il est fort probable que nous sous-estimions considérablement la diversité des mers par manque de connaissances et la difficulté d’accès à ces milieux. Il est réel que l’environnement marin, continu, et généralement beaucoup plus stable, se prête moins à la spéciation et à l’endémisme que le milieu terrestre. Cependant, la diversité en groupes vivants est plus grande en mer et bien des phyla n’ont jamais quitté l’océan dans lequel ils étaient apparus. Par ailleurs, les biomasses des organismes marins et des procaryotes peuvent être considérables, les seules bactéries de la couche de subsurface de l’océan représentant déjà plus de 10 % de tout le carbone vivant de la planète. La biodiversité marine est pourtant diversement et fortement exploitée par l’homme et de grands services lui sont rendus, que nous pouvons estimer de 4 ordres : 1) la fourniture de nourriture, protéines, hydrates de carbone et lipides divers, minéraux…, assurée par les pêches et les cultures marines, 2) l’extraction de molécules à haute valeur ajoutée pour des médicaments, des produits cosmétiques ou des composés originaux à caractéristiques particulières. 3) la fourniture de matériaux originaux : perles, maërl, tests d‘organismes…. 4) l’utilisation de modèles marins en recherche fondamentale, pour lesquels on tire parti de leur originalité, caractéristiques spécifiques, ancestralité ou simplicité d’organisation, Par ailleurs, les activités biologiques développées dans l’océan depuis les origines ont conduit à l’élaboration de matériaux très divers et très largement utilisés aujourd’hui dans l’industrie ou en agriculture : ciments, craie, amendements divers… Les ressources vivantes, renouvelables, de l’océan et des milieux aquatiques assurent aujourd’hui un apport de plus de 157 millions de tonnes à l’humanité (données 2005, FAO). Ces ressources sont en constante augmentation grâce à la production des cultures, qui suivent une croissance de 8-10 % par an alors que les captures stagnent depuis une bonne quinzaine d’années. Ceci est très préoccupant car ces valeurs n’augmentent pas malgré des moyens de détection et de capture de plus en plus redoutablement efficaces. Jusqu’à une époque relativement récente, il y a une cinquantaine d’années, les stocks de pêche n’apparaissaient pas spécialement menacés à part pour quelques espèces particulièrement ciblées (hareng de la Mer du Nord, grands cétacés…). Les pêches mondiales débarquaient environ 30 millions de t en 1958 et l’aquaculture, bien que très ancienne, n’en était encore qu’à ses balbutiements de production (un peu plus 630 000 t). Aujourd’hui, la FAO estime que 76 % des stocks sont pleinement exploités ou surexploités. Quelques articles récents parus dans les grandes revues internationales ou dans des chapitres d’ouvrages ont commencé à sensibiliser scientifiques et grand public, ainsi que les pêcheurs eux-mêmes, sur les dangers de cette situation en matière de perte de biodiversité, de limites de « renouvelabilité » atteintes pour des ressources naturellement vivantes et renouvelables, et de menaces sérieuses sur les écosystèmes. La productivité elle-même des écosystèmes océaniques est menacée par le changement global. On estime que 50 à 90 % des grands poissons pélagiques ont disparu en 15 ans. Sur les quelques 15 000 espèces de poissons marins plus des 2/3 vivent en zone côtière peu profonde et dans l’écosystème corallien. L’exploitation à grande échelle de communautés benthiques (chalutage et dragage) et des prédateurs ont rendu ces écosystèmes beaucoup plus vulnérables aux invasions. La surexploitation et la destruction des habitats ont été un facteur essentiel de déclin de santé des écosystèmes côtiers et de révélation de conditions additives (eutrophisation, invasions, impact du changement climatique…) et le milieu marin a clairement montré ses limites, contrairement à se que pouvait faire penser son apparente inépuisabilité. Les rejets en mer (captures accessoires) atteignent près de 30 Mt (FAO, 2007), et ne sont jamais comptabilisés. Les surfaces de fonds chalutés représentent plus de la moitié de la superficie des plateaux continentaux, soit 150 fois la surface de la déforestation annuelle de la planète. Les débarquements (alors que les méthodes de captures actuelles ciblent tous les gros animaux) se font avec des animaux de plus en plus petits, ce qui est 5 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 très inquiétant. Les structures de populations changent, les poissons se reproduisent plus jeunes et plus petits. L’aquaculture a été résolument développée et aujourd’hui assure plus de 63 M t d’apports. Presque toutes les algues et les mollusques aujourd’hui consommés dans le monde viennent de la culture, la majorité également des crevettes pénéides, beaucoup d’espèces de poissons comme le saumon de l’Atlantique, la truite arc-en-ciel, certains poissons marins, la sériole japonaise, les tilapias, le poisson-lait, les carpes, le poisson rouge… Mais l’aquaculture pose problème pour trois raisons essentielles qui sont l’utilisation de farines et huiles animales pour l’alimentation des carnivores (saumon, crevettes…), le transport anarchique d’organismes vivants à travers le monde (transfert d‘espèces, de parasites, de pathologies, d‘envahisseurs…) et les dégradations faites aux environnements côtiers (pollution, destruction massive d’écosystèmes comme la mangrove, développements de structures diverses…).Si la première est en cours de résolution par l’usage croissant de matières végétales, pour la seconde, l’homme doit être beaucoup plus vigilant. Quant à la troisième, une aquaculture durable ne peut qu’être beaucoup plus soucieuse de l’environnement que ce qui est à l’heure actuelle. Sur le plan des molécules d’importances et des biotechnologies, plus de 50 % des médicaments vendus en pharmacie correspondent à des produits naturels (ou issus de synthèses à partir de produits naturels) et plus de 5 000 de ces molécules sont issues d’organismes marins. Certaines sont passées en utilisation courante : anticancer Ara-C (contre leucémie myélocytique aiguë et lymphome non- Hodgkin), anti-viral Ara-A (anti herpès), nucléosides isolés d’éponges, bryostatine (de bryozoaire) activateur de la protéine kinase C (contre leucémies et myélomes), antiviraux bactériens (anti-HIV)....30 % des substances ont été trouvées chez les spongiaires. A partir d’algues micro- et macrophytes, on pourrait rajouter des protéoglycans, immunostimulants, antiviraux, des polymères à forte capacité de chélation, des polysaccharides anti-fécondation, des géloses et gélifiants, des substances en cosmétique, des anti-UV aux dermo-régénérateurs... Des microalgues, OGM ou non, sont cultivées en photoréacteurs et permettent la production efficace de divers types de molécules. Isolé à partir d’une bactérie marine, l’exopolysaccharide HE 800 est utilisé en régénération osseuse. On pourrait ainsi multiplier les exemples et tous les jours, de nouvelles molécules d’intérêt « sortent », des criblages systématiques en cours. On pourrait citer par exemple : ecteinascidine 743, alkaloïde complexe (anti-cancer de l’ovaire et des tumeurs solides), discodermolide, puissant immunosuppresseur et anti cancer (sein, interactions avec le réseau microtubulaire), halichondrine B, pseudoptérosines (anti-inflammatoire), antibiotiques et antiviraux chez les bactéries marines... Le National Institute of Health, aux États-Unis, mène une politique agressive dans ce sens en recherchant en permanence de nouveaux principes actifs. Dans un autre ordre de produits, diverses neurotoxines, tétrodotoxine, saxitoxine, conotoxine, lophotoxine, acide okadaïque (inhibition de phosphatases), d’autres molécules comme les jaspamide, swinholide A (liants de l’actine intracellulaire), adociasulfate 2 (inhibiteur de kinésine) ont été isolées et sont utilisées en pharmacologie. Des outils moléculaires ont également été identifiés et mis sur le marché, la phycoérythrine (liée à un anticorps en cytométrie en flux), l’aéquorine (émet de la lumière en présence de Ca2+), la GFP (protéine de fluorescence verte de méduse, qui fluoresce dans les tissus vivants), les vent ADN polymérases (hydrothermalisme)... Dans un même ordre d’idées, des espèces marines peuvent être utilisées pour la récupération de matériaux très originaux comme des diatomées dont on va utiliser le squelette pour « piéger » des molécules diverses et en faire des vecteurs très efficaces de traitements médicaux, ou encore l’utilisation de la grande nacre du Pacifique pour produire des perles de joaillerie. Des modèles marins se sont également révélés extrêmement précieux pour résoudre des questions fondamentales et pas moins de sept Prix Nobel de physiologie et de médecine ont été acquis à partir de « matériel marin ». Citons la découverte de la phagocytose, chez l’étoile de mer (E. Metchnikov en 1908), du choc anaphylactique à partir de venin de méduse sur des chiens (C Richet en 1913), des mécanismes fondamentaux de la transmission de l’influx nerveux à partir du gigantesque axone du calmar (A L Hodgkin et A F Huxley en 1963), des bases moléculaires de la mémoire grâce à une limace de mer (E Kandel en 2000), de la molécule clé de la prolifération cellulaire (et donc également les applications en cancérologie) à partir de l’étoile de mer (T Hunt en 2001)… Et nous pourrions encore citer l’isolement et la caractérisation du premier récepteur membranaire de neurotransmetteur, le récepteur nicotinique de l’acétylcholine chez la raie torpille, les bases moléculaires de la mise en place des yeux chez une méduse, la reconnaissance du soi et du non-soi chez une ascidie, le système immunitaire « primitif » des requins, auquel ressemble celui du foetus humain… 6 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 La vie océanique est la plus ancienne et elle a vu se diversifier des millions d’espèces depuis les origines du vivant. Toutes les campagnes océanographiques actuelles en matière d’identification de la biodiversité et de la diversité spécifique marine ne font que confirmer notre très partielle fraction de connaissances de ce milieu. Mais en dehors de cette diversité impressionnante, ces espèces offrent des caractéristiques ancestrales de simplicité d’organisation. Il est clair que rien n’est simple en matière de vivant (même chez la première cyanobactérie !) mais les schémas d’organisation et le fonctionnement physiologique sont souvent d’abord plus aisés à comprendre chez ces êtres vivants. Le milieu marin est très particulier et peut offrir des conditions de vie très exceptionnelles en matière de stabilité extérieure (température, salinité, pH, pression hydrostatique, niveau d’oxygène dissous, lumière...). Tout l’intérêt des modèles marins est lié à ces aspects ancestralité/simplicité d’organisation. On décrit actuellement environ 16 000 nouvelles espèces par an ont 1 600 marines : combien de temps mettra t-on à tout décrire alors que cette diversité est à l’heure actuelle au moins 1 000 fois plus rapidement détruite que ce qu’on pouvait déduire du taux naturel attendu ? 7 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Quelle biodiversité pour demain ? Un défi pour la recherche, un rôle central pour la biologie moléculaire et de la génétique Sophie Arnaud-Haond, Ifremer Brest La biodiversité marine représente de par ses différents aspects une ressource essentielle, et une source de connaissances inépuisable, pour l’humanité. Toutefois les ressources marines ont été considérées pendant des siècles comme inépuisables et cette fausse impression, combinée à la difficulté d’accès à l’environnement marin, a généré un retard considérable dans l’acquisition des données de bases nécessaires à sa protection et à son exploitation durable. Ainsi, malgré l’importance du milieu marin et des ressources qu’il renferme, seulement 0,1% de l’espace y est protégé contre 10% en milieu terrestre, et ce alors même que les habitats côtiers disparaissent à des taux deux à dix fois supérieurs aux forêts tropicales, par exemple. Nous sommes aujourd’hui face à une situation d’urgence liée à la conjugaison de la surexploitation des ressources et de la destruction des habitats, avec les difficultés de définir des mesures de protections tant par manque de connaissances biologiques élémentaires que par l’absence de cadre juridique international. Le défi à relever aujourd’hui sur le plan de la recherche consiste donc à renforcer l’effort de caractérisation de la biodiversité à un rythme raisonnable au vu de la rapidité de son déclin, et à comprendre le fonctionnement des écosystèmes principaux pour pouvoir enrayer leur déclin. Il s’agit de tirer le meilleur parti des avancées technologiques (engins submersibles, sondes, capteurs,…) et moléculaires (génomique, protéomique, métabolomique…) qui ont permis ces dernières décennies de contourner partiellement la difficulté d’accès au milieu marin. Elles contribueront non seulement à combler les lacunes de notre connaissance concernant l’habitat dominant sur notre planète tout en y découvrant de nouvelles richesses à exploiter, mais également d’anticiper et prévenir la disparition d’une biodiversité et d’un ensemble d’écosystèmes qui restent encore à découvrir. La génétique, un outil essentiel et transversal pour comprendre et exploiter durablement la diversité marine. Le milieu marin présente un certain nombre de particularités qui rendent difficile l’acquisition des connaissances nécessaires à la compréhension et à la conservation de la biodiversité qu’il renferme. Sa difficulté d’accès et l’existence d’un grand nombre d’organismes ou de larves microscopiques rendent problématiques ou impossibles l’observation ou le suivi direct des organismes et des populations. Par ailleurs, comme pour le milieu terrestre, le milieu marin renferme des espèces cryptiques difficiles ou impossibles à distinguer sur la seule base de leurs caractéristiques morphologiques, et des espèces qui renferment des molécules d’intérêt pour les biotechnologies. Ces différentes caractéristiques expliquent le bond en avant des connaissances en termes de biodiversité marine ces deux dernières décennies, lié au développement d’approches indirectes permises par les avancées spectaculaires de la biologie moléculaire et également à leur exploitation dans le cadre de la théorie de l’évolution et de la génétique des populations. Elles font en effet de l’approche moléculaire en générale, et génétique en particulier, une approche transversale pour tous les domaines de l’étude et de la mise en valeur durable de la biodiversité marine : Un soutien de plus en plus incontournable à la taxonomie, c'est-à-dire a la caractérisation et la mise en évidence de la biodiversité Un outil indispensable (en l’absence de suivi direct) pour estimer le niveau de connectivité entre écosystèmes, estimer les effectifs des populations en milieu naturel ou contrôlé, analyser la dynamique spatiale et temporelle des populations. La clé de la compréhension de la résistance et de la résilience des espèces et des écosystèmes aux changements environnementaux, notamment au changement global et aux modifications anthropiques du milieu. Il s’agit d’identifier des gènes et des cascades métaboliques impliqués et de comprendre les processus de sélection naturelle et des mécanismes adaptatifs, afin d’anticiper les conséquences majeures de ces modifications environnementales, notamment les extinctions locales, déplacements des aires de distributions et modifications de la composition génétique et du capital évolutif des espèces. La base du développement des biotechnologies. 8 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Microbiologie marine J. Querellou1, P. Lebaron2 et M.A. Cambon-Bonavita1 1 Ifremer Brest, 2 ??? Préambule La présente contribution s’inscrit dans le cadre d’une prospective générale sur la biodiversité marine. Elle est donc très différente de ce que serait une prospective sur la microbiologie au sein d’un organisme, notamment à l’Ifremer, laquelle aurait pris en compte des problématiques autres que la biodiversité, notamment les pathologies bactériennes et fongiques (bactériologie vétérinaire), la surveillance toxicologique, bactériologique et virale des eaux côtières pour des cibles définies. En effet, dès lors que l’objectif ultime annoncé de la prospective en biodiversité marine est la modélisation prédictive de l’évolution de la biodiversité, à échelles locales et globale, à l’instar des objectifs et des travaux du GIEC (cf compte-rendu de la première réunion du groupe de prospective biodiversité), la contribution essentielle attendue de la microbiologie marine est la fourniture de modèles fonctionnels du compartiment microbien qui puissent servir de fondation à un modèle global. On supposera que : - l’analyse prospective ne constitue pas une simple projection de ce qui est en cours dans quelques laboratoires, ni une défense a priori des choix de sujets de recherche en cours ; elle se veut objective et fédérative, - l’horizon géographique de la réflexion porte sur les lagunes, les eaux côtières métropolitaines et des TOM-DOM, la ZEE et la Zone (sous juridiction internationale) de la surface jusqu’aux grands fonds, - l’horizon temporel retenu pour la réflexion se situe à 20 ans. Toutefois, une déclinaison à 5 ans (mesures immédiates à prendre pour ne pas rater l’objectif futur) est essentielle. Dans ce dernier cas, on formulera l’hypothèse que le rôle et les missions des acteurs de la recherche seront maintenus pour cette période, - pour atteindre l’objectif annoncé, l’ensemble de la communauté scientifique nationale a priori concernée par la microbiologie environnementale (dont la marine) devrait être mobilisée dans un projet ambitieux dont les dimensions sont européennes (en concertation avec des initiatives du même type aux USA et en Asie). Une coupure entre les communautés de la microbiologie marine et celle des milieux continentaux (sols et milieux humides) constitue une limitation forte. En revanche, les délais nécessaires pour mener à bien une réelle prospective de microbiologie environnementale (tous milieux confondus) sont difficilement compatibles avec les échéances du présent exercice. On retiendra que si’ l’exercice devrait être approfondi dans une seconde phase, cette démarche globale serait prioritaire. On soulignera également que toute prospective doit formuler des scénarios reposant sur la formulation d’analyses stratégiques et supposant une réelle capacité à mettre en œuvre une stratégie. On pourra donc légitimement s’interroger sur l’aptitude des organismes de recherche, dont l’Ifremer, à développer une stratégie cohérente dès lors que les équipes doivent obtenir des ressources sur contrats régionaux, ANR ou européens, dans une logique d’appels d’offre disjoints et sans cohérence a priori avec les stratégies d’organismes. Si l’on veut faire preuve d’optimisme, on formulera donc l’hypothèse que le pilotage par les appels d’offres ne rend pas caduque les stratégies des organismes de recherche. Bref état des lieux. Les déterminants de la révolution en cours en microbiologie. Quels que soient les écosystèmes considérés, la microbiologie a connu 2 révolutions majeures au cours des 30 dernières années. Les déterminants en ont été : (i) la généralisation de la biologie moléculaire comme socle de toutes les composantes de la microbiologie (taxinomie, phylogénie, physiologie, biochimie, communication intercellulaire, microbiologie environnementale, etc.). Parmi les innombrables avancées résultant de ces méthodes, il convient de souligner la révision de la classification du vivant (12), avec la proposition des 3 domaines, correspondant à un véritable changement de paradigme (Archaea, Bacteria et Eukarya), et le constat que seule une infime fraction des espèces microbiennes est accessible en culture et 9 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 connues au sens de la microbiologie classique (chiffre couramment admis : 1%) (1), les autres constituant « la matière noire » de la biosphère dont l’accès reste difficile et très ponctuel (8). ème (ii) l’émergence de la génomique comme discipline fondatrice de la microbiologie du début du 21 siècle (génomique sensu stricto au travers de l’analyse de génomes, génomique comparative, fonctionnelle, environnementale, etc.). Dans l’exercice de prospective en cours, une partie des scénarios peut être construite sur ce que nous percevons aujourd’hui du potentiel de la génomique sensu lato, en déclinant par exemple les perspectives ouvertes par la métagénomique à grande échelle (11), mais aussi sur la base des travaux du REX « Marine Genomics Europe ». Une difficulté supplémentaire réside dans l’exercice qui consiste à formuler ce que seront les apports technologiques des 10 prochaines années à la microbiologie. - Une première approche de cette dernière question conduit généralement à formuler l’hypothèse que l’intégration de l’ensemble des « omics » permettra l’émergence d’une biologie des systèmes ou biologie systémique. - Une seconde hypothèse demeure ouverte avec l’émergence probable d’une nouvelle approche, intégrée par construction, au niveau cellulaire (la cellule, en tant qu’entité physique, fonctionnelle et intégrative). Les avancées dans le domaine de la robotique permettent en effet d’imaginer à la fois des recherches automatisées appliquées à des cellules clonales (physiologie, écotoxicologie, biotechnologie), et des plates-formes de culture et d’isolement de microbes à partir d’échantillons complexes environnementaux (taxinomie, phylogénie, écologie microbienne, biotechnologie). - Une troisième hypothèse, déjà en cours d’élaboration (5), repose sur les performances combinées de la génomique et de la synthèse chimique des acides nucléiques, permettant de créer des génomes microbiens artificiels et des espèces nouvelles d’intérêt biotechnologique. La place de ces nouvelles constructions biotechnologiques dans l’environnement n’est aujourd’hui pas maîtrisée, mais résultera inévitablement des rapports de force entre les groupes sociaux s’affrontant sur ces questions (applications : usine cellulaire, nano-biotechnologies, bioremédiation, lutte biologique, santé, bioterrorisme ?) - De plus, les capacités accrues de suivi de populations microbiennes complexes dans des environnements contrôlés (mésocosmes microbiens, bioréacteurs) devraient ouvrir la voie à une modélisation d’abord descriptive, puis prédictive de l’évolution de compartiments microbiens en réponse à des changements donnés de l’environnement. Cette approche pourrait être féconde pour tous les environnements extrêmes pour lesquels l’accès est coûteux et très limité. - sans vouloir épuiser la liste des déterminants de l’évolution de la microbiologie, signalons enfin la nécessité d’un changement profond de paradigme dans la conception même de la notion d’unité de base de la diversité microbienne. Aujourd’hui, le dogme central repose sur la notion d’espèce (basée sur des seuils partiellement arbitraires d’hybridation ADN-ADN ou de similarité de séquences de marqueurs biologiques du type 16S rDNA ou 18S rDNA). Ce concept d’espèce est complètement différent de celui qui prévaut chez les organismes sexués et n’est pas nécessairement pertinent pour traiter des questions de biodiversité. Les approches préliminaires engagées pour lever cette contrainte (6) devraient redéfinir à terme le concept d’espèce et le pondérer avec d’autres qui restent à définir et à évaluer, tel que celui d’écotypes fonctionnels. En attente du développement de nouvelles théories ou de concepts permettant d’apporter des réponses pertinentes sur ce qu’il faut entendre par biodiversité microbienne, il convient de garder à l’esprit que les connaissances actuelles, pour limitées qu’elles soient, apportent des réponses partielles parmi lesquelles : - l’inventaire de la diversité basée sur les méthodes de ribotypage et/ou de séquençage d’un ou de quelques marqueurs moléculaires (16S rDNA, gènes fonctionnels) donne accès aux groupes microbiens les plus abondants dans un échantillon, mais n’épuise pas la diversité (9) (« le nombre de clones typiquement analysé est faible, quelques dizaines ou quelques centaines comparé au nombre de microbes présents. On peut comparer ceci à un échantillonnage au hasard d‘un bus rempli d’humains et tenter ensuite d’estimer la diversité de l’ensemble de la population humaine (3) ; - les « espèces » rares en particulier ne sont aujourd’hui accessibles qu’au moyen de méthodes de métagénomique (10). Le rôle de ces espèces rares (non accessibles en culture dans la majorité des cas) dans le fonctionnement du compartiment microbien est très souvent inconnu, leur réponse à des changements de conditions de milieu aussi. Une meilleure compréhension du rôle de ces « espèces » rares est nécessaire mais très dépendante de verrous technologiques qu’il conviendra de lever. Ceci constitue l’un des points limitant d’une modélisation prédictive. 10 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 - - l’amélioration voire le développement de méthodes analytiques et d’estimation d’abondance d’espèces et/ou de groupes cibles constituent une priorité, à la fois pour mieux estimer la diversité, mais aussi pour mesurer les constats d’impact en réponse à une altération de l’environnement (4) . l’importance de la diversité virale en milieu marin est documentée par les travaux de métagénomique du groupe de F. Rohwer (2). Au delà de l’inventaire qualitatif, il reste, dans l’immense majorité des milieux, à comprendre le rôle des virus à la fois dans l’évolution (7) et dans la dynamique de population bactérienne, archéenne, etc. Ne sont pas abordées ici les questions de microbiologie sanitaire (cf. notes de Monique Pommepuy), d’identification rapide d’une ou de plusieurs espèces (dont les espèces toxiques) dans un échantillon donné, pas plus que la détection d’espèces ou de toxines par capteurs in situ (voir autres contributions) ou au laboratoire (puces). Recommandations On formule en préalable à ce qui suit que les missions de l’Ifremer sont inchangées. On considère également que les recommandations du CST de l’IFB (cf. CR réunion du 08/02/2008) sont applicables à la biodiversité microbienne. L’ordre proposé est modifié, la modélisation est mentionnée comme objet principal, mais placée en dernier à un niveau d’intégration maximal des connaissances. 1. Documenter et caractériser la biodiversité. Bien que l’essentiel des points mentionnés ci-dessous repose sur une approche à dominante microbiologique, il importe de souligner que cette discipline est indissociable d’autres disciplines pour appréhender la biodiversité. A la charnière du monde minéral et du vivant, elle ne peut être pleinement opérationnelle qu’en relation étroite avec la physique et la chimie des substrats, la biologie, l’écologie, etc. Priorités : - l’inventaire des espèces (au sens bactérien) en est encore au stade préliminaire pour de nombreux milieux marins (bassins d’élevage aquacoles, eaux côtières, grands fonds marins, milieux extrêmes, écosystèmes souterrains, etc.). Une priorité majeure doit être accordée à cette tâche, dans la mesure où elle conditionne la suite des travaux. Les variations de diversité microbienne de milieux d’intérêt en réponse à des perturbations naturelles ou anthropiques fortes constituent une première étape de la démarche de modélisation ; - Des recherches innovantes doivent être menées pour tenter d’isoler et de cultiver les espèces non cultivées, et devront en partie s’appuyer sur les résultats de la métagénomique. Les collections de microorganismes environnementaux doivent être soutenues et pérenniser car elles sont génératrices de plus-values importantes. - en parallèle à l’inventaire des groupes taxinomiques, dont les limites en microbiologie ont été soulignées ci-dessus, un effort important doit être réalisé sur les approches fonctionnelles (mesures d’activité in situ, ex situ, et recherche des principaux écotypes fonctionnels) ; - Le rôle fondamental des virus dans l’évolution au travers des transferts de gènes, dans la régulation des populations y compris bactériennes et archéennes est aujourd’hui largement sous-estimé. Il pourrait s’avérer déterminant dans la compréhension des phénomènes de prolifération et d’extinction. L’Ifremer est notablement sous investi dans ce domaine et sa contribution au seul inventaire des virus libres dans le milieu marin est faible. Le développement d’équipes capables de maîtriser les approches de métagénomique virales et l’analyse des relations hôtes-virus constitue un enjeu important, tant pour une modélisation future que pour la gestion des ressources exploitées (soit en interne Ifremer, soit par des équipes CNRS-universités) 2. Caractériser les processus pouvant conduire à des variations importantes de la biodiversité microbienne - Au delà des inventaires d’espèces et des écotypes fonctionnels, l’étude de la dynamique des populations microbiennes d’un milieu donné demeure une tâche lourde et difficile. Le développement de méthodes automatisables et à haut débit est essentiel (l’Ifremer doit-il s’investir dans le développement de ces méthodes ou simplement s’approprier les méthodes développées par ailleurs ?). - Documenter les cas majeurs où des variations de conditions de l’environnement induisent des changements drastiques de populations microbiennes. Etude de la réversibilité des phénomènes ou 11 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 de la résilience du compartiment microbien. Ces approches reposent sur l’expérimentation en conditions contrôlées et requièrent des équipements adaptés de type mécoscosmes et bioréacteurs. - le couplage des données microbiologiques, physicochimiques, géochimiques, avec celles des populations d’invertébrés, et d’algues demeure embryonnaire. L’ampleur de la tâche suggère de n’aborder cette question que sur un nombre limité de milieux, voire en cas de difficultés majeures d’observation avec un pas de temps approprié, de développer des dispositifs d’expérimentation et de mettre en place des observatoires microbiologiques dans des environnements très contrastés mais à proximité de centres de compétences. - l’importance de la compréhension du fonctionnement et de l’évolution du compartiment microbien dans la capacité à modéliser le fonctionnement d’un écosystème et l’évolution de la biodiversité marine suggèrerait de mettre en œuvre au niveau national des projets de recherche ambitieux en microbiologie marine. [Le modèle de référence, au niveau européen pourrait être le Max Planck de Brème en Microbiologie Marine (MPI-MM) qui combine microbiologie environnementale, génomique, bioinformatique, physiologie, et écologie microbienne qui dispose de moyens propres suffisants pour conduire une politique de recherche indépendante des appels d’offre]. A défaut de pouvoir aborder tous les écosystèmes marins simultanément, un choix d’écosystèmes type devra être effectué en fonction surtout de la pertinence scientifique des écosystèmes et de considérations géopolitiques (et pas l’inverse). La communauté française dispose de toutes les compétences nécessaires pour prendre un leadership en Europe. Seule une volonté politique et des moyens associés permettront de rattraper ce retard. 3. Soutenir l’innovation technologique. Dans ce domaine, trois volets doivent être considérés. - Maintien d’une capacité technique opérationnelle d’accès à la mer (milieux côtiers, mais aussi grands fonds et milieux extrêmes, sédiments profonds) au meilleur niveau international. Maintien d’une capacité financière à opérer la flotte et les engins. - Développement d’outils d’analyse automatique in situ. Un déficit considérable existe à ce niveau pour la microbiologie, sachant que le pas de temps de mesure retenu pour les principaux outils des observatoires de fond de mer est inadéquat pour les virus, les archées, bactéries, champignons, etc. Les échelles de temps doivent être adaptées au temps de réponse biologique, particulièrement court chez les bactéries. - Garantir l’accès aux plates-formes technologiques des ‘OMICS’ et augmenter leur lisibilité à l’échelle nationale 4. Développer la modélisation en biodiversité. L’axe 1 de l’IFB formule cette priorité comme suit : « A l’image de ce qui s’est déroulé dans l’évaluation du changement climatique, ce sont les possibilités de simulation et d’évaluation de différents scénarii qui ont permis au GIEC d’enrichir les prises de décision. Ceci passe par des plateformes de modélisation opérationnelle. Le principal objectif de la stratégie est bien d’atteindre des capacités de simulation d’évolution de la biodiversité au moyen des outils de modélisation. o o o Enrichir la prise de décisions à partir de scénarios Intégrer les impacts dans une modélisation prédictive afin d’obtenir des projections plus fiables Cibler des questions prioritaires : Méditerranée, laboratoire hyper-mixte du Muséum » A objectif louable, difficultés majeures. Le déficit de connaissances apparaît tel aujourd’hui en microbiologie marine, que sauf cas particulier en milieu confiné, il est encore impossible d’élaborer un modèle prédictif d’évolution de la diversité microbienne en réponse à une variation complexe ce l’environnement. Une première approche ponctuelle pour aborder cette question pourrait reposer sur l’usage de bioréacteurs et/ou de mésocosmes. 12 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Scénarios Ifremer pour un futur ? Au delà des nécessaires améliorations de fonctionnement interne à la communauté des chercheurs travaillant sur le biodiversité (œuvrer à une meilleure intégration de la microbiologie dans un ensemble pluridisciplinaire entre géochimie/géologie et biologie, développer les interactions entre les équipes travaillant sur un même milieu, créer des interactions entre les équipes de microbiologie travaillant sur des milieux différents, etc.,…), la capacité à élaborer des scénarios crédibles repose sur l’évaluation de la part relative de moyens propres sur programmes récurrents par rapport aux moyens issus de réponses aux appels d’offre. L’ampleur de la tâche fait que le développement d’une capacité à modéliser de manière prédictive l’évolution des compartiments microbiens des principaux types d’habitats en milieu marin est une entreprise dont le pas de temps est de l’ordre d’une ou deux générations humaines. Pas de celles réductibles à un appel d’offre. On opposera ici classiquement tactique et stratégie (autrement dit, les organismes de recherche ont-ils encore les moyens d’une stratégie ?) En conséquence pour peser sur les développements scientifiques futurs dans ce domaine convient-il : - de maintenir une capacité de programmation propre hors appel d’offres (quels que soient les opérateurs, Ifremer, CNRS, Universités ; cf. MPI-MM) ; de maintenir au plus haut niveau international la capacité de développement et d’opération de la flotte océanologique ; de dégager les moyens d’accès aux plates-formes technologiques (-OMICS) dont les coûts sont très élevés ; de maintenir et développer les réseaux d’observation, avec un pas de temps compatible avec les phénomènes à observer. Références 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. Amann, R. I., W. Ludwig, and K.-H. Schleifer. 1995. Phylogenetic identification and in situ detection of individual microbial cells without cultivation. Microbiological Reviews 59:143-169. Angly, F. E., B. Felts, M. Breitbart, P. Salamon, R. A. Edwards, C. Carlson, A. M. Chan, M. Haynes, S. Kelley, H. Liu, J. M. Mahaffy, J. E. Mueller, J. Nulton, R. Olson, R. Parsons, S. Rayhawk, C. A. Suttle, and F. Rohwer. 2006. The marine viromes of four oceanic regions. PLoS Biol 4:e368. Curtis, T. P., and W. T. Sloan. 2005. Microbiology. Exploring microbial diversity--a vast below. Science 309:1331-3. Gans, J., M. Wolinsky, and J. Dunbar. 2005. Computational improvements reveal great bacterial diversity and high metal toxicity in soil. Science 309:1387-90. Gibson, D. G., G. A. Benders, C. Andrews-Pfannkoch, E. A. Denisova, H. Baden-Tillson, J. Zaveri, T. B. Stockwell, A. Brownley, D. W. Thomas, M. A. Algire, C. Merryman, L. Young, V. N. Noskov, J. I. Glass, J. C. Venter, C. A. Hutchison, 3rd, and H. O. Smith. 2008. Complete Chemical Synthesis, Assembly, and Cloning of a Mycoplasma genitalium Genome. Science. Koeppel, A., E. B. Perry, J. Sikorski, D. Krizanc, A. Warner, D. M. Ward, A. P. Rooney, E. Brambilla, N. Connor, R. M. Ratcliff, E. Nevo, and F. M. Cohan. 2008. Identifying the fundamental units of bacterial diversity: A paradigm shift to incorporate ecology into bacterial systematics. Proc Natl Acad Sci U S A. Koonin, E. V., and V. V. Dolja. 2006. Evolution of complexity in the viral world: the dawn of a new vision. Virus Res 117:1-4. Marcy, Y., C. Ouverney, E. M. Bik, T. Lösekann, N. Ivanova, H. G. Martin, E. Szeto, D. Platt, P. Hugenholtz, D. A. Relman, and S. R. Quake. 2007. Dissecting biological "dark matter" with single-cell genetic analysis of rare and uncultivated TM7 microbes from the human mouth. Proc Natl Acad Sci U S A 104:11889-94. Roesch, L. F., R. R. Fulthorpe, A. Riva, G. Casella, A. K. Hadwin, A. D. Kent, S. H. Daroub, F. A. Camargo, W. G. Farmerie, and E. W. Triplett. 2007. Pyrosequencing enumerates and contrasts soil microbial diversity. Isme J 1:283-90. Sogin, M. L., H. G. Morrison, J. A. Huber, W. D. Mark, S. M. Huse, P. R. Neal, J. M. Arrieta, and G. J. Herndl. 2006. Microbial diversity in the deep sea and the underexplored "rare biosphere". Proc Natl Acad Sci U S A 103:12115-20. Venter, J. C., K. Remington, J. F. Heidelberg, A. L. Halpern, D. Rusch, J. A. Eisen, D. Wu, I. Paulsen, K. E. Nelson, W. Nelson, D. E. Fouts, S. Levy, A. H. Knap, M. W. Lomas, K. Nealson, O. White, J. Peterson, J. Hoffman, R. Parsons, H. Baden-Tillson, C. Pfannkoch, Y. H. Rogers, and H. O. Smith. 2004. Environmental genome shotgun sequencing of the Sargasso Sea. Science 304:66-74. Woese, C. R., and G. E. Fox. 1977. Phylogenetic structure of the prokaryotique domain : the primary kingdoms. Proc. Natl. Acad. Sci. U.S.A. 74:5088-5090. 13 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Cartographie des habitats J. Populus1, J.F. Bourillet1, D. Desbruyères1 et S. Sartoretto2 1 2 Ifremer Brest, Ifremer Toulon Portée sémantique et physiographique La portée de ce document concerne les habitats marins benthiques côtiers et profonds. Le secteur pélagique encore peu développé n’est pas abordé ici, mais il devra venir s’associer aux habitats benthiques afin que soit pris en compte l’ensemble de l’écosystème marin. Rappelons qu’un habitat est « un ensemble de paramètres physiques et environnementaux qui soutiennent une biocénose donnée, ainsi que la biocénose elle-même ». On peut aussi parler de cartographie d’espèces, mais il s’agira plutôt d’espèces mobiles, par opposition aux espèces sessiles qui font en général l’objet de dénombrements sur des stations mais rarement de cartographies. Sont concernés en premier lieu les poissons, mammifères et oiseaux, dont la cartographie est assez couramment pratiquée. Interrogation n°1 : La limitation physiographique d e cette prospective est en soi une question : doit elle inclure l’ensemble des océans puisqu’à priori la biodiversité n’a pas de frontières ? Doit elle être limitée au large par une quelconque frontière (ZEE par exemple) ? Les zones les plus sensibles pour le développement de la vie (zone de frayères côtières) comme les zones les plus impactées par les activités humaines doivent aussi être incluses. La cartographie des habitats marins résulte idéalement de l’interprétation combinée de levés couvrant une large partie du fond de la mer, levés de la profondeur (bathymétrie) ainsi que des faciès (imagerie du fond), accompagnés d’observations rapprochées (vidéo, photo, observation visuelle) et de prélèvements de matière (sédimentaires et biologique). L’ensemble de ces levés est utilisé à des fins d’interprétation dont le résultat est une carte. Cependant, dans bien des cas les levés sont trop onéreux et une voie « prédictive » tend à suppléer la voie interprétative. Elle s’appuie sur un ensemble de données environnementales de type géophysique (dans l’ordre d’importance décroissante : nature du fond, topographie, turbulence, puis selon les cas lumière, température, salinité pour les principaux) qui permettent peu ou prou d’inférer la présence de certains habitats dont les preferenda sont connus. Remarquons d’emblée que cette modélisation ne peut faire l’économie des deux premières variables qui donnent la connaissance bathy-morphologique du fond. Interrogation n°2 : Ce dernier paragraphe est en lu i-même une question prospective : Jusqu’à quel point la modélisation peut-elle suppléer à la cartographie? La modélisation ne modélise que ce qu’on lui demande de modéliser et par exemple elle serait passée à côté des écosystèmes chimiosynthétiques au niveau des sources hydrothermales des dorsales (il y a 40 ans) ou des sorties de fluides riches en méthane sur la pente continentale (il y a 10 ans) si les géologues ne les avaient pas cartographiés et si les biologistes ne les avaient pas échantillonnés, c'est-à-dire qu’on aurait obtenu l’inverse de l’esprit de cette prospective qui est de montrer la biodiversité et la protéger. 14 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Contexte international et européen L’utilisation de ces cartographies est de plus en plus large : on peut citer la pêche et la recherche halieutique, l’aménagement (génie civil, énergies nouvelles, extraction de granulats, rejets de dragage), la protection de l’environnement avec notamment les aires marines protégées de divers types. Le plus important, c’est qu’elles nous renseignent sur la distribution spatiale des écosystèmes, leur importance et leur vulnérabilité, aident à la protection des habitats rares, sensibles et menacés et au ciblage des efforts de surveillance. Au plan réglementaire, la mise en œuvre de politiques internationales exige de plus en plus une information cartographique sur les habitats. Mentionnons entre autres la directive 92/43/CEE concernant les habitats naturels (1992) ; la directive-cadre 2000/60/CE dans le domaine de l’eau (2000) ; la stratégie Diversité biologique et écosystèmes de la Commission OSPAR (2003) ; le Livre vert de 2006 pour une politique maritime de l’Union européenne ; la proposition de directive Stratégie marine de la Commission européenne (2007-2008). Plusieurs groupes de travail guident ces travaux : le CIEM (WGMHM ou groupe de cartographie), les conventions Ospar (groupe MASH), Helcom et de Barcelone pour respectivement l’Atlantique NordEst, la Baltique et la Méditerranée. De nombreux projets de cartographie des habitats marins sont en cours ou viennent de se terminer : Mesh, Balance, Hermes, le projet EEA/Niva ou sont à venir comme les coraux d’eaux froides dans le projet européen CoralFISH. La Convention de Barcelone et ses protocoles constituent le cadre juridique du Plan d’Action pour la Méditerranée (PAM/PNUE) qui a travaillé sur l’élaboration d’outils d’aide à l’inventaires des « habitats/biocénoses » remarquables : manuel d’interprétation basé sur les classification Natura 2000 et Formulaire Standard de Données (FSD). La CIESM, basé à Monaco, regroupe 23 états membres. Dans le cadre de ces activités, elle soutient les travaux scientifiques relatifs à la connaissance de la biodiversité marine en Méditerranée. La physionomie du patrimoine cartographique est assez différente suivant les pays. Certains pays Européens (UK, DK, NL), ainsi que l’Australie disposent de cartographies relativement détaillées à la côte, d’autres lancent d’ambitieux projets de cartographie morpho-sédimentaire de l’ensemble de leur ZEE (Irlande). La France possède pour sa part une certaine couverture de cartes d’habitats à moyenne échelle de son secteur côtier (jusqu’au circalittoral, soit une profondeur en général inférieure à 80m), soutenue par des cartes sédimentaires à échelle très globale mais la zone très côtière de même que celle du profond sont cruellement vides et un effort très important est à faire pour respecter les conventions dont nous sommes signataires (Ospar, Natura 2000, DCE). Contexte national La France dispose du second domaine maritime mondial avec un peu plus de 10 millions de km² dont 0,4 pour la métropole. La cartographie des habitats nécessite des cartes à des échelles fines (du 1/50.000 au 1/10000) qui sont quasi-inexistantes. Le rapport du Groupe POSEIDON « Une ambition maritime pour la France » de l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Stratégiques (http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/064000881/index.shtml) pointe ce manque flagrant de connaissance en plaçant la connaissance du milieu comme un des deux champs d’action préalables à renforcer. Le constat est simple : on ne peut pas gérer des écosystèmes si on ne les connaît pas. 1) Cartographie des habitats Dans la zone côtière le réseau Rebent, lancé opérationnellement en Bretagne il y a 5 ans (2003) peine à s’étendre aux autres façades. La DCE y supplée pour une part puisqu’elle a adopté certains suivis cartographiques objets du Rebent, à savoir algues intertidales (fucales), herbiers et maërl. Quant aux cartographies d’inventaire dites sectorielles (visant à couvrir de manière exhaustive des échantillons de surface représentant environ 10% de la surface totale), elles sont très lourdes en termes de moyens et leur calendrier d’achèvement s’en ressent. Seulement trois cartes sont totalement achevées et mises à disposition sur l’internet. Il est par conséquent envisagé de redéfinir les contours (tant géographiques que de niveau de détail) pour le Rebent sectoriel breton puis de faire profiter les autres façades de cette réflexion. Le Rebent utilise la typologie Eunis, largement adoptée au niveau européen, ce qui permet d’obtenir des cartes directement compatibles avec celles de nos voisins et intégrables à la politique européenne. Des cartographies sont réalisées pour Natura 2000 sous l’égide du Medad. Elles ont des enveloppes proches de celles du Rebent, mais utilisent une autre classification (Cahiers d’habitats). 15 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Des cartographies sont aussi réalisées à divers titres en dehors de ces cadres, dont certaines auront vocation à être rassemblées et optimisées au sein d’un réseau tel que Rebent. On peut citer les cartes de sensibilité écologique aux pollutions par hydrocarbures qui font en général l’objet de démarches départementales isolées. En zone côtière, malgré la synergie croissante entre le Rebent coordonné par l’Ifremer (qui pour l’instant est loin d’être « national ») et la démarche Natura 2000 menée par le Medad, les ressources financières et humaines demeurent largement insuffisantes et il est fortement probable que les engagements européens de la France ne seront pas tenus. Dans le domaine profond la recherche benthique n’a pas privilégié ces dernières années les activités de description de la biodiversité (dont la faunistique et la biocénotique) et la recherche systématique de nouveaux paysages ou écosystèmes a été mal considérée dans les commissions thématiques nationales. Les besoins sociétaux centrés sur la problématique de l’environnement nous interpellent aujourd’hui sur le recensement et la cartographie (évaluation des surfaces) des différents habitats/biotopes profonds à des fins de gestion et de protection dans la ZEE française, mais aussi dans d’autres zones géographiques. Un effort vis-à-vis des coraux profonds est actuellement engagé dans le cadre de la définition des aires marines protégées (Agence des AMP), et dans le programme européen CoralFish. L’estimation de la rareté d’un habitat est la première étape à prendre en considération ; elle doit être suivie par une étude de génétique de population permettant de connaître les limites des populations à protéger et les échanges génétiques possibles entre populations. Cette demande nouvelle en domaine profond pose de nombreuses questions : (1) au niveau de la recherche technique car l’approche n’est pas triviale et nécessite des développements au niveau de l’imagerie (ultrasonore et optique) et de son traitement (techniques rapides d’identification des paysages, localisation de venues de fluides géochimiques, …), (2) au niveau stratégique en fonction des ressources humaines disponibles, des financements (en particulier des moyens à la mer) vis-à-vis de la pression de la demande sociétale. Quelles sont nos priorités, doit-on cibler des environnements spécifiques ou cartographier à grande maille l’ensemble du domaine et doit-on se limiter à la ZEE française – et à son extension ? Pour la cas spécifique de la Méditerranée les lacunes relèvent à la fois de la méconnaissance de la distribution globale des habitats en zone côtière (au sens large du terme) et de l’hétérogénéité des données existantes. Les cartographies réalisées jusqu’à présent ont été principalement impulsées par la production de DOCOB de zones Natura 2000 jusqu’à une profondeur de 50 m (posidonies et sommet du coralligène). Les fonds s’étendant au-delà de 50 m sont très mal connus et si la production de cartographie bathymétrique permet d’apporter de précieuses informations sur la distribution probable des fonds de substrat dur (très importants en Méditerranée), un problème demeure concernant l’identification de la nature de ces fonds (entre 30 et 100m) : roche ou bioconcrétionnement. Certaines zones (Corse, Var, région niçoise) présentent une étroitesse du plateau continental comportant un ensemble de biotopes et de biocénoses s’étendant du médiolittoral à l’étage bathyal, difficile à appréhender dans le cadre d’une cartographie et nécessitant des moyens à la mer dépassant ceux habituellement mis en œuvre dans les cartographies Natura 2000. La bande la plus superficielle, entre 0 et 10 à 15 m présente également de nombreux vides, là encore concernant les substrats rocheux (nombreuses grottes, notamment dans les terrains karstiques provençaux, zones d’éboulis,…). La connaissance des fonds de substrats meubles (typologie et biocénoses) est globalement parcellaire ou tout au moins très ancienne. La Méditerranée n’est pas en meilleure posture que la façade atlantique. Aux lacunes générales citées plus haut, elle ajoute des particularités qui en rendent la cartographie difficile : grande abondance de zones rocheuses, zone côtière souvent réduite et pentes très fortes vers le domaine profond. 16 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 2) Cartographie morpho-sédimentaire Dans le secteur côtier intertidal et subtidal proche, il existe d’énormes lacunes de connaissance tant de la bathymétrie que des faciès, tout particulièrement sur les sites rocheux. On parle souvent du « ruban blanc ». Pour le plateau continental métropolitain, seuls des documents anciens à petite échelle (1/500.000 ou 1/250.000) publiés par l’Ifremer et le BRGM existent. Le SHOM fournit des cartes de lithologie des fonds pour les eaux territoriales (cartes G). Des documents ponctuels à l’échelle d’une baie, d’un estuaire existent le long de la côte (atlas et documents Ifremer Dyneco et GM – catalogue disponible). Sur la pente continentale et le glacis, le programme national « Décennie d’exploration de la ZEE » a acquis des données de bases (bathymétrie et imagerie) pour la France métropolitaine mais sans aller jusqu’à des produits élaborés (cartes sédimentaires). Il y a donc sur le plateau continental un manque criant d’une cartographie moderne. Bilan des documents existants Il serait difficile dans un délai court de produire un état des documents existants. Le projet Mesh avait inscrit dans ses tâches initiales en 2006 une revue des méthodes mais aussi des guides de cartographie existants, dont nous reproduisons quelques éléments ci-dessous (http://www.searchmesh.net/default.aspx?page=1443). Cette synthèse donne un panorama des méthodes de levés, pour bon nombre développées par les secteurs de l’hydrographie et l’ingénierie côtière, aujourd’hui devenues courantes en cartographie des habitats. Tout récemment a paru dans le même cadre du projet Mesh le Guide de cartographie des habitats marins (http://www.jncc.gov.uk/marine/mesh/) mais tout cela est essentiellement limité à la zone côtière. On peut citer aussi les sources suivantes : http://www.coastal.crc.org.au/cwhm : Australie http://www.gulfofmaine.org/gommi/ : NOAA http://sh.nefsc.noaa.gov/gommi : NOAA http://www.utas.edu.au/tafi/seamap/index.htm : Tasmania Fisheries Institute http://gom.nrcan.gc.ca/benthic/ : Natural resources ministry - Canada http://www.csc.noaa.gov/benthic/ : NOAA http://seafloor.csumb.edu/taskforce/ : NOAA and State of California http://www.rac-spa.org/carasp.php : CAR/ASP Tunis Et les ouvrages suivants: CCW Handbook for Marine Intertidal Phase 1 Survey and Mapping – UK Synthèse critique des outils de télédétection appliqués à la cartographie des habitats en domaine côtier. Service hydrographique du Canada. 2006. Technical guidance for data developers working to produce digital spatial data on benthic habitat. (Finkbeiner et al., 2001). Tools and techniques for the acquisition of estuarine benthic habitat data. NOAA/CRC 2003. Bellan-Santini D., et al, 2002. Manuel d’interprétation des types d’habitats marins pour la sélection des sites à inclure dans les inventaires nationaux de sites naturels d’intérêt pour la conservation. CAR/ASP edit., PNUE publ., 225pp. CAR/ASP, 2002. Formulaire Standard des Données (FSD) pour les inventaires nationaux de sites d’intérêt pour la conservation. CAR/ASP edit., PNUE publ., 53pp + annexes Lacunes et pistes nouvelles Pour étudier des écosystèmes, il faut savoir où ils se trouvent. Le moyen le plus efficace est de procéder en deux temps par un levé d’information de référence (bathymétrie et nature des fonds) par moyens acoustiques ou optiques puis un levé spécifique aux habitats guidé par la phase précédente. Optimisation des levés acoustiques en appui aux habitats L’approche optimale des levés pour la cartographie des habitats est de couvrir le territoire par télédétection (au sens large, acoustique comme optique à l’aide de sondeurs, sonar ou lidar) afin de segmenter le territoire en types de terrain, dont chacun peut ensuite être ciblé afin que l’échantillonnage réalisé sur le terrain soit représentatif. La combinaison dans cet ordre des deux types de levés s’avère l’option la moins coûteuse pour obtenir des cartes donnant de l’information physique et biologique sur les habitats. 17 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Recommandation n°1 : si l’on a l’intention de faire quelque inventaire que ce soit de la biodiversité, il est indispensable d’avoir une connaissance de la bathymétrie et de la composition et de l’épaisseur du substrat du fond de la mer. La bathymétrie très côtière fait l’objet en France d’attentions particulières, objet du projet conjoint SHOM/IGN Litto3D (levé très fin et dense en-deça de 10 mètres de profondeur), cependant que le SHOM a libéré récemment ses fichiers de sondes, autorisant la confection de modèles numériques de terrain assez fins sur l’emprise de ces fichiers. Sur le plateau continental et la ZEE le SHOM et l’Ifremer tentent de monter un programme commun de cartographie afin de fournir une information de référence. Ces données sont également utiles pour d’autres enjeux comme les ressources minérales et énergétiques, la vulnérabilité aux risques naturels etc.,… La durée pour le levé systématique du plateau Manche-Atlantique est estimée à plusieurs dizaines d’années. Il s’agit donc d’un projet ambitieux et long à l’image de l’effort réalisé par l’armée au XIX pour les cartes d’État-Major (267 cartes au 1/80.000 entre 1818 et 1881. Compte tenu de l’ampleur du projet, il convient de sélectionner des zones prioritaires. (cf. Groupe sectoriel « Évolution d’Extraplac ») L’investigation du secteur des faibles fonds, situé dans une bande de profondeur d’une vingtaine de mètres, pose des problèmes plus aigus encore, du fait de la perte d’efficacité des engins acoustiques qui vient s’ajouter aux risques de navigation pour les petites embarcations. Les levés aériens, notamment la filière Lidar, sont à développer. Outre la capacité du Lidar aujourd’hui maîtrisée à mesurer la bathymétrie en eau relativement claire, des recherches doivent être poursuivies dans sa capacité à identifier les types de fond par traitement du signal rétrodiffusé. Il y a là l’enjeu de s’affranchir pour partie des contraintes liées aux missions en mer très côtière. Recommandation n°2 : Encourager le groupement Litto 3D par une synergie accrue (maîtrise d’ouvrage associée) permettant d’optimiser les opérations de levés bathymétriques ; Encourager le financement de l’achèvement de la couverture des côtes françaises par une cartographie de type « G » du SHOM. Travailler sur la complémentarité des levés acoustiques et optiques et notamment faire progresser les recherches sur l’imagerie laser pour la reconnaissance des fonds, offrant ainsi une alternative à l’acoustique en mer très côtière. Prédiction d’habitats Même si l’on pouvait réaliser des levés exhaustifs tels que recommandés ci-dessus, il serait illusoire, pour des raisons de coûts, de penser pouvoir couvrir par échantillonnage biologique la totalité du fond de la mer, comme l’exigerait un suivi de l’ensemble des habitats et partant, de la biodiversité associée. Deux voies complémentaires peuvent réduire l’ampleur d’une telle tâche tout en conservant la possibilité d’estimer des évolutions surfaciques représentatives : a) un sous-échantillonnage « sectoriel » par lequel une cartographie holistique et détaillée est faite sur quelques sites choisis pour leur représentativité (transition bio-géographique, dominance de biotopes particuliers, hétérogénéité), b) un sous-échantillonnage par habitats prioritaires ou menacés, tels que généralement reconnus par certains groupes ou conventions internationaux (par exemples les 14 habitats benthiques prioritaires d’Ospar). Mais cette approche part du postulat que les biotopes sont connus. L’histoire des découvertes marines de ces 50 dernières années montre qu’on en est loin : qui aurait dit que des huîtres géantes existaient dans la pente continentale au large de la Bretagne avant que des chercheurs belges ne les découvrent en … 2006 ! C’est en se fondant sur ces deux approches complémentaires que le réseau Rebent a procédé jusqu’ici sur son domaine d’intervention, à savoir le domaine côtier proche. Le sous-échantillonnage sectoriel doit être effectué de manière à bien représenter tous les compartiments des habitats, et être accompagné d’une méthodologie de mise à jour avec une fréquence à définir (fixée à 6 ans dans le cahier des charges du Rebent). Il ne pose pas de difficulté particulière sinon un manque de ressources humaines déjà évoquées. 18 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 La cartographie des habitats prioritaires est une tache difficile, surtout pour le secteur subtidal où ces habitats ne sont pas apparents. Bon nombre de gisements d’habitats ont été appréhendés par hasard. Il en est ainsi du maërl dont on ne peut pas dire aujourd’hui quelle proportion de l’habitat total nous est connue. Le recours à des levés exhaustifs n’étant pas envisageable, il convient d’orienter les levés vers des zones probables qu’on peut déterminer par une cartographie prédictive, allégeant ainsi les opérations de terrain. La prédiction est basée sur des variables mentionnées plus haut, qui aujourd’hui deviennent plus couramment disponibles mais dont il faut encourager la mesure et la mise à disposition. Ceci est encore plus vrai dans le domaine profond où la chance de découvrir des structures de taille réduite est très faible (par exemple les coraux profonds), à moins qu’un traitement prédictif établi à partir des quelques observations disponibles permette de l’augmenter. Recommandation n°3 : Afin de faire avancer la modél isation prédictive des habitats benthiques, parallèlement aux méthodes, il est nécessaire de faire progresser l’acquisition de variables géophysiques/environnementales de base qui conditionnent les habitats : outre profondeur et faciès déjà mentionnés, il s’agit principalement de la turbulence au fond (houle et courants), de la lumière et de la température. Optimisation du travail biologique L’interprétation combinée de couches physiques issues de la télédétection et de résultats de prélèvements biologiques (endofaune, épifaune) n’est pas sans poser de difficultés, ce qui a été confirmé par les résultats du projet Mesh : difficulté de positionner de manière optimale les stations de prélèvement, de valider une interprétation à base de variables physiques par des échantillons biologiques, difficulté d’affecter le résultat d’un tri biologique à un habitat de la classification Eunis. Ceci est compliqué par le fait que les typologies (notamment Eunis) n’ont pas été construites en fonction de ce que révèle la vision éloignée propre à la télédétection. Ceci pourrait amener d’une part à refonder les typologies, d’autre part à remettre en cause ou du moins adapter les méthodes de prélèvement. Dans tous les cas, et même s’il est capital de conserver les nomenclatures des auteurs avec toute leur richesse, disposer d’une typologie telle qu’Eunis partagée par plusieurs pays est un atout pour le travail en coopération et les synthèses qu’il convient de conserver. Recommandation n°4 : Il est important de participer aux groupes de travail européens afin de continuer à faire évoluer la typologie commune Eunis et la rendre compatible avec les moyens modernes de levé des habitats. Les outils de passage entre les résultats de tri stationnel et la typologie Eunis doivent aussi être améliorés. Alors même que les codifications EUNIS, CORINE et EUR définissent un cortège « d’habitats » et « d’espèces » à cartographier ou recenser, nous manquons de gens capables de le faire. Pour atteindre ces objectifs, il convient de freiner la disparition dramatique des systématiciens et notamment des naturalistes de terrain, de se fixer un calendrier de formation et de recrutement au niveau des différents instituts avec une mutualisation des ressources humaines entre organismes, par façade par exemple. 19 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Séries temporelles et observatoires P. Le Mao, Ifremer Saint-Malo Périmètre du sujet Les écosystèmes côtiers et hauturiers, soumis aux fluctuations naturelles ou générées par les activités humaines, intègrent les caractéristiques écologiques locales et constituent des témoins permanents de l’état de l’environnement. Le changement climatique, l’introduction d’espèces invasives et les diverses pressions anthropiques accidentelles ou programmées peuvent être à l’origine d’importantes modifications de la biodiversité marine. D’une façon générale, la fréquence et l’amplitude accrues des événements (anomalies) hydrobiologiques affectant le littoral montrent que celui ci peut constituer un observatoire privilégié (car amplificateur) du changement global, y compris en tant que reflet de l’impact de ce dernier sur les bassins versants. La capacité à dégager des visions synoptiques interprétables à l’échelle nationale (synthèses, pronostics territoriaux) constitue donc un challenge important ; en cela, les données de la surveillance représentent un descripteur inégalé de l’évolution naturelle des écosystèmes côtiers (Houdart, 2005). La surveillance de la biodiversité passe par l’acquisition continue de séries temporelles à plusieurs niveaux de définition de cette biodiversité (habitats, biocénoses, populations, …), pour observer d’éventuelles évolutions. Chaque niveau ayant sa pertinence à des pas de temps adaptés (cf. les exemples en annexe). On peut diviser l’acquisition de séries temporelles en deux parties (BELIAEFF, 2007) : - la surveillance proprement dite correspondant à la « surveillance continue » (monitoring), et souvent liée à des exigences réglementaires. Si l’on reprend la définition de la « surveillance continue » produite par la convention OSPAR et reprise par JOANNY (1997), il s’agit de la mesure répétée de la qualité du milieu marin et de chacun de ses compartiments (eau, sédiments et milieu vivant), en lien avec les activités ou des apports naturels ou anthropiques susceptible d’influer sur cette qualité. l’observation correspondant à des objectifs de connaissance scientifique en lien avec la recherche, ce qui est très explicite dans l’intitulé Observatoires Régionaux de Recherche (ORE) de l’INSUE A l’expérience, les frontières sont très floues entre les deux parties, la surveillance institutionnelle bien conçue générant de façon naturelle des séries d’intérêt patrimonial servant à la recherche ainsi que l’on a pu le constater avec les résultats du réseau REPHY par exemple (GAILHARD, 2002). Evolution du contexte de la société et réglementaire La surveillance de la biodiversité phytoplanctonique est assurée au sein du Réseau national de Surveillance du Phytoplancton et des Phycotoxines (REPHY) dont les missions sont multiples mais où les acquisitions de séries temporelles en biodiversité tiennent une place importante, confortées par la mise en œuvre de la DCE. La surveillance de la biodiversité benthique relevait jusqu’à présent d’opportunités locales : présence de stations marines ou d’observatoire du type OSU, financements plus ou moins pérennes (RNO en baie de Morlaix, IGA près des pompages et exutoires des centrales nucléaires littorales, …). L’échelle d’acquisition de données fut largement accrue et structurée avec le lancement du REBENT Bretagne sous la coordination de Brigitte GUILLAUMONT au début des années 2000. Il lui manquait une dimension nationale que les obligations réglementaires (DCE et Natura 2000, entre autres) imposent. L’IFREMER s’est structuré en donnant au REBENT une vocation nationale, à la fois institutionnelle (maîtrise d’œuvre de la partie marine de la DCE) et patrimoniale (contribution aux cartographies d’habitats Natura 2000). Cette approche est également d’intérêt pour l'INSU pour la mise en œuvre de suivis benthiques à long terme dans le cadre de SOMLIT. 20 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 De même, la mise en place au niveau régional PACA de la démarche OCEANOMED et du programme BD_MED engagé en 2006 par l’UMR-DIMAR (CNRS, Centre d’Océanologie de Marseille) a une ambition de suivi à long terme. Des séries de données biologiques (espèces halieutiques et macro-épibenthiques associées) sont également acquises lors des suivis halieutiques et constituent des séries temporelles de grande importance. Les principaux éléments du contexte réglementaire actuel sont : - la Directive Cadre sur l’Eau : l’IFREMER assure la maîtrise d’œuvre des suivis réalisés en milieu marin dans le cadre de cette directive, qu’il s’agisse du pélagos ou du benthos. Des suivis stationnels du phytoplancton et du benthos dans ses multiples composantes sont assurés sur l’ensemble du territoire métropolitain. Des suivis sectoriels des superficies d’habitats remarquables sont également réalisés (Herbiers à zostères, bancs de maërl, ceintures algales intertidales…). - Natura 2000 : cette directive exige des états membres une cartographie tous les 6 ans de l’ensemble des habitats d’intérêt communautaire présents sur les sites désignés, ainsi qu’une évaluation de leur état de conservation. - Conventions des mers régionales (OSPAR et Barcelone pour la France métropolitaine) : la France s’est engagée à fournir à la convention OSPAR une cartographie des 13 habitats prioritaires reconnus par cette convention, à l’échelle de notre ZEE (habitats côtiers et habitats profonds). L’IFREMER a récemment répondu à une demande du MEDAD pour une première fourniture de données (POPULUS, 2007) Evolution du contexte réglementaire : - la SME : dans les considération de la SME figure le texte suivant : « Le milieu marin est un patrimoine précieux qu'il convient de protéger, de préserver et, lorsque cela est réalisable, de remettre en état, l'objectif final étant de maintenir la diversité biologique et de préserver la diversité et le dynamisme des océans et des mers et d'en garantir la propreté, le bon état sanitaire et la productivité. À cet égard, la présente directive devrait promouvoir l'intégration des préoccupations environnementales au sein de toutes les politiques concernées et constituer le pilier environnemental de la future politique maritime de l'Union européenne. » La directive se place dans une stratégie globale de préservation des écosystèmes marins à l’échelle des ZEE des différents pays de la communauté et entraîne un changement drastique d’échelle, en déplaçant la notion de surveillance vers le large, bien au delà du champ d’application traditionnel de la surveillance en eaux côtières, même si les stratégies de surveillance ne sont pas encore arrêtées. En tout état de cause, la SME devrait s’appuyer fortement sur les conventions des mers régionales. - Aires marines protégées hors juridiction nationale : dans le cadre de la convention OSPAR, une réflexion est en cours sur l’élaboration, le suivi et la gouvernance d’aires marines protégées hors juridiction nationale (rift médio-atlantique) Concernant les biocénoses benthiques, le découpage « côtier » vs « profond » actuellement en cours à l’IFREMER devrait donc, à terme, évoluer vers une stratégie commune de suivi et surveillance à l’échelle globale même si on ne peut oublier les différences majeures de stratégies de surveillance ou d’acquisition de connaissances à mettre en œuvre sur un tel gradient bathymétrique. Par ailleurs de nouvelles contraintes réglementaires et demandes « sociétales » (de la part des gestionnaires du milieu marin) apparaissent pour les années à venir (SME, SCOT, plans de gestions de la bande côtière). De nouveaux indicateurs sont nécessaire pour des suivis des communautés/écosystèmes mal connus d’un point de vue fonctionnel en particulier les substrats durs : roche infralittorale et fonds coralligènes. Ce peut être aussi le cas pour les habitats profonds et des substrats meubles mal connus et fortement impactés par les activités de chalutage et potentiellement menacés par l’extension des émissaires. En particulier pour le secteur méditerranéen, les collaborations internationales structurées à l’échelle du bassin méditerranéen (ou tout au moins d’une partie (occidentale ou orientale)) sont nécessaires pour la mise en place de séries à long terme sur des biocénoses communes, sur une même période de temps. 21 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Ce point est important pour comprendre l’évolution spatiale et temporelle des communautés dans une mer fermée, face aux problèmes posées par le changement global ou l’extension de migrants lessepsiens par exemple. Dans ce cadre, un renforcement des collaborations scientifiques avec les pays de la rive sud de la Méditerranée (Maroc, Algérie, Tunisie – via la CAR/ASP par exemple ?) est à envisagée. La récente création (2006) de l’Agence des Aires Marines Protégées montre le souci gouvernemental de protéger et gérer la biodiversité marine. Selon la loi du 14 avril 2006 portant création de cette agence, elle a vocation à appuyer l’Etat et les collectivités territoriales pour l’élaboration de stratégie de création et de gestion d’aires marines protégées. Elle doit apporter un appui technique, administratif et scientifique aux gestionnaires d’aires marines protégées, et elle peut également se voir confier la gestion directe d’aires marines. Elle fait fonction d’agence de moyens pour les parcs naturels marins. Elle contribuera également à la création d’aires marines décidées au niveau international, dans le cadre des engagements internationaux de la France en faveur de la diversité biologique marine et côtière. Bilan des documents existants Synthèse des connaissances européennes et internationales. scientifiques ou technologiques nationales, Si la France n’est encore qu’aux premiers balbutiements de la mise en oeuvre d’une surveillance continue de la biodiversité marine, tel n’est pas le cas pour d’autres pays européens et, en particulier, la Grande-Bretagne qui disposent déjà de données cohérentes sur le très long terme. Il apparaît important qu’un point précis soit fait effectué sur ce sujet pour replacer le cas français dans un contexte plus large. Ce travail conséquent nécessiterait des moyens humains clairement identifiés. Le point fort de l’Institut est de disposer de bases de données opérationnelles, performantes et interconnectées ou interconnectables (Quadrige2, SIH, BIOCEAN, …) qui pourront faciliter la colonne vertébrale de ce travail de suivi et d’observation. Identification de lacunes, de ruptures et de pistes nouvelles de recherche Le principal problème à terme est de conserver des compétences en taxonomie planctonique et benthique qui devraient s’appuyer sur l’expertise en systématique du MNHN dont c’est une des missions premières. Il faut mettre un terme rapide à la disparition des compétences en ce domaine à l’échelle nationale et redonner à ces spécialités (taxonomie et systématique) leurs lettres de noblesse. Par ailleurs, la simple application des stratégies temporelles définies réglementairement (DCE) ne permet pas l’acquisition de séries à long terme cohérentes et utilisables car le pas de temps d’acquisition est trop faible (une observation tous les trois ans). Il faut donc trouver des financements complémentaires pérennes pour compléter ces suivis institutionnels ou pour modifier les stratégies d’échantillonnages souvent minimalistes mises en œuvre en milieu marin. Ceci permet d’évoquer la question du partenariat pour les travaux de recherche scientifique dans le cadre d’une réelle coopération qui ne s’impliquera sur le long terme que si les suivis sont cohérents avec une stratégie d’acquisition de données scientifiquement intéressantes. D’une façon générale, les séries temporelles en Méditerranée, sont très ponctuelles dans le temps, l’espace et ne font l’objet d’aucune réelle coordination entre elles (ce qui empêche une vision de l’évolution d’un ensemble de communautés pour une même région littorale). Néanmoins, on note une évolution avec la mise en place au niveau régional de la démarche OCEANOMED et du programme BD_MED engagé en 2006 par l’UMR-DIMAR (CNRS, Centre d’Océanologie de Marseille). Ce programme à long terme (10-20 ans) a pour objectif d'acquérir, à travers différentes actions, la connaissance nécessaire à la conservation de la biodiversité de Méditerranée dans le contexte du changement global. Sa démarche s’établit dans un continuum qui va de l'observation et du suivi à l'expérimentation in situ et ex situ (écophysiologie, biochimie, génétique, comportement,…) pour améliorer la connaissance du fonctionnement des écosystèmes côtiers. 22 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 La mise au point de référentiels communs pour l’acquisition, le traitement et le stockage de l’ensemble des données recueillies est nécessaire pour rendre les différents suivis existants ou à venir compatibles et complémentaires. La démarche de définition de ces référentiels pour l’ensemble des besoins de la DCE entreprise dans le cadre du REBENT Bretagne sous le pilotage de Brigitte GUILLAUMONT, ainsi que celle en cours à DYNECO/AG (T. BAJJOUK) pour la cartographie Natura 2000 sur le littoral breton vont dans ce sens et pourraient devenir des référentiels nationaux partagés par tous. Recommandation de stratégies de recherche pour répondre aux questions posées (non exhaustif compte tenu du nombre limité de personnes ayant participé à cette fiche…) 1 – Amélioration des techniques Amélioration des capteurs aéroportés d’acquisition d’image (i.e. utilisation de capteurs multispectraux pour l’estran, optimisation du LIDAR… 2 – Améliorer la modélisation prédictive des habitats L’extension des démarches de suivi et d’évaluation sur le plateau continental vont nous obliger à développer d’autres outils que ceux de la prospection systématique, afin d’affiner et d’optimiser d’éventuelles stratégies de surveillance stationnelle. La modélisation prédictive des habitats est une des possibilités prometteuses. Initiée dans MESH, cette modélisation pourrait sans doute se développer selon plusieurs axes : raffinement des échelles, extension à d’autres provinces biogéographiques (sud-Gascogne et Méditerranée), amélioration de la paramétrisation pour affiner le résultat, …/… 3 - Elaborer des travaux de recherche dans le domaine du traitement statistique des séries temporelles 4 – Travailler sur la signification et l’utilité de la biodiversité Fonctionnalité des écosystèmes et biodiversité Services rendus écologiques de la biodiversité 5 – Travailler sur les indicateurs d’état et de fonctionnalité utiles aux différents gestionnaires du milieu marin, en allant au-delà des indicateurs classiques de la DCE PS : des ponts devront immanquablement être faits avec d’autres groupes de travail de la thématique biodiversité (espèces invasives, cartographie des habitats, bancarisation, …) ainsi qu’avec d’autres thématiques de la prospective (surveillance, bases de données et traitement, …) 23 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Annexe I Exemple de cartographies successives de biocénoses benthiques sur un site donné (DESROY, 1994) 1971 Cailloutis et fonds durs à épibiose sessile Sables grossiers à Spisula elliptica, S. ovalis et Saccocirrus papillocercus Sables fins à moyens propres à Nephtys cirrosa Sables fins vaseux type à Melinna palmata Sables fins vaseux appauvris à Nephtys hombergii et/ou Cerastoderma lamarckii et Scrobicularia plana 1976 1995 Fonds gravelocaillouteux et durs Sables moyens à grossiers à Amphioxus lanceolatus – Glycymeris Fractionglycymeris graveleuse et/ou pélitique Fonds gravelocaillouteux et durs Sables moyens à grossiers à Amphioxus lanceolatus – Glycymeris Fractionglycymeris graveleuse et/ou pélitique Sables fins à moyens propres à Donax variegatus – Armandia Sédiments fins à Abra alba – Corbula gibba Sédiments fins à Abra alba – Corbula gibba Fraction Fraction Exondation / Sédiments fins à Macoma balthica Dessalure Exondation / Sédiments dessalure fins à Macoma balthica Dessalure 24 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Annexe II Exemple d’évolution surfacique d’un habitat remarquable (Godet et al., sous presse) 25 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Annexe III Exemple d’évolution d’un écosystème A partir de suivis stationnels (DAUVIN et IBANEZ, 1986) 1978 79 80 81 82 Dégradation 83 84 85 Réorganisation 86 Stabilisation 26 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Aspect phytoplancton C. Belin, Ifremer Nantes Périmètre du sujet Avec le changement climatique, et les risques d’introduction d’espèces invasives pouvant conduire à un déséquilibre de l’écosystème, l’évolution spatio-temporelle des populations phytoplanctoniques en terme de biodiversité est importante à suivre de façon régulière, car les modifications peuvent être extrêmement rapides. Parmi d’autres exemples, des diatomées d’eaux chaudes ont été observées dès 2003 dans le Finistère à des concentrations supérieures à la normale (Nézan, comm. pers.) L’histoire des dernières décennies montre que les apports d’eau par les ballasts des navires, le transfert de coquillages d’un site à un autre, le réchauffement climatique ou la pollution peuvent être à l’origine d’importantes modifications de la biodiversité marine du phytoplancton. D’une façon générale, la fréquence et l’amplitude accrues des événements (anomalies) hydrobiologiques affectant le littoral montrent que celui ci peut constituer un observatoire privilégié (car amplificateur) du changement global, y compris en tant que reflet de l’impact de ce dernier sur les bassins versants. La capacité à dégager des visions synoptiques interprétables à l’échelle nationale (synthèses, pronostics territoriaux) constitue donc un challenge important ; en cela, les données de la surveillance 1 représentent un descripteur inégalé de l’évolution naturelle des écosystèmes côtiers . Contexte national L’un des deux objectifs du Réseau national de Surveillance du Phytoplancton et des Phycotoxines (REPHY) est formulé comme suit, montrant que les séries temporelles en biodiversité tiennent une place importante : • la connaissance de la biomasse chlorophyllienne, de l’abondance et de la composition du phytoplancton marin des eaux côtières et lagunaires, qui recouvre notamment celle de la distribution spatio-temporelle des différentes espèces phytoplanctoniques, le recensement des efflorescences exceptionnelles telles que les eaux colorées ou les développements d’espèces toxiques ou nuisibles susceptibles d’affecter l’écosystème, ainsi que du contexte hydrologique afférent (température, salinité, turbidité, oxygène dissous, nutriments). 2 La thèse d’Isabelle GAILHARD , avait permis de décrire les principales caractéristiques écologiques des populations phytoplanctoniques observées sur le littoral français, et d’établir une typologie géographique des communautés microalgales le long des côtes françaises. L’analyse de la dynamique des populations microphytoplanctoniques à grande échelle (l’ensemble du littoral français) avait conduit à l’identification du schéma de variabilité temporelle (intra- et inter-annuelle) et permis d’identifier les «unités taxinomiques structurantes», i.e., les plus contributives à la discrimination entre régions. Actuellement, une trentaine de sites sont toujours échantillonnés sur les différentes façades du littoral français pour l’observation de l’ensemble des espèces phytoplanctoniques, dont une partie depuis vingt ans. Une soixantaine de sites supplémentaires sont également échantillonnés pour l’observation des espèces dominantes, depuis deux ou trois ans, dans le cadre de la mise en œuvre de la DCE. Ceci représente une quantité de données sur les populations phytoplanctoniques qui est unique au monde sur les deux dernières décennies, à en juger par différents contacts dans des groupes de travail internationaux. Or ces données ne sont absolument pas exploitées à leur juste valeur, par manque de temps, de compétences, et de priorités claires. 1 extrait et adapté de « Houdart M. Prospective des laboratoires Environnement-Ressources. DOP/D n°2005-04 7, 29 septembre 2005 » 2 Gailhard I., 2003. Analyse de la variabilité spatio-temporelle des populations microalgales côtières observées par le REPHY. Thèse de Doctorat, Université de la Méditerranée, Aix-Marseille ll. 27 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Une des pistes possibles est de les mettre à disposition de la communauté scientifique : ceci est en partie fait avec la mise à disposition des données Quadrige sur le site « Environnement Littoral » de l’Ifremer, mais ne concerne pour le moment pour le phytoplancton que les espèces toxiques. Cependant les autres données sont diffusées sur simple demande, et il est clair que les demandes internes et externes sont depuis quelque temps en augmentation. Il est probable qu’un effort soit à fournir dans ce sens, afin que ces données de biodiversité soient connues le plus largement possible. Bilan des documents existants (les principaux) Gailhard I., 2003. Analyse de la variabilité spatio-temporelle des populations microalgales côtières observées par le REPHY. Thèse de Doctorat, Université de la Méditerranée, Aix-Marseille ll. http://www.ifremer.fr/envlit/pdf/theses/TheseGailhard.pdf pour un exemple d’utilisation récente des données phytoplancton toutes espèces : Belin C., Durand G., Daniel A. & Pellouin-Grouhel A, juillet 2007. DCE : indicateurs phytoplancton, chlorophylle, et hydrologie. Simulations de classement des masses d'eau. Comparaison des classements obtenus avec différents critères. 158 p. http://w3.ifremer.fr/surveillance/rephy/autresdocs.htm 28 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Espèces invasives et remédiation G. Bachelet1, N. Desroy2, D. Masson3, L. Miossec3, S. Sartoretto4 et P.G. Sauriau5 1 2 3 4 Université Bordeaux, Ifremer St-Malo, Ifremer La Tremblade, Ifremer Toulon, UMSELA – CNRS La Rochelle 5 1. Périmètre du sujet L’accroissement de l’aire de répartition naturelle d’une espèce peut résulter de deux processus : soit par diffusion ou dispersion marginale (extension d’aire de proche en proche par des mécanismes naturels, par exemple sous l’effet de changements climatiques), soit par introduction de la part de l’Homme (le plus souvent au-delà des barrières géographiques naturelles et sur de grandes distances). Par ailleurs, le caractère proliférant et envahissant de certaines espèces peut être le fait soit d’espèces introduites dans un nouvel environnement (y trouvant des conditions particulièrement favorables à leur expansion), soit d’espèces autochtones dans des cas particuliers de forte modification de l’environnement. Seuls les phénomènes de prolifération d’espèces introduites seront ici considérés. 3 Selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN 2000), une espèce introduite est "une espèce se trouvant en dehors de son aire de répartition naturelle (passée ou actuelle) et de son potentiel de dispersion (i.e. en dehors de l’aire qu’elle occupe naturellement ou ne pourrait occuper sans introduction directe ou indirecte par l’Homme), y compris toutes parties, gamètes ou propagules, qui pourraient survivre et se reproduire". Une définition plus simple et directement appliquée aux invasions biologiques en milieu marin a été donnée par le Conseil International pour l’Exploration de la Mer (ICES 2005) pour lequel le terme d’espèce introduite s’applique à "toute espèce transportée et disséminée intentionnellement ou accidentellement par le biais d’un vecteur humain dans un habitat aquatique en dehors de son aire de répartition naturelle". 4 L’appellation "espèce invasive" est souvent utilisée à tort – par abus de langage – pour désigner une espèce introduite, alors qu’elle fait en réalité appel à trois critères : (1) l’introduction par l’Homme, (2) la puissance de l’expansion dans le nouvel habitat, et (3) l’impact en terme de nuisances. Ainsi, Pascal et al. (2003), reprenant une première définition par l’IUCN (2000), définissent-ils une espèce invasive comme une "espèce qui, s’étant établie dans une nouvelle aire géographique du fait de l’activité humaine, y est un agent de perturbation et nuit à la diversité biologique". McNeely et al. (2001) ont, parmi d’autres, élargi la notion de perturbation aux impacts environnementaux et économiques. Cependant, d’autres auteurs comme Valéry et al. (2008) suggèrent un usage sensu lato de la notion d’espèce invasive en excluant le critère géographique, ce qui amène à inclure dans une telle définition les espèces autochtones proliférantes. La définition d’une espèce invasive (dite aussi envahissante) utilisée dans ce document considère toute espèce introduite (sous-entendu, par l’Homme) qui, du fait de son installation et de sa propagation dans une nouvelle aire géographique, menace les écosystèmes, les habitats ou les espèces indigènes avec des conséquences environnementales et/ou économiques et/ou sanitaires négatives. Du fait de la perception forcément a posteriori du caractère invasif d’une introduction, il apparaît nécessaire d’élargir la problématique des espèces invasives aux espèces introduites, car toute espèce introduite doit être considérée comme potentiellement invasive, jusqu’à ce que des preuves convaincantes indiquent qu’elle ne représente pas une telle menace. Le phénomène de l’introduction des espèces est très ancien. Mais celui-ci a pris ces dernières décennies des proportions énormes, du fait notamment du développement des transports, du commerce, des voyages et du tourisme. Les introductions d’espèces animales et végétales intéressent tous les écosystèmes de la planète. Elles sont considérées comme l’une des plus sérieuses menaces quant à la conservation de la biodiversité naturelle et ont été identifiées comme la deuxième cause d’appauvrissement de la biodiversité, venant immédiatement après la destruction des habitats. Dans le domaine marin, l’intensification du trafic maritime augmente inexorablement la fréquence des introductions accidentelles d’espèces exogènes, auxquelles viennent s’ajouter les introductions délibérées à des fins aquacoles. Les déplacements d’espèces se font par ailleurs sur 3 Egalement désignée dans la littérature scientifique sous les termes d’exotique, allochtone, non indigène, non native, exogène, étrangère, "alien", etc. 4 En toute rigueur, on ne devrait parler que de populations invasives et non d’espèces invasives, puisque les populations de ces espèces dans leur aire d’origine ne présentent pas de caractère invasif (Pascal et al. 2003). 29 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 des distances de plus en plus grandes, mettant en contact des entités biologiques sans aucun passé coévolutif. Les conséquences écologiques de ces introductions se mesurent du niveau des espèces à celui des écosystèmes, sans omettre les nuisances multiples qu’elles engendrent pour certaines activités humaines, qui peuvent se traduire par un préjudice économique et financier. Au plan national, l’une des invasions biologiques les plus médiatisées concernant le milieu marin est celle de l’algue verte tropicale Caulerpa taxifolia (ainsi que celle, plus récente, de C. racemosa) qui a envahi rapidement la Méditerranée en recouvrant les herbiers de posidonies (d’où son surnom d’algue "tueuse"). D’autres espèces posent de graves problèmes environnementaux et/ou économiques, tels le gastéropode Crepidula fornicata qui, en Baie de St-Brieuc par exemple, perturbe la pêcherie de coquilles Saint-Jacques, ou l’huître creuse Crassostrea gigas dont l’acclimatation a été bien entendu bénéfique en termes sociaux-économiques, mais qui prolifère actuellement de manière anarchique sur les côtes atlantiques. 2. Evolution du contexte de la société et réglementaire Sur le plan chronologique, Elton (1958) a posé les bases d’une nouvelle discipline de l’écologie en ème introduisant la notion d’écologie des invasions. Il a fallu cependant attendre la fin du XX siècle pour une prise de conscience générale d’un accroissement exacerbé du rythme d’introduction d’espèces nouvelles en liaison avec les activités humaines d’échanges commerciaux entre pays et entre continents. Dans le domaine réglementaire à l’échelon international, l’article 8(h) de la Convention sur la Diversité Biologique (CBD) engage les Etats à empêcher l’introduction, à contrôler ou à éradiquer les espèces exogènes qui menacent des écosystèmes, des habitats ou des espèces. L’Union Mondiale pour la Nature (IUCN) fournit aux législateurs nationaux des informations pratiques et des conseils pour le développement ou le renforcement du cadre légal et institutionnel concernant les espèces invasives, en accord avec l’article 8(h) de la CBD. En ce qui concerne le milieu marin, la CBD a élaboré un programme de travail sur la diversité biologique marine (actualisé en 2004), dont l’un des objectifs est d’empêcher l’introduction d’espèces invasives dans les environnements marins et côtiers et d’éradiquer autant que possible les espèces qui y auraient déjà été introduites. Diverses organisations internationales interviennent par ailleurs dans le domaine législatif, parmi lesquelles : - l’Organisation Maritime Internationale (IMO/OMI), dont le Comité pour la Protection de l’Environnement Marin a établi en 1991 un Groupe de Travail sur les Eaux de Ballast, dont les activités ont abouti à la formulation de Guidelines for the Control and Management of Ship’s Ballast Water to Minimise the Transfer of Harmful Aquatic Organisms and Pathogens (adoptés en 1993 et actualisés en 1997) et de l’International Convention for the Control and Management of Ship’s Ballast Water and Sediments (adoptée en 2004). Cette convention entrera en vigueur lorsqu’elle aura été ratifiée par 30% des pays membres, représentant 35% du tonnage enregistré, ce qui est prévu à partir de 2009. L’instrument législatif nécessaire à la ratification de cette convention par la France a été présenté au parlement (projet de loi AN 611 du 18-012008). - la FAO, qui a développé un cadre pour la gestion des espèces introduites délibérément à des fins de pêcherie et d’aquaculture, dont un Code of Conduct for Responsible Fisheries ; - le Conseil International pour l’Exploration de la Mer (ICES/CIEM), sous l’égide duquel a été rédigé un Code of Practice on the Introductions and Transfers of Marine Organisms (adopté en 1973, dernière révision en 2005). Ce code de conduite fournit un cadre pour l’évaluation des futures introductions intentionnelles et indique les procédures à suivre pour les espèces faisant l’objet de pratiques commerciales courantes. L’objectif est de limiter les introductions non souhaitées et les effets négatifs pouvant être générés par le transfert d’espèces. Diverses réglementations sont en vigueur au niveau européen : - Réglementation sur la surveillance zoosanitaire des espèces aquatiques en élevage. Une nouvelle directive (Council directive 2006/88/EC, 24-10-2006, on animal health requirements for aquaculture animals and products thereof, and on the prevention and control of certain diseases in aquatic animals) remplace les Directives 91/67 et 95/70, respectivement sur la police sanitaire régissant la mise sur le marché des produits d’aquaculture et sur le contrôle de certaines maladies de mollusques bivalves. Elle liste les maladies exotiques et non exotiques devant faire l’objet d’une surveillance. 30 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 - Réglementation sur les transferts d’espèces pour la mariculture. La directive Council regulation (EC) n° 708/2007 (11-06-2007, concerning use of ali en and locally absent species in aquaculture) définit les conditions et précautions devant être mises en place lors de l’introduction d’espèces exotiques destinées à l’aquaculture dans les eaux européennes. - La Directive Stratégie Marine Européenne (SME), adoptée le 11-12-2007, est complémentaire de la Directive Cadre sur l'Eau (DCE). Son objectif principal est de parvenir à un bon état écologique du milieu marin dans l'Union européenne à l'horizon 2020. Elle stipule entre autre que pour chaque région ou sous-région marine, les États membres procèdent à une évaluation initiale de leurs eaux marines qui tient compte des données existantes, si celles-ci sont disponibles, et comporte notamment les éléments suivants : une analyse des spécificités et caractéristiques essentielles et de l'état écologique de ces eaux, au moment de l'évaluation fondée sur les listes indicatives d'éléments figurant dans le tableau 1 de l'annexe III et couvrant les caractéristiques physiques et chimiques, les types d'habitats, les caractéristiques biologiques et l'hydromorphologie. Il est spécifié dans ce tableau un relevé détaillé de l'évolution temporelle, de l'abondance et de la répartition spatiale des espèces non indigènes, exotiques ou, le cas échéant, de formes génétiquement distinctes d'espèces indigènes présentes dans la région/sous-région marine. En France, il n’existait pas de texte réglementant l’introduction d’espèces non indigènes dans le milieu naturel avant l’adoption de la "loi Barnier" (2-02-1995). Cette loi établit maintenant des règles générales claires sur les introductions d’espèces : l’introduction volontaire, par négligence ou par imprudence d’espèces non indigènes dans le milieu naturel est interdite sauf à des fins agricoles, piscicoles, forestières encadrées. En matière d’eaux et sédiments de ballast, un article de la Loi sur l’Eau (n° 39 du 30-12-2006) interd it les déballastages dans les eaux territoriales françaises, sauf à prouver que les eaux ont été changées en haute mer ou traitées. Faute de méthodes et procédures de contrôle définies (même au plan international), il est inapplicable en l’état. 3. Evolution du contexte de la recherche nationale, européenne et internationale Au plan national, il n’existe pas actuellement de recherche coordonnée sur la problématique des espèces invasives, bien que quelques projets concernant le milieu marin soient conduits dans le cadre de programmes nationaux (PNEC-EC2CO, LITEAU) ou régionaux. Dans le cadre du programme "Invasions Biologiques" (INVABIO, 2000-2006) du Ministère chargé de l’Ecologie, seuls 3 projets sur les 30 financés concernaient le domaine marin. Sur les 15 projets retenus dans l’ANR "Biodiversité" 2005, gérée et animée par l’Institut Français de la Biodiversité (IFB), 2 étaient focalisés sur les espèces introduites, mais aucun projet financé n’a abordé exclusivement la problématique espèces introduites – espèces invasives en milieu marin. Au plan européen : - - - Programme LIFE (1992-2002). Sur les 109 projets financés, seuls 6 concernaient le milieu marin (tous ciblés sur Caulerpa taxifolia) ! Le Conseil International pour l’Exploration de la Mer (ICES/CIEM) a lancé deux groupes de travail : l’ICES Working Group on Introductions and Transfers of Marine Organisms (WGITMO) pour traiter du mouvement des espèces non-indigènes, et l’ICES/IOC/IMO Working Group on Ballast and Other Ship Vectors (WGBOSV) qui se focalise sur les déplacements d’espèces par les navires. Le projet européen IMPASSE (2006-2008) a pour objectif principal de proposer des guides de bonnes pratiques pour l’introduction des espèces exotiques en aquaculture dans les eaux européennes. Ce projet est en liaison avec le nouveau règlement européen 708/2007 relatifs à l’utilisation d’espèces non indigènes en aquaculture. Ses résultats contribueront à l’élaboration de l’annexe technique de ce règlement. Le projet européen EFFORTS (2007-2009) de prospective portuaire comporte une action traitement des eaux de ballast de navires, qui aboutira à la fourniture aux autorités portuaires de recommandations sur le contrôle et la gestion de ce problème. 31 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Deux journaux scientifiques sont spécialisés sur la problématique des invasions biologiques : Biological Invasions, depuis 1999, et Aquatic Invasions, journal on-line, depuis 2006. Des numéros spéciaux sont par ailleurs consacrés à cette thématique dans des revues plus généralistes (Marine Pollution Bulletin, Helgoland Marine Research…). 4. Bilan des documents existants De nombreux réseaux d’experts internationaux ont été constitués, accessibles sur des sites Internet, permettant l’accès à des bases de données et à des systèmes d’information (diffusion et partage de l’information, conseils sur la gestion des espèces invasives, etc.), à destination des scientifiques, du public et des aménageurs : - Database on Introductions of Aquatic Species (DIAS) (www.fao.org/fishery/topic/14786) - Delivering Alien Invasive Species Inventories for Europe (DAISIE) (www.daisie.ceh.ac.uk/index.jsp) : projet financé par la Commission Européenne dans le cadre ème du 6 PCRD (2005-2008), avec pour objectif de créer un inventaire des espèces invasives dans les environnements terrestres, dulcicoles et marins en Europe. Le site Internet permet d’obtenir des informations sur les 8996 espèces introduites en Europe (dont 1069 dans le domaine marin), sur les 1598 experts des invasions biologiques en Europe, et permet aussi des recherches par région ou pays. - European Research Network on Aquatic Invasive Species (ERNAIS) (www.zin.ru/rbic/projects/ernais) - Global Ballast Water Management Programme (GloBallast) (http://globallast.imo.org) - Global Invasive Species Database (GISD) (www.issg.org/database/welcome) - Global Invasive Species Information Network (GISIN). (www.gisinetwork.org) - Global Invasive Species Programme (GISP) (www.gisp.org) - Invasive Alien Species Global Invasive Species Programme (www.cbd.int/programmes/crosscutting/alien/gisp.aspx) - National Invasive Species Information Center (NISIC) (www.invasivespeciesinfo.gov) - NonIndigeneous Species Database Network (NISbase) (http://www.nisbase.org/nisbase/collaborators.html) - North European and Baltic Network on Invasive Alien Species (NOBANIS) (http://www.nobanis.org/Links.asp) Des inventaires exhaustifs des espèces introduites en Europe ont été publiés pour les eaux côtières et continentales (Leppäkoski et al. 2002) et pour la Méditerranée (Zenetos et al. 2005). 5. Synthèse des connaissances scientifiques Les écosystèmes isolés du point de vue de l’évolution et géographiquement, en particulier les îles océaniques, de même que les habitats subissant des perturbations périodiques, les ports, les lagunes et les estuaires sont particulièrement vulnérables aux invasions. Les vecteurs des introductions d’espèces en milieu marin sont extrêmement variés : navigation (salissures sur les coques de navires ou les plates-formes de forages pétroliers, foreurs dans les coques en bois, ballast solide, eaux de ballast), aquaculture (introductions volontaires d’espèces commerciales, introductions accidentelles d’espèces accompagnant les espèces introduites intentionnellement, échappement hors des structures aquacoles, repeuplement de stocks), rejets de spécimens vivants (nourriture importée, algues ou plantes utilisées comme emballage d’appâts, aquariologie, appâts pour la pêche), pénétration active par les canaux inter-océaniques (migrations lessepsiennes) et les voies navigables, plantation de végétaux pour stabiliser des sédiments, biocontrôle (introduction d’espèces exotiques pour contrôler le développement d’espèces invasives). Pour les côtes françaises de la Manche et de l’Atlantique, Goulletquer et al. (2002) ont estimé que 13% des espèces introduites (tous phylums confondus) l’ont été volontairement à des fins d’aquaculture, 32% accidentellement par l’aquaculture (dont 28% via des transferts d’huîtres) et 42% par la navigation (répartis équitablement entre ballast et salissures). Les eaux de ballast représentent un vecteur très spécifique pour l’introduction d’espèces aquatiques. Le transport des marchandises se fait à 60% par voie maritime (en volume). Tous les navires de charge sont obligés d’avoir recours à l’eau comme ballast lorsqu’ils ne sont pas à pleine charge (maintien de la coque dans ses lignes d’eau, renforcement des structures par gros temps, maintien des hélices en immersion). Ces eaux, prises en principe dans les ports de départ ou leurs zones 32 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 attenantes (eaux de fleuves, d’estuaires ou côtières), contiennent souvent de très nombreuses espèces vivantes, dont beaucoup survivent dans les citernes à ballast des navires, surtout s’il y a des sédiments (abri pour les formes de résistance des bactéries ou les kystes d’algues toxiques). Elles sont la plupart du temps rejetées par les navires dans les ports d’arrivée (ou leur zone côtière voisine), avant de prendre de la charge. Les volumes dé-ballastés dans le monde sont estimés à plusieurs 3 milliards de m par an ; si l’on considère que le volume dé-ballasté correspond à 40% du tonnage chargé dans les ports français, l’estimation annuelle pour les principaux ports français dépassait 20 3 millions de m en 2000. Dans le monde, on estime à 7000 par jour le nombre d’espèces vivantes voyageant dans les eaux et sédiments de ballast. Des bactéries et virus (Drake et al. 2001, 2007) et des dinoflagellés toxiques (Hallegraeff & Bolch 1992) sont de plus en plus introduits via ce vecteur. Sur les 16 espèces de dinoflagellés toxiques les plus connus, 13 sont suspectées d’être transportées d’une partie du monde à l’autre par les eaux et sédiments de ballast (Wallentinus 2000). Lorsqu’une espèce ainsi introduite réussit à s’installer, elle est impossible à éradiquer. La cinétique des introductions montre une forte accélération à partir des années 1960, sans signe évident de ralentissement, dont les causes probables sont : l’augmentation des vecteurs et des échanges au niveau mondial, la rapidité accrue des transports maritimes, et l’insuffisance des contrôles et des réglementations sur les transferts d’espèces. En outre, le changement climatique global pourrait constituer un risque de succès accru des invasions biologiques (Dukes & Mooney 1999, Occhipinti-Ambrogi 2007) : effets directs de conditions physico-chimiques modifiées sur les individus et les populations, effets sur la distribution des espèces et la biodiversité, effets sur la dispersion locale via des modifications de courants, etc. Selon Goulletquer et al. (2002), le nombre d’espèces introduites (tous phylums végétaux et animaux pris en compte) sur les côtes françaises de la Manche et de l’Atlantique s’élève à 102, mais ce chiffre est à réévaluer en fonction des signalements récents. Ainsi, le site Internet du programme européen DAISIE recense actuellement, pour la France, 173 espèces introduites sur les côtes atlantiques et 83 sur les côtes méditerranéennes. Même dans les régions qui ont été relativement bien étudiées, le nombre d’espèces introduites est probablement sous-évalué, car : - les groupes dont les organismes ont une petite taille (protozoaires benthiques, méiobenthos) passent inaperçus pour les non-spécialistes de ces groupes, d’où une probable sousreprésentation artificielle de ces groupes dans les espèces introduites ; - certaines espèces réputées cosmopolites ont pu être dispersées par l’homme bien avant le début des suivis biologiques ; - la systématique/taxonomie de certains groupes est complexe ou confuse ; - le problème de l’expertise en taxonomie devient crucial. L’analyse du processus de colonisation menant de l’introduction à l’invasion met en jeu des interactions multiples entre l’espèce introduite, son nouvel environnement et les espèces présentes. Ces processus peuvent être analysés du point de vue de la théorie des barrières (Richardson et al., 2000). La première barrière est de pouvoir s’acclimater dans l’environnement récepteur et il est généralement admis que 90% des espèces introduites ne survivent pas à l’introduction. La seconde barrière menant à l’acclimatation met en jeu les capacités physiologiques de l’espèce et en particulier ses capacités à se reproduire et à s’installer de façon pérenne dans l’environnement récepteur sans nouvel apport d’individus. La troisième barrière met en jeu les capacités d’adaptation et d’interactions biotiques et permet selon les cas à une espèce introduite de devenir invasive selon son impact sur l’environnement abiotique et biotique. Selon la « règle des dizaines » (Williamson 1996), 90% des tentatives d’introduction se soldent par des échecs et seule 1 espèce introduite sur 10 devient invasive. S’il est vrai que plusieurs facteurs de succès des introductions ont été identifiés (absence des prédateurs, compétiteurs, parasites et maladies qui limitent les populations dans leurs régions d’origine ; stratégie écologique de type r ; taille de l’inoculum et caractère répétitif de l’introduction, etc.), il est aussi admis que c’est la combinaison de plusieurs facteurs qui est généralement responsable du succès d’une introduction : prédire quels seront les prochains envahisseurs apparaît ainsi, à l’heure actuelle, comme une tâche illusoire (Kolar & Lodge 2001). Les effets écologiques d’une introduction sont difficilement généralisables, car ils dépendent de la phase du processus d’invasion (arrivée, établissement, expansion, ou ajustement), des caractéristiques particulières de l’espèce introduite et de la vulnérabilité de l’écosystème receveur (espèces présentes, conditions de l’habitat). 33 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Ces effets peuvent être ressentis à tous les niveaux d’intégration du vivant : - effets génétiques (introduction de gènes, hybridation, introgression génomique, spéciation) ; - compétition avec les espèces autochtones : modification des traits démographiques des individus (croissance, reproduction) ou de leur comportement, par diminution de la disponibilité des ressources ; - effets sur la dynamique des populations autochtones : changements de l’abondance, de la distribution, de la structure (âge ou taille), du taux de croissance des populations (conduisant à l’extrême à l’extinction complète), introduction de parasites ou maladies ; - effets sur les communautés : modification de la biodiversité ; - effets sur les écosystèmes : changements dans les pools de ressources et les flux de matière et d’énergie ; simplification de l’habitat, d’où perte de résilience pour l’écosystème (un habitat simplifié est plus vulnérable aux perturbations et met davantage de temps à se reconstituer). A l’échelle locale, l’introduction d’une espèce exogène peut résulter simplement en l’addition d’une nouvelle espèce, sans effet apparent sur les communautés autochtones si cette espèce vient occuper une niche écologique vide ou si les ressources sont abondantes. Dans d’autres cas, et à fortiori si elle devient invasive, une espèce introduite peut profondément modifier – négativement ou positivement – la diversité locale, soit directement par exclusion compétitive des espèces autochtones, soit indirectement par une modification de l’habitat. A une plus grande échelle, une domination globale croissante par un nombre relativement réduit d’espèces invasives menace de créer un monde relativement homogène à la place d’un monde caractérisé par une grande diversité biologique et des particularités locales. L’impact socio-économique des invasions biologiques en milieu marin s’avère important à la lumière de quelques études de cas : La palourde japonaise Ruditapes philippinarum pose le problème des espèces invasives à forte valeur ajoutée. Cette espèce, initialement mise en élevage dans certains secteurs du littoral français, a colonisé l'ensemble des baies et estuaires des côtes de la Manche et de l'Atlantique en supplantant progressivement l'espèce indigène R. decussatus. Elle fait aujourd'hui l'objet d'une exploitation commerciale et il est souhaité par les pêcheurs que certains secteurs où elle est encore absente soient ensemencés de façon à permettre d'établir une rotation sur les sites exploités. Les incidences de la prolifération de cette espèce et de celles des activités de pêche sur le compartiment benthique sont encore peu connues. - - Crassostrea gigas est un exemple intéressant également puisque l’introduction de cette espèce d’origine asiatique a permis de sauver l’ostréiculture en France et en Europe après les fortes mortalités enregistrées sur C. angulata. Or l’espèce est actuellement en phase de prolifération sur le littoral atlantique. Sur le plan économique, on constate le développement du captage dans des zones où l’espèce ne se reproduisait pas jusqu’alors ; en revanche, les professionnels de la conchyliculture enregistrent un surcoût associé aux opérations de nettoyage des structures et des huîtres adultes sur lesquelles s’est fixé le naissain. - Les phytoplanctons toxiques introduits provoquent l’apparition récurrente de blooms sur les zones de cultures marines. Les effets sont soit des mortalités des espèces cultivées (2000 t de Mytilus edulis perdues en 1997 à Noirmoutier), soit des accidents chez les consommateurs lorsque le phénomène a été détecté trop tardivement par le réseau d’alerte REPHY. Les fermetures administratives de zones touchées entraînent souvent un manque à gagner pour les producteurs. Les mêmes effets négatifs sont à craindre avec les bactéries pathogènes, notamment du genre Vibrio. 6. Remédiation et moyens de lutte Le fait que les effets des introductions d'espèces sont peu prédictibles, dans un monde où les gestionnaires veulent des certitudes et des résultats prévisibles, a sans doute largement contribué à retarder la prise de conscience de l'ampleur du phénomène (Boudouresque 2005) et les mesures de gestions nécessaires. 34 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Les moyens de lutte développés vis-à-vis des espèces invasives marines sont classiquement de 3 types : - des moyens physiques (enlèvement manuel, dragage, chalutage, récolte avec valorisation souvent limitée). On peut citer, à titre d’exemples : les campagnes de ramassage des crépidules en baie de St-Brieuc, rade de Brest et baie de Marennes-Oléron ; la destruction des bancs naturels d’huîtres creuses, intégrée aux campagnes de restructuration du domaine public maritime, et les campagnes de ramassage de bigorneaux perceurs (Ocinebrellus inornatus) en baie de Marennes-Oléron ; les tentatives de réduction drastique de biomasse d’huîtres sauvages entreprises dans l’estuaire de l’Escaut entre 1976 et 1981, mais qui furent abandonnées dès 1982 faute d’effet significatif. D’autres méthodes ont également été utilisées : traitements à la chaleur, immersion, dessiccation, congélation, variation de la pression hydrostatique, irrradiation. - des moyens chimiques, mais ils sont souvent inapplicables en milieu naturel. - des moyens biologiques (biocontrôle). Le code de conduite du CIEM recommande l’usage d’espèces stériles (triploïdes) lors de l’introduction d’espèces exotiques en vue d’aquaculture. Cette recommandation a été appliquée aux USA lors de l’introduction de Crassostrea ariakensis en baie de Chesapeake en remplacement de C. virginica. L’Australie, par le biais du CSIRO, a fait des propositions de gestion concernant les espèces invasives marines sur son territoire (www.marine.csiro.au/crimp/nimpsis). D’une façon générale, ces moyens de lutte sont coûteux et d’une efficacité limitée en milieu marin ouvert. Les eaux de ballast doivent, selon les prescriptions de la Convention de Londres, être échangées en haute mer ou traitées par diverses méthodes physiques ou chimiques. A partir de 2014, seule cette dernière option, (traitement) sera admise. Les systèmes ou méthodes devront être approuvés par l’OMI, ne pas mettre en question la sécurité des navires et de leurs équipages, ni constituer un risque pour l’environnement. 7. Identification de lacunes, de ruptures et de pistes nouvelles de recherche ● Nécessité du renforcement de la législation sur les introductions d’espèces Si la France dispose effectivement d'une législation en matière d’invasions biologiques, celle-ci reste imparfaite du fait qu’elle ne précise pas les méthodes d’application, et que les moyens de surveillance et de contrôles ne sont pas forcément mis en œuvre. Pourtant, la législation constitue certainement l'outil le plus efficace contre les introductions d'espèces. Le coût économique pour contrôler la prolifération des espèces introduites est très largement supérieur à celui de la prévention des introductions. Les difficultés de mise en application de la législation sont d'autant plus regrettables que, en milieu marin, la très grande majorité des introductions auraient pu être facilement évitées, sans contraintes excessives pour le public ou les professionnels de la mer (Boudouresque 1998). Lorsque la Convention de Londres (OMI) sur les eaux et sédiments de ballast sera entrée en vigueur, les autorités administratives et portuaires françaises auront besoin pour assurer les contrôles : - d’informations fiables sur l’origine des eaux de ballast des navires arrivant dans les eaux françaises (registres, de préférence sous forme électronique, l’idéal étant l’enregistreur scellé ou boîte noire), - d’informations sur les "zones à risques" au plan mondial, notamment celles où apparaissent fréquemment des efflorescences algales toxiques et des contaminations par les bactéries pathogènes, - de procédés et de méthodes d’échantillonnage des eaux et sédiments de ballast des navires à l’arrivée, afin de contrôler le respect des réglementations. Ces deux derniers points nécessitent l’implication des scientifiques : une base de données internationale sur les zones à risques est à construire et à mettre à disposition des autorités portuaires et administratives avec accès crypté ; les méthodes d’échantillonnage à bord des navires et l’évaluation rapide de la nocivité des organismes trouvés est un défi majeur, du fait des implications sur la santé publique et l’économie côtière. De plus, les scientifiques peuvent et doivent aider les industriels dans l’évaluation de l’efficacité des systèmes de traitement des eaux et sédiments de ballast que ces derniers conçoivent et proposent aux armateurs. 35 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 ● Perte de compétences taxonomiques dans la majorité des groupes La perte de compétences taxonomiques au niveau national, pour la plupart des groupes zoologiques et végétaux, est un problème récurrent dans les thématiques liées à l’étude de la biodiversité. Le problème de l’expertise en taxonomie est d’autant plus crucial qu’il s’agit d’identifier des espèces introduites, a priori absentes des manuels traitant de flores ou de faunes françaises ou européennes. En outre, la prévention (i.e. ne pas permettre à une espèce potentiellement invasive de s’établir) est la première ligne de défense. Une fois qu’une espèce introduite est devenue invasive, les coûts économiques et environnementaux pour l’éradiquer, ou même simplement la ramener à un niveau modeste, peuvent être prohibitifs. La présence d'espèces n'est ainsi pas forcément détectée du fait de la raréfaction des spécialistes qui ne sont plus à même d'assurer une "veille". ● Déficit de connaissance sur les introductions d’espèces dans les DOM-TOM Il n’existe pas actuellement de données exhaustives sur les espèces marines introduites dans les DOM-TOM. Le Comité français de l’IUCN a cependant engagé depuis 2005 la première initiative sur les espèces exotiques envahissantes réunissant les 12 collectivités françaises d’outre-mer. L’objectif est de favoriser l’échange d’informations et la coordination d’actions en mobilisant tous les acteurs : associations, chercheurs, gestionnaires d’espaces naturels, services de l’Etat et des collectivités. Il s’agit notamment : 1) de réaliser un état des lieux scientifique, technique et juridique ; 2) d’améliorer la diffusion de l’information par l’organisation d’un réseau d’échange et la mise en ligne des données ; 3) de proposer des recommandations pour une meilleure prise en compte du phénomène, l’amélioration du cadre juridique et le renforcement des moyens de lutte et de prévention. ● Absence de coordination nationale sur les introductions d’espèces en milieu marin Outre le déficit en un programme de recherche national sur les espèces invasives (déjà évoqué plus haut), il faut souligner l’absence d’un système de surveillance permettant d’identifier de nouvelles espèces invasives et d’en suivre l’expansion le long des côtes françaises. Ce système de surveillance sera nécessaire à l’application de la Directive européenne Stratégie Marine si on se réfère à l’annexe III du texte. Jusqu’à présent, les signalisations d’espèces introduites dans le milieu marin sont le résultat d’observations de la part de scientifiques ou de naturalistes amateurs, réalisées souvent de manière fortuite. Il n’y a donc pas en France de système de coordination des observations nationales, mais un réseau informel activé au moment de l’élaboration du rapport annuel CIEM du groupe de travail sur les espèces invasives (où l’IFREMER est représentant national). De ce fait, les renseignements collectés annuellement sont partiels. Par ailleurs, seule l’introduction d’organismes pathogènes pour les espèces de mollusques cultivés, y compris ceux récoltés sur les gisements naturels exploités, peut être enregistrée par le réseau REPAMO (Réseau Pathologie Mollusques piloté par l’IFREMER) sous réserve que ceux-ci provoquent des mortalités importantes sur les cheptels. Ce même système concernant les organismes pathogènes pour les poissons d’élevage existe ; il est piloté par l’AFSSA à Brest mais couvre de façon imparfaite l’ensemble des élevages français, ceci par manque de personnel. ● Absence de diffusion de l’information sur les introductions d’espèces en milieu marin au niveau national La France est probablement le seul pays développé qui ne dispose pas d’une base de données sur les espèces marines introduites sur son territoire, consultable sur Internet. ● Absence de compétence identifiée en analyse de risque et modélisation appliquée à l’introduction des espèces invasives Les méthodes d’analyse de risques sont de plus en plus utilisées en matière de prise de décision. L’application du code de conduite CIEM et du nouveau règlement européen en matière d’introduction d’espèces exotiques pour l’aquaculture ou le repeuplement impose une évaluation des risques (génétiques, écologiques, pathologiques) associés à cette introduction. Cette évaluation s’appuie sur une méthodologie standardisée qui prend en compte les probabilités d’entrée, d’établissement et d’impact sur le milieu récepteur. Cette démarche permet de hiérarchiser les espèces en fonction des risques et d’établir des priorités d’actions. Elle est de type qualitatif, semi-quantitatif ou quantitatif. La modélisation permet d’affiner le processus d’évaluation des risques et de faire des simulations. Dans un avenir proche, l’application de cette méthodologie d’analyse de risque deviendra une nécessité dans le contexte des espèces invasives. Les compétences dans ce domaine sont très limitées en France. 36 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 8. Recommandations de stratégies de recherche en réponse ● Mise en place d’une coordination inter-organismes sur la problématique des espèces invasives Un groupe de travail inter-organismes devrait être mis en place sous l’égide de la Fondation Scientifique pour la Biodiversité (FSB) afin de définir, hiérarchiser les priorités et délimiter le champ d’application de chaque organisme sur la problématique des espèces invasives. Ce groupe de travail doit déboucher sur la mise en place d’un programme national sur cette problématique. Il doit intégrer également des représentants des ministères concernés afin d’envisager les financements associés. ● Création d’un observatoire pérenne des introductions d’espèces en milieu marin Cet observatoire, constitué d’un réseau d’experts multi-organismes, pourrait être placé sous la coordination d’IFREMER (selon le type d’organisation du REBENT). L’organisation d’un tel observatoire devra prendre en compte tous les aspects : organisation d’un réseau de sites pérennes, implication d’observateurs mandatés au sein de chaque organisme participant (IFREMER, CNRS, Universités, bureaux d’étude, etc.), standardisation de l’acquisition des données sur le terrain, bancarisation des données. Cet observatoire deviendrait l’interlocuteur national dans la perspective de collaborations aux échelles européenne et internationale. ● Création d’un site Internet national de diffusion de l’information relative aux espèces introduites/invasives en milieu marin ● Orientations de recherche à privilégier : - renforcement de l’expertise taxonomique, - développement des suivis in situ (par exemple du type "Rapid Assessment Surveys") et des études à long terme sur les invasions biologiques, de manière à suivre les changements écologiques sur des périodes ≥ 10 ans, - meilleure documentation des impacts, en particulier sur les processus à l’échelle des écosystèmes : modifications des cycles d’énergie, de biomasse et de nutriments dans les écosystèmes receveurs, - hybridation avec les espèces natives (perte de génotypes natifs), - développement de nouvelles méthodes (génétique moléculaire) pour déterminer les populations sources des espèces introduites et les voies d’introduction, - effets du changement climatique global sur les espèces invasives, Références bibliographiques citées dans le texte Boudouresque C.F. (1998) En mer, les espèces exotiques prolifèrent. Biofutur 179:76-78. ème Boudouresque C.F. (2005) Les espèces introduites et invasives en milieu marin (2 édition). GIS Posidonie publications, Marseille, 152 pp. Drake L.A., Choi K.H., Ruiz G.M. & Dobbs F.C. (2001) Global redistribution of bacterioplankton and virioplankton communities. Biol. Invasions 3:193-199. Drake L.A., Doblin M.A. & Dobbs F.C. (2007) Potential microbial bioinvasions via ships’ ballast water, sediment, and biofilm. Mar. Pollut. Bull. 55:333-341. Dukes J.S. & Mooney H.A. (1999) Does global change increase the success of biological invaders? Trends Ecol. Evol. 14:135-139. Elton C.S. (1958) The Ecology of Invasions by Animals and Plants. Methuen & Co., London, 181 pp. Goulletquer P., Bachelet G., Sauriau P.G. & Noël P. (2002) Open Atlantic coast of Europe - A century of introduced species into French waters. In: Leppäkoski E., Gollasch S. & Olenin S. (eds.), Invasive aquatic species of Europe. Distribution, impacts and management. Kluwer Academic Publishers, Dordrecht, pp. 276290. Hallegraeff G.M. & Bolch C.J. (1992) Transport of diatom and dinoflagellate resting spores in ships’ ballast water: implications for plankton biogeography and aquaculture. J. Plankton Res. 14:1067-1084. ICES (2005) ICES Code of Practice on the Introductions and Transfers of Marine Organisms 2005. 30 pp. IUCN (2000) IUCN Guidelines for the Prevention of Biodiversity Loss due to Biological Invasion (approved by the IUCN Council, February 2000), 21 pp. Kolar C.S. & Lodge D.M. (2001) Progress in invasion biology: predicting invaders. Trends Ecol. Evol. 16:199-204. Leppäkoski E., Gollasch S. & Olenin S. (2002) Invasive aquatic species of Europe. Distribution, impacts and management. Kluwer Academic Publishers, Dordrecht, 583 pp. 37 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 McNeely J.A., Mooney H.A., Neville L.E., Schei P. & Waage J.K. (eds.) (2001) A Global Strategy on Invasive Alien Species. IUCN Gland, Switzerland, & Cambridge, UK. x + 50 pp. Occhipinti Ambrogi A. (2007) Global change and marine communities: Alien species and climate change. Mar. Pollut. Bull. 55:342-352. Pascal M., Lorvelec O., Vigne J.D., Keith P. & Clergeau P. (coord.) (2003) Evolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et extinctions. Rapport au Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable (Direction de la Nature et des Paysages), Paris, 381 pp. Richardson D.M., Pysek P., Rejmanek M., Barbour M.G., Panetta F.D. & West C.J. (2000) Naturalization and invasion of alien plants: concepts and definitions. Diversity Distrib. 6:93-107. Valéry L., Fritz H., Lefeuvre J.C. & Simberloff D. (2008) In search of a real definition of the biological invasion phenomenon itself. Biol. Invasions DOI 10.1007/s10530-007-9209-7. Williamson M. (1996) Biological Invasions. Chapman & Hall, London, 256 pp. Zenetos A., Cinar M.E., Pancucci-Papadopoulou M.A., Harmelin J.G., Furnari G., Andaloro F., Bellou N., Streftaris N. & Zibrowius H. (2005) Annotated list of marine alien species in the Mediterranean with records of the worst invasive species. Mediterranean Mar. Sci. 6:63-118. 38 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Tableau de bord des eaux marines françaises P. Watremez1, O. Laroussinie1 et O. Thébaud2 1 2 Aires Marines Protégées Brest, Ifremer Brest Cette note complète le document « tableau de bord des eaux françaises_draft» en rappelant le contexte, en précisant les questions techniques et scientifiques posées par la mise en place de ce tableau de bord qui n’est qu’un premier document de travail (novembre 2007). La France possède la seconde Zone Economique Exclusive au monde (au moins 200 milles au large des côtes), avec plus de 11 millions de km². La gestion durable de cet espace sous responsabilité française est un enjeu mondial. Pourtant, la diminution des stocks et la destruction des habitats, pollution, artificialisation de la côte, impact des transports sont une constatation. Ces dynamiques, liées à des approches sectorielles, mettent en cause la conservation de la biodiversité. La gouvernance de la mer est elle-même trop segmentée, réduisant son efficacité et sa cohérence. Le contexte : satisfaire aux obligations européennes et internationales La gestion de la mer apparaît aujourd’hui comme une priorité politique tant au plan national qu’au niveau international. La France doit satisfaire les conventions internationales sur les mers régionales dont elle est partie, OSPAR pour l’Atlantique Nord Est, Barcelone pour la Méditerranée. La réglementation européenne s’intéresse également au milieu marin. La Directive Européenne sur l’Eau (DCE) ne concernait qu’une très étroite bande côtière, il n’en est plus de même avec la directive Natura 2000 et surtout la Stratégie Marine Européenne, très ambitieuse et aux délais très courts, votée par le parlement européen en décembre 2007 après une large concertation. La SME demande aux Etats d’entreprendre une analyse des caractéristiques et des fonctions des eaux marines placées sous leur juridiction ainsi que des incidences et des pressions auxquelles elles sont soumises afin de déterminer leurs conséquences et une analyse économique et sociale de leur utilisation qui en est faite ainsi que du coût de la dégradation du milieu marin. Il s’agit d’évaluer l’état de l’environnement, déterminer le « bon état écologique », d’établir des objectifs, des indicateurs et des programmes de suivi. Un programme des mesures à prendre doit être établi pour 2015 afin d’atteindre un bon état écologique d’ici 2020. On constate donc une forte demande sociétale et politique (avec… un calendrier très serré pour les réponses) pour un espace où les connaissances scientifiques sont encore très incomplètes, dispersées et hétérogènes. On observe aussi un intérêt accru pour la zone du large. La création d’un tableau de bord et questions posées Le comité opérationnel « mer et littoral », issu du Grenelle de l’Environnement a proposé une première mesure, la mise en place d’un tableau de bord des mers et océans sous juridiction française. Cette proposition a été retenue par le MEDAD. Ce tableau de bord a plusieurs fonctions : il doit avant tout servir d’appui aux politiques publiques de gestion de l’espace marin, mais aussi outil de communication avec les professionnels de la mer d’une part, avec le grand public d’autre part. Il constitue un outil de diffusion et de partage des connaissances. Le document cité en introduction de cette note en est une esquisse. La conception et la réalisation de ce tableau de bord soulèvent de nombreuses questions, par exemple : • Comment fournir les éléments indispensables à la gestion du milieu marin alors même que bien des compartiments de la zone côtière qui nous est la plus proche nous sont encore très mal connus ? Pour information des discussions sont déjà engagées au sein d’OSPAR sur la création d’aires marines protégées même au-delà des eaux sous-juridiction (une ONG WWF propose le classement de la Gibbs Fracture Zone !). 39 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 • Que signifie « bon état écologique » ? La directive donne en annexe des descripteurs servant à le définir et laisse la liberté de choisir ceux que l’Etat trouve appropriés mais comment tenir compte du changement global par exemple ? • Quelle relation y a-t-il entre biodiversité et écosystème ? Importante biodiversité signifie-t-elle toujours écosystème en bon état ? • Comment résumer un écosystème en quelques indicateurs ? • Quelles données pour quels indicateurs fiables ? • Quels objectifs chiffrés, quels nombres guides pour ces indicateurs ? Les travaux sur les indicateurs de qualité du milieu marin sont nombreux depuis 6-7 ans. La DCE a constitué un aiguillon pour ces recherches. Pour le large l’exercice est compliqué par l’existence d’indicateurs déjà existants mais souvent inadaptés (c par exemple Rogers et Greenaway, 2005). Un suivi pérenne Ce tableau de bord n’a de sens que s’il est bien sûr réactualisé ce qui implique la mise en place de suivis fiables et pérennes. Ces suivis peuvent concerner aussi bien la physico-chimie du milieu, des espèces particulières, menacées et relevant des annexes des conventions internationales ou représentatives de l’état du système. Ils reposent aussi, particulièrement pour les données socioéconomiques sur la mise en place de réseaux et de procédures d’accès à des données déjà existantes (cf EUROSTAT) mais qui, souvent acquises à d’autres fins devront être réexaminées et retraitées si nécessaires (par exemple les carrés statistiques des données relatives à la pêche peuvent apparaître inadaptées). Un important travail méthodologique sur les suivis parait aussi nécessaire : il concerne les stratégies (quand, où, ce qui suppose parfois un minimum d’information sur l’existence de processus cycliques, saisonniers ou autres ?) et les techniques (quels outils, à quels coûts, pour quelle fiabilité ?) à mettre en œuvre. 40 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 AXE Caractériser les processus écologiques et socio-économiques associés à la réduction de la biodiversité 41 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Toxicologie-écotoxicologie (impact sur la biodiversité) T. Burgeot, Ifremer Nantes 1-Périmètre du sujet : La pollution chimique occupe une place prépondérante parmi les divers processus de perturbations anthropogéniques qui affecte la biosphère. La connaissance des modalités, des mécanismes et des effets de la pollution de la biosphère constitue un préalable à la préservation des habitats en luttant contre la contamination des milieux naturels et en mettant en œuvre des méthodes de prévention. La toxicologie environnementale et l’écotoxicologie sont souvent associés sans être différenciés pour évaluer les effets biologiques des contaminants chimiques. Dans le cas présent d’une caractérisation des processus écologiques associés à la réduction de la biodiversité en milieu marin, il semble plus judicieux de focaliser notre réflexion sur l’écotoxicologie car cette discipline intègre une véritable dimension écologique. L’écotoxicologie s’intéresse à l’analyse des conséquences écologiques résultant de l’exposition permanente dans des biotopes spécifiques à de faibles concentrations d’un ou plusieurs polluants toxiques donnant des effets indirects et différés sur les populations et les biocœnoses. 2-Evolution du contexte de la société et réglementaire : L’écotoxicologie développe des indicateurs biologiques utiles à l’évaluation des effets toxiques des substances chimiques dangereuses en conditions contrôlées ou bien dans les habitats naturels. L’approche développée en condition contrôlée correspond à une démarche toxicologique jusqu’alors plus communément utilisée au niveau réglementaire. Depuis 15 ans, les applications de l’écotoxicologie à la protection environnementale ont connu un développement considérable. Les études conduites évaluent la probabilité d’occurrence et le risque d’exposition et proposent des outils de gestion du risque. Le règlement REACH (enRegistrement Evaluation et Autorisation des substances Chimiques) entré en vigueur en juin 2007, est une bonne illustration de l’augmentation de la pression réglementaire au niveau européen. L’évaluation des risques d’exposition aux contaminants chimiques dans le cadre de la directive cadre sur l’eau et de la stratégie marine européenne intègrent et intégreront après validation des indicateurs biologiques développés en écotoxicologie. Ces derniers indicateurs apporteront des informations sur la santé de l’écosystème en lien avec les variations de la biodiversité 3-Evolution de la recherche nationale, européenne internationale. Les recherches nationales ont principalement évoluées vers l’étude des mécanismes cellulaires d’exposition aux polluants sur des organismes modèles tels que le poisson les bivalves et polychètes. Des effets spécifiques tels que des effets génotoxiques, neurotoxiques et endocriniens ainsi que la réduction des défenses immunitaires sont les perturbations les plus communément étudiées au niveau national et international pour relever le défi d’échelle des impacts toxiques observés à partir du niveau moléculaire (intracellulaire) jusqu’aux populations et aux communautés. 4-Synthèse des connaissances scientifiques Les modalités par lesquelles les populations de chaque espèce sont contrôlées au plan de leur abondance constituent un des aspects les plus importants de sa biologie. Les contaminants chimiques agissent sur l’étendue de la ressource utilisée par chaque espèce en fonction de leur degré de tolérance ou de sensibilité. La présence d’un polluant peut provoquer des modifications dans la compétition interspécifique, conduisant au déclin des populations les plus sensibles. Plusieurs exemples d’effets spectaculaires d’une pollution accidentelle ont provoqué l’élimination totale de toutes les espèces d’une zone contaminée. En 1986, l’accident Sandoz causa la mort de plusieurs millions d’anguilles sur près de 300 km en aval du Rhin. A cause de la pollution des lacs du Québec perdirent entre 1960 et 1980, une partie de leur peuplement piscicole et souvent la totalité de leur zoocoenose de vertébrés aquatiques. 42 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Les problèmes associés à l’évaluation des conséquences des effets des polluants dans l’environnement sur les peuplements et les communautés au niveau écosystèmique méritent d’être pris en considération pour étudier la relation entre la biodiversité des communautés et le fonctionnement et la stabilité de l’écosystème. Dans la limite des connaissances actuelles en écotoxicologie, force est de reconnaître que la production scientifique s’est surtout focalisée sur l’étude des mécanismes d’assimilation et de transformation des polluants dans la cellule. Un effort important est produit pour démontrer les perturbations de grandes fonctions physiologiques telles que la reproduction en lien avec l’assimilation de polluants chimiques. La féminisation des poissons dans l’estuaire de la Seine et la masculinisation des gastéropodes marins dans les grands ports français contaminés par le TBT constituent des exemples significatifs d’effets cellulaires en lien avec des perturbations endocriniennes enregistrées dans des milieux aquatiques très contaminés. 5-Recommandations de stratégies de recherche en réponse L’écotoxicologie ne peut apporter seule une réponse suffisante pour expliquer les variations de la biodiversité. En complément des travaux de recherche significatifs présentés ci-dessus, deux pistes de recherche semblent répondre à la question d’une approche écotoxicologique intégrée dans un programme d’étude des variations de la biodiversité en zone contaminée. 1- Une approche écotoxicologique proposant une évaluation des mécanismes perturbés sur des groupes fonctionnels sensibles et sélectionnés au sein de communautés exposées aux contaminants chimiques, constitue une première piste intéressante. Au niveau des populations et des communautés (ou assemblages d'espèces), les descripteurs écologiques qui caractérisent l’abondance des espèces, leur distribution spatiale, et plus largement la biodiversité, présentent une spécificité faible vis-à-vis des polluants mais une bonne signification écologique. Une partie de la variabilité naturelle des communautés peut être prise en compte en regroupant les espèces selon divers traits biologiques, écologiques ou toxicologiques (par exemple, sensibilité aux pesticides, caractéristiques d'histoire de vie, etc.) (Liess et al , 2005). La prise en compte de l'ensemble des espèces maximalise la probabilité de mettre en évidence des effets sur les espèces sensibles ainsi que les perturbations de la structure des communautés. Les descripteurs mesurés au niveau des populations et des communautés apportent des informations complémentaires à celles fournies par les mesures de biomarqueurs, en permettant notamment une intégration plus globale de l’état écologique de la station et la mise en évidence de la propagation éventuelle des effets depuis le niveau individuel jusqu'à celui des communautés (Caquet et al., 2000) 2- L’évaluation du degré d’adaptation de populations vis à vis de leur environnement local est un thème central en biologie évolutive. Il constitue une deuxième piste de recherche pour étudier les effets des polluants chimiques combinés aux changements climatiques. Ce travail est particulièrement développé en Europe au sein du programme « Thermal adaptation in ecotherms :linking life history, physiology, behaviour and genetics (Thermadapt) » soutenu par la European Science Foundation. Le défi d’échelle du moléculaire à l’écosystème préconisé dans ce programme s’appuie exactement les mêmes concepts que l’écotoxicologie. La variabilité dans les phénotypes observée dans la nature peut refléter en partie les adaptations locales au niveau des populations, provenant de différentes pressions de sélection agissant sur des traits biologiques héritables, dans des environnements contrastés. La comparaison de la différenciation phénotypique entre les populations (i.e. obtenue pour des traits phénotypiques quantitatifs) avec leur niveau de différenciation génétique (par des marqueurs génétiques neutres) est une approche très fructueuse en biologie. Des sélections locales liées à la température ont ainsi été démontrées sur des populations d’un poisson d’eau douce Thymallus thymallus et une adaptation locale a été détectée au niveau de la forme de la coquille de deux populations du mollusques Macoma baltica vivant dans des environnements contrastés (Luttikhuizen et al, 2003). 43 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Bibliographie : Caquet Th. & Lagadic L., 2000. Consequences of individual-level alterations on population dynamics and community structure and function. In : Lagadic L., Caquet Th., Amiard J.-C. & Ramade F. (eds.), Use of Biomarkers for Environmental Quality Assessment. Science Publishers, Inc., Enfield, NH, USA, 269-302. Liess M. & Von der Ohe P., 2005. Analyzing effects of pesticides on invertebrate communities in streams. Environ. Toxicol. Chem., 24, 954-965. Luttikhuizen PV, Drent J, Van Delden W, Piersma T (2003) Spatially structured genetic variation in a broadcast spawning bivalve : quantitative vs. molecular traits. J. Evol. Biol. 16 : 260-272. 44 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Dynamique et fonctionnalités des écosystèmes « remarquables » et « ordinaires » en relation avec les pressions anthropiques P. Lorance1, M.J. Rochet1, B. Mesnil1 et F. Blanchard2 1 2 Ifremer Nantes, Ifremer Guyane 1. Périmètre du sujet Cette note traite de la biodiversité marine des plateaux continentaux exploités par la pêche et de l'interaction biodiversité pêche. L'exploitation des plateaux continentaux français, les principaux étant la Mer du Nord, la Manche, la mer Celtique le golfe de Gascogne et le golfe du Lion, par la pêche est ancienne. Sur les côtes de France métropolitaine, les fonds sédimentaires de l'ensemble des plateaux jusqu'à la rupture plateau pente ont été exploités par chalutage et donc affectés par l'effet des ces engins traînants depuis le début du XXième siècle. L'impact des engins sur les fonds et l'interaction biodiversité pêche ont été mentionnés dans la littérature scientifique (en des termes différents d'aujourd'hui) dès cette époque (Joubin, 1922). Néanmoins, les flottilles de pêche ont augmenté en effectif, puissance, rayon d'action à partir des années 50 et les débarquements aussi bien français que dans l'actuelle ZEE communautaire ont augmenté de 1950 à 1980 avant de se stabiliser, voire de décroître. Outre cette pression directe de la pêche, les ressources halieutiques (populations de poissons, grands crustacés et mollusques) et les écosystèmes dont elles font parties sont exposées aux changement climatique global et à des diverses pressions anthropiques locales. L'activité de pêche française est dominée par les engins traînants (chaluts et dragues) mais les flottilles de fileyeurs ont augmenté depuis une vingtaine d'années tandis que le caseyage et les autres petits métiers, essentiellement côtiers ont décru. Le contexte actuel d'augmentation des coûts des carburants, qui n'est pas compris par les professions maritimes, les gestionnaires et les politiques comme une crise conjoncturelle mais un renchérissement durable et qui va se poursuivre, implique un rééquilibrage des pêches françaises vers des moyens d'exploitation moins consommateurs d'énergie. De nombreux chalutiers ne sont plus rentables, malgré le soutien public considérable à la pêche (carburants détaxés, aides aux investissements, exonérations de charges sociales) et le plan gouvernemental de sorties de flotte pour 2008 ne pourra pas satisfaire plus de la moitié des 200 demandes de cessation d'activité qui lui ont été soumises. Il est très probable que ce changement à venir donnera lieu à une modification significative de l'amplitude ainsi que de la distribution spatiale de l'effet des pêches sur la biodiversité marine. La demande de produits de la mer sur les marchés se maintiendra à coup sûr et augmentera probablement de sorte que le contexte de l'étude de la biodiversité des ressources reste leur évolution sous l'effet de deux variables forçantes (exploitation et changement climatique global) et la séparation de ces deux causes dans les variations observées. 2. Evolution du contexte de la société et réglementaire L'image ancienne de la pêche est celle d'un métier dur et peu rémunérateur. Cette perception, probablement réaliste jusqu'aux années 1960, a sans doute joué un rôle dans le développement de politiques publiques destinées à soutenir la pêche par des subventions pour favoriser l'investissement dans des flottilles plus modernes et plus rentables usant de moyens hautement mécanisés. Si le nombre de navires n’a cessé de diminuer depuis 1945, la puissance motrice cumulée a monté en flèche jusqu’en 1990. Les risques que faisaient peser cette évidente surcapacité de capture ont alors entraîné un infléchissement des politiques (Plans d’Orientation Pluriannuels de l’UE, Plan Mellick en France) vers une réduction forcée des capacités. A l’occasion de la réforme de la Politique Commune des Pêches (PCP) en 2002, les aides publiques à la construction ont été interdites (avec effet en Janvier 2005). Néanmoins, les aides publiques (Etat et UE) à la pêche française restent considérables : environ 920 M€ en 2006 (dont 630 pour sécurité sociale et retraites – cf. site Internet du Ministère de l’Agriculture et de la Pêche), pour une valeur des débarquements (métropole) de 1,1 Mds €. Jusqu’aux années 1970, les seuls instruments de régulation étaient les mesures dites techniques (engins, maillages, tailles minimales au débarquement, cantonnements), édictées par la Commission des Pêches du Nord-Est Atlantique (NEAFC) ou les autorités nationales. La Politique Commune des Pêches de la CEE s’est mise en place en 1970, avec des mesures d’aides aux investissements et aux marchés, mais le volet conservation des ressources n’a pris corps qu’après 1983. Son instrument le plus connu est le régime des TAC (Totaux Autorisés de Capture), répartis en quotas nationaux ; il 45 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 concerne environ 30 espèces réparties en plus de 120 unités de gestion, mais ne s’applique pas à la Méditerranée où prévaut, pour le golfe du Lion, un régime de licences. Une vaste palette de mesures techniques (complexe et régulièrement amendée) continue à appuyer les régimes de TAC ou de licences, et vise notamment à limiter la mortalité sur les juvéniles ; elle inclut des mesures spatiales (boxes et cantonnements) pour protéger les juvéniles ou les concentrations de reproducteurs. Les mesures de limitation de l’effort ou des capacités de pêche relevant du volet "structures" de la PCP concourent, désormais, à la conservation des stocks. Plus que dans les autres états de l’UE, la pêche française bénéficie des aides au soutien des prix et des marchés (retraits, volet marché de la PCP et mesures nationales via les Organisations de Producteurs) ; leur effet positif sur la protection des ressources reste à démontrer. Ces mesures ont essentiellement pour but de gérer l'exploitation des espèces cibles de la pêche. Les aires marines protégées, dont la pêche n'est pas forcément exclue mais est encadrée en terme de nombre d'opérateurs et d'engins de pêche autorisé sont restées limitées à de rares petites zones concernant des habitats particuliers (par exemple le Parc National de Port-Cros). Ces aires dont l'objectif central est la protection de la biodiversité représentent des surfaces mineures par rapport au réseau d'aires marines protégées que le pays s’est engagé à mettre en place à l'échéance de 2010. Ce réseau aura des implications majeures pour les pêcheries, tant il est inévitable que le chalutage de fond sera en général incompatible avec les objectifs de conservation de la biodiversité. La gestion des pêches dans la ZEE communautaire ne fait pas appel à des droits de pêche patrimonialisés ou individuels. Néanmoins, dans certaines pêcheries, les quotas sont de fait répartis entre les opérateurs (via les Organisations de Producteurs). Il existe enfin des régimes particuliers pour certaines ressources dans les eaux territoriales (12 miles nautiques) par exemple la coquille saint Jacques de la baie de St Brieuc, gérée par un TAC global, des licences attribuées à des navires de taille et puissance limitée (environ 250), des mesures sur l'engin de pêche (une seule drague de taille et maillage réglementé) une ouverture saisonnière de la pêche et une limitation de l'effort pendant la saison (les navires ne peuvent pêcher que pendant 2 périodes de 45 minutes pas semaine). De tels plans de gestions sont opérés par les comités régionaux ou locaux des pêches maritimes). Parallèlement aux travaux de recherche en halieutique, l’écologie théorique et appliquée a montré l’altération des milieux, de la biodiversité et des modifications de fonctionnement des écosystèmes. Indépendamment de la réglementation des activités de pêche, ces constats ont conduit à la formalisation de concepts tels que le développement durable, allant jusqu’à la ratification de conventions par les Etats (CBD, OSPAR, Carthagène…). L’exploitation par la pêche est clairement identifiée, y compris dans les médias et le grand public, comme un facteur de dégradation des milieux marins. La gestion des activités de pêche doit donc maintenant obligatoirement élargir son champ des stocks jusqu’aux écosystèmes (approche écosystémique des pêches). 3. Evolution du contexte de la recherche nationale, européenne et internationale La recherche halieutique a d'abord été focalisée sur l'évaluation des stocks exploités et des possibilités de captures, dans une optique de prévision des pêches possibles à court terme. Néanmoins, il y a eu à toutes époques des travaux sur la biologie et l'écologie des espèces halieutiques (distribution des populations, de leurs frayères et nourriceries, processus développement larvaire et de recrutement, migrations, régimes alimentaires...), l’objectif de ces travaux étant d’optimiser l’exploitation en préservant la capacité de production des stocks. Un autre volet de recherche s'est intéressé à la technologie de l'exploitation et a cherché à optimiser et rendre plus performants les engins de capture et de détection (sondeurs et sonars). Ces travaux s’orientent de plus en plus vers la recherche d’engins plus sélectifs, permettant par exemple la diminution des captures accessoires habituellement rejetées (principalement des espèces de poissons) ou encore la diminution des captures accidentelles (mammifères marins, tortues). Devant le constat mondial de dégradation des écosystèmes marins et de perte de biodiversité, dont la pêche est un des principaux facteurs (cf. Millenium Ecosystem Assessment), la recherche en halieutique s’oriente vers l'étude des écosystèmes en interaction avec les pêcheries, c'est l'approche écosystémique des pêches : si la pêche a un impact sur l’écosystème, les modifications de celui-ci ne sont pas sans conséquences en retour sur les ressources exploitées. Ainsi, les modifications de la biodiversité sont associées à une modification du fonctionnement des écosystèmes. Deux voies de recherche sont donc en cours de développement. 46 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 a. Il s’agit d’une part de l’analyse des modifications des propriétés de l’écosystème, comme la biodiversité des peuplements qui subissent l’exploitation (poissons, invertébrés benthiques, espèces emblématiques telles que oiseaux marins, tortues et mammifères marins), et la complexité des habitats altérés par le passage des engins traînants. L’impact des changements climatiques sur ces mêmes composantes est aussi maintenant pris en compte, les deux facteurs inter-agissant dans les périodes récentes. Enfin, les travaux contemporains sur la biodiversité des poissons, peuvent s'appuyer sur une longue histoire scientifique de systématique et taxonomie des poissons qui en fait un des groupes zoologiques bien décrits (même si de nombreuses espèces restent sans aucun doute non décrites notamment parmi les espèces méso- et bathy-pélagiques). Les travaux sur les peuplements de poissons, notamment sur l'impact de la pêche, des autres activités humaines et des variations environnementales ont connu un développement important ces 20 dernières années, sans avoir été complètement inexistants auparavant. A l'Ifremer, on a ainsi vu apparaître un programme (Ifremer, thème fédérateurs ; Mandats de programme, 1998) sur l'Impact de la Pêche sur les Peuplements puis un programme transversal (défi) sur le golfe de Gascogne; enfin un programme destiné à développer une approche écosystémique de la pêche a été mis en place en 2004 (programme DEMOSTEM, avec des projets GG e.g. AIG, CHALOUPE, IMAGE). b. D’autre part, l’analyse du fonctionnement global de l’écosystème par la modélisation des flux de matière (transfert d’énergie) entre les compartiments biotiques de l’écosystème depuis la production primaire jusqu’aux top-prédateurs du réseau trophique, développée historiquement en dehors du contexte de l’écologie halieutique, permet l’intégration de l’exploitation par la pêche comme un prédateur ultime, source de mortalité sur un ou plusieurs compartiments du modèle. Toutefois, la difficulté reste que ces modèles fonctionnent à l’équilibre et qu’il est nécessaire de tenir compte des changements hydro-climatiques liés par exemple au changement climatique qui peut influer sur les différents compartiments. La compréhension du rôle de la biodiversité dans le fonctionnement des écosystèmes est ainsi le lien entre ces deux voies. Dans cette perspective, l’association avec des laboratoires et organismes de recherche non dédiés à l’halieutique devient indispensable, que ce soit pour l’analyse des changements de biodiversité liés à la pêche concernant les compartiments d’écosystèmes pour lesquels les compétences n’existent pas à l’Ifremer (benthos du plateau, habitats, oiseaux, mammifères, tortues) ou encore pour la modélisation du fonctionnement des écosystèmes et la compréhension du lien entre biodiversité et fonctions, puis services. 4. Synthèse des connaissances scientifiques La pêche a un impact sur la structure des habitats et des communautés. En particulier le chalutage aplanit les structures tridimensionnelles minérales ou biogéniques (coraux et gorgones, éponges, hermelles...). La composition spécifique des communautés benthiques des écosystèmes exploités par chalutage est modifiée avec une augmentation relative des espèces nécrophages et peu sensibles aux perturbations physiques et une diminution des filtreurs, fixés et sensibles aux chocs physiques (Lindeboom et De Groote, 1998 ;.Hall, 1999). Les communautés de poissons sont modifiées par la pêche, les grandes espèces à vie longue et capturables par les engins de pêche à tous les stades vitaux, notamment les grands chondrichtyens, peuvent se raréfier et disparaître des écosystèmes exploités (Brander, 1981 ; Quéro, 1998). L'exploitation et les pertes d'habitat sont les principales menaces sur les populations de poissons (Dulvy et al., 2005). Certaines espèces à forte valeur marchande sont particulièrement ciblées et quelques stocks se sont effondrés (langouste rouge de l’ouest Bretagne et dorade rose du golfe de Gascogne). La plupart des peuplements de poissons des côtes de France sont fortement affectés par la pêche, cet impact a été stable ou croissant au cours des 20 dernières années (Rochet et al., 2005). Néanmoins, à l'échelle des populations, le rendement maximal durable (RMD ou MSY) qui est un objectif des engagements du Sommet Mondial du Développement Durable (Johannesburg, 2002) est obtenu à des niveaux de biomasse compris entre 40 et 60% de la biomasse inexploitée. En revanche, l’impact de ce niveau d’effort sur la viabilité des populations non cibles de la pêche (pour lesquelles le RMD ne sera pas forcément recherché) reste inconnu, de même que la capacité des habitats impacté par la pêche à héberger les stocks et maintenir l’ensemble de la biodiversité. L'exploitation par pêche implique des systèmes structurellement différents des systèmes inexploités, avec une moindre biomasse de poissons (et crustacés/mollusques commerciaux). 47 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Ces modifications ont notamment été abordées par l’analyse du spectre de taille, avec l’hypothèse implicite que la diversité des tailles reflète la diversité spécifique. L’exploitation modifie la structure en taille des peuplements au détriment des grands animaux, et parfois au profit des petits. L'impact de la pêche sur les fonds exploités par les engins dormants (nasses, filet et métiers hameçons) est moins bien connu parce que ces fonds sont plus hétérogènes et donc plus difficiles à échantillonner. Pour ce qui est des ressources halieutiques, on n'y dispose pas de séries temporelles de campagnes à la mer. Au cours du temps les pêcheries se sont développées vers le large, le développement des pêcheries profondes à la fin des années 1980 doit être considéré comme le dernier de ces déploiements vers des écosystèmes nettement moins productifs, qui sont passés à un état de surexploitation en moins de 20 ans (WGDEEP, 2006). Localement, mais pas sur la totalité de leurs fonds de pêche, ces pêcheries profondes impactent des communautés denses, sensibles à l'effet des engins traînants, dominées soit par des coraux profonds soit par des éponges (WGDEC, 2007). La pêche a aussi un impact sur la diversité intra spécifique, quand elle cible préférentiellement des sous populations aux comportements ou à la répartition spatiale particulières. La pêche est un facteur reconnu d’évolution du fait de la sélectivité par la taille de la plupart des engins, et favorise généralement les génotypes de petite taille à maturité précoce et à croissance lente. L’un des enjeux préoccupants de cette évolution induite par la pêche est que la perte de diversité génétique pourrait réduire significativement le potentiel d’évolution ultérieure, et donc les possibilités de reconstitution des populations surexploitées. Quid des zones tropicales ? La grande majorité des travaux traitant de la modification de la biodiversité marine et du fonctionnement des écosystèmes par la pêche et les changements environnementaux concerne les régions tempérées et boréales, où la communauté scientifique existe de façon importante et structurée depuis longtemps. Dans le contexte tropical, les communautés scientifiques sont, en général, moins structurées et les chercheurs moins nombreux (avec des exceptions comme l'Australie et le sud des Etats-Unis). Dans ces régions, les connaissances acquises portent le plus souvent sur le rôle des habitats (coraux, mangroves, herbiers) ainsi que sur les conséquences des évènements climatiques extrêmes (cyclones, El Niño, épisodes chauds et blanchiment des coraux) dans le maintien de la biodiversité et la productivité des stocks de pêche. Néanmoins, pour les petites pêcheries côtières artisanales, les données sur la production et l’effort de pêche sont souvent parcellaires, parfois inexistantes. Ces pêcheries multi spécifiques sont le plus souvent non sélectives, dans des zones dit de « hot spot » de biodiversité. Il n’y a donc pas encore d’évaluation d’état des très nombreux stocks côtiers (ou alors seulement pour quelques espèces de forte valeur commerciale). La nature et la quantité des données disponibles pour réaliser les évaluations classiques de stocks rendent d’ailleurs difficile l’utilisation de ces méthodes. De même, la connaissance des flux entre compartiments est plus complexe que dans les régions où la biodiversité est moindre. Or, les principales théories sur le rôle fonctionnel de la biodiversité (la relation entre la biodiversité et une fonction est de différente nature selon les théories) indiquent précisément que la réponse fonctionnelle des écosystèmes (par exemple la production ou la stabilité de la biomasse totale) dépend de la biodiversité (cf. par ex. Blanchard, 2000, pour une revue). Les résultats des travaux conduits en zones tempérées et/ou boréales, s’ils peuvent servir d’hypothèses, ne peuvent pas être extrapolées aux zones tropicales. Ces zones particulièrement riches en biodiversité ne peuvent donc être délaissées. Si la plus grande biodiversité tropicale justifie ce nouvel investissement de recherche, sa susceptibilité au réchauffement climatique renforce cette nécessité : en effet, les espèces tropicales et subtropicales vagiles semblent suivre actuellement le déplacement des zones où elles trouvent les caractéristiques optimales pour leur développement (Blanchard et Vandermeirsch, 2005 ; Poulard et Blanchard, 2005), enrichissant ainsi les zones tempérées (probablement transitoirement, car les espèces boréales gagneront aussi probablement des latitudes plus élevées) et probablement au détriment des basses latitudes ou les espèces sub-tropicales et tropicales sont en limite de conditions. Les espèces tropicales fixées telles que les coraux auront sans doute plus de mal à coloniser des zones plus éloignées ainsi que naturellement les peuplements associés. La remontée des eaux (liée principalement au phénomène de dilatation suite au réchauffement) ne sera pas sans conséquence sur les zones à coraux, herbiers mais aussi mangroves et grands estuaires (en Guyane en particulier). 48 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 5. Identification des lacunes, de ruptures et de pistes nouvelles de recherche -> Les études sur le compartiments benthiques ont été soit côtières (estuaires/nourriceries), soit ponctuelles (e.g. Blanchard et al., 2004 ; Vergnon et Blanchard 2006). Il n'y a pas d'état de référence pour le benthos à l'échelle des principaux plateaux continentaux fréquentés par la pêche française (Mer du Nord, Manche, golfe de Gascogne et golfe du Lion). -> Le suivi des peuplements exploités par la pêche porte actuellement essentiellement sur les fonds exploitables au chalut (fond doux des plateaux continentaux) mais est peu développé sur les fonds plus durs. La bande côtière de 3 m.n. exploitée surtout par les engins dormants est peu échantillonnée en dehors des nourriceries estuariennes du Golfe de Gascogne, Baie de Seine et quelques sites dans le cadre de l'Impact des Grands Aménagements. Des grandes zones ne sont pas échantillonnées du tout (Manche Ouest, Est de la Méditerranée, Ouest Corse). Sur les zones couvertes par les campagnes, l'échantillonnage est biaisé vers les fonds meubles. Ces campagnes ne produisent pas d'indicateurs de biodiversité sensibles à la pêche car la diversité compromise par la pêche et que l'on souhaite préserver est mal définie. Dans le contexte des implantations outre-mer, il n’existe pas de suivi systématique, mis à part dans quelques zones à très petite échelle où les peuplements associés aux récifs coralliens sont suivis par des équipes universitaires. Par ailleurs, le changement global (réchauffement climatique et activités humaines dont l'augmentation des activités de transport maritime) induit l’arrivée d’espèces exogènes dans les écosystèmes. Les campagnes existantes permettent de détecter des augmentations/raréfactions des populations suffisamment abondantes et capturables. En revanche, elles représentent des intensités d'échantillonnage très faibles et il n'y a pas actuellement de dispositif de signalement des espèces rares et/ou nouvelles. -> L’analyse de l’impact de la pêche sur les peuplements d’oiseaux et de mammifères marins est encore balbutiante, la France est relativement en retard sur ce sujet par rapport aux pays d’Europe du Nord et de certains pays méditerranéens. -> La synthèse des connaissances en zone tropicales (cf. section précédente) fait explicitement état des lacunes. La connaissance des activités de pêche côtière en terme d’effort et de production a fait du progrès au cours des deux dernières années en Guyane, à la Réunion, en Guadeloupe et maintenant en Martinique (mise en place du Système d’Information Halieutique). De nouvelles méthodes d’évaluation de l’état des stocks devraient être mises en œuvre eu égard à l’extrême diversité des espèces capturées et commercialisées. Les indicateurs multi spécifiques, à partir des traits démographiques relativement facilement mesurables pourraient être privilégiés. Cela peut constituer un axe de recherche commun aux implantations Ifremer en Outre-Mer, en particulier Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion où il existe des laboratoires Ressources Halieutiques. En revanche, en dehors de quelques petites zones de récifs coralliens qui bénéficient de suivi en plongée, il n’y a pas de mise en œuvre d’échantillonnage systématique par campagnes comme sur les côtes métropolitaines. La mise en oeuvre de l’approche écosystémique y est donc plus difficile faute de données. Un suivi de la biodiversité marine devrait être organisé avec les méthodes d’échantillonnage adaptées aux différents contextes écologiques (plongées, campagnes, instrumentation…) dans le cadre d’observatoires de la biodiversité marine justifiés par la forte diversité et sa sensibilité sans se limiter aux régions où l’on trouve des récifs coralliens. -> Les aires marines protégées (AMP) qui seront mises en place devront faire l'objet d'un suivi pour évaluer leur effet (expérience grandeur nature, envisageable en terme d’écologie expérimentale) sur la biodiversité en termes de (liste non exhaustive) conservation de la biodiversité dans son ensemble, d'espèces sensibles (par exemple grands chondrichtyens), de structures démographiques des principales populations exploitées (par exemple maintien de grands géniteurs), protection d'habitats essentiels. Ce suivi des AMP devra être fait, dans la mesure du possible par des moyens non destructifs (chalutage, dragage) actuellement non utilisés en routine par la recherche halieutique. 49 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 -> Les études économiques ont été focalisées sur les principales espèces commerciales, dépendances des flottilles etc.,... L’analyse des conséquences économiques pour les pêcheries des changements dans les peuplements est balbutiante et doit être renforcée. L'évaluation économique de la biodiversité reste à développer en France. -> Le passage à une approche écosystémique de la gestion des pêches signifie de rendre compatible la viabilité économique des pêcheries et le bon état écologique des systèmes. La recherche du RMD (ou MSY) permet en théorie la viabilité à long terme des stocks, sans toutefois prendre en compte les changements environnementaux. De plus, le maximum économique correspond parfois à un niveau d’exploitation inférieur à celui du RMD. Le RMD ne permet donc pas toujours une viabilité économique de la pêcherie concernée et il ne permet sans doute pas d’assurer le bon état écologique de l’écosystème. Dans cette optique, il ne s’agit donc plus de raisonner en terme de maximum ou optimum mais de domaine de viabilité : i.e., la recherche de l’ensemble des solutions permettant à la fois la viabilité économique et le bon état écologique du système (Mullon et al., 2004 ; Cury et al., 2005 ; Martinet et Doyen, 2007). C’est donc la recherche des modalités d’exploitation compatibles avec cette co-viabilité économique des entreprises de pêche et des systèmes écologiques exploitées qui doit être privilégiée. C’est le domaine de la modélisation et du contrôle viable qui se pose actuellement en terme de mathématiques mais aussi de notre capacité de compréhension des dynamiques écologiques et économiques. C’est une piste de recherche novatrice qui doit être appuyée. 6. Recommandations de stratégie de recherche en réponse La recherche sur les interactions pêche/biodiversité doit être un pilier pour l’approche écosystémique des pêches, associée aux travaux sur le fonctionnement des écosystèmes, second piler. Trois axes stratégiques sont proposés : l’observation, les interactions pêche/biodiversité/écosystème et la viabilité des systèmes. -> Observation des milieux, de la biodiversité et des activités Les campagnes récurrentes à la mer sont un outil indispensable qu’il faut privilégier. Il faut être vigilant au renouvellement des compétences « terrain » en taxonomie et en biologie. C’est sans doute un point de consensus mais qui n’est quasiment jamais affiché dans les recrutements. Concernant les communautés benthiques, il faudrait estimer ce qui existait en faisant du "data mining" et du "sauvetage des données" par exemple celui des campagnes de bionomie benthique et composition des communautés benthiques issues des campagnes Thalassa dans les années 1970), et ce qui existe aujourd'hui en mettant en place des plans d'échantillonnage et les évaluations, analyses et modèles correspondants pour évaluer quelles données sont nécessaires pour un monitoring des communautés benthiques à l'échelle des plateaux continentaux (= REBENT à l'échelle des plateaux continentaux). Des compétences (benthologues) existent dans d’autres organismes et universités avec qui il faut coopérer sur le sujet des impacts, en particulier de la pêche. Pour ce qui est des impacts de la pêche sur la faune emblématique (oiseaux, mammifères, tortues), ils doivent être intégrés dans notre compréhension du système dans le contexte de l’approche écosystémique. Il faut là aussi des coopérations extérieures à l’Ifremer pour que les données de suivi de cette faune soient utilisables dans cet objectif. Dans le contexte d’une biodiversité particulièrement riche en outre-mer, les suivis systématiques de la biodiversité sont paradoxalement quasi-inexistants. Il faut y remédier en investissant sur l’observation des peuplements exploités et en favorisant la coopération avec d'autres partenaires dans des "observatoires de la biodiversité marine" à définir. Le développement de stratégies d'échantillonnage basées sur des moyens non destructifs (dont la technologie existe : captures par engins passifs et vidéo) pour l'échantillonnage des AMP et des habitats sensibles en général doit être soutenu. Le suivi de la biodiversité doit s’accompagner d’un suivi des paramètres physiques et chimiques des milieux, ainsi que des activités qui s’y développent afin de comprendre les évolutions de cette biodiversité. A ce titre, les échanges entre les équipes travaillant à l’instrumentation des milieux, sur les réseaux environnement (REBENT, RNO, REMI, REPHY) et suivi des activités (SIH) doivent être favorisés. 50 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 -> Interactions pêche/biodiversité/écosystèmes Poursuivre l’analyse des impacts de la pêche sur les peuplements exploités et étendre aux peuplements associés encore trop peu pris en compte (benthos, faune emblématique), en associant les partenaires extérieures de l’Ifremer. La principale composante de la pêche concernée est le chalutage ; Il faut étendre à l’analyse des prélèvements infligés aux peuplements par les différents types d’engin, par échantillonnage des captures à bord des navires commerciaux et aux habitats non pris en compte actuellement (cf. section précédente). Intégrer l’analyse des impacts des autres facteurs forçants sur ces mêmes peuplements (changement climatique, eutrophisation, habitats, espèces invasives). Ces analyses s’appuient sur des données obtenues via les systèmes d’observation et les campagnes ; à terme, ces approches empiriques doivent être complétées par la modélisation de la dynamique des peuplements. La biodiversité n'est pas un élément explicite des modèles d’écosystèmes actuellement disponibles mais elle peut être prise en compte dans des modèles multi agents de peuplements dont le développement a commencé par exemple à l’IRD, à l’ENIB, à l’INRA. Ces modèles peuvent aussi servir à analyser le rôle de la biodiversité (et donc de sa perte ou modification) dans certaines fonctions et services du système. En terme de production de services associés à la biodiversité marine, c’est le domaine de la modélisation du fonctionnement des écosystèmes (modèles de flux de matière). Ils peuvent être améliorés pour mieux tenir compte des situations dynamiques et des facteurs forçant (climat en particulier) et notamment rendre compte de l’impact de la pêche. Ces travaux développés historiquement dans un contexte autre (autres programmes et départements de l’Ifremer) peuvent et doivent être appliqués dans le contexte de l’approche écosystémique des pêches. Ainsi, la connaissance des interactions trophiques entre les compartiments est indispensable. Les méthodes utilisant les isotopes stables peuvent être mobilisées et développées sans recourir systématiquement aux analyses de contenus stomacaux. La connaissance du lien entre biodiversité des habitats et du benthos et les peuplements de poissons reste une question scientifique. -> Viabilité des systèmes A court ou moyen terme, il faut favoriser les travaux d'écologie théorique et appliquée pour être en mesure de fournir des avis sur les modes d'exploitations compatibles avec les objectifs d'exploitation durable. Dans un premier temps, la question est comment combiner la production du RMD au maintien de la biodiversité des écosystèmes exploités (notamment estimation des changements d'impacts sur la biodiversité consécutifs au changement des pêcheries et des éventuels effets pervers nécessitant des correctifs). Est-ce même compatible ? A plus long terme, il s’agit de fournir un diagnostic sur des scénarios d’exploitation (modalités) permettant la co-viabilité économique des pêcheries et écologique des systèmes (incluant les populations exploitées). Ces travaux sur la coviabilité s’appuieront sur la compréhension développée sur les dynamiques écologiques (interactions pêche/biodiversité/fonctionnement des écosystèmes) et dynamiques économiques (interactions pêche/valeur de la biodiversité et des produits de la mer/ conditions institutionnelles et économiques globales dont les marchés). -> L’outre-mer En outre-mer, cette thématique mérite une attention particulière du fait du caractère extrêmement riche de la biodiversité, du type d’exploitation souvent artisanal, de petite échelle et informelle dans un contexte de retard de développement économique et de manque de moyens scientifiques (humains et matériels). Cette attention doit porter sur l’observation de l’environnement, de la biodiversité et des programmes de recherche sur les interactions pêche/biodiversité/écosystèmes, dans le contexte de sensibilité au changement climatique. Les implantations gagneront à travailler en concertation sur les méthodologies d’observation des habitats, de la biodiversité et des activités humaines, sur les méthodologies d’évaluation de l’impact de la pêche sur des peuplements très diversifiés (outre les difficultés d’application des méthodes classiques d’évaluation des stocks), sur la faune emblématique (tortues, mammifères et oiseaux) dont l’importance médiatique et sociétale est sans doute exacerbée par rapport au territoire métropolitain, sur l’impact des changements climatiques dans des zones en limite chaude de l’aire de répartition des espèces. Le développement de cette thématique implique la collaboration des universités et organismes de recherche présents outre-mer. 51 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Références Blanchard, F., 2000. Impact de l’exploitation par la pêche sur la dynamique de biodiversité des peuplements de poissons démersaux. Thèse de doctorat de l’Université de Bretagne Occidentale. Blanchard, F., LeLoc' h, F., Hily, C., Boucher, J., 2004. Fishing effects on diversity, size and community structure of the benthic invertebrate and fish megafauna on the Bay of Biscay coast of France. Mar. Ecol. Prog. Ser., 280, 249-260. Blanchard, F., Vandermseirsch, 2005. Warming and exponential abundance increase of the subtropical fish Capros aper in the Bay of Biscay (1973–2002) Comptes Rendus Académie des Sciences – Biologies, Volume 328, Issue 5: 505-509. Brander, K., 1981. Disappearance of common skate Raja Batis from Irish Sea. Nature, 290, 5801, 4849. Cury, P., Mullon, C., Garcia, S., Shannon, J., 2005. Viability theory for an ecosystem approach to fisheries. ICES J. Mar. Sci., 62(3) : 577 - 584. Dulvy, N.K., 2005. Comparison of threat and exploitation status in North-East Atlantic marine populations. Journal of Applied Ecology, 42, 5, 883-891. Hall, S.J., 1999. The effects of fishing on marine ecosystems and communities. Blackwell Science, Oxford, 274 pp. Joubin, M.L., 1922. Les coraux de mer profonde nuisibles aux chalutiers. Office Technique des Peches Maritimes, Notes et Memoires, 18, 5-16. Scientifique et Lindeboom, H., De Groote, S.J., 1998. Environmental impact of bottom gears on benthic fauna in relation to natural resources management and protection of the North Sea. RIVO- DLO, NIOZ rapport, n° 11, 1994, 257pp. Martinet, V., Doyen, L., 2007. Sustainable management of an exhaustible resource: a viable control approach, Journal of Resource and Energy Economics, vol.29, issue 1 : 17-39. Mullon, C., Cury, P., Shannon, L., 2004. Viability model of trophic interactions in marine ecosystems. Natural Resource Modeling 17 (1) : 71-102. Poulard, J.C., Blanchard, F., 2005. The impact of climate change on the fish community structure of the eastern continental shelf of the Bay of Biscay. ICES Journal of Marine Science, 62(7) : 1436-1443. Quéro, J.C., 1998. Changes in the Euro-Atlantic fish species composition resulting from fishing and ocean warming. Italian Journal of Zoology, 65, 493-499. Rochet, M.J., Trenkel, V., Bellail, R., Coppin, F., Le Pape, O., Mahe, J.C., Morin, J., Poulard, J.C., Schlaich, I., Souplet, A., Verin, Y., Bertrand, J., 2005. Combining indicator trends to assess ongoing changes in exploited fish communities: diagnostic of communities off the coasts of France. Ices Journal of Marine Science, 62, 8, 1647-1664. Vergnon, R., Blanchard, F., 2006. Evaluation of trawling disturbance on macrobenthic invertebrate communities in the Bay of Biscay, France: Abundance biomass comparison (ABC method). Aquatic living resources Volume 19, Issue 3 : 219-228. WGDEC, 2007. Report of the Working Group on Deep-water Ecology (WGDEC). ICES Advisory Committee on Ecosystems, Miami, USA, ICES CM 2006/ACE:01, Ref. LRC, 61pp. WGDEEP, 2006. Report of the working group on biology and assessment of deep-sea fisheries resources (WGDEEP). International Council for the Exploration of the Sea (ICES), 2-11 May 2006, Vigo, Spain, ICES CM 2006/ACFM:28, 504pp. 52 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Côtier (interface terre-mer) C. Bacher EN ATTENTE 53 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 AXE Soutenir l’innovation technologique et sociale 54 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Système d’Information sur la Nature et les paysages (SINP) R. Kantin1, J.F. Bourillet2 et J. Populus2 1 2 Ifremer Toulon, Ifremer Brest 1. Définition périmètre du sujet Stopper d’ici 2010 la perte de biodiversité est un objectif fixé au niveau international dans le cadre de la convention sur la diversité biologique ratifiée en 1992 par plus de 150 Etats et repris par la 5 Commission européenne et par la France dans la stratégie nationale pour la biodiversité. Le Système d’Information sur la Nature et les Paysages (SINP) s’inscrit dans cette stratégie avec l’objectif de structurer les connaissances sur la biodiversité et de faciliter leur mobilisation pour : • • • • élaborer et évaluer les politiques publiques, évaluer l’impact des plans, programmes et projets, mettre à la disposition des citoyens une information suffisante pour permettre le débat, permettre de faire les rapportages correspondants aux engagements européens et internationaux 2. Evolution du contexte de la société et réglementaire La démarche du SINP prévue par le MEDAD t de mieux coordonner au niveau français les différentes activités actuellement réparties dans de multiples organisations nationales et locales qui participent chacune à l’objectif commun de stopper la perte de biodiversité. Elle permet aussi définir le périmètre de l’observatoire de la biodiversité prévu dans le Grenelle de l’environnement. Enfin, cette démarche s’inscrit aussi en interaction avec plusieurs démarches internationales de systèmes d’information : système partagé d’information sur l’environnement de la Commission européenne (SEIS), infrastructure d’information spatiale de l'Union européenne (INSPIRE), système mondial d’information sur la biodiversité (GBIF), … Au niveau français, les acteurs à coordonner dans le cadre du SINP sont nombreux. Ils sont représentés dans le comité national du SINP et regroupés en 5 familles : 1. les collectivités territoriales 2. les grands acteurs scientifiques au niveau national ou régional 3. les organisations non gouvernementales et les associations d’usagers qui ont historiquement un rôle très important dans la protection de la nature 4. les organismes chargés de mettre en œuvre la politique de préservation de la biodiversité (établissements publics ou organismes divers) 5. les administrations centrales et déconcentrées de l’Etat concernées Un protocole du SINP publié par la circulaire du 11 juin 2007 relative à la publication et mise en œuvre du protocole du système d’information sur la nature et les paysages (SINP) – B.O. du MEDAD (Ecologie) du 30 août 2007 5 Communication de la commission européenne du 22 mai 2006 : enrayer la diminution de la biodiversité à l’horizon 2010 et au-delà préserver les services écosystémiques pour le bien-être humain COM(2006)-216 55 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 3. Evolution du contexte de la recherche nationale, européenne et internationale Au niveau national, le MEDAD a défini 3 domaines scientifiques : Le « domaine transverse » 1) construire, et tenir à jour au fur et à mesure de l’avancée des connaissances scientifiques, un référentiel d’espèces et un référentiel d’habitats ainsi qu’un répertoire des connaissances 6 scientifiques sur ces espèces et habitats nécessaire aux processus suivants ; ce processus est confié dans le cadre du SINP à la coordination scientifique animée par le muséum national d’histoire naturelle 2) identifier les programmes d’inventaire d’espèces et de cartographie d’habitats nécessaires aux processus suivants ; les conduire ou les actualiser en s’appuyant sur les référentiels et les connaissances (dont les méthodes) listées dans le processus 1 3) élaborer et réviser régulièrement a. les listes rouges d’espèces sauvages menacées par groupe taxonomique b. les listes d’habitats naturels et semi naturels menacés c. les listes d’espèces invasives Le « domaine biodiversité remarquable » 4) surveiller l’état de la biodiversité remarquable au travers de l’état de conservation des espèces patrimoniales et des habitats naturels et semi naturels menacés ainsi que l’évolution de cet état 5) décider, en fonction de l’évaluation a priori de leur efficacité et de leur coût, puis réaliser les mesures de conservation les plus efficientes pour la préservation de la biodiversité remarquable ; ces mesures sont principalement de types suivants : a. élaborer et mettre en œuvre un plan de restauration de la faune sauvage ou des actions de renforcement, de réintroduction ou d’introduction de flore b. réglementer la détérioration des habitats naturels et des habitats d'espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces ; faire respecter cette réglementation c. délimiter des espaces naturels (parc national, réserve naturelle, …) et les protéger au moyen d’un des dispositifs juridiques existants ; contrôler et faire respecter les contraintes réglementaires et les contrats définis dans ces espaces naturels d. aider d’autres acteurs (plus locaux, plus globaux, voisins) afin qu’ils mettent en œuvre des mesures de conservation similaires et assurer ainsi un maillage du territoire par des infrastructures naturelles permettant un processus dynamique d’évolution et d’adaptation aux changements globaux 6) évaluer a posteriori l’impact des mesures de conservation sur l’état de conservation des espèces et des habitats – ce processus est partiellement commun au processus 4 sur lequel il reboucle Le « domaine biodiversité ordinaire » 7) surveiller l’état de la dissémination des espèces invasives 8) décider, en fonction de l’évaluation a priori de leur efficacité et de leur coût, puis réaliser des mesures de lutte contre les espèces invasives, principalement des mesures d’éradication et des mesures réglementaires permettant de limiter la diffusion de ces espèces 9) évaluer a posteriori l’impact de ces mesures d’éradication et réglementaires sur l’état de la biodiversité ordinaire, ce processus reboucle sur le processus 7 10) surveiller l’état de la biodiversité ordinaire au moyen du suivi d’indicateurs définis consensuellement 11) évaluer l’impact sur la biodiversité ordinaire des politiques sectorielles potentiellement défavorables : aménagement et gestion du territoire, agriculture, pêche, sylviculture, urbanisme, activité minière, transport, … 12) définir et mettre en œuvre des mesures de réduction des impacts de ces politiques : prise en compte dans les documents de planification et d’urbanisme, éco-conditionnalité, études d’impact, mesures compensatoires, … ; évaluer l’apport de ces mesures ; rebouclage sur le processus 11 6 cette connaissance scientifique comprend les méthodes de production et de validation des programmes d’inventaire, pour chaque espèce et habitat, l’information d’identification des individus et de connaissance générale (comportement, mode de gestion, …) ainsi que la bibliographie correspondante ; 56 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Textes normatifs : Note CERL AAMP Ifremer concernant le besoin de mettre en œuvre une politique française de cartographie des habitats et de la biodiversité marine littorale et hauturière Paris, le 19 octobre 2007 Circulaire du 11 juin 07 relative à la publication et mise en œuvre du protocole du système d’information sur la nature et les paysages (SINP). BO du MEDAD, 3à août 2007, Medad 2007/16, Texte 13/36 Cf note PDG/ARomana/08-017 sur la coordination scientifique du SINP Ces étapes doivent permettre à terme de : - - définir puis établir un ensemble d’indicateurs reflétant l’état de la biodiversité (indicateurs nationaux fournis en annexe) ; réaliser les rapports correspondants aux engagements européens et internationaux ; ce processus formalise le contenu de l’observatoire de la biodiversité prévu dans le programme biodiversité du Grenelle de l’environnement faire évoluer les réglementations et les budgets consacrés à la préservation de la biodiversité formaliser les lacunes en matière de connaissance scientifiques nécessaires à la préservation de la biodiversité et les transmettre aux organismes scientifiques concernés Au niveau européen et international : La mise en ligne des données sur la biodiversité s’effectue par l’intermédiaire du Global Biodiversity Information Facility (GBIF), organisation indépendante, issue des travaux initiés en 1996 dans le cadre du Megascience Forum Working Group on Biological Informatics de l'OECD. GBIF coopère avec les organisations les plus importantes dans la domaine de la biodiversité, telles que le Clearing House Mechanism ou la Global Taxonomy Intitiative (GTI) de la Convention de l'UNEP sur la diversité biologique (CBD, Convention on Biological Diversity). Le secrétariat permanent de GBIF a été établi à Copenhague, et son portail d'entrée mis en place en 2001. A ce jour, GBIF compte 26 états membres à part entière, dont la France, ainsi que 21 états et 31 organisations internationales membres associés, dont l'UICN, l'UNEP et la Commission européenne. A l'inverse du statut de membre, celui de membre associé exclut toute contribution financière à GBIF (et tout droit de vote au sein de son organe dirigeant), mais prévoit toutefois que l'organisation ou l'Etat ayant ratifié le Memorandum of Understanding (MoU) s'engage à répondre aux objectifs de GBIF en soutenant activement la mise en place d'infrastructures techniques et l'émergence de projets concrets sur son territoire. A titre d’exemple, les canadiens possèdent un Système d'information taxonomique intégré (SITI), catalogue de noms communs et scientifiques appelé éventuellement à regrouper toutes les espèces du Canada, des États-Unis et du Mexique , une Cartographie en ligne et une banque d'espèces. Un total de 118 000 sites apparaît sur le moteur de recherche Google en tapant « Système d’Information Biodiversité » et de 283 000 sites en tapant « Information System Biodiversity », et il est important d’effectuer succinctement une compilation de ces données pour avoir un état e l’art de tels systèmes chez nos voisins européens et dans le monde (étude bibliographique pouvant être confiée à un stagiaire Bac +5). 4. Bilan des documents existants, synthèse des connaissances scientifiques, identification des lacunes, de ruptures et de pistes nouvelles de recherche De très nombreux documents existent au niveau national. Leur exploitation et leur synthèse sont nécessaires et doivent être le premier objectif de cette année 2008, en vue d’en dégager les points forts et les lacunes. Des efforts ont déjà été engagés au niveau national, que ce soit dans le cadre de synthèses effectuées dans le cadre du REBENT que dans le cadre de programmes européens dédiés. 57 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Quelques sites & références • • • • • • • Conférence de Paris "Biodiversity in European Development Cooperation"- 19-21 septembre 2006 : http://countdown2010.net/paris2006/ Conférence de Paris –Science et Gouvernance, Paris 24-28 janvier 2005 : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/environnementdeveloppement-durable_1042/diplomatie-environnementale_1115/biodiversite_2502/conference-science-gouvernance-paris-2428.01.05_10231.html Convention Diversité Biologique (1992) : http://www.biodiv.org/default.shtml Convention CITES : http://www.cites.org/ (Convention de Washington - Commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction) Convention RAMSAR (Zones humides) http://www.ramsar.org Convention OSPAR - 1992 - (Oslo-Paris) http://www.ospar.org/fr/html/welcome.html Convention sur la Conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS) : http://www.cms.int/documents/convtxt/cms_convtxt_fr.htm Convention de Bern Convention internationale sur la protection des végétaux (CPV) : http://www.agriculture.gouv.fr/spip/IMG/pdf/avis56_0906.pdf Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer : http://www.idlo.int/texts/leg6593f.pdf Convention des Nations Unies sur le changement climatique : http://www.unfccc.int/ Countdown 2010 (Global Action for Biodiversity) : http://www.countdown2010.net/ European Environment Agency (EEA) : http://www.eea.europa.eu/ ENVLIT (site intranet Ifremer) http://www.ifremer.fr/envlit/ IDDRI – Institut du Développement Durable et des Relations Internationales - http://www.iddri.org/iddri/ IMosEB (International Mechanism of Scientific Expertise on Biodiversity) - http://www.imoseb.net/ IUCN – The World Conservation Union : http://www.iucn.org/ IUCN Red list : http://www.iucnredlist.org/ Ministère des Affaires Etrangères (MAE) http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/environnement-developpementdurable_1042/diplomatie-environnementale_1115/biodiversite_2502/index.html MEDD http://www.ecologie.gouv.fr/-Le-MEDD-.html Ministère de l’Outre Mer ((MOM) : http://www.outre-mer.gouv.fr Protocole de Cartagena (prévention des risques biotechnologiques) : www.un.org/french/millenaire/law/cartagena.htm REBENT réseau benthique (site intranet ifremer) http://www.ifremer.fr/rebent/ Sommet de Johannesburg (2002) - www.sommetjohannesburg.org • • • • • • • • • Site francophone du développement durable : http://www.agora21.org/ Site du Bureau des Ressources Génétiques : http://www.brg.prd.fr/ Site du "Millenium Ecosystem Assessment" : http://www.milleniumassessment.org:en/index.aspx Site de la "Food and Agriculture Organization" des Nations Unies : http://www.fao.org/ Site du Programme des Nations Unies pour le développement : http://www.undp.org/ Site du Programme "L'homme et la biosphère" de l'Unesco : http://www.unesco.org/mab/ Site du Programme des Nations Unies pour l'Environnement : http://www.unep.org/ Site du groupement international GBIF (base de données biodiversité à l'échelle mondiale) - point focal français MNHN : http://www.gbif.org/ Site Natura 2000 - http://ec.europa.eu/environment/nature/nature_conservation/natura_2000_network/marine_issues/index_en.htm • • • • • • • • • • • • • • • • • Quelques sites & références……………… • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • EPBRS 2007. Marine Biodiversity research in support of the EU integrated Maritime policy 2p. EPBRS 2007. Recommendations of the meeting of the European Plateform for biodiversity research strategy 4p. EEA 2007. Halting the loss of biodiversity by 2010: proposal for a first set of ndicators to monitor progress in Europe. Technical report N°11/2007, 183p. Levrel H., 2007. Quels indicateurs pour la gestion de la biodiversité ? Les cahiers de ‘lIFB, 94p. OPECST, 2007. Les apports de la science et de la technologie au développement durable. Tome II La biodiversité : l’autre choc ? L’autre chance ?. MM. P. Laffitte & C. Saunier. N°501 Assemblée Nationale – N°131 Sénat, 192p. MEA 2005. Marine fisheries system – Assessment – Chapter 18. 479-511. MEA 2005. Les écosystèmes et le bien être de l’homme: un cadre d’évaluation. Résumé. 20p MEA 2005. Biodiversity. Chapter 4 – Assessment – Chapter 5- Policy responses – Chapter 10 - Biodiversity across Scenarios Trommetter M. & J. Weber. Biodiversité et changmeents globaux. Développement durable et changements globaux: le développemnt durable l’est il encore pour longtemps ? Chap. VI 135-157. MARINERA 2007. Anthropogenic & climate change impacts on biodiversity and ecosystem functionning. Report on MarinERA A prosteriori clustering Workshop 2. Facilitating the coordination of national and regional marine RTD programmes in Europe. Madrid Spain, September 2007, 30p. Fonds français pour l’Environnement Mondial 2008. Etude e capitalisation des expériences de sprojets du FFEM d’aires marines protégées et de conservation de la biodiversité marine. 35p. Worm et al., 2006. Impacts of biodiversity loss on ocean ecosystem services. Science, 314, 3 novembre 2006, 787-790. IASOn, 2007. International Action for the Sustainibility of the Mediterranean and Black Sea Environment. A science plan for the region. UE -FP6, 14p. Cardinale et al., 2006. Effects of biodiversity on the functionning of trophic groups and ecosystems. Nature 443, 26 octobre 2006. 989-992. NOAA 2008. GEO Group on earth observation. Biodiversity: undestranding monitoring and conserving biodiversity. V4-20-37. NSF 2008. US Long term ecological research LTER 2000-2010: a decade of synthesis. Lmanagmeent strategic plan. NSF 2007: The biodiversity and biocomplexity DDAS Dynamic data driven application systems. NSF 2007. A Five year strategy 2001-2006. GPRA Plan. DEFRA 2007. Cost impact of marine biodiversity policies on business – The Marine Bill. CRO378 Natural Environment Group Science Division.95p+ annexes EEA , 2007. Climate change : the cost of inaction and the cost of adaptation. EEA technical report N°13/20 07, 68p House of Commons, 2007. Investigating the oceans. Vol. I chapter 8. Marine ecosystems and biodiversity. Tenth report of session 2006-2007.Science and Technology committee NERC, 2007. Next generation science for the planet EARTh . NERC strategy 2007-2012. 34p. NERC 2007. OCEANS 2025 – Theme 4: Biodiversity and ecosystem functionning. 22p. Australian marine Institute MARBENA 2002. Creating a long term infrastructure for marine biodiversity research in the European Economic area and the newly associated states. The status of marine biodiversity research and potential extensions of the related network of institutes. Merge of contribution from the southeastern mediterranean region. EU, 2007. The Deep Sea frontier: science challenges for a sustainable future, 54p. IFB 2007. Biodiversité: quelle recherche dans 15 ans ? Enjeux, chercheurs et contextes. Actes des 4èmes journées de l’Institut français de la biodiversité, Paris. 26-27 octobre 2006. 86p. NRC, 2002. Marine Biotechnology in the XXifirst century: problems, promise and products. Natioanl Academy of sciences, 117p. Impasse project, 2008. Economics of invasive species decision tools for aquaculture. 143p. 58 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 5. Recommandations en termes de stratégie de recherche en réponse 4 démarches émergent au niveau stratégique : a - Volet Bancarisation : construire les référentiels (cf. note A. Huguet) - Mise en place de la structure projet SINP, - Rédaction des exigences fonctionnelles du système, - Etude d’adéquations des systèmes existant aux besoins du SINP – Dimensionnement des adaptations, - Intégration de données/métadonnées test et d’historique (SEXTANT) aux systèmes de l’Ifremer. - Estimations précises des coûts pour l'élaboration d'une banque de données rassemblant l'essentiel des informations. + Mise à disposition des BD Ifremer, LPO, CRMM, Pelagos, au MEDAD b - Volet inventaires et cartographies : inventaires d'espèces, cartographies d'habitats. Il s'agit de tenir à jour un référentiel d'espèces et d'habitats, ainsi qu'un répertoire des connaissances sur ces espèces et habitats (coordination MNHN, rôle Ifremer à préciser). Il s'agit notamment des études pilotées AAMP ou régionales : LIFE+, Interregs, études locales (Natura 2000,...). - Recensement sensu lato des données (et de leur système de bancarisation) dans l’ensemble de la communauté scientifique concernée, portant à la fois sur le benthos, le pelagos, les oiseaux…, existant dans les organismes de recherche, les collectivités territoriales ou les ONG (UICN, CAR/ASP, PAP, Plan Bleu,….). - Evaluation des actions à effectuer (validation, bancarisation, lacunes ...) et évaluation des coûts - "Elaboration / mise à jour de listes", ciblé sur listes rouges d'espèces menacées, d'habitats naturels menacés, d'espèces invasives. Etat de conservation des espèces patrimoniales et des habitats. c - Volet Indicateurs de biodiversité : définition et suivi - Recensement des indicateurs et indices globalisés existants pour caractériser la biodiversité marine - Répondre aux objectifs de surveillance l’état de la biodiversité "ordinaire" en définissant puis en établissant un ensemble d'indicateurs reflétant l’état de la biodiversité. - Première exploitation des données : identification des lacunes ; mise en évidence de tendances concernant la « biodiversité remarquable », que ce soit en terme d’espèces protégées ou d’espèces invasives ; NB : Par biodiversité ordinaire se distingue de la biodiversité remarquable. Comprend contrôle dissémination espèces invasives, maîtrise des politiques sectorielles d - Volet Exploitation des données (domaine transverse, biodiversité remarquable, biodiversité ordinaire) Recommandations concernant les mesures de conservation à mettre en œuvre (plans de restauration, réglementation des habitats naturels, Natura 2000, PNM,), orientation des politiques sectorielles, formalisation des lacunes... 59 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Développement d’outils d’aide à la décision & à la gestion. Cas des Aires Marines Protégées Dominique Pelletier, Ifremer Nouvelle Calédonie Définition préalable Une Aire Marine Protégée (AMP) se définit comme « tout domaine intertidal ou subtidal - avec la couche d’eau qui le recouvre, la flore et la faune associées, et ses caractéristiques historiques et culturelles - qui a été réservé, réglementairement ou par d'autres moyens, pour protéger tout ou partie de l’environnement qu’il délimite » (Résolution 17.38 de l'Assemblée Générale de 1988 de l ’IUCN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature, définition faisant l’objet d’un consensus international). Une AMP peut être une réserve intégrale où tout prélèvement est interdit, comme une zone où un certain type de pêche seulement est réglementé. 1. Périmètre du sujet Dans le contexte actuel de la mise en place d’un réseau global d’Aires Marines Protégées, le développement d’outils d’aide à la gestion et à la décision comprend deux volets : - l’aide à la gestion d’AMP existantes. Cette aide repose sur la connaissance existante et les objectifs de gestion. Les outils concernent essentiellement le suivi de la performance de l’AMP, mais peuvent aussi aider à faire évoluer la réglementation en cours, par exemple sous forme de changement du plan de zonage. Suivre la performance d’une AMP, c’est évaluer si les objectifs de gestion sont effectivement atteints. Le suivi devient une aide à la gestion s’il est accompagné d’un processus de prise de décision dépendant de ses résultats. Ce processus requiert d’établir un lien entre les indices issus des suivis et les actions de gestion qui peuvent être mises en œuvre. Le lien est formalisé par une approche en termes de grille d’interprétation des indices, de risque d’erreur inhérent à chaque décision en fonction des qualités des indices, c'est-à-dire une approche indicateurs d’aide à la gestion. - l’aide à la création de nouvelles AMP. Cette création s’appuie également sur un corpus de connaissances et de données existantes qui doivent guider les décisions de création d’AMP, et ce sur la base d’objectifs de gestion. Les outils doivent être en mesure de prendre en compte et d’intégrer des données multi-thématiques, nombreuses mais dispersées, hétérogènes et parfois lacunaires, et géoréférencées. Ils doivent également permettre de choisir entre diverses options de configuration d’AMP (nombre, localisation, taille, réglementation-zonage). Ce choix peut s’effectuer sur la base d’une optimisation multicritères évaluant a priori les mérites comparés de différentes configurations. Il peut aussi être guidé par l’évaluation des conséquences plausibles d’une palette de scénarios dans une approche dynamique. La problématique des AMP est globale sensu stricto, c'est-à-dire qu’elle concerne toute la planète. Au plan géographique, le sujet concerne donc aussi bien la métropole que les régions ultramarines, avec en ce qui concerne la biodiversité marine un poids considérable de l’Outre mer français. Il concerne les écosystèmes côtiers au premier chef, du fait de la prégnance des pressions anthropiques, mais aussi des écosystèmes remarquables (coraux profonds, sources hydrothermales, monts sous-marins) et particulièrement vulnérables, voire des zones de haute mer. 2. Evolution du contexte de la société et réglementaire Plusieurs évolutions récentes du contexte de la gestion de l’environnement marin et des recherches qui s’y rapportent montrent l’importance croissante prise par les AMP. Plusieurs conventions et traités ratifiés par la France comprennent la mise en place d’AMP et au niveau européen, tant la gestion des pêcheries que la conservation de l’environnement prévoient le recours aux AMP (voir Annexe). A un niveau plus local, les conflits d’usage dans la bande côtière entre notamment pêche professionnelle, pêches informelles (récréative et autres) et activités touristiques favoriseront dans les années qui viennent la création d’AMP appropriées à la gestion des usages multiples (Multiple Use MPA en anglais). Les AMP sont donc un outil privilégié pour la Gestion Intégrée de la Zone Côtière (GIZC). La récente Agence des AMP s’inscrit dans ce contexte très évolutif avec un mandat clair de création de Parcs Naturels Marins à l’horizon 2012. 60 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Du fait des obligations des Etats à développer les AMP, les scientifiques sont de plus en plus sollicités pour fournir une expertise sur la question des AMP, alors que par le passé les Organisations Non Gouvernementales conservationnistes, pour la plupart anglo-saxonnes (WWF, Conservation International, GreenPeace, etc…) ont souvent été les interlocuteurs principaux des promoteurs d’AMP (voire les promoteurs eux-mêmes), notamment dans les régions tropicales. L’IUCN fait autorité à travers la fourniture de guides, de recommandations (Pomeroy et al. 2004). Un des trois points du Programme de travail de la Convention sur la Diversité Biologique (CBD) sur les Aires Protégées (AP) se rapporte à la réalisation d’une « boîte à outils » constituée de documents d’information pour l’identification, la gestion, le suivi et l’évaluation des systèmes régionaux et nationaux d’aires protégées. Il est intéressant de constater la prédominance des contributions des ONG sur ce thème (UNEP/CBD/WG-PA/2/INF/5 disponible à http://www.cbd.int/doc/?meeting=WGPA-02). 3. Evolution du contexte de la recherche nationale, européenne, et internationale. Les AMP en tant qu’outil pour la conservation de la biodiversité ont fait l’objet d’un grand nombre de contributions scientifiques depuis les années 1980, particulièrement en ce qui concerne les écosystèmes coralliens (Pelletier 2003 ; Pelletier et al., 2005). L’existence de projets nationaux et internationaux sur le sujet est plus récente. Au niveau européen, les projets BIOMEX (Assesment of biomass export from marine protected areas and its impacts on fisheries in the western Mediterranean Sea, FP5 n° Q5RS-CT-2002-00891, 2003-2006) et VALFE Z (Value of exclusion zones as a fisheries management tool in Europe: A strategic evaluation and the development of an analytical framework, 2000-2002, n° QLK5-CT-1999-01271), EMPAFISH (Europe an Marine Protected Areas as tools for FISHeries management and conservation, 2006-2008, FP6 n° SSP8-006539) et PROTECT (Potential of MPA for marine environmental protection, 2005-2008, FP6 n° SSP8-2004-513670) relèvent respectivement des 5ème et 6ème PCRD. Les deux premiers sont centrés sur la Méditerranée tandis que le troisième ne comprend que des partenaires d’Europe du Nord (y compris l’IFREMER, ème coordination du WP de modélisation par D. Pelletier). Le 7 PCRD comprend un point spécifique sur la gestion spatiale (FP7 ENV.2008.2.2.1.1 Monitoring and evaluation of Spatially Managed Areas (SMA)). Un peu en marge de la recherche, citons également le réseau des gestionnaires d’AMP en Méditerranée (MEDPAN) qui fait l’objet d’un financement Interreg (http://www.medpan.org/). Au plan national, les réserves marines existantes principalement en Méditerranée, ont été le support de nombreuses recherches depuis leur création (Banyuls en 1974), notamment en écologie marine. Cependant, les projets sur l’outil de gestion AMP sont plus récents : un projet concernant le Parc d’Iroise (Boncoeur 2004), Liteau II-AMP et Liteau II-Réserve des Bouches de Bonifacio (2004-2006), et très récemment les projets PAMPA (Liteau III, 2008-2010, coord. D. Pelletier), GAIUS (ANR Blanc, 2008-20010, coord. Univ. Perpignan/D. Pelletier) et AMPHORE (ANR Biodiversité, 2008-2010, coord. R. Laë, IRD Brest). 4. Synthèse des connaissances scientifiques Les connaissances scientifiques relatives à cette thématique sont de deux ordres : a) dynamique et fonctionnement des socio-écosystèmes marins concernés : - en écologie : dynamique de populations marines et des relations entre ces populations et avec leur habitat, - sur le volet usages : qualification et quantification des pressions et impacts, notamment en réponse à des modifications réglementaires ou créations d’AMP, analyses et évaluations économiques. b) outils d’aide à la décision et à la gestion : - moyens d’observations appropriés : l’existant consiste en des observations écologiques, principalement visuelles, captures et efforts de pêche et enquêtes sur les usages, rarement inscrites dans le cadre de suivis à long terme, - outils d’analyse : trois catégories d’outil : 1-les analyses de données de terrain (diagnostic), 2-les modèles dynamiques d’exploration de scénarios (diagnostic et prospectif) et 3-les algorithmes d’optimisation multicritères (aide à la configuration d’AMP) (voir Pelletier et al., (2005) et Pelletier & Mahévas (2005) pour des synthèses sur 1 et 2, et Pelletier et al., (2008) pour une discussion des deux premiers types et des perspectives). 61 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 5. Identification de lacunes, de ruptures et de pistes nouvelles de recherche 5.1. Lacunes en dynamique et fonctionnement des socio-écosystèmes marins concernés : (voir aussi Pelletier 2001, 2003) En écologie, la distribution spatiale et les mouvements des espèces (migration et dispersion des stades recrutés et des jeunes stades), les processus de reproduction et recrutement sont souvent mal connus et non quantifiés. Les relations entre espèces, la capacité de restauration des habitats sont également mal connus. Par ailleurs, l’impact d’activités de pêche ou autres usages sur les écosystèmes est mal connu. Conséquences : difficulté de configuration des AMP, et d’évaluation de leurs effets sur la biodiversité et les ressources. Sur certains écosystèmes particuliers comme les coraux profonds, une connaissance insuffisante de l’écologie et des relations entre les coraux et le reste de la faune. Sur le volet usages : un manque général de données appropriées : pour la pêche professionnelle, une résolution spatiale déficiente et un manque de données de captures en milieu côtier ; pour la pêche informelle, une méconnaissance générale des activités et très peu d’information à l’échelle des AMP ; les autres usages des écosystèmes marins (activités subaquatiques, nautiques, extractions, batellerie, trafic ne sont pas quantifiés et leurs impacts non évalués. La réponse des usagers à des modifications réglementaires n’est pas étudiée. Les données ne permettent que difficilement d’évaluer l’impact et donc la pertinence d’AMP à modérer cet impact. Gouvernance : la gouvernance de socio systèmes côtiers gérés tout ou partie grâce à des AMP n’est que très peu étudiée (relations entre acteurs, rôle de la science/ de l’expertise, territoires, règles, chartes…) et prise en compte. 5.2. Lacunes concernant les outils d’aide à la décision et à la gestion : - Les techniques d’observation disponibles pour les suivis sont souvent inadaptées aux moyens et compétences techniques des services gestionnaires. - Les protocoles des suivis écologiques quand ils existent sont souvent inadaptés à la production de diagnostics en termes de configuration et densité de l’échantillonnage. - Les protocoles d’enquêtes quand ils existent sont souvent élaborés sans recul méthodologique. - Les outils de diagnostics sont souvent sommaires et ne conduisent pas à la production d’indicateurs fiables et robustes. - Les outils prospectifs sont insuffisamment utilisés, et notamment ceux qui permettent d’évaluer les effets des AMP sur les ressources et les pêcheries. - L’aspect bancarisation des informations est ignoré. - La restitution et le transfert des résultats aux utilisateurs ne sont pas formalisés. 6. Recommandations de stratégie de recherche en réponse La contribution potentielle de l’IFREMER en réponse à cette situation se décline en trois volets : 6.1. Contribuer à la production d’outils d’aide à la décision et à la gestion : - Les compétences utiles pour combler certaines des lacunes du §5.2. sont présentes en interne (techniques et protocoles d’observation dont enquêtes, statistiques, systèmes d’information, 7 cartographie, outils de la surveillance…). Le projet PAMPA illustre partiellement ce type de contribution. Ainsi, le logiciel ISIS-Fish développé en interne est un outil qui commence à être connu et reconnu internationalement, et dont il faut favoriser l’utilisation et l’évolution car il correspond à 8 des compétences n’existant qu’à IFREMER . Un deuxième point à souligner concerne les techniques de vidéo sous-marines haute définition particulièrement intéressantes pour les zones 7 http://wwz.ifremer.fr/ncal/biodiversite_marine/aires_marines_protegees, (le site web du projet PAMPA est en construction) 8 www.ifremer.fr/isis-fish; http://isis-fish.labs.libre-entreprise.org/ 62 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 9 protégées côtières et pour les gestionnaires (Pelletier & Leleu 2008 ; Fiche Idée Action en cours de finalisation). L’existence de moyens navigants côtiers, par ex. le projet Haliotis, est un atout considérable. - L’historique de collaboration avec les AMP métropolitaines et outremer (Pelletier 2007) permet d’envisager un partenariat à bénéfice réciproque. - Bien qu’en apparence très appliquée, ce volet permet une valorisation scientifique et une activité de formation importante (voir par ex. Pelletier 2007). 6.2. Améliorer la connaissance des socio écosystèmes marins. Dans certains domaines, les compétences spécifiques de l’IFREMER sont indispensables à la progression de la connaissance : - écosystèmes profonds. En vue de l’établissement d’AMP en haute mer pour protéger la biodiversité d’écosystèmes remarquables, - écosystèmes côtiers. Existence de moyens navigants et d’outils (voir § 6.1) à valoriser dans un but de connaissance. Sur ces deux points, la collaboration avec d’autres instituts et universités est indispensable. - usages et notamment la pêche. La collecte et l’analyse de ce type de données fait partie des métiers de l’IFREMER (halieutique, économie des ressources et de l’environnement). Cependant, les efforts ont plus porté sur les pêches du plateau continental, le domaine côtier, voire littoral souffrant d’un déficit d’information, alors qu’il est le siège des enjeux de la gestion côtière, et des AMP entre autres. L’approche par modélisation de la dynamique de pêcheries est également une voie essentielle pour étudier la dynamique des pêcheries (voir exposé des perspectives dans Pelletier & Mahévas 2007). 6.3. Fédérer des compétences dispersées. Le positionnement d’IFREMER sur la finalité d’aide à la décision et à la gestion est stratégique pour fédérer des compétences dispersées dans des laboratoires universitaires, des AMP, d’autres instituts de recherche. La production d’outils d’aide à la gestion implique en effet l’intégration d’informations multi thématiques (écologie, halieutique, économie, droit public et administratif, géographie, sociologie…), nombreuses et géographiquement dispersées (d’où le besoin d’outils adaptés), le traitement. Le support fourni par les outils de modélisation, de restitution est une aide puissante à la communication entre disciplines d’une part, et entre scientifiques et non-spécialistes d’autre part. 10 Le projet Liteau II-AMP et plus récemment le projet GAIUS illustrent cette démarche avec des partenaires de différentes disciplines. 6.4. S’appuyer sur les implantations Outre mer. L’Outre mer français est une composante essentielle de la stratégie de création d’AMP et de la thématique AMP. Plusieurs de ces sites correspondent à des implantations de l’IFREMER (notamment Nouvelle-Calédonie, Réunion, Antilles, Polynésie Française). Il est crucial de pouvoir s’appuyer sur ces sites qui pour certains sont en avance sur la métropole en matière d’AMP et sont en général des sites privilégiés pour tester de nouvelles techniques et outils, notamment en partenariat avec les services gestionnaires de l’environnement marin. De plus, des collaborations existent avec des laboratoires universitaires et l’IRD dans ces implantations. 9 Techniques non destructrices, ne nécessitant pas de plongeurs et permettant un archivage des données. 10 http://wwz.ifremer.fr/ncal/biodiversite_marine/aires_marines_protegees 63 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Références Boncoeur J., (éd.) 2004. Activités halieutiques et activités récréatives dans le cadre d'un espace à protéger : le cas du Parc National de la Mer d'Iroise. Projet de recherche cofinancé par le PNEC et le programme " Espaces protégés " du Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable et la région Bretagne, Rapport final UBO-CEDEM / IFREMER / UVSQ-C3ED, Brest, 501 p. Pelletier D., 2001. Reflections on the Symposium « Spatial Processes and Management of Marine Populations », pp. 685-694 In : G. H. Kruse, N. Bez, T. Booth, M. Dorn, S. Hills, R. Lipcius, D. Pelletier, C. Roy, S. Smith, & D. Witherell (eds), Spatial Processes and Management of Marine Populations. University of Alaska Sea Grant, AK-SG-00-04, Fairbanks. Pelletier, D. 2003. Dynamique spatiale et saisonnière de pêcheries démersales et benthiques : Caractérisation, modélisation, et conséquences pour la gestion par Zones Marines Protégées. Mémoire d'Habilitation à diriger les recherches, Université de Montpellier II. 281 p. Pelletier D. 2007. Développement d’outils diagnostics et exploratoires d’aide à la décision pour évaluer la performance d’Aires Marines Protégées. Rapport final de contrat Liteau II, Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable. Rapport scientifique 49 p., Rapport final 32 p. et Annexes 286 p. [deux fichiers PDF : RapportLiteauIIPelletier.pdf, RapportScientifiqueLiteauII.pdf]. Pelletier, D., J. Claudet, J. Ferraris, L. Benedetti-Cecchi, & J.A. García-Charton. 2008. Assessing ecological and fisheries-related effects of Marine Protected Areas: Current status and perspectives. Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences 65, 1-15. [fichier PDF : PelletierEtAl2008.pdf]. Pelletier, D. & K. Leleu. 2008. Utilisation de techniques vidéo pour l’observation et le suivi des ressources et des écosystèmes récifo-lagonaires. Rapport ZONECO (en cours de finalisation). Pelletier D. & S. Mahévas. 2005. Spatially-explicit fisheries simulation models for policy evaluation. Fish and Fisheries 6, 307-349. [fichier PDF : PelletierMahevas2005.pdf]. Pelletier D. & S. Mahévas. 2007. Rapport d’avancement du projet ISIS-Fish. Document interne. 38 p. [fichier PDF : RapportProjetISISFish.pdf]. Pelletier, D., J. García-Charton, J. Ferraris, G. David, O. Thébaud, Y. Letourneur, J. Claudet, M. Amand, M. Kulbicki, & R. Galzin. 2005. Designing indicators for evaluating the effects of Marine Protected Areas on coral reef ecosystems: a multidisciplinary standpoint. Aquatic Living Resources 18, 15-33. [fichier PDF: PelletierEtAl2005.pdf]. 64 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 ANNEXE Conventions et traités internationaux 11 Nations Unies : Sommet Mondial pour le Développement Durable, Johannesburg 2002 . Les déclarations-clés à l’issue du sommet, explicitent pour la gestion des ressources naturelles, le besoin de « développer et faciliter l’utilisation de diverses approches et outils, dont l’approche écosystémique, l’élimination des pratiques de pêche destructrices et l’établissement d’AMP en cohérence avec le droit international et sur la base d’informations scientifiques, y compris des réseaux représentatifs d’AMP avant 2012. » 12 Convention pour la Diversité Biologique . La CBD, adoptée au "Sommet de la Terre" de Rio de Janeiro en juin 1992, a pour objectif la « conservation de la biodiversité et l’usage durable de ses ème composantes » (Article 1). La 7 Conférence des Parties de la CBD a adopté un programme de travail pour mettre en place un réseau représentatif d’AP pour contribuer aux objectifs 2010 du Plan ème Stratégique de la CBD. A la 9 Conférence des Parties qui se tient à Bonn en mai 2008, sera lancée « Life Web » une initiative destinée à promouvoir la création d’Aires Protégées. Deux groupes de travail sur les AP ont eu lieu en 2006 et 2008 et la désignation d’Aires Marines Protégées côtières et 13 en haute mer est un point important de l’agenda . 14 Convention pour la protection du milieu marin de l'Atlantique du Nord-Est (OSPAR) . A pour objectif de protéger l’environnement marin et la diversité biologique de l’Atlantique Nord-Est. La convention contribue à la création d'un réseau écologiquement cohérent d’AMP bien gérées. Politique européenne 15 Directive « Habitats » et Natura 2000 . La directive « Habitats – faune -flore » du 21 mai 1992 promeut la conservation des habitats naturels de la faune et de la flore sauvage. Elle prévoit la création d'un réseau écologique européen de Zones Spéciales de Conservation (ZSC) en milieu terrestre et marin. Elle cherche à concilier les exigences écologiques des habitats naturels et des espèces avec les activités économiques, sociales et culturelles qui s'exercent sur les territoires et avec les particularités régionales et locales. La France recèle de nombreux milieux naturels et espèces cités par la directive. Le réseau Natura 2000 a pour objectif de contribuer à préserver la diversité biologique sur le territoire de l'Union européenne et assurer le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable des habitats naturels et des habitats d'espèces de la flore et de la faune sauvage d'intérêt communautaire. Il est composé de sites désignés spécialement par chacun des Etats membres en application des directives européennes dites "Oiseaux" et "Habitats" de 1979 et 1992. Le réseau contribue en outre à la réalisation des objectifs de la CBD. Politique commune des pêches. Le recours aux AMP comme instrument de gestion des pêcheries est apparu dans la Politique Commune des Pêches depuis plusieurs années. La nouvelle PCP recommande le recours à des AMP sous la forme de fermetures partielles ou totales de certaines 16 zones à la pêche, notamment pour réduire les captures de juvéniles . Elle demande également que l’efficacité de ces mesures (comme d’autres mesures) soit évaluée au travers d’un ensemble 17 d’indicateurs quantitatifs, biologiques, économiques et sociaux . 11 12 13 14 15 16 17 http://www.earthsummit2002.org/ http://www.biodiv.org/defaults.html http://www.cbd.int/doc/?meeting=WGPA-02 http://www.ospar.org/fr/html/welcome.html http://www.natura2000.fr/spip.php?rubrique80 http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2002:0656:FIN:FR:PDF http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2002:0186:FIN:FR:PDF 65 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Propositions concernant les indicateurs socio-économiques relatifs aux Aires Marimes Protégées Frédérique Alban1 et Jean Boncoeur2 1 2 UBO Brest, UMR-AMURE Brest 1. Cadrage de l’exercice • L’objet de la présente note est de caractériser les indicateurs dits « socio-économiques » susceptibles d’être mis en place dans le cadre du suivi des effets d’Aires Marines Protégées (AMP). Si le champ disciplinaire couvert par cette note est celui des sciences sociales lato sensu, la réflexion qui la sous-tend émane d’économistes, et privilégie donc naturellement une approche économique du problème. Elle pourra être enrichie par les apports de spécialistes d’autres sciences sociales, ainsi que par les observations des praticiens. • De façon générale, un système d’indicateurs du fonctionnement d’une AMP doit fournir des informations permettant d’apprécier les performances de cette dernière au regard des objectifs qui lui sont assignés. Ces informations doivent pouvoir être produites en routine, débouchant sur des séries temporelles homogènes permettant d’apprécier l’évolution des performances de l’AMP au cours du temps. De plus, la nécessité de procéder à des comparaisons entre AMP impose un minimum de standardisation des indicateurs. Celle-ci doit toutefois rester compatible avec la grande diversité des cas considérés. • Du point de vue économique, une AMP constitue un investissement public dans la conservation d’un actif naturel. D’où deux questions fondamentales : i) Quelle est la rentabilité sociale de cet investissement ? ii) Comment se répartissent au sein de la société les coûts et bénéfices (marchands ou non) qu’il génère ? Les indicateurs économiques pertinents doivent donc fournir des informations permettant d’apprécier les performances de l’AMP sur deux plans : - • l’efficacité, i.e. l’existence d’un surplus de bien-être généré par l’AMP, et l’importance de ce surplus, l’équité, liée à la répartition de ce surplus (les critères permettant de juger de l’équité sont, par nature, exogènes au champ de l’économie). Evaluer de façon exhaustive l’efficacité économique des AMP suppose de considérer leur impact sur : - des valeurs d’usage : usages extractifs, comme la pêche, et usages non extractifs (plongée sous-marine, observation des oiseaux marins...), des valeurs de non-usage (valeur d’existence de la biodiversité...). • Les valeurs de non-usage constituent une dimension essentielle du sujet, dans la mesure où elles renvoient à la fonction de base des AMP, qui est la conservation des écosystèmes. L’objectif de conservation est central dans la définition des indicateurs bio-physiques. Il a également vocation à être pris en compte par les indicateurs socio-économiques, dans la mesure où la conservation mobilise des ressources rares et impose des choix dans l’allocation de ces ressources. Cependant, la mesure des valeurs de non-usage fait appel à des méthodologies lourdes (type évaluation contingente) et suppose des mécanismes de collecte de l’information pouvant difficilement être mis en routine, particulièrement dans le cadre considéré ici. • Les indicateurs socio-économiques relatifs aux valeurs d’usage doivent permettre : - - de caractériser et, dans la mesure du possible, de quantifier l’impact des mesures de conservation prises dans le cadre de l’AMP sur les usages et les revenus (monétaires ou non) qui en résultent, d’apprécier la “soutenabilité” économique et sociale de l’AMP, ce qui implique notamment de suivre les conflits d’usage, les opinions des usagers et des populations avoisinantes, les coûts de fonctionnement et les mécanismes de financement de l’AMP. 66 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 • L’exercice se heurte à de fortes contraintes : - • Mais il peut également bénéficier de l’existence de certaines opportunités à saisir : - • matérielles : les moyens disponibles sont souvent limités, et les indicateurs doivent pouvoir être mis en routine facilement par les gestionnaires des AMP, « sociales » : les modes de collecte de l’information doivent être acceptables pour les répondants ; il en va de même pour la nature des questions posées, et ce d’autant plus que, dans certains cas, les populations concernées ont un faible effectif (pêcheurs professionnels). implication des gestionnaires des AMP intéressés par ces suivis, soutiens publics nationaux (Agence nationale des AMP, IFRECOR), existence de référentiels à une échelle plus large que l’AMP (Ifremer, INSEE...). Compte tenu de ces différents éléments, il est proposé de retenir les principes suivants : - limiter pour l’essentiel le champ couvert par les indicateurs socio-économiques aux valeurs d’usage, couvrir à la fois les pratiques et les perceptions, considérer les activités suivantes : i) usages de l’AMP ; ii) gestion et surveillance de l’AMP, privilégier l’impact de ces activités sur l’économie locale, définir un zonage aussi standardisé que possible, pour les activités d’une part, pour leurs retombées économiques d’autre part, prendre appui sur l’information existant par ailleurs (Ifremer-SIH, INSEE...). Les indicateurs qui sont décrits à la section suivante visent à mettre en oeuvre ces principes. 67 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 2. Description des indicateurs proposés Sommaire : 2.1. Zonage 2.2. Identification des activités prises en compte 2.3. Identification des acteurs pris en compte 2.4. Types d’indicateurs proposés 2.1. Zonage Le zonage proposé pour les indicateurs socio-économiques comporte un volet principalement maritime (pour la fréquentation et l’activité) et un volet terrestre (pour les effets économiques et le contexte) : Fig.1. Vue schématique du zonage proposé (AMP = Zone 1 + Zone 2) Zone 4 Zone 3 Zone 1 Zone 2 Trait de côte Zone A / A’ Légende : - Zone 1 : zone de non-pêche (le cas échéant) Zone 2 : autres zones de l’AMP (le cas échéant) Zone 3 : extérieur proche (effets de spillover significatifs) Zone 4 : reste du monde (maritime) Zone A : zone(s) d’emploi adjacente(s) à l’AMP Zone A’ : quartier(s) maritime(s) adjacent(s) à l’AMP (pour la pêche professionnelle) - Zone B : reste du monde (terrestre) Nota : - Zone B Fréquentation / activités - Effets économiques / contexte Nota : - - La définition des zones 1 et 2 repose sur des critères institutionnels. En revanche, la définition de la zone 3 (et, par suite, de la zone 4) fait appel à des critères d’ordre biologique et ne pourra donc être effectuée qu’en collaboration avec les biologistes. La définition des zones terrestres A et A’ reprend en principe les découpages territoriaux opérés respectivement par l’INSEE et l’administration des Affaires Maritimes. En l’absence de tels découpages (ou de leurs équivalents), des zones ad hoc devront être définies. 68 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 2.2. Identification des activités prises en compte Usages extractifs - pêche professionnelle : pêche orientée à titre principal vers la vente des captures, pêche récréative : pêche orientée à titre principal vers le loisir, pêche vivrière : pêche orientée à titre principal vers la production de denrées alimentaires non destinées à la vente. Nota : o la pêche peut être embarquée ou non, o la chasse sous-marine, la collecte du corail et des végétaux marins sont incluses dans les activités de pêche, o il peut être opérationnel dans certains cas de remplacer les catégories de pêche professionnelle et pêche vivrière par une distinction entre secteur « formel » / et secteur « informel » (fondée sur l’enregistrement des navires et / ou des pêcheurs). Usages non-extractifs à caractère récréatif - Usages récréatifs (autres que la pêche) ayant un lien avec l’AMP, c’est-à-dire : o o o concernés par les régulations mises en oeuvre dans le cadre de l’AMP, et/ou susceptibles de bénéficier des effets de conservation ou d’image de l’AMP, et/ou susceptibles d’impacter la conservation de l’écosystème de l’AMP. 2.2.3. Gestion / surveillance - ensemble des activités du gestionnaire de la réserve administration, surveillance, recherche, accueil du public, diffusion des connaissances...), activités d’autres institutions publiques au service du fonctionnement de la réserve (surveillance, mise à disposition d’infrastructures...). Fig.2. Vue schématique des activités prises en compte Pêche professionnelle Usages extractifs Pêche vivrière Usages de l’AMP Activités Pêche récréative (ou de loisir) Usages nonextractifs Usages récréatifs (hors pêche de loisir) ayant un lien avec l’AMP Gestion / surveillance de l’AMP 69 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 2.3. Identification et caractérisation des acteurs Tableau 1. Acteurs pris en compte 1 Catégorie Population concernée Structuration Répondants Pêcheurs professionnels et vivriers embarqués Navires actifs ≥ 1 jour / an 2 dans les zones 2 et / ou 3 Par flottille et origine géographique 3 Patrons ou propriétaires des navires 4 Par métier ou Pêcheurs professionnels Pêcheurs actifs ≥ 1 jour / an 2 combinaison de métiers et vivriers non embarqués dans les zones 2 et / ou 3 pratiqués sur l’année Pêcheurs 4 Guides de pêche professionnels Par métier ou Entreprises actives ≥ 1 jour / an dans les zones 2 et / ou combinaison de métiers 2 pratiqués sur l’année 3 Gérants des entreprises 4 Clients des guides de Par métier et lieu de Pêcheurs actifs ≥ 1 jour / an 5 pêche (professionnels ou résidence principale , 2 dans les zones 2 et / ou 3 non) niveau d’expertise Pêcheurs 6 Pêcheurs plaisanciers (pratiquant la pêche de loisir à bord d’un navire dans un cadre non commercial) Navires actifs ≥ 1 jour / an 2 dans les zones 2 et / ou 3 Par type de navire et lieu de résidence 5 principale du skipper ou propriétaire du navire, niveau d’expertise Skippers ou propriétaires des navires 4 Par métier ou Autres pêcheurs récréatifs combinaison de métiers (pêcheurs à la ligne du Pêcheurs actifs ≥ 1 jour / an pratiqués sur l’année, lieu de résidence bord, pêcheurs à pied, dans les zones 2 et / ou 32 5 chasseurs sous-marins) principale , niveau d’expertise Entreprises et organismes à but non lucratif prestataires de services Prestataires actifs ≥ 1 jour / récréatifs à caractère non an dans les zones 1 et / ou extractif 2 (plongée, découverte de la faune...) Usagers récréatifs (usages non extractifs) Gestionnaires d’AMP Par type d’activité Pêcheurs Gérants des entreprises et responsables des organismes prestataires Par type d’activité, lieu de résidence Usagers > 15 ans ou Usagers actifs ≥ 1 jour / an 5 principale , classe accompagnateurs dans les zones 1 et / ou 2 7 d’âge , niveau d’expertise Organisme en charge de la gestion de l’AMP Responsable de l’organisme 1 Outre l’administration de l’AMP pour la fréquentation. Zone 3 : dans la mesure où l’information est accessible. Dans cette zone, ne sont considérées que les activités de pêche ciblant des espèces concernées par l’AMP. 3 Flottille : ensemble de navires ayant des caractéristiques similaires et des stratégies d’activité voisines. Dans la mesure où l’information est disponible, il est proposé de prendre appui sur la nomenclature SIH de l’Ifremer. 4 Métier : combinaison engin de pêche / espèce ciblée (ou groupe d’espèces ciblé). 5 France : selon code postal. Etranger : pays et ville ou région. 6 Voilier / navires motorisés + classe de longueur. 7 Plus de 15 ans / 15 ans et moins. 2 70 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 2.4. Typologie des indicateurs Quatre catégories d’indicateurs sont proposées : 1. 2. 3. 4. Indicateurs de fréquentation Indicateurs d’activité Indicateurs de perception Indicateurs de contexte Tableau 2. Indicateurs de fréquentation Type d’acteurs Type d’indicateur Mode d’obtention de l’information Pêcheurs professionnels et vivriers embarqués Pêcheurs professionnels et vivriers non embarqués Nombre de navires actifs ≥ 1 jour/an, zones 2/3 Nombre de pêcheurs actifs ≥ 1 jour/an, zones 2/3 Nombre d’entreprises actives ≥ 1 jour/an, zones 2/3 Nombre de clients actifs ≥ 1 jour/an, zones 2/3 Nombre de navires actifs ≥ 1 jour/an, zones 2/3 Nombre de pêcheurs actifs ≥ 1 jour/an, zones 2/3 Nombre de prestataires actifs ≥ 1 jour/an, zones 1 / 2 Nombre d’usagers actifs ≥ 1 jour/an, zones 1 / 2 Administration AMP À défaut : enquête Guides de pêche professionnels Clients des guides de pêche Pêcheurs plaisanciers Autres pêcheurs récréatifs Prestataires de services récréatifs non extractifs Usagers récréatifs (usages non extractifs) Tableau 3. Indicateurs d’activité (I): pêche professionnelle ou vivrière Type d’acteurs Type d’indicateur Nombre de navires-jours de pêche / an, zones 2/3/4* Captures annuelles par espèce, zones 2/3/4* Pêcheurs professionnels et vivriers embarqués Pêcheurs professionnels et vivriers non embarqués Prix moyens au débarquement, par espèce Mode d’obtention de l’information Enquête Enquête Données criées ou administration À défaut : enquête Activités annexes (guide de pêche, sortiesdécouverte nature...) : nombre annuel de prestations, zones 2/3/4* Enquête Tarifs moyens pratiqués pour activités annexes Enquête Nombre d’hommes-jours de pêche / an, zones 2/3/4* Captures annuelles par espèce, zones 2/3/4* Prix de vente moyens, par espèce Enquête Enquête Données criées ou administration À défaut : enquête * Uniquement pour les acteurs fréquentant les zones 2/3. 71 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Tableau 4. Indicateurs d’activité (II) : pêche récréative Type d’indicateur Mode d’obtention de l’information Nombre de clients-jours de pêche / an, zones 2/3/4* Captures annuelles par espèce, zones 2/3/4* Prix moyens des sorties de pêche (par client) Nombre d’hommes-jours de pêche / an, zones 2/3/4* Captures annuelles par espèce, zones 2/3/4* Caractéristiques, motivations et budget du séjour dans la zone A (non-résidents) Nombre de jours-navires de pêche / an, zones 2/3/4* Captures annuelles par espèce, zones 2/3/4* Motivation-pêche des sorties en mer Dépenses annuelles liées au navire dans la zone A (port, entretien, gardiennage) Nombre d’hommes-jours de pêche / an, zones 2/3/4* Captures annuelles par espèce, zones 2/3/4* Caractéristiques, motivations et budget du séjour dans la zone A (non-résidents) Enquête Type d’acteurs Guides de pêche professionnels Clients des guides de pêche Pêcheurs plaisanciers Autres pêcheurs récréatifs * Uniquement pour les acteurs fréquentant les zones 2/3. Tableau 5. Indicateurs d’activité (III): usages récréatifs non-extractifs, gestion et surveillance de l’AMP Mode d’obtention Type d’acteurs Type d’indicateur de l’information Prestataires de services récréatifs non extractifs Usagers récréatifs (usages non extractifs) Nombre de prestations (plongées...) / an, zones 1/2/3/4* Enquête Prix moyens des prestations (par client) Enquête Nombre d’hommes-jours d'activité / an, zones 1/2/3/4* Enquête Caractéristiques, motivations et budget du séjour dans la zone A (non-résidents) Enquête Nombre d’emplois (ETP**), dont surveillance Gestionnaire de l’AMP Nombre d’emplois (ETP**) mis à disposition par d’autres organismes, dont surveillance Nombre de navires (par classe de longueur), dont surveillance Nombre de navires mis à disposition par d’autres organismes, dont surveillance Dépenses annuelles de fonctionnement Dépenses annuelles d’investissement Sources de financement Nombre annuel de scolaires en visite Administration AMP * Uniquement pour les acteurs fréquentant les zones 1 / 2. ** Equivalents temps plein à l’année. 72 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Tableau 6. Indicateurs de perception Type d’acteurs Type d’indicateur Connaissance de l’AMP Impact de l’AMP sur l’écosystème Impact de l’AMP sur la situation personnelle (résultats économiques, satisfaction) Différentes catégories d’acteurs Impact de l’AMP sur l’économie prises en compte (sauf gestionnaire locale de l’AMP) Principaux bénéficiaires de l’AMP Gestion de l’AMP (participation des usagers, contrôle...) Relations avec autres usagers de l’AMP Mode d’obtention de l’information Enquête Tableau 7. Indicateurs de contexte économique et social (zone A/A’)* Type d’indicateur Mode d’obtention de l’information Démographie Population totale Structure par âge Croissance démographique (solde naturel / migratoire) Economie globale Revenu par habitant Population active / chômage Utilisation des Emploi / VA par grand secteur d’activité Pêche Nombre de navires immatriculés et répartition par données statistiques existantes (INSEE, professionnelle classe de longueur / classe d’âge / flottille IFREMER, Nombre d’emplois (ETP**) OFIMER...) Débarquements (tonnage / valeur) et répartition par espèce ou catégorie d’espèces Tourisme Capacité d’hébergement (par type d’hébergement) Nombre d’emplois (ETP**) Fréquentation touristique annuelle VA touristique * Avec comparaison par rapport au niveau national (ou régional). ** Equivalents temps plein à l’année. 73 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Le Génie Ecologique au service de la restauration des écosystèmes côtiers L. Hamm1 et S. Ledoux1 1 Sogreah maritime Introduction Pendant des siècles, les zones humides ont été assainies et remblayées d’abord pour les besoins de l’agriculture puis au profit du développement industriel et des installations portuaires. La prise de conscience de la richesse écologique de ces espaces et de la nécessiter de lutter contre leur disparition rapide à travers le monde date des années 1960 et a donné naissance à la convention Ramsar sur les zones humides ratifiée en 1971 et qui est actuellement ratifiée par 158 parties. Cette convention pose quelques principes fondamentaux : • La préservation des habitats de qualité existant doit primer sur la restauration, • La restauration des zones humides doit être conçue à l’échelle du bassin versant, • Elle nécessite un pilotage sur le long terme reposant sur des objectifs clairs et des critères d’évaluation précis, • Elle doit être un processus ouvert à la participation de l’ensemble des partenaires locaux, • Une gestion adaptative du projet de restauration doit être mise en place. Le présent développement du génie écologique est l’application pratique de ces principes et le retard de la France dans ce domaine par rapport à un certain nombre de pays étrangers a été souligné par J. Quérellou lors du premier colloque sur la restauration des écosystèmes organisé par l’Ifremer à Brest en novembre 2000 (Drévès et Chaussepied, 2001). A cette occasion les enjeux de la restauration ont été exposés, illustrés et discutés à partir d’exemples et de pratiques en France et à l’étranger. Nous nous appuierons donc sur les actes de ce colloque pour résumer les éléments clés du génie écologique. Nous examinerons ensuite les recommandations récentes de l’association PIANC/AIPCN (2006) pour mettre en évidence les évolutions méthodologiques qui seront illustrées par quelques expériences récentes en France. Une prospective sur les évolutions futures de cette nouvelle branche de l’ingénierie sera esquissée en conclusion. Les leçons du colloque de Novembre 2000 Les concepts de base Au cours du colloque de novembre 2000, le vocabulaire a d’abord été précisé distinguant : la reconstruction de l’écosystème originel c'est-à-dire le retour de l’écosystème à un état voisin de la condition antérieure à la perturbation (c’est une restauration à proprement parler), la réhabilitation de sites naturels endommagés consistant en une amélioration de certaines fonctionnalités naturelles et la recréation qui vise à créer un milieu naturel particulier dans une zone où il n’a jamais existé (Monbet, p.19-20). Comme le souligne Dauvin (p. 315) en conclusion des ateliers de ce colloque, la question de la référence à la situation antérieure est loin d’être simple sur nos littoraux façonnés depuis le moyen âge par l’activité humaine et les éléments naturels. Il suggère, en pratique, d’établir un point de référence par rapport à une fonctionnalité ou au retour d’une espèce phare. Le génie écologique est cette nouvelle discipline scientifique et technique qui a été définie par Maire (p.99) comme une approche systémique tendant à soulager l’espace des pressions anthropiques subies, identifier les mécanismes favorables à la restauration susceptibles de se mettre en place, et à accompagner au besoin ces mécanismes par des actions volontaristes. Cette philosophie d’action se différencie des approches traditionnelles de génie civil tendant «par une démarche analytique à forcer l’espace vers un nouveau statut». 74 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Dans ce contexte, le génie écologique procède d’une démarche en cinq phases synthétisée par Monbet (p. 21-22) comprenant : - l’établissement d’un état initial de référence devant prendre en compte l’ensemble de l’écosystème à l’échelle du bassin versant, - l’établissement des objectifs de l’opération incluant notamment des critères de réussite spécifique au site en liaison avec l’état de référence, - la conception du projet et son exécution, Le programme de surveillance est un élément majeur de la procédure à suivre. En effet, la comparaison des mesures avec les critères de performances définis au préalable permet de déterminer si les objectifs ont été atteints ou non. Si ce n’est pas le cas, des corrections plus ou moins importantes doivent être mises en œuvre pour tenter de permettre au projet d’aboutir. On parle alors de gestion adaptative du projet qui constitue une des particularités du génie écologique. La diversité des projets de restauration Un certain nombre d’exemples pratiques de réalisation furent présentés lors de ce colloque. En milieu côtier, les actions principales de restauration présentées concernaient la plantation d’herbiers marins en France, aux Etats-Unis et au Japon. La lutte contre les espèces invasives et les techniques de biorestauration pour lutter contre les pollutions d’hydrocarbures constituent une autre branche de la restauration des écosystèmes. Enfin en milieu littoral, les cas pratiques présentés incluaient : • les actions de dépoldérisation effectuées aux Etats-Unis, en Allemagne et en France pour faire revenir les eaux marines sur des sites continentalisés, • la restauration de prés salés pour en faire des zones de protection contre l’érosion du littoral et les submersions marines : on peut alors distinguer ici la politique du « managed realignment » ou gestion du retrait au Royaume-Uni (http://www.abpmer.net/omreg/), et celle de la protection des prés salés contre l’érosion (lagune de Venise ; côte des Pays-Bas) dans laquelle la position du trait de côte est maintenue, Il faut souligner ici le cas particulier français des baies et estuaires de l’Atlantique et de la Manche pour lesquels le processus dominant à long terme est une tendance séculaire au comblement, accélérée depuis 150 ans par divers aménagements. Ce cas est singulier par rapport aux exemples présentés dans lesquels la lutte contre l’érosion est une priorité. Dans ce contexte, les exemples étrangers ne sont pas les plus pertinents et des approches adaptées comme la recréation d’estrans vaseux et la maîtrise de la continentalisation des estrans en luttant contre l’avancée de la végétation ont été présentées. Les conclusions principales Un certain nombre de conclusions ont été tirées des interventions de colloque. • Tout d’abord, Monbet (p.20) indique que l’essentiel des projets de restauration sont effectués au titre de mesures compensatoires (mitigation) pour réduire ou atténuer les impacts induits sur l’environnement par des projets de développement économiques. Cette constatation rejoint la remarque de T. Klinger (p.4) qui en tant que représentant de l’Etat se pose la question de savoir quelles (nouvelles) parts respectives accorder à la conservation et à l’aménagement. • Cela a conduit aux Etats-Unis à la création de banques de mitigation permettant aux aménageurs d’acheter un crédit (un avoir) auprès d’une telle banque plutôt que de prendre en charge l’organisation et le coût des mesures compensatoires à son projet. • Du point de vue scientifique, différentes disciplines étudient l’évolution des écosystèmes côtiers mais leur intégration dans un projet de restauration est encore trop peu développée, le génie écologique ayant parfois du mal à sortir du génie maritime (Dauvin, p.316), 75 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 • D’autre part, nos connaissances des interactions entre l’hydrosédimentaire, la qualité des eaux et la dynamique des écosystèmes est encore trop parcellaire pour pouvoir se reposer sur une quelconque modélisation prédictive (Quérellou, p.10). Une approche empirique et adaptative reste donc la règle actuellement, • J. Quérellou (p. 11) insiste également sur la nécessité de sortir d’une stricte logique scientifique et d’intégrer les comportements sociaux et les schémas mentaux des populations utilisatrices de ces espaces. Ceci nécessite en particulier d’intégrer les acteurs locaux dans un processus de négociation comme celui décrit par Y. Laurans (p.335-346) pour le cas des actions du Conservatoire du Littoral. Les projets de restauration constituent donc le plus souvent un véritable exercice de décision collective. • Dauvin pour sa part (p. 316) souhaite que l’estimation de la valeur de remplacement des espèces ou des écosystèmes disparus d’un site soit une pratique plus répandue qu’elle ne l’est actuellement afin de tenter d’estimer le préjudice écologique, tout en reconnaissant la difficulté de l’exercice pour un certain nombre d’habitats. Ainsi ce colloque aura permis de faire un point très complet sur le sujet à l’exception notable toutefois des écosystèmes de l’Outre mer à savoir les récifs coralliens et les mangroves qui font pourtant l’objet d’actions de restauration importantes dans certains pays. Il n’a pas été fait mention non plus de la restauration des systèmes dunaires sans doute parce que les actions entreprises jusqu’à présent ont été effectuées dans un cadre de génie côtier en alternative à la construction de défenses en enrochements pour défendre la position du trait de côte (exemple de la flèche de la Gracieuse sur le delta du Rhône) et non pas dans une approche de génie écologique. Les évolutions récentes Les recommandations de l’association PIANC/AIPCN (2006) La commission environnementale de l’association internationale PIANC/AIPCN (navigation, ports, voies navigables) qui réunit les principaux acteurs portuaires maritimes et fluviaux (www.piancaipcn.org) a publié en 2006 des «recommandations en écologie et ingénierie pour la restauration des zones humides en rapport avec le développement, l’utilisation et la maintenance des infrastructures de navigation ». Le point de vue adopté dans ce rapport est donc clairement celui des mesures compensatoires à un projet portuaire ou de navigation (p.7). Les principes directeurs exposés rejoignent les conclusions du colloque de novembre 2000 avec notamment un accent mis sur l’importance du dialogue social dès le démarrage du projet avec toutes les parties prenantes afin de parvenir à un accord entre les intérêts économiques, sociaux et écologiques. (p. 10, 12 et 54). Le corps du rapport consiste en l’exposition d’une méthodologie détaillée de conduite d’un projet de restauration de zones humides reposant sur une planification considérée comme la clé du succès. Le plan stratégique du projet doit comprendre les 5 étapes suivantes : • Caractérisation du site, • Définition des fonctionnalités de zones humides, • Conception du projet de restauration. Le rapport inclut à ce sujet le tableau des différentes mesures envisageables pour les sept grands types d’écosystèmes en zone humide, • Les travaux d’aménagement, • La gestion du site restauré avec une évaluation du succès de l’opération et une approche adaptative en cas de non atteinte des objectifs. Nous retrouvons ici les éléments déjà évoqués lors du colloque de novembre 2000. Chaque étape est ensuite détaillée dans le rapport qui inclut également en annexe 13 études de cas. Au final, ce rapport compile de façon cohérente les pratiques en place dans différents pays. Il constitue une aide utile pour les maîtres d’ouvrage plutôt formés à gérer des projets de construction que des actions de restauration écologique. 76 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Projets français récents construits ou étudiés Le colloque de novembre 2000 avait présenté un certain nombre de cas de restauration ainsi que certains projets en cours d’étude. C’était le cas en particulier des mesures compensatoires et d’accompagnement au projet Port2000 incluant des travaux de reconstruction de vasières dans l’estuaire de la Seine qui ont été réalisés en 2005. Les premières tendances indiquent que des vasières se reconstituent notamment sur le côté nord de la digue basse nord. L’analyse du suivi postconstruction qui se poursuit jusqu’en 2010 devra vérifier la bonne atteinte des objectifs fixés. Une autre réalisation intéressante est l’immersion de 3 récifs artificiels expérimentaux au large de l’île d’Yeu et du Croisic par fonds de -20 à -40m en août 2003 pour les besoins de la pêche. Le suivi sur trois années de cette opération a mis en évidence le succès de cette opération du point de vue de la colonisation des récifs et de la fréquentation des poissons (espèces commerciales). Des problèmes structurels ont été identifiés et des solutions proposées pour la mise en oeuvre future de cette technique. De nouveaux projets sont également apparus depuis 2000. Tout d’abord dans l’estuaire de la Loire avec la constitution d’une maîtrise d’ouvrage publique (le GIP Loire Estuaire) qui a en particulier piloté les Etudes Prospectives Aval entre 2000 et 2006, études ayant conduit à l’élaboration d’un scénario alternatif d’amélioration du fonctionnement hydro sédimentaire de l’estuaire. Ces études se poursuivent sur la période 2007-2013 avec la planification d’une première tranche de réalisation expérimentale. L’approche adoptée par le GIP Loire estuaire est originale à plus d’un titre et nous y reviendrons dans les conclusions. Le port autonome de Nantes/Saint-Nazaire de son côté a relancé en 2006 des études de mesures compensatoires pour son projet de développement portuaire à Donges-Est. La reconstruction de vasières intertidales entre Cordemais et la Taillée est en cours d’étude Deux projets de remise en eau de zones continentalisées sont également en cours en baie de Somme et dans l’estuaire de la Saane montrant une attention grandissante des collectivités territoriales sur le sujet. La principale évolution dans la conduite de ces projets par rapport à ceux réalisés avant 2000 est le caractère pluridisciplinaire très marqué des études incluant en particulier les aspects paysagers, sociaux (Goeldner-Gianella, 2006) et juridiques en complément aux études hydrauliques et écologiques. Signalons également un projet de création d’une zone de mangroves dans la baie du Marin en Martinique (plantation de palétuviers) afin de stabiliser une zone de dépôt de sédiments de dragages et de profiter de la phytoépuration naturelle liée à la croissance de ces plantes (fixation du cuivre). Prospective : Les évolutions futures et les besoins La restauration des écosystèmes côtiers a fait l’objet d’un premier bilan en novembre 2000 lors du colloque organisé par l’IFREMER sur le sujet. On observe depuis cette date une attention plus importante sur le sujet notamment de la part des collectivités territoriales ce qui devrait augmenter le nombre de projets étudiés et de réalisation. Sur le littoral, le génie écologique s’est d’abord essentiellement appuyé sur le génie maritime notamment dans ses aspects hydro sédimentaires. La prise en compte du caractère pluridisciplinaire des études de conception par les maîtres d’ouvrage est un progrès méthodologique important dans les projets qui démarrent depuis cinq ans. L’expérience montre que sa mise en application pratique peut être très variée allant d’une série d’études menées en parallèle sous la seule direction d’un maître d’œuvre à des études très intégrées réunissant dans un même groupement d’études l’ensemble des compétences nécessaires. Ceci indique clairement le rôle important que jouent les maîtres d’ouvrage publics dans la conduite de tels projets. Il est donc essentiel qu’ils soient formés de manière adéquate pour faire face à ces nouveaux enjeux et être à même de préparer de manière appropriée la commande politique. De même, la perception sociale de tels projets peut être faussée par une information insuffisante des parties prenantes sur le fonctionnement physique ou écologique des territoires à restaurer (GoeldnerGianella, 2007). Les projets doivent donc maintenant intégrer un volet d’information disposant de 77 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 moyens suffisants et capables de s’adresser à un large public tout en fournissant une information scientifiquement fondée. Un exemple en est fourni par le site internet www.loire-estuaire.org qui fournit de telles informations sur l’estuaire de Loire et les études prospectives aval. Cette information écrite s’accompagne depuis 2007 de rencontres annuelles entre la communauté scientifique et les gestionnaires ligériens couvrant l’ensemble du fleuve. La concertation constitue également un prolongement naturel à cette information permettant de susciter le débat et de répondre aux questions posées par l’ensemble des parties prenantes. Du point de vue scientifique, la liaison entre le milieu physique et le milieu biologique reste toujours très délicate. La modélisation numérique du fonctionnement des écosystèmes intégrant les aspects hydro sédimentaires, de qualité des eaux et biologiques est encore actuellement insuffisamment développée pour pouvoir s’appliquer sur l’ensemble des projets. Des approches plus pragmatiques sont donc à développer. Ainsi, le GIP Loire estuaire a mis en place une analyse des impacts de scénarios de restauration de l’estuaire sur les fonctionnalités environnementales, à partir des critères estuariens, par un groupe d’experts. Elle consiste en une analyse de la sensibilité des fonctionnalités environnementales (transit piscicole, nourricerie, nidification, repos, …) par rapport au système estuarien et à ses évolutions quelles soient tendancielles ou sous la forme d’un scénario. Cette approche nécessite la construction de référentiels de connaissances qui doivent servir de base pour les suivis à long terme ainsi que pour les évaluations de projets. Les aspects juridiques peuvent constituer également un domaine délicat sous plusieurs aspects. Nous citerons plus particulièrement le cas fréquent de terrains à restaurer pouvant déjà faire l’objet de protection à un autre titre. Ces contraintes doivent être intégrées très tôt dans la conception et la concertation. Des mesures compensatoires pourraient être alors envisageables dans certains cas. Bibliographie Drévès, L. et M. Chaussepied, 2001. Restauration des écosystèmes côtiers. Brest, 8-9 novembre 2000. Ed. Ifremer, Actes Colloques, 29, 376p. Goeldner-Giarella, L, 2006. La dépoldérisation et la multifonctionnalité comme remèdes à la déprise des polders en Europe occidentale. Colloque ICOTEM, ruralités nord-sud, Poitiers, octobre 2006 Goeldner-Giarella, L, 2007. Perceptions and attitudes toward de-polderisation in Europe : A comparison of five opinion surveys in France and the UK. J. of Coastal Research, 23(5), 1218-1230 PIANC, 2006. Recommandations en écologie et ingénierie pour la restauration des zones humides en rapport avec le développement, l’utilisation et la maintenance des infrastructures de navigation. Rapport du groupe de travail n°7 de la commission e nvironnementale. 78 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Récifs artificiels A. Gérard VOIR AVEC AG (extraction de sa note) 79 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Le millénium ecosystem assessment (MEA) Quelles perspectives pour le domaine marin et côtier ? H. Levrel1; R. Mongruel1 et O. Thébaud1 1 Ifremer Brest CONTEXTE Le MEA propose une approche multi échelles et multidisciplinaires qui offre une perspective intégrée en soulignant les interdépendances entre les questions socio-économiques et écologiques (figure 1). Elle permet ainsi de questionner les liens entre les enjeux de conservation et de développement, mais aussi d’articuler les changements globaux avec des tendances locales. Figure 1 - Le cadre logique multi échelle du Millenium Ecosystem Assessment Source : MEA, 2005 La biodiversité est ici considérée comme le support de services écosystémiques (approvisionnement, régulation, auto entretien, et culturel). Ce cadre logique permet ainsi de proposer un discours inédit sur la conservation de la biodiversité en soulignant les arbitrages qu’il est nécessaire de réaliser entre les différents types de services fournis par cette dernière. Les choix politiques et les préférences sociales sont ainsi orientés vers certaines catégories de services (choix largement orientés vers les services d’approvisionnement jusqu’à présent, tableau 1). 80 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Tableau 1 - Evolution des services écosystémiques entre 1950 et 2000 Catégorie de services Services de prélèvement ou d’approvisionnement Services de régulation Services culturels Services Agriculture Élevage Pêche Aquaculture Nourritures sauvages Bois de construction Coton, chanvre, soie Bois de feu Ressources génétiques Produits biochimiques, médecines naturelles, produits pharmaceutiques Eau douce Régulation de la qualité de l’air Régulation du climat mondial Régulation du climat régional et local Régulation du cycle de l'eau Régulation de l'érosion Purification de l'eau et traitement des déchets Régulation des maladies Régulation des parasites Pollinisation Régulation des risques naturels Valeurs spirituelles et religieuses Valeurs esthétiques Récréation et écotourisme Source : MEA, 2005, p.46 Evolutions + + + +/+/+ +/+/+/- Le rapport du MEA souligne que 60 % des services écosystémiques se détériorent. Parmi ceux-ci, le renouvellement des réserves halieutiques et la production d’eau douce semblent les plus menacés. Cette dégradation a été plus importante au cours des cinquante dernières années qu’au cours du reste de toute l’histoire de l’humanité, et elle sera encore plus importante dans les cinquante années à venir. USAGES DES SERVICES ECOSYSTEMIQUES Les questions d’usage et de production de services écosystémiques se posent sous plusieurs angles : Du point de vue économique, on observe une baisse de la dépendance vis-à-vis des services d’approvisionnement et un fort accroissement de l’usage des services culturels, avec le développement du secteur tertiaires et des services récréatifs en rapport avec l’état de l’environnement (dans les zones côtières et montagneuses en particulier). Il existe aussi un développement du secteur des services de régulation. Du point de vue spatial, les politiques d’aménagement conduisent au découpage du territoire en zones dévolues souvent exclusivement à la production de services spécifiques: - Zones spécialisées dans la production de services d’approvisionnement telle que l’agriculture, la sylviculture ou la pêche commerciale… - Zones spécialisées dans la production de services culturels: espaces naturels protégés, stations balnéaires, stations de ski, parcs naturels de loisirs… - Zones de production de services de régulations telles que les zones protégées permettant de conserver la qualité de l’eau ou de filtrer les nitrates. Du point de vue social, les usagers de l’environnement s’intéressent le plus souvent à une seule catégorie de services. A titre d’exemple, les associations environnementales ou de loisir ne s’intéressent qu’aux services culturels (même s’ils ne défendent pas les mêmes services récréatifs) tandis que les pêcheurs professionnels focalisent leur attention sur les services de prélèvement (approvisionnement) qui sont leur principale source de revenus. 81 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Par ailleurs, la perception des services écosystémiques a fortement évolué ces dernières années, sous le double effet de la réduction de la part des revenus consacrée à l’alimentation et du développement de la société de loisir. DES SPECIFICITES EUROPEENNES Les deux principales sources de pressions sur les services écosystémiques mondiaux sont, selon le rapport du MEA, le réchauffement climatique et le changement d’occupation des sols (MEA, 2005). Dans le cas européen, des simulations réalisées grâce à des modèles globaux ces dernières années permettent de souligner les particularités positives des dynamiques européennes vis-à-vis du reste du monde (MEA, 2005 ; Pereira et al., 2004 ; Schröter et al., 2005) : - l’augmentation modérée de la population ; - la faible extension urbaine (même si elle participe à un mitage du territoire) ; - l’accroissement des surfaces forestières ; - la baisse de la demande de terres agricoles. De cela découle que les pressions sur les services écosystémiques européens semblent principalement liées au réchauffement climatique et les zones particulièrement touchées seraient les écosystèmes montagneux et méditerranéens. D’autres études soulignent l’importance de l’eutrophisation, de la dégradation des habitats et du mitage urbain. La répartition spatiale de ces impacts varie fortement et les données moyennes masquent une grande diversité de situations. Ainsi, les zones côtières subissent une forte pression liée à l’accroissement démographique et urbain qui s’opère dans ces espaces particulièrement sensibles. LES SCENARIOS Le MEA a souhaité proposer un tableau des risques à venir pour les cent prochaines années, sous forme de quatre scénarii. Ces scenarii ont été construits à partir de la mise en commun d’opinions d’experts concernant les évolutions possibles des écosystèmes, des services écologiques et du bienêtre humain, ainsi que par le recours à des modèles globaux prenant en compte les principales forces 18 de changements . Les quatre scenarii types proposés sont : - L’ « ordre par la force » qui considère que dans un monde où les risques vont croissant, la solution sera sécuritaire et protectionniste. Sous cette hypothèse, la planète est fragmentée, organisée en grandes régions entre lesquelles de nombreux conflits existent. Les problèmes environnementaux sont traités de manière réactive, en fonction des crises. Les risques humains et écologiques s’accroissent de manière globale. - L’ « orchestration mondiale » qui prévoit un accroissement de la libéralisation du commerce. A cela s’ajoute une interconnexion mondiale plus forte et, en même temps, l’émergence d’une gouvernance mondiale qui va permettre une meilleure lutte contre la pauvreté. La logique de gestion des crises environnementales est là encore réactive. Cette logique fait courir de grands risques à une large part de la population du fait des catastrophes naturelles. - La « mosaïque appropriée » qui renvoie à une vision du monde où la gouvernance s’est déplacée non pas vers le global mais vers le local. Une grande diversité de trajectoires locales de gestion des écosystèmes cohabite. Un accent tout particulier est mis sur l’éducation et la santé. Ces dynamiques correspondent à des processus de « learning-by-doing » locaux et différenciés, aux succès variables. Les échelles de décisions politiques et économiques privilégiées sont les écosystèmes et les grands bassins versants. 18 Ces scenarii ont été construits autour d’hypothèse concernant la mondialisation et la gestion des écosystèmes. Pour la mondialisation, deux hypothèses ont été retenues : régionalisation des dynamiques VS globalisation. Pour la gestion : gestion pro-active VS gestion réactive. Dans tous les scenarii, les pressions humaines sur les écosystèmes s’accroissent au moins pendant les cinquante premières années. Les forces de changement prises en compte sont : évolution des habitats (changement dans l'utilisation du sol, modification physique des fleuves ou prélèvement d’eau des fleuves) ; surexploitation ; espèces invasives ; pollution ; changement climatique. 82 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 - Le « jardin planétaire » qui fait la part belle à l’ingénierie écologique et à l’intégration des services écosystémiques dans la sphère marchande, dans une logique de révolution technique privilégiant la dématérialisation et une gestion optimale des fonctions écologiques. Trois des scénarii – orchestration mondiale, mosaïque appropriée et jardin planétaire – arrivent à la conclusion qu’au moins une des quatre catégories de services écosystémiques s’accroîtra entre 2000 et 2050. Ces trois scénarii impliquent des réponses sociales qui renvoient à des innovations majeures pour la mise en place de politiques de développement durable. Selon le MEA, il n’y a donc pas un modèle mais trois modèles de développement durable (figure 2) et un modèle véritablement non durable (celui de l’ordre par la force). Figure 2 - Evolution des services écologiques selon les différents scénarii. Orchestration mondiale Ordre par la force Amélioration 1 80 60 Mosaïque appropriée 2 3 Jardin planétaire 1 1 2 40 Évolution des services écologiques en pourcentage 20 2 0 3 -20 -40 -60 -80 Dégradation PED 2 3 1 3 1 2 3 Pays OCDE Services de prélèvement Services de régulation Services culturels Source : MEA, 2005, p.139 ETAT DES CONNAISSANCES SUR LES COMPOSANTES DU CADRE LOGIQUE Le cadre logique du MEA comporte quatre « boîtes » entre lesquelles il existe des interactions. Le niveau de connaissances scientifiques sur les quatre compartiments du cadre logique est relativement élevé mais les connaissances sur les interactions entre ces derniers sont en revanche très faibles. En particulier, comprendre les liens qui existent entre l’état de la biodiversité et les niveaux de services écosystémiques nécessite d’en passer par une meilleure compréhension du rôle de la diversité du vivant dans le bon fonctionnement des écosystèmes, c’est-à-dire de s’intéresser aux processus écologiques. De nombreuses expériences historiques ont permis de montrer que la production de services écosystémiques et l’état de la biodiversité sont très souvent liés (Danielsen et al., 2005 ; Fraser, 2003). Pourtant, il s’agit toujours d’observations ex-post qui soulignent les liens entre l’érosion de la biodiversité, l’apparition d’une crise et/ou les capacités des populations à y faire face. Les connaissances scientifiques sur ces interactions sont en fait limitées (Carpenter et al., 2006) et relatives à des processus expérimentaux concernant le plus souvent un seul niveau trophique (les plantes dans la majorité des cas) et une échelle spatiale relativement petite (Diaz et al., 2006). 83 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Ces expérimentations n’en ont pas moins permis de souligner certains résultats intéressants (Daily, 1997 ; Diaz et al., 2006 ; Hector et al., 1999 ; Loreau et al., 2001 ; McCann, 2000 ; Schwartz et al., 2000). Ainsi, dans les écosystèmes situés dans les zones tempérées, il existerait une relation positive entre la richesse spécifique et la production de services de régulation (résistance aux parasites) et d’approvisionnement (production de biomasse). Cette relation, envisagée à la marge, aurait une forme de courbe en cloche. En clair, au-delà d’un certain nombre d’espèces, l’apport d’une espèce supplémentaire augmente de manière peu significative la résilience ou la productivité d’un écosystème. Le rapport entre le nombre de populations autochtones et le nombre de populations allochtones aurait aussi une incidence sur la résilience des écosystèmes (effet positif des populations autochtones). Cependant, les changements globaux concernent des échelles spatiales qui renvoient à des anthroposystèmes (échelle des usages) et les effets de surprises (effondrements) sont liés aux interactions entre plusieurs niveaux trophiques, deux éléments qui n’ont pas été pris en compte dans les processus expérimentaux. Les liens entre l’évolution de la biodiversité et la production de services écosystémiques sont en tout état de cause très difficiles à évaluer car ils sont toujours relatifs à l’apparition de nouvelles interactions entre espèces et pas à la richesse spécifique ou à l’abondance à proprement parler (Yodzis, 1981). Il n’est ainsi pas possible de considérer qu’il existe des liens linéaires entre l’évolution de la taille de groupes fonctionnels et l’évolution de services auxquels ces groupes devraient théoriquement renvoyer (Carpenter et al., 2002 ; McCann, 2000 ; Diaz et al., 2006). L’évaluation des liens entre l’évolution de la taille des groupes fonctionnels et le niveau de services écosystémiques est cependant considérée comme une voie prometteuse pour pouvoir établir une comptabilité des services écosystémiques qui tienne compte du capital naturel à l’origine de la production de services (Diaz et al., 2006 ; Holling et Gunderson, 2002 ; McNaughton., 1985 ; MEA, 2005 ; Schröter et al., 2005). APPLICATION DU MEA POUR LES ZONES COTIERES ET MARINES Les milieux marins et côtiers sont sources d’une grande quantité de services écosystémiques (tableaux 2 et 3) tout en subissant une forte pression de la part des activités humaines. Il apparaît donc pertinent de décliner le MEA sur ces écosystèmes particuliers. Cette déclinaison peut passer par plusieurs points d’entrée, qui peuvent contribuer à la définition des programmes de recherche à mettre en œuvre à l’appui d’une telle évaluation : - à partir de problématiques clés liées aux usages (l’urbanisation, le mitage des zones côtières, l’impact des nouvelles activités de loisir telle que la pêche récréative, plus généralement le développement des conflits entre usages, …); - à partir de thèmes d’environnement génériques eutrophisation, artificialisation du milieu…) ; - à partir d’écosystèmes spécifiques (écosystèmes marins, écosystèmes côtiers, écosystèmes insulaires) ; - à partir d’échelles d’évaluation spécifiques (nationale, régionale, locale), définies en lien avec les échelles à laquelle s’opère la gouvernance. (conservation de la biodiversité, 84 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Tableau 2 - Liste des services écosystémiques fournis par différents types de systèmes marins Source : chapitre 19 du volume 1 « Conditions and trends » intitulé « Coastal systems », p.481 85 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Tableau 3 - Liste des services écosystémiques et de leur importance relative selon différents types de systèmes côtiers Source : chapitre 18 du volume 1 « Conditions and trends » intitulé « Marine fisheries systems », p.527 Le type de questions susceptibles d’être posées dans ce type d’exercice est par exemple : - De quels services rendus par les écosystèmes marins l’économie et la société françaises et européennes sont-elles le plus dépendantes ? Quelles sont les catégories socioprofessionnelles les plus dépendantes de ces services ? - Quels sont les compartiments écologiques qui contribuent le plus fortement aux services écologiques rendus par les écosystèmes marins ? Comment les usages actuels affectent-ils ces contributions ? POINTS FORTS ET POINTS FAIBLES DU MEA À PARTIR IDENTIFIER DES LACUNES ET DE NOUVELLES PISTES DE RECHERCHES LES POINTS FORTS Les points forts du MEA global dont il faut s’inspirer : - un cadre d’analyse intégré qui est le résultat de compromis entre de nombreux scientifiques ; - un cadre théorique précis ; - un cadre d’analyse qui permet de souligner les arbitrages nécessaires entre différentes catégories de services, d’intérêts spécifiques, d’échelles spatiales et temporelles ; - une liste précise de services écosystémiques (24) ; - une description des interactions société nature à partir de la notion de services écosystémiques qui est parlante aussi bien pour les sciences sociales que pour les sciences du vivant ; - une approche par scénarios originale qui a permis de souligner les interdépendances entre des choix politiques et les changements globaux. 86 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 LES POINTS FAIBLES L’expérience du MEA global nous montre que les résultats affichés en 2005 sont bien en deçà des objectifs attendus en 2001 pour plusieurs raisons : - un changement stratégique du comité de pilotage à mi-parcours qui s’est traduit par le passage d’une expertise scientifique interdisciplinaire à un exercice de communication international, ce qui crée in fine un problème de cohérence ; - le manque de participation de la société civile et en particulier des usagers de la biodiversité, à l’exception de certaines évaluations sub-globales ; - le manque de dynamisme pour certains MEA régionaux qui n’ont pas rendu leurs rapports et pas permis une analyse comparative, ce qui a contraint le MEA a avoir un discours presque exclusivement global ; - le manque de données longitudinales standardisées concernant les interactions entre les questions de bien-être et les questions environnementales d’une part, entre les dynamiques de la biodiversité et les services écosystémiques de l’autre ; - le manque de données longitudinales standardisées concernant les liens entre les forces de changements indirectes et les forces de changement directes, alors que ces liens ont un rôle prépondérant pour expliquer les changements globaux ; - une démarche focalisée sur les services écosytémiques, plus que sur les liens entre ces services et les autres « boîtes »; - le recours à l’avis d’experts pour paramétrer les liens entre les forces motrices directes et l’évolution des services écosystémiques ; - la faiblesse des cinq volumes du rapport sur la dimension humaine ; - le manque de prise en compte des interactions entre les quatre catégories de capitaux (physique, naturel, humain et social) sources de développement humain ; - un cadre logique bien adapté pour souligner les interdépendances entre bien-être et état des ressources naturelles renouvelables dans les Pays En Développement (où les populations dépendent directement des services écosystémiques environnants) mais moins pertinent pour les pays de l’OCDE ; - le manque de capacité à prédire des dynamiques multi échelles et les effets de seuils ; - la faiblesse des scénarios (40 scénarios organisés en 4 familles pour le GIEC contre 4 pour le MEA). BILAN DES DOCUMENTS EXISTANTS RAPPORTS GLOBAUX DU MEA MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: CURRENT STATE AND TRENDS, Findings of the Condition and Trends Working Group, Millennium Ecosystem Assessment Series, Washington, D.C., Island Press, 815p. (en ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx). MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: SCENARIOS, Findings of the Scenarios Working Group, Millennium Ecosystem Assessment Series, Washington, D.C., Island Press, 515p. (en ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx). MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: POLICY RESPONSES Findings of the Responses Working Group, Millennium Ecosystem Assessment Series, Washington, D.C., Island Press, 515p. (en ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx). MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: MULTISCALE ASSESSMENTS, Findings of the Sub-global Assessments Working Group, Millennium Ecosystem Assessment Series, Washington, D.C., Island Press, 515p. (en ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx). MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: OUR HUMAN PLANET, Summary for Decision Makers, Millennium Ecosystem Assessment Series, Washington, D.C., Island Press, 165p. (en ligne: http://www.maweb.org/en/products.aspx). 87 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 RAPPORTS DE SYNTHESES DU MEA MEA, (2003), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING, A Framework for Assessment, Millennium Ecosystem Assessment Series, Washington, DC., Island Press, 212p. (en ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx). MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: GENERAL SYNTHESIS, Washington, DC., Island Press, 160p. (en ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx). MEA, (2005), LIVING BEYOND OUR MEANS: NATURAL ASSETS AND HUMAN WELL-BEING (STATEMENT OF THE MA BOARD), 28p. (en ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx). MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: BIODIVERSITY SYNTHESIS, 100p. (en ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx). MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: DESERTIFICATION SYNTHESIS, 36p. (en ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx). MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: HEALTH SYNTHESIS, 63p. (en ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx). MEA, (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: OPPORTUNITIES & CHALLENGES FOR BUSINESS & INDUSTRY, 36p. (en ligne : http://www.maweb.org/en/products.aspx). RAPPORTS ET ARTICLES SUR LES MEA SUB-GLOBAUX MULTI-ECHELLES Biggs R., Bohensky E., Desanker, C. Fabricius,T. Lynam,A.A. Misselhorn, C. Musvoto, M. Mutale, B. Reyers, R.J. Scholes, S. Shikongo, van Jaarsveld A.S., (2004), Nature supporting people. The Southern African Millennium Ecosystem Assessment, Integrated report, 59p. Pereira E., Queiroz C., Pereira H. and Vicente L., (2005), “Ecosystem services and human well-being: a participatory study in a mountain community in Portugal”, Ecology and Society 10(2): 14. http://www.ecologyandsociety.org/vol10/iss2/art14/. Pereira, H.M., T. Domingos, and L. Vicente (eds.), 2004), Portugal Millenium Ecosystem Assessment: State of the Assessment Report, Centro de Biologia Ambiental, Faculdade de Ciências da Universidade de Lisboa, 68p.. Scholes R.J. and Biggs R., (2005), “A biodiversity intactness index”, Nature, Vol 434, pp.45-49. Van Jaarsveld A.S. et al., (2005), “Measuring conditions and trends in ecosystem services at multiple scales: the Southern African Millennium Ecosystem Assessment (SAfMA) experience”, Philosophical Transactions of the Royal Society B., n°360, pp. 425-441. DEBATS AUTOUR DU MEA Carpenter S.R., DeFries R., Dietz T., Mooney H.A., Polasky S., Reid W. and Scholes R.J., (2006), “Millenium Ecosystem Assessment: Research Needs”, Science, vol.314, pp.257-258. Costanza R., (2006), “Nature: ecosystems without commodifying them”, Nature, vol.443, p.749. Marvier M., Grant J., Kareiva P., (2006), “Nature: poorest may see it as their economic rival”, Nature, vol.443, pp.749-750. McCauley D.J., (2006a), “Selling out on nature”, Nature, vol.443, pp.27-28. McCauley D.J., (2006b), “Nature: McCauley Replies”, Nature, vol.443, p.750. Reid W.V., (2006), “Nature: the many benefits of ecosystem services”, Nature, vol.443, p.749. 88 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 LES SERVICES ECOSYSTEMIQUES Butler C. D., Oluoch-Kosura W., (2006), “Linking future ecosystem services and future human wellbeing”, Ecology and Society, vol. 11(1): 30. http://www.ecologyandsociety.org/vol11/iss1/art30/. Carpenter S.R., Brock W.A., Ludwig D., (2002), “Collapse, Learning, and Renewal”, in Gunderson, L.H. et Holling, C.S., (eds.), (2002), Panarchy. Understanding Transformations in Human and Natural Systems, Washington D.C., Island Press, pp.173-193. Daily G.C., (ed.), (1997), Nature’s Services. Societal Dependence on Natural Ecosystems, Washington D.C., Island Press, 392p. Díaz S., Fargione J., Chapin III F.S., Tilman D., (2006), “Biodiversity Loss Threatens Human WellBeing”, PLOS Biology, vol.6 (3), pp.1300-1305. Hector A. et al., (1999), “Plant Diversity and Productivity Experiments in European Grasslands”, Science, n°286, pp.1123-1127. Hölker F., Beare D., Dörner H., di Natale A., Rätz H-J, Temming A., Casey J., (2007), Comment on “Impacts of Biodiversity Loss on Ocean Ecosystem Services”, Science (316): 1285c. Holling C.S., (1973), “Resilience and stability of ecological systems”, Annual Review of Ecology and Systematics, vol.4, pp.1-24. Holmlund C.M. and Hammer M., (1999), “Ecosystem services generated by fish populations”, Ecological Economics (29): 253-268. Jaenike J., (2007), Comment on “Impacts of Biodiversity Loss on Ocean Ecosystem Services”, Science (316): 1285a. Loreau M., Naeem S., Inchausti P., Bengtsson J., Grime J.P., Hector A., Hooper D.U., Huston M.A., Raffaelli D., Schmid B, Tilman D. and D.A. Wardle, (2001), “Biodiversity and Ecosystem Functionings : Current Knowledge and Future Challenges”, Science, vol.294, pp.804-808. McCann K.S., (2000), “The diversity-stability debate”, Nature, vol.405, pp.228-233. McNaughton S.J., (1985), “Ecology of a grazing ecosystem: the Serengeti”, Ecology Monography, vol.55, pp.259-294. Pauly D. and Watson R., (2005), “Background and interpretation of the ‘Marine Trophic Index’ as a measure of biodiversity”, Philosophical Transactions of the Royal Society B., n°360, pp. 415-423 Schröter D. et al., (2005), “Ecosystem service supply and vulnerability to global change in Europe”, Science, vol.310, pp.1333-1337. Schwartz M.W. and al. (2000), “Linking biodiversity to ecosystem function: Implications for conservation ecology”, Oecologia, vol.122, pp.297-305. Şekercioğlu Ç.H., Daily G.C. and Ehrlich R., (2004), “Ecosystem consequences of bird declines”, PNAS, December 28, vol.101, n°52, pp.18042-18047. Wilberg M.J. and Miller T.J., (2007), Comment on “Impacts of Biodiversity Loss on Ocean Ecosystem Services”, Science (316): 1285b. Weber J-L., (2007),” Implementation of land and ecosystem accounts at the European Environment Agency”, Ecological Economics, vol.61, pp. 6 9 5- 7 0 7. Worm B., Barbier E.B., Beaumont N., Duffy J.E., Folke C., Halpern B.S., Jackson J.B.C., Lotze H.K., Micheli F., Palumbi S.R., Sala E., Selkoe K.A., Stachowicz J.J. and Watson R., (2006), “Impact of Biodiversity Loss on Ocean Ecosystem Services”, Science (314): 787-790. Worm B., Barbier E.B., Beaumont N., Duffy J.E., Folke C., Halpern B.S., Jackson J.B.C., Lotze H.K., Micheli F., Palumbi S.R., Sala E., Selkoe K.A., Stachowicz J.J. and Watson R., (2007), Response to Comments on “Impact of Biodiversity Loss on Ocean Ecosystem Services”, Science (316): 1285d. Yodzis P., (1981), “The stability of real ecosystems”, Nature, vol.289, pp.674 – 676. 89 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 LISTE DES SERVICES ECOSYSTEMIQUES FOURNIS PAR LES ECOSYSTEMES MARINS ET COTIERS SELON LES CATEGORIES DU MILLENIUM ECOSYSTEM ASSESSMENT Harold Levrel, Rémi Mongruel et Olivier Thébaud Catégories de services Support Détails des services Bioturbation Productivité primaire Productivité secondaire Cycle des nutriments et minéralisation Cycle de l’eau Création d’habitats pour les animaux et les végétaux (formation de sols) Cycle de l’oxygène et du carbone Catégories de services Approvisionnement Source de production du service (structure ou fonction) Biodiversité spécifique benthique invertébrée et poissons ayant une activité dans le substrat (ponte, recherche de nourriture, cache) Biodiversité génétique et spécifique par un effet de complémentarité, de redondance et de sélection Biodiversité génétique et spécifique par un effet de complémentarité, de redondance et de sélection Fixation gazeuse et décomposition des matières organiques par la biodiversité spécifique, à l’origine de la production d’azote nécessaire à la production primaire Océans comme base essentielle du cycle de l’eau Biodiversité des invertébrés du sol, microorganismes du sol, plantes fixatrice d’azote, plantes et animaux producteurs de déchets organiques Océans comme base essentielle des cycles de l’oxygène et du carbone Détails des services Poissons pour l’alimentation Crustacées pour l’alimentation Mollusque pour l’alimentation Algues pour l’alimentation Gibier d’eau Matériaux de construction Matériaux de confection Pétrole Naissain (pour les mollusques d’élevage) Farine de poisson comme nourriture animale Huile de poisson comme nourriture animale Engrais Source de production du service (structure ou fonction) Biodiversité génétique et spécifique permet de limiter les risques d’extinction des pêcheries, la variabilité des prises et facilitent le renouvellement des pêcheries en crise Abondance et diversité des crustacés Abondance et diversité des mollusques Abondance et diversité et des algues Abondance et diversité des oiseaux Abondance et diversité des matières premières nécessaires à la construction (sédiments marins, sables et pierre) Abondance et diversité des matières premières nécessaires à la confection (peaux) Abondance et diversité des gisements de pétrole Biodiversité des naissains Biodiversité halieutique Biodiversité halieutique Biodiversité des organismes permettant de produire des engrais organiques (algues, varech, arêtes de poissons…) 90 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Molécules pour les produits pharmaceutiques Modèles chimiques Ressources génétiques Matérieux pour l’artisanat (perle, nacre…) Support pour le transport de marchandises et de passagers Organismes test Molécules pour la cosmétique Molécules pour les produits industriels (glues) Stockage d’eau douce (estuaires) Diversité moléculaire des ressources renouvelables et non renouvelables des zones marines et côtières Biodiversité disposant des caractéristiques nécessaires à la fourniture d’organisme test Biodiversité génétique marine et côtière Biodiversité à la base de la production de matériaux utiles pour l’artisanat Océans et mers comme supports des routes marines Biodiversité des organismes disposant des caractéristiques nécessaires à la fourniture d’organisme test Diversité moléculaire des ressources renouvelables et non renouvelables des zones marines et côtières Diversité moléculaire des ressources renouvelables et non renouvelables des zones marines et côtières Etat de santé des estuaires 91 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Catégorie de services Régulation Détail des services Source de production du service (structure ou fonction) Dynamique de la fertilité des sols Biodiversité des invertébrés du sol, microorganismes du sol, plantes fixatrice d’azote, plantes et animaux producteurs de déchets organiques Diversité et abondance du zooplancton Contrôle de la dynamique du phytoplancton Contrôle de la dynamique du zooplancton Contrôle de la dynamique des populations de poissons Entretien de l’équilibre hydrologique Zone de frayage pour les espèces Zone de refuge pour les espèces Résilience face aux perturbations naturelles ou humaines Contrôle des pathogènes et des nuisibles Régulation des herbivores Atténuation des effets de l’eutrophisation Contrôle de la pollution et détoxification Transfert d’énergie du substrat vers les niveaux trophiques élevés Contrôle des vagues et de l’énergie des courants Régulation de l’érosion et de l’envasement Dynamiques de sédimentation nécessaire aux micro-organismes et à la faune benthiques Atténuation de l’effet de l’élévation du niveau de la mer et des inondations Protection contre les ultraviolets Purification de l’air Régulation du climat global Régulation du climat local Rétention des sols Contrôle de la turbidité de l’eau Diversité et abondance des espèces zooplanctivores Diversité et abondance des espèces piscivores Cycle de l’eau assuré par les océans et les habitats côtiers Biodiversité des herbiers marins, zones humides, marais salant et banc d’huître Diversité des habitats marins et côtiers Biodiversité génétique et spécifique par un effet de complémentarité, de redondance et de sélection Biodiversité spécifique à travers le rôle des populations de prédateurs et des organismes filtrants Biodiversité spécifique à travers le rôle des populations de prédateurs Biodiversité spécifique à travers le rôle des organismes filtrants Biodiversité spécifique à travers le rôle des organismes filtrants Biodiversité spécifique composant la chaîne trophique Diversité des habitats marins et côtiers ayant un rôle de zone tampon (herbiers marins, dunes…) Biodiversité des herbiers marins Biodiversité des herbiers marins Biodiversité spécifique de la végétation Océans et mers ont un rôle important dans les cycles biogéochimiques et abritant des micro-organismes utiles pour la protection contre les UV Océans et mers ont un rôle important dans les cycles de l’oxygène et du carbone Océans stabilisent la quantité de CO2 dans l’atmosphère et régulent la température de l’atmosphère globale Océans stabilisent la quantité de CO2 dans l’atmosphère et régulent la température de l’atmosphère locale Biodiversité d’espèces racinaires Biodiversité spécifique à travers le rôle des organismes filtrants 92 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Régulation de la qualité de l’eau Contrôle des maladies humaines Transport des espèces Transport d’énergie Transport du carbone, des minéraux et des nutriments Recyclage des déchets Régulation des flux de carbone de l’eau vers l’atmosphère Stockage de carbone Catégories de services Culturels Détails des services Support d’emplois « traditionnels » pour les populations littorales Identité culturelle des populations littorales Vues (paysages côtiers) Ecotourisme Tourisme de vision (baleine, dauphins) Baignade Randonnées Pêche récréative Navigation de plaisance Plongée sous-marine Surf et planche à voile Source d’inspiration Support pour des croyances religieuses Préservation de la biodiversité marine et côtière pour des raisons éthiques Source de connaissance Usage scientifique (modèle marin en recherche fondamentale) Excursions scolaires Suivi des changements globaux concernant l’environnement naturel Evaluation de l’état de santé des écosystèmes marins et côtiers (résilience/stress) Biodiversité spécifique à travers le rôle des organismes filtrants Diversité microbiologique Support offert par les océans et les mers La biodiversité permet de faire circuler l’énergie le long de la chaîne trophique Echanges physiques et chimiques offert par les océans et les mers Biodiversité spécifique des invertébrés du sol, micro-organismes aquatiques Océans stabilisent la quantité de CO2 dans l’atmosphère Biodiversité du phytoplancton, des macroalgues et des herbiers marins Source de production du service (structure ou fonction) Abondances des ressources dont dépendent les communautés locales Patrimoine naturel littoral en rapport avec des pratiques traditionelles Biodiversité paysagère Biodiversité paysagère Biodiversité animale Biodiversité des espèces filtrantes Biodiversité paysagère Biodiversité des espèces valorisées pour la pêche récréative Mers et océans Biodiversité marine Vagues et vent Biodiversité paysagère Entités naturelles sacrées Biodiversité marine et côtière Biodiversité marine et côtière Biodiversité marine et côtière Biodiversité marine et côtière Suivi des caractéristiques phrénologiques et de la distribution des espèces Caractéristiques des écosystèmes qu’il est possible de suivre pour évaluer leur état de santé 93 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Sources bibliographiques : Costanza R., d’Arge R., de Groot R., Farber S., Grasso M., Hannon B., Limburg K., Naeem S., O’Neill R. V., Paruelo J., Raskin R. G., Sutton P., and van den Belt M., (1997), “The value of the world’s ecosystem services and natural capital”, Nature, n°387, pp.253-260. Duarte C.M., (2000), “Marine Biodiversity and ecosystem services : an elusive link”, Journal of Experimental Marine Biology and Ecology, 250: 117-131. Holmlund C.M. and Hammer M., (1999), “Ecosystem services generated by fish populations”, Ecological Economics (29): 253-268. Jackson J.B.C., Kirby M.X., Berger W.H., Bjorndal K.A., Botsford L.W., Bourque B.J., Bradbury R.H., Cooke R., Erlandson J., Estes J.A., Hughes T.P., Kidwell S., Lange C.B., Lenihan H.S., Pandolfi J.M., Peterson C.H., Steneck R.S., Tegner M.J., Warner R.R., (2001), “Historical Overfishing and the Recent Collapse of Coastal Ecosystems”, Science 293(5530): 629-637 Kaiser M.J., Attrill M.J., Jennings S., Thomas D.N., Barnes D.K.A., Brierley A.S., Polunin N.V.C., Raffaelli D.G., Williams P.J. le B., (2005), Marine ecology: Processes, systems, and impacts, Oxford University Press, Oxford, 557p.. Kremen C., (2005), “Managing ecosystem services: what do we need to know about their ecology”, Ecology Letters 8: 468-479. MEA [Chap.18, « Marine fisheries systems »], (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: CURRENT STATE AND TRENDS, Findings of the Condition and Trends Working Group, Millennium Ecosystem Assessment Series, Washington, D.C., Island Press, 815p. (en ligne: http://www.maweb.org/en/products.aspx) MEA [Chap.19, « Coastal systems »], (2005), ECOSYSTEMS AND HUMAN WELL-BEING: CURRENT STATE AND TRENDS, Findings of the Condition and Trends Working Group, Millennium Ecosystem Assessment Series, Washington, D.C., Island Press, 815p. (en ligne: http://www.maweb.org/en/products.aspx) Millenium Ecosystem Assessment, (2002), People and Ecosystems: A Framework for Assessment and Action. Rönnbäck P., Kautsky N., Pihl L., Troell M., Söderqvist T. and Wennhage H., (2007), “Ecosystem Goods and Services from Swedish Coastal Habitats: Identification, Valuation, and Implications of Ecosystem Shifts”, AMBIO 36(7): 534-544. Solan M., Cardinale B.J., Downing A.L., Engelhardt K.A.M., Ruesink J.L., Srivastava D.S., (2004), “Extinction and Ecosystem Function in the Marine Benthos”, Science 306: 1177-1180. Wilson M.A., Costanza R., Boumans R. and Liu S., (2004), “Integrated assessment and Valuation of ecosystem goods and services provided by coastal systems”, in Wilson J.G., (ed.), The Intertidal Ecosystem: The Value of Ireland’s Shores, Dublin: Royal Irish Academy, pp. 1–24. Worm B., Barbier E.B., Beaumont N., Duffy J.E., Folke C., Halpern B.S., Jackson J.B.C., Lotze H.K., Micheli F., Palumbi S.R., Sala E., Selkoe K.A., Stachowicz J.J. and Watson R., (2006), “Impact of Biodiversity Loss on Ocean Ecosystem Services”, Science (314): 787-790. 94 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Evaluation des politiques publiques de protection de la biodiversité O. Thébaud1, R. Mongruel1 et H. Levrel1 1 Ifremer Brest Les politiques de protection de la biodiversité impliquent des enjeux économiques importants qui sont au cœur de travaux de recherche en développement rapide au niveau international. Cette note a pour but de décrire brièvement le contexte dans lequel se développent les travaux relatifs à l’évaluation économique des politiques de protection de la biodiversité, la nature des recherches conduites, et les perspectives de développement futur de ce domaine de recherche, en particulier à l’Ifremer. Contexte Une part importante de la biodiversité ne fait pas l’objet de régimes d’appropriation incitant à une gestion responsable. Elle se situe en dehors de la sphère des rapports marchands, et ne bénéficie pas d’un régime juridique favorisant les approches contractuelles pour son maintien. Pour la part du vivant qui est exploitée commercialement, les pertes de biodiversité correspondent à la réduction significative d’abondance voire à la disparition de certaines espèces, consécutive en général à leur statut de ressources « communes ». Ce statut induit des interactions entre exploitants débouchant sur le développement de surcapacités, voire d’une surexploitation. Les atteintes au vivant peuvent aussi concerner des composantes ne faisant pas l’objet d’une exploitation commerciale, mais qui jouent un rôle, direct ou indirect, dans le maintien et le développement d’usages non-marchands, extractifs ou non extractifs (activités récréatives par exemple). Elles peuvent enfin relever d’impacts des activités humaines, marchandes et non-marchandes, sur des composantes d’écosystèmes sans implications directes pour des usages existants. Dans les trois cas, les effets des activités humaines sur la biodiversité représentent des coûts pour la collectivité, que les agents économiques ne sont pas incités à prendre en compte dans les calculs fondant la décision économique (privée comme publique). Le fait que des ressources vivantes, a priori renouvelables, risquent d’être définitivement perdues confère une dimension inter temporelle à ces impacts, qui complique l’analyse, et soulève en particulier des questions d’équité intergénérationnelle. Se pose alors la question des moyens permettant de réintégrer, dans les calculs économiques fondant les décisions et les relations d’échange entre agents économiques, les éléments de valeur correspondant aux services rendus par la biodiversité. Cette question renvoie, d’une part aux modalités d’évaluation en termes monétaires des services rendus par la biodiversité, en particulier au niveau macro-économique, et d’autre part, à la possibilité d’instaurer des mécanismes susceptibles d’inciter les agents à intégrer ces valeurs dans leurs calculs, au niveau micro-économique. La difficulté de l’évaluation résulte du caractère multidimensionnel de la biodiversité, qui concerne à la fois les gènes, les espèces, les écosystèmes et leurs fonctions. De plus, la nature des services effectifs de la biodiversité au maintien de l’intégrité des écosystèmes, et à la résilience de la biosphère est mal connue. Des relations souvent distantes dans l’espace et dans le temps entre les causes et les effets de la dégradation de la biodiversité accroissent une complexité qui rend plus difficile la prise en compte des objectifs de maintien ou de restauration de la biodiversité. Le souhait de stopper l’érosion de la biodiversité, voire dans certains cas de restaurer des niveaux élevés de biodiversité, relève donc pour une grande part de l’approche de précaution dans un contexte marqué par l’incertitude. Nature des recherches conduites au niveau international Un premier ensemble de travaux porte sur la caractérisation et l’évaluation des services rendus par la biodiversité, sous l’angle économique. Du point de vue de l’évaluation, la fonction des indicateurs économiques est de révéler en quoi les variations de biodiversité sont associées à des variations de bien-être. De nombreuses méthodes d’évaluation monétaire directe ou indirecte ont été développées, et appliquées notamment à l’analyse de l’état des écosystèmes. La prise en compte de telles évaluations dans les évaluations de programmes d’aménagement au niveau local, ou dans les indicateurs de comptabilité utilisés pour décrire les performances d’une économie, se développe rapidement au niveau international. 95 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 D’autres travaux portent sur la construction d’indicateurs économiques résultant de processus sociaux de négociation visant à attribuer une valeur aux services rendus par les écosystèmes, au travers de la réparation monétaire ou d’investissements dans des mesures compensatoires de remise en état. Aucune mesure de valeur n’a un caractère permanent et absolu. Il s’agit de mesures relatives à l’intensité des services de la nature et aux valeurs que la société attache aux écosystèmes. Ces dernières varient dans l’espace et dans le temps. L’utilisation d’équivalents monétaires n’implique pas nécessairement commensurabilité et substituabilité entre toutes les composantes de la nature et entre capital naturel et capital humain. Une partie des recherches concernant les indicateurs économiques relatifs à la biodiversité porte sur ces questions, et sur la place des indicateurs économiques parmi les autres formes d’évaluation des services rendus par les écosystèmes (e.g. comptabilité physique de la biodiversité, étude des perceptions et des usages de la biodiversité, ou mesure des relations fonctionnelles entre composantes des écosystèmes). Un second ensemble de travaux porte sur la question des mécanismes incitatifs susceptibles de conduire à des décisions économiques prenant mieux en compte les services rendus par la biodiversité. Cette question renvoie à un champ de l’évaluation économique des politiques environnementales qui a connu un développement rapide au niveau international au cours des dernières décennies, avec des applications dans différents domaines intéressant la biodiversité. Ces réflexions portent par exemple sur les modalités et conditions de mise en œuvre de systèmes de droits échangeables d’exploitation de ressources vivantes, de dispositifs de fiscalité environnementale, de systèmes de labels écologiques, ou de mécanismes de responsabilité sans faute. Dans tous les cas, il s’agit de mesures dont l’objectif est de rendre l’impact négatif d’une activité sur l’écosystème « facturable » à l’agent qui en est à l’origine. L’analyse des différentes options dans ce domaine considère en particulier l’efficacité relative des différentes mesures possibles, et leurs conditions d’acceptabilité sociale. L’application aux politiques de protection de la biodiversité de cette problématique pose en particulier la question des modalités de reconnaissance d’atteintes aux écosystèmes autres que celles ayant des conséquences sur les activités commerciales. Certains exemples existent au niveau international, qui ont fait l’objet d’études spécifiques. C’est le cas, par exemple, du dispositif « NRDA » américain. En formalisant des procédures d’évaluation débouchant sur une reconnaissance des dommages aux écosystèmes, la législation américaine a construit un cadre réglementaire incitatif renforçant les actions de prévention, de restauration ou de compensation. L’étude de l’effectivité et de l’efficacité de ce type de dispositif est un domaine de recherche en économie qui se développe rapidement, en collaboration avec des juristes spécialistes de droit de l’environnement, et de spécialistes des questions institutionnelles. Perspectives de développement des recherches Les deux grands ensembles de travaux cités supra devraient se renforcer encore dans les années qui viennent, dans un cadre pluridisciplinaire associant sciences de la nature, analyse économique et droit de l’environnement. Les travaux devraient donc porter : - la normalisation des méthodes d’évaluation économique : constitution de référentiels méthodologiques (protocoles) ; mise en place de bases de données (connaissance distribuée, métadonnées) constituées d’études de référence mobilisables pour les transferts de valeurs ; renforcement des dispositifs intégrés de suivi de l’état des écosystèmes et de leurs usages marchands et non-marchands ; - le développement des méthodes permettant la prise en compte de la biodiversité dans la comptabilité nationale et dans les observatoires au travers d’indicateurs économiques : développement de mesures en équivalents monétaires de variations de surplus associées aux variations de l’état de la biodiversité et des ressources naturelles, en complément des comptes satellites établis actuellement en termes physiques et du suivi des dépenses de protection de l’environnement ; le développement des études d’évaluation des politiques de protection de la biodiversité et de gestion des ressources naturelles, ayant pour objectif d’analyser, par grands domaines concernés, les potentialités et conditions de mise en œuvre dans le contexte français et/ou européen d’instruments de politique reposant sur les incitations économiques tels que la fiscalité, les marchés de droits, les écolabels, les mécanismes de responsabilité. 96 Groupe de Prospective Nationale « Biodiversités marines » mars 2008 Références Ando, A. W., M. Khanna, et al. (2004). Natural Resource Damage Assessment: Methods and Cases, Submitted to the Illinois Waste Management and Research Center: 109 p. http://www.wmrc.uiuc.edu/main_sections/info_services/library_docs/RR/RR-108.pdf. Anonyme (2001). OPA 90 Programmatic regulatory assessment. Washington, DC, U.S. Coast Guard: 79 http://www.uscg.mil/hq/gm/regs/PDF/pra-main.pdf. Anonyme (2004). "Directive 2004/35/CE du Parlement Européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux." Journal officiel de l'Union Européenne L(143): pp. 56-75. Barbier, E.E., Burgess, J.C., Folke, C., 1994. Paradise Lost ? The Ecological Economics of Biodiversity. Earthscan, London. Barnthouse, L. W. and R. G. Stahl (2002). "Quantifying Natural Resource Injuries and Ecological Service Reductions: Challenges and Opportunities." Environmental Management 30(1): 1-12. http://www.springerlink.com/content/a3klppuk0y9r83ef/ EPA (2004), International Experiences with Economic Incentives for Protecting the Environment, National Centrer for Environmental Economics Report http://yosemite.epa.gov/ee/epa/eermfile.nsf/vwAN/EE-0487-01.pdf/$File/EE-0487-01.pdf. IFEN, 2007. L’économie de l’environnement en 2007. Rapport de la Commission des comptes et de l’économie de l’environnement. IFEN. Jones, C. A. and K.-A. Pease (1997). "Restoration-based compensation measure in natural resource liability statutes." Contemporary Economic Policy 15: pp.110-122. http://cep.oxfordjournals.org/cgi/reprint/XV/4/111.pdf Meade Norman, 2006, Conducting Cooperative Natural Resource Damage Assessments : A case Study of the Chalk Point Oil Spill, Atelier sur "les dommages écologiques causés par les marées noires: évaluations économiques et indemnisations", AMURE, Paris 18-19 mai 2006. http://www.univ-brest.fr/gdr-amure/Atelier-apr/interventionspdf/Meadeapr2006.pdf NOAA. (2002). "Natural Resource Damage Settlements and Judgments." Damage Assessment and Restoration Program. Ofiara, D. D. (2002). "Natural resource damage assessments in the United States: rules and procedures for compensation from spills of hazardous substances and oil in waterways under US jurisdiction." Marine Pollution Bulletin 44(2): pp.96-110. http://www.sciencedirect.com/science/article/B6V6N-448FP9S5/2/999e5151343da6b23d8d2222169320fa Paulo A.L.D. Nunes, Jeroen C.J.M. van den Bergh, Peter Nijkamp, The Ecological Economics of Biodiversity—Methods and Policy Applications, Edward Elgar Publishing, Cheltenham. ISBN: 1-84376 270-6, 2003, 165 pp. Perrings, C.K.-G., Mäler, C., Folke, C.S., Holling, B.O., 1995. Biodiversity Loss. Economic and Ecological Issues. Cambridge University Press, Cambridge and New York. Piermont L. « La biodiversité est-elle finançable ». Biodiversité : Science et Gouvernance en Régions. Journées techniques, La Rochelle, 12-14 décembre 2005. Swanson, T.M. (Ed.), 1995. The Economics and Ecology of Biodiversity Decline. The Forces Driving Global Change. Cambridge University Press, Cambridge and New York. Tacchoni, L., 2000. Biodiversity and Ecological Economics. Participation, Values and Resource Management. Earthscan, London and Sterling, VA. Thur Steven, 2006, The United States' Experience : resolving oil pollution liability with restorationbased claims, Atelier sur "les dommages écologiques causés par les marées noires: évaluations économiques et indemnisations", AMURE, Paris 18-19 mai 2006. http://www.univ-brest.fr/gdr-amure/Atelier-apr/interventionspdf/Thurapr2006.pdf Ulibarri, C. A. and K. F. Wellman (1997). Natural Resource Valuation: A Primer on Concepts and Techniques, United States Government - Department of Energy: 86 p. http://homer.ornl.gov/nuclearsafety/nsea/oepa/guidance/cercla/valuation.pdf 97