mise au point Mise au point Physiologie : la pression artérielle moyenne Denis Chemla* Le clinicien dispose de verse le système et en un deux chiffres de pression ’hypertension artérielle est définie à partir des effort. Le flux est le taux de artérielle (PA) mesurés seuls chiffres de pression artérielle systolique et variation en fonction du au brassard : la PA systotemps de l’élément étudié lique (PAS) et la PA dias- diastolique, et, depuis de nombreuses années, les (volume, température, etc.) tolique (PAD). À partir contributions respectives de PAS et de PAD au et l’effort est la force resde ces deux chiffres, il de ce flux. Le risque cardiovasculaire ont été largement discutées. ponsable peut éventuellement calproduit des deux (flux × culer la pression artérielle Plus récemment, les liens entre risque cardiovascu- effort) a la valeur d’une pulsée, ou différentielle laire et pression pulsée ont été démontrés. Le pré- puissance, c’est-à-dire (PP = PAS - PAD), et énergie par unité de sent article rappelle le rôle physiologique majeur et d’une approcher la valeur de la temps qui peut être soit dispression artérielle moyen- souvent négligé, voire oublié, de la pression arté- sipée, soit stockée, soit ne selon la formule empi- rielle moyenne (PAM). transportée sans perte. Par rique : analogie avec les circuits ments pratiques évidents mais ne doit pas PAM = PAD + 1/3 (PP). électriques, la résistance (R), la capacitance faire oublier les bases de la physiologie L’hypertension artérielle est définie à partir (C) et la self-inductance (L) sont les trois cardiocirculatoire, au risque de pérenniser des seuls chiffres de PAS et de PAD et, éléments correspondant respectivement à des raisonnements physiopathologiques depuis de nombreuses années, les contributrois modes de traitement de l’énergie : tions respectives de la PAS et de la PAD au dissipation, stockage de l’énergie potenincomplets ou erronés. risque cardiovasculaire ont été largement distielle et stockage de l’énergie cinétique. cutées. Plus récemment, les liens entre risque cardiovasculaire et PP ont été démontrés. Le rôle de la PAM a été moins étudié, vraisemblablement pour plusieurs raisons : Si le clinicien analyse les PA systolique et – la PAM ne peut pas être mesurée directeLa pression est une grandeur physique qui diastolique mesurées au bras, le physioment en pratique clinique. Une incertitude correspond à une force par unité de surface logiste analyse également la PA selon ses importante est liée aux modifications (longueur2). Le produit d’une pression muldeux composantes, moyenne et pulsée. induites par l’âge et le niveau de pression sur tiplié par un volume (longueur3) représente Comme toute oscillation périodique, la la forme du signal, et donc sur le facteur 1/3 donc un travail (soit le produit d’une force courbe de PA peut se décomposer selon sa de la formule empirique de calcul de PAM ; multipliée par une longueur). Ainsi, la presvaleur moyenne et son amplitude. La PAM – il est difficile de raisonner à partir de sion correspond également à un travail (une est la pression qui régnerait théoriquedeux pressions (PAS, PAD), encore plus à énergie) par unité de volume. En divisant ment dans un système dépourvu de pulsapartir de trois (PAS, PAD, PP) ; inclure alors numérateur et dénominateur par le temps, tions, toutes choses étant égales par une quatrième pression ne paraît pas raion voit que la pression correspond aussi à ailleurs. Au niveau artériel périphérique, sonnable ; une puissance (énergie/temps) par unité de – pour beaucoup, la signification de la l’amplitude maximale (PAS) et l’amplitude débit (volume/temps). PAM est trop théorique. minimale (PAD) de la pulsation ne sont Pression = force/surface = travail/ Cette attitude d’ignorance ou de défiance pas symétriques autour de la moyenne : volume = puissance/débit vis-à-vis de la PAM repose sur des arguPAS = PAM + 2/3 (PP) La pression caractérise l’état thermo-dynaPAD = PAM - 1/3 (PP) Ainsi, en périphérie, la valeur de PAD a mique d’un système (variable d’état) en une influence deux fois plus importante étant spécifique non de la taille du système que la valeur de PAS sur PAM : mais d’une propriété locale de ce système. * Service de physiologie cardiorespiratoire, PAM = PAD + 1/3 (PP) = Chaque processus énergétique de l’organisCHU de Bicêtre, université Paris XI, AP-HP, 2/3 (PAD) + 1/3 (PAS) Le Kremlin-Bicêtre Cedex. me peut être décomposé en un flux qui tra- L Rappels : les définitions de la pression Act. Méd. Int. - Hypertension (13), n° 8/9, octobre/novembre 2001 196 PAM et PP mise au point Mise au point Modèle de description La physiologie cardiocirculatoire repose sur une modélisation simple de la PAM, qui a, de plus, l’avantage de relier la PAM à la fréquence cardiaque et au débit cardiaque. Tout flux moyen peut s’exprimer par le produit d’une grandeur régulée (effort moyen) et d’une conductance (inverse d’une résistance). Pour le débit cardiaque : DC = (PAM - Pod) x (1/RVS) PAM = (DC × RVS) + Pod où DC est le débit cardiaque, RVS la résistance vasculaire systémique et Pod la pression auriculaire droite prise comme reflet de la pression circulatoire moyenne. La PAM est constante dans les grosses artères ; elle est donc considérée comme la force circulatoire motrice au niveau des différents organes : PAM = (DL × RVL) + Pcf où DL est le débit sanguin local, RVL la résistance vasculaire locale et Pcf la pression critique de fermeture. Les liens entre la PAM et les différentes fonctions d’organe sont propres à chaque territoire considéré (par exemple, liens entre PAM et natriurèse pour le rein) et ne seront pas détaillés ici. Variations de PAM Ainsi, toutes choses étant égales par ailleurs, une augmentation de la PAM peut résulter d’une augmentation du DC, de la RVS ou de la Pod. De même, une diminution de la PAM peut résulter d’une diminution du DC, de la RVS ou de la Pod. Cette équation fondamentale de la physiologie permet de relier très simplement la PAM à la fréquence cardiaque (Fc) et au volume de sang éjecté à chaque systole (VES), puisque le DC est égal au produit (Fc × VES). En dehors de l’HTA du sujet jeune ou des rares syndromes associés à un hyperdébit, le débit cardiaque est dans les limites de la normale dans l’HTA. Dans la mesure où la Pod est proportionnellement négigeable par rapport à la PAM, la PAM est alors un bon reflet de la RVS. Le rôle de la RVS est au centre de la physiopathologie de l’hypertension artérielle, et explique l’effet bénéfique des vasodilatateurs artériels sur la PA. La loi de Poiseuille, qui gouverne le débit d’un liquide circulant dans un tube cylindrique rigide, permet d’approcher les déterminants de la résistance : Débit = (gradient de pression) × (π r4/8 η L) Résistance = 8 η L/π r4 En physiologie humaine, la longueur de l’arbre artériel (L) et la viscosité sanguine (η) varient peu, et ce sont essentiellement de très faibles variations du rayon artériolaire fonctionnel (r) qui déterminent les variations de la RVS. Dans le schéma classique, une augmentation du tonus des petites artères musculaires et des artérioles (artères dites résistives) est à l’origine de l’HTA via une augmentation de la RVS. Cœur et PAM L’activité mécanique du ventricule gauche fournit l’énergie cinétique nécessaire à la propagation du sang. Mais la majeure partie du travail externe du ventricule gauche se retrouve sous forme d’énergie statique (ou potentielle), dont la composante moyenne est la chaleur dissipée dans la microcirculation (friction), et la composante pulsée la chaleur créée par les oscillations du sang dans les grosses artères. Ainsi, sur le plan énergétique, la PAM représente une énergie potentielle (travail statique) par unité de volume, liée à la chaleur dissipée par friction le long du réseau circulatoire La PAM représente la composante moyenne de la charge artérielle, soit plus de 80 % de la charge qui s’oppose à la contraction cardiaque (postcharge). Les 20 % restants 197 ont cependant un rôle majeur dans le développement d’une hypertrophie ventriculaire gauche en augmentant la charge pulsatile du cœur et en compromettant le remplissage coronaire. PAS, PAD, PP : difficultés de la modélisation En périphérie, il n’existe aucune modélisation simple de la PAS, de la PAD ni de la PP. Au niveau central, la pression aortique systolique (PAoS) est reliée à la consommation en oxygène du myocarde sans qu’aucune modélisation globale puisse être proposée. Pour une pression aortique diastolique (PAoD) donnée, les déterminants de la PAoS et de la pression aortique pulsée (PPAo) sont les mêmes. La PPAo est principalement fonction du volume d’éjection systolique, de la compliance artérielle et des ondes de réflexion. Chez un sujet sain, l’onde de pression se réfléchit en protodiastole, ce qui favorise le remplissage coronaire. Chez le sujet âgé ou dans certaines pathologies (HTA), les réflexions surviennent en télésystole, ce qui augmente la charge pulsatile du cœur et compromet le remplissage coronaire. Dans le modèle simplifié, dit de Windkessel, la PPAo est égale au volume d’éjection systolique divisé par la compliance artérielle totale (C). La valeur de C est très théorique, puisque ce modèle ne prend pas en compte les ondes de réflexion, dont l’existence est largement démontrée. Dans ce même modèle, la PAoD est fonction de la pression aortique en fin d’éjection, de la durée de la diastole et de la constante de temps artérielle (Tau = RVS × C). En négligeant la Pod, on peut démontrer qu’il existe un rapport de proportionalité identique entre PPAo et PAM, d’une part, et durée du cycle cardiaque (T) et constante de temps artérielle, d’autre part : PPAo/PAM = T/Tau mise au point Mise au point Cette équation permet d’illustrer les liens entre les différents facteurs de risque cardiovasculaire : pression artérielle, fréquence cardiaque et propriétés artérielles (résistives et élastiques). D’autres modélisations théoriques, prenant en compte les ondes de réflexion, sont également en cours de développement. Mais aucune modélisation synthétique n’a été à ce jour proposée ni validée pour les pressions pulsatiles centrales. Approximations de la PAM Dans les services de réanimation ou les salles de cathétérisme, la PAM est mesurée précisément comme l’aire sous la courbe de pression invasive divisée par la durée du cycle cardiaque. En dehors de ces situations exceptionnelles, la PAM ne peut pas être mesurée directement ; elle est évaluée grâce à la formule empirique classique. Mais une incertitude importante est liée aux modifications induites par l’âge, le niveau de pression et le site de mesure sur la forme du signal et donc sur le facteur 1/3 de la formule empirique. Au niveau brachial, le facteur 1/3 pourrait se rapprocher de 1/2 chez les sujets de plus de 60 ans, et la PAM calculée avec la formule empirique classique pourrait alors ne plus être un bon reflet de la RVS. Les implications en termes de stratification du risque sont à l’étude. Chez l’adulte, au niveau de l’aorte thoracique, le facteur 1/3 est remplacé par un facteur compris entre 2/5 et 1/2. Chez le nouveau-né, le facteur 1/3 est remplacé par un facteur 2/5 et 1/2 au niveau des artères tibiale et radiale, respectivement. Enfin, rappelons que la définition de valeurs normales de pression (PAS, PAD, PP, PAM) est difficile pour plusieurs raisons : la PA a une distribution continue dans la population ; la PA semble influencée par l’âge, l’ethnie, l’origine géographique, le sexe et le statut socio-économique ; les valeurs de la PA sont très variables au cours de la journée et selon le stress externe ; les artefacts de mesure sont nombreux. PAM et amplification de l’onde de pouls La PAD périphérique et la pression aortique diastolique sont pratiquement similaires, mais la PAS périphérique est plus élevée que la PA systolique aortique, de 15 mmHg en moyenne. La PA pulsée périphérique est donc plus élevée que la PA pulsée aortique de 15 mmHg en moyenne. Cette “amplification de l’onde de pouls”, qui est fonction des caractéristiques de propagation et de réflexion de l’onde de pression, diminue lorsque la compliance artérielle baisse ou en cas de vasoconstriction artérielle. Une augmentation de PP traduit une augmentation de PAS associée à une PAD franchement augmentée (quand RVS augmente) ou peu modifiée (quand la compliance artérielle diminue). La PA moyenne est la même au niveau aortique et artériel périphérique, et il en va de même pour la PA diastolique. En faisant l’hypothèse d’une amplification de l’onde de pouls de 15 mmHg en moyenne, on obtient : PAoM = PAD + 1/3 (PP) = PAoD + 1/3 (PPAo + 15 mmHg) PAoM = PAoD + 1/3 (PPAo) + 5 mmHg Cette modification de la formule empirique au niveau aortique a récemment été validée. Redondance Au niveau aortique, l’extrême précision de cette approximation suggère que deux pressions seulement (soit PAoM et PPAo, soit PAoS et PAoD) fournissent une information suffisante, les deux autres pressions étant redondantes. Ce résultat surprenant est observé, quelles que soient la fréquence cardiaque, l’amplitude et la chronologie des ondes de réflexion. Ce résultat pourrait reposer sur une redondance des déterminants de PAoS, PAoD, PAoP et PAoM. Nous avons vu que la formule empirique Act. Méd. Int. - Hypertension (13), n° 8/9, octobre/novembre 2001 198 classique permettait de calculer la PAM en périphérie, même si cette formule pourrait ne plus s’appliquer après 60 ans du fait de changements de forme du signal de pression. Toutes les études épidémiologiques actuelles utilisent la formule empirique de PAM et reposent donc sur l’acceptation d’une totale redondance de deux des quatre pressions (PAS, PAD, PP, PAM). Cela limite considérablement les raisonnements physiopathologiques reposant sur plus de deux pressions artérielles. En pratique, sur une banque de données, il semble logique de privilégier dans un premier temps les deux pressions le moins liées entre elles, cela pour minimiser les problèmes de multicolinéarité. Certaines études ont suggéré que l’élévation de la PAM augmentait le risque cérébrovasculaire, et que l’élévation de la PAS et de la PP (avec donc diminution de la PAD) augmentait le risque cardiaque et coronaire. PAM, respiration, baroréflexe, compliance La PAM est une pression intramurale, dont la valeur battement-à-battement est directement influencée par les pressions respiratoires. La PP est une pression transmurale, dont la valeur battement-àbattement n’est pas directement influencée par les pressions respiratoires, mais peut être influencée indirectement par les modifications aiguës du volume d’éjection systolique induites par la respiration. La PAM et la PP exercent une stimulation respectivement tonique et phasique sur les barorécepteurs aortiques et carotidiens. Il est classique de supposer que PAM et PP ne sont pas indépendantes. Une augmentation de PAM tend à diminuer la compliance artérielle, et donc à augmenter la PP. Certains auteurs ont proposé soit de calculer le rapport PP/PAM (ou “PP normalisée”), soit de comparer les valeurs de mise au point Mise au point la PP à niveau égal de PAM, pour s’affranchir de ce problème. Nous avons vu qu’au niveau aortique, la PP normalisée reflétait également le lien entre la fréquence cardiaque et les propriétés artérielles résistives (RVS) et élastiques (C). La PAM : une grandeur régulée La PAM est la grandeur régulée du système cardiocirculatoire : elle reflète un ensemble de régulations intégrées complexes. La PAM est très étroitement contrôlée par des mécanismes modifiant le tonus du muscle lisse vasculaire, la volémie, la fréquence cardiaque et les courbes de fonction cardiaque et vasculaire. La régulation de la PA assure à chaque organe une pression moyenne de perfusion constante, et permet que les variations de débit régional d’un organe n’interagissent pas avec le débit régional d’autres organes. L’autorégulation de la PA minimise les variations de la contrainte ventriculaire ✁ gauche, donc de la consommation myocardique en oxygène. Au niveau périphérique, différents mécanismes visent également à maintenir constante la contrainte circonférentielle autour d’une valeur “idéale”, qui varie selon le territoire artériel et entretient un effet trophique et sécrétoire sur la paroi. La résistance artérielle locale est ajustée pour optimiser l’apport tissulaire en nutriments et stabiliser la pression capillaire de filtration. un modèle simple pour la PAM, qui a, de plus, l’avantage de relier la PAM à la fréquence cardiaque et au débit cardiaque. La PAM reflète l’interaction complexe de facteurs, souvent redondants, contrôlant les résistances périphériques et le débit cardiaque. Le rayon fonctionnel des vaisseaux résistifs joue un rôle majeur dans cette régulation. Sur le plan énergétique, la PAM représente une énergie potentielle (travail statique) par unité de volume, liée à la chaleur dissipée par friction le long du réseau circulatoire. Le rôle de la PAM dans le risque cardiovasculaire est probablement incomplètement pris en compte actuellement, compte tenu des incertitudes portant sur la validité de la formule empirique classique, en particulier selon l’âge du sujet et son niveau de pression. Il est cependant probable que seules deux des quatre pressions (PAS, PAD, PAM, PP) suffisent à fournir une information pertinente, les deux autres pressions étant redondantes. Conclusion Si le clinicien analyse les PA systolique et diastolique mesurées au bras, le physiologiste analyse également la PA selon ses deux composantes, moyenne et pulsée. La PAM est constante dans les grosses artères ; elle est donc considérée comme la force circulatoire motrice au niveau des différents organes. En physiologie, il n’existe aucune modélisation simple de la PAS, de la PAD ni de la PP. En revanche, il existe ABONNEZ-VOUS ABONNEZ-VOUS Tarif 2001 Merci d’écrire nom et adresse en lettres majuscules ❏ Collectivité ................................................................................. à l’attention de .............................................................................. ❏ Particulier ou étudiant Dr, M., Mme, Mlle ........................................................................... Prénom .......................................................................................... Pratique : ❏ hospitalière ❏ libérale FRANCE / DOM-TOM / CEE ÉTRANGER (autre que CEE) ❐ 580 F collectivités (88,42 €) ❐ 700 F collectivités (127 $) ❐ 460 F particuliers (70,12 €) ❐ 580 F particuliers (105 $) ❐ 290 F étudiants (44,21 €) ❐ 410 F étudiants (75 $) joindre la photocopie de la carte ❏ autre.......................... 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